Le fléau des plaintes pour violences intrafamiliales classées sans suite

Le fléau des plaintes pour violences intrafamiliales classées sans suite

Dans un rapport de l’inspection générale de la Justice, publié le 17 novembre 2019, il est indiqué que 80 % des plaintes sont classées sans suite. Ces chiffres correspondent à ce que nous disent les victimes et les familles des victimes que nous rencontrons.

Les violences intrafamiliales sont une réalité qui touche des milliers de personnes en France et pourtant, l’immense majorité des plaintes déposées par les victimes ne donnent pas lieu à des poursuites judiciaires. Les raisons de cette situation sont multiples et complexes, mais les principales sont le manque de ressources consacrées à la lutte contre les violences domestiques, l’absence de formation, les préjugés face aux victimes, des faits qui n’ont pas pu être établis de façon probante suffisante.

Les services chargés de l’enquête et de la poursuite des violences intrafamiliales sont sous-financés, sous-staffés et surchargés de travail. Cela signifie que les enquêteurs et les procureurs n’ont pas toujours les moyens nécessaires pour mener des enquêtes approfondies et recueillir des preuves solides. En conséquence, les plaintes déposées par les victimes sont souvent classées sans suite, faute de preuves suffisantes.

L’autre grande problématique, ce sont les préjugés et les stéréotypes sur les victimes de violences domestiques qui influencent les décisions des enquêteurs et des procureurs. Ces derniers peuvent avoir tendance à penser que les victimes de violences domestiques sont responsables de ce qui leur arrive ou sous-estiment la gravité des violences subies.

Pour remédier à cette situation, il est essentiel de renforcer les ressources allouées à la lutte contre les violences intrafamiliales. Cela passe par une meilleure formation des intervenants aux réalités de ces violences et un apprentissage des bonnes pratiques pour écouter et recueillir des preuves solides. Enfin, il est crucial de protéger les victimes en mettant en place des mesures pour les aider à se sentir en sécurité et à sortir de la situation de violence dans laquelle elles se trouvent.

MAIS, voir sa plainte classée sans suite n’est pas forcément la fin du combat !!! Il existe d’autres pistes à suivre !

Alors, que faire en cas si sa plainte a été classée ?

Si une plainte a été classée sans suite, cela signifie que les autorités judiciaires ont jugé que :

  • Le préjudice subi par la victime est insuffisant pour déclencher des poursuites.
  • Le contexte de l’infraction pénale ne permet pas d’identifier l’auteur des faits.
  • L’acte ne constitue pas une infraction.

Dans tous les cas, vous pouvez envisager les options suivantes :

  1. Demandez des explications : Vous pouvez demander aux autorités judiciaires votre dossier (avec les références de l’affaire) et exiger des explications détaillées sur les raisons du classement. Interrogez le Bureau d’Ordre du Parquet, le Bureau d’Aide aux Victimes ou le Service Unique du Justiciable du TJ pour demander une copie de l’enquête préliminaire.
  2. Consultez un avocat : Si vous pensez que vous avez été victime d’une injustice, vous pouvez consulter un avocat pour savoir si vous avez des recours possibles, tels que des actions civiles ou pénales. Si vous ne pouvez pas vous permettre un avocat, vous pouvez contacter une organisation d’aide juridique locale pour obtenir de l’aide et des conseils.
  3. Faites appel : Pour faire appel d’un classement sans suite, il n’y a jamais de délai, ça peut se faire sans limite de temps. L’appel se fait par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du Procureur Général. Donnez les motivations de l’appel de la décision de classement, joignez l’avis de classement et la copie de l’enquête si vous l’avez demandée et obtenue, mentionnez la procédure de citation directe et tout ce qui plaidera en votre faveur.
  4. Saisissez directement le Doyen des juges d’instruction avec une lettre recommandée avec accusé de réception. Après avoir examiné votre courrier, ce dernier pourra soit rendre une ordonnance qui mettra fin à la procédure, soit ouvrir une information judiciaire. Un juge devra mener différentes investigations et décider de rendre une ordonnance de non-lieu ou demander que le dossier soit jugé par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.
  5. Tentez la citation directe : cela permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou de police, sans passer par un juge d’instruction ni enquête de la police. Elle est possible pour tous les délits sauf les crimes. Il est conseillé de prendre un avocat pour rédiger la citation. La pièce doit être accompagnée de toutes les preuves nécessaires. La citation directe est délivrée par un huissier de justice à la partie adverse et doit indiquer clairement la date, le lieu et l’heure de l’audience. Durant les débats, la victime et la défense sont entendues. À la fin de l’audience, le tribunal rend sa décision : soit il condamne l’auteur et le prévenu doit indemniser la victime, soit il relaxe le prévenu, et dans ce cas la victime peut être condamnée à une amende si la citation était abusive.

Rappelons que la plainte classée sans suite ne signifie PAS que l’incident en question ne s’est pas produit. Elle n’a pas autorité de chose jugée.

Le classement sans suite n’est PAS un désaveu de la victime. C’est juste qu’il n’y a pas assez d’éléments pour nourrir une procédure pénale susceptible d’aboutir OU pas assez de volonté/moyens pour enquêter. D’ailleurs, le classement sans suite n’est pas une décision définitive. Le procureur de la République peut revenir à tout moment sur sa décision et décider d’engager des poursuites, sauf si les faits sont prescrits.

Il est important à la fois de garder espoir mais surtout de continuer à collecter tous éléments à charge contre l’agresseur.

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

Comment le cerveau peut tout changer, comment faire reculer la culture du viol

Sexes et violences, Seuil 2023 de Danièle Tritsch et Jean Mariani

Danièle Tritsch et Jean Mariani, deux neurobiologistes, expliquent dans l’ouvrage Sexe et violences comment le cerveau peut tout changer. Il s’agit d’un plaidoyer pour l’éducation à une sexualité librement consentie. Les auteurs montrent qu’il existe un déterminisme qui dépend de multiples facteurs convergeant tous vers une même cible : le cerveau et sa plasticité.

Les conséquences de la culture du viol

Les chercheurs explorent les effets de la culture du viol sur le cerveau des agresseurs et des victimes. La culture du viol est un ensemble de croyances et de normes sociales qui minimisent ou justifient les agressions sexuelles, ce qui peut entraîner des conséquences graves sur la santé mentale et le bien-être des individus.

Altération du cerveau des agresseurs

Selon ces neuroscientifiques, les agresseurs sexuels présentent souvent des altérations du fonctionnement cérébral, notamment au niveau de l’amygdale et du cortex préfrontal. Ces régions du cerveau sont impliquées dans la régulation des émotions et des comportements, et leur altération peut entraîner une impulsivité accrue et une difficulté à ressentir de l’empathie pour les autres. Les études ont également montré que les agresseurs sexuels ont souvent une plus faible activité dans la région du cortex cingulaire antérieur, qui est impliquée dans la prise de décision et le contrôle de soi.

Altération du cerveau des victimes

En ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle, l’exposition à la culture du viol peut également avoir des effets néfastes sur leur santé mentale et leur fonctionnement cérébral. Les auteurs décrivent notamment les ravages des abus sexuels sur les victimes. Les victimes peuvent présenter des symptômes de stress post-traumatique, notamment des cauchemars et des flashbacks, ainsi qu’une hypersensibilité émotionnelle. Ces symptômes sont associés à des altérations du fonctionnement de l’amygdale et du cortex préfrontal, similaires à celles observées chez les agresseurs sexuels.

La culture du viol, une plaie pour tous

 D’une manière générale, la culture du viol affecte la façon dont les individus perçoivent les situations sexuelles et les relations interpersonnelles. Les personnes exposées à cette culture, c’est-à-dire tout le monde, sont susceptibles de minimiser ou de justifier les comportements agressifs et/ou de se sentir moins à l’aise pour exprimer leurs limites et leurs désirs sexuels. Pour briser la culture du viol, il est important de reconnaître les effets néfastes qu’elle peut avoir sur la santé mentale et le fonctionnement cérébral des individus. Et puis prévenir, éduquer pour changer les modes de pensées.

En effet, la clé est de promouvoir des normes sociales saines et de donner aux individus les outils nécessaires pour reconnaître et prévenir les comportements agressifs. Cela passera par de l’éducation sur le consentement, des interventions pour aider les individus à gérer leur propre stress et à développer des compétences sociales et émotionnelles de qualité, respectueuses de soi et d’autrui.

La mise en place de ces actions, aidées de la formidable plasticité du cerveau, augmentent l’espoir de prévenir les violences et de guérir victimes et bourreaux.

On peut faire reculer les cultures du viol et de l’inceste. Non, les violences sexuelles ne sont pas une fatalité


Vous pouvez consulter également notre guide Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

En mars 2015, une collecte nationale de données sur le parcours de soin des victimes de violences sexuelles a lieu, à l’initiative de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Celle-ci a mené une enquête auprès de 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans pour évaluer l’impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge.

Les données ont été collectées à partir d’un questionnaire anonyme auto-administré par ordinateur, composé de 184 questions diffusées via des sites web, des réseaux sociaux et des médias. Les données ont été analysées par une équipe de professionnels de la santé et de la victimologie.

L’objectif était d’améliorer l’identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Voici ce que raconte l’enquête et qui est toujours actuel.

Les violences sexuelles ont des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes, à court, moyen ET long terme. Sans soins adaptés, elles vont détériorer le psychisme ainsi que le corps de la victime tout au long de leur vie. Les symptômes peuvent se manifester dès l’agression ou être des bombes à retardement qui risquent d’exploser des années plus tard parfois, via un détail qui rappelle les violences.

Avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance est considéré comme l’un des facteurs délétères les plus importants de la santé, même après cinquante ans. Les conséquences (décès prématuré par accidents, maladies et suicides, maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète, obésité, épilepsie, de troubles du système immunitaire et de troubles psychiatriques) sont proportionnelles à la gravité et à la fréquence des violences subies ainsi qu’aux circonstances aggravantes.

1/ Les traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont l’un des risques les plus courants associés à ces violences, avec un taux d’état de stress post-traumatique pouvant atteindre 80% chez les victimes de viol et 87% chez celles ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance. Les troubles dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires et les conduites addictives sont également plus courants chez les victimes de violences sexuelles. Le fait que celles-ci soient subies dans l’enfance augmente considérablement le risque de personnalité borderline et les diagnostics de trouble limite de la personnalité.

La plupart des victimes de violences sexuelles présentent une variété de symptômes qui créent une situation de détresse psychique insoutenable. Parmi les symptômes les plus courants, on trouve une perte d’estime de soi, des troubles anxieux, des troubles du sommeil, l’impression d’être différent des autres, le stress et l’irritabilité.

D’autres troubles plus handicapants comprennent les troubles phobiques, les symptômes intrusifs, les troubles de l’humeur, la fatigue chronique, les symptômes dissociatifs, l’hypervigilance et les troubles sexuels. Dans l’enquête, les répondants sont 58% à évaluer leur souffrance mentale actuelle comme importante et 64% à l’avoir estimée comme maximale au moment où elle a été la plus importante.

2/ Les traumatismes physiques

Les conséquences sur la santé sont également physiques. Les victimes de violences sexuelles sont plus susceptibles de présenter de nombreuses pathologies, notamment cardio-vasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et neurologiques, ainsi que des douleurs chroniques et des troubles du sommeil. Ces violences peuvent également causer des atteintes des circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress. Les atteintes cérébrales sont visibles par IRM, avec une diminution de l’activité et du volume de certaines structures, une hyperactivité pour d’autres, ainsi qu’une altération du fonctionnement des circuits de la mémoire et des réponses émotionnelles.

Des altérations épigénétiques avec la modification du gène NR3C1, impliqué dans le contrôle des réponses au stress et de la sécrétion des hormones de stress, ont également été mises en évidence chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et bien-sûr, si les violences sexuelles entraînent une grossesse, l’impact est décuplé à tous les niveaux. Entre les interruptions volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées, les grossesses menées à terme, parfois par des mineures, les conséquences physiques, psychologiques, économiques, sociales, etc. sont très nombreuses pour les victimes.

3/ Un rapport à la santé altéré

Les victimes de violences sexuelles ont une consommation médicale plus importante, avec davantage de consultations en médecine générale, aux urgences et plus d’interventions chirurgicales rapportées, souvent inutiles car liées à la mauvaise image de soi. Paradoxalement, les victimes ont un seuil élevé de résistance à la douleur, ce qui peut les conduire à négliger des pathologies avant de consulter un médecin. Enfin, des conduites addictives, auto-agressives, des conduites sexuelles à risques, des troubles alimentaires de type anorexique et/ou boulimiques sont également fréquents et peuvent entrainer des conséquences dramatiques.

4/ Urgence d’installer des soins adaptés

Les intervenants doivent être conscients que plus les violences ont eu lieu dans l’enfance, plus les répercussions sont durables et profondes sur leur vie. Il faut à la fois agir vite, de manière adaptée et également mettre en place un vrai suivi dans le temps des victimes. En général, plus la prise en charge médicale est précoce et moins les victimes de violences sexuelles seront susceptibles de développer un état de stress post-traumatique et d’autres complications par la suite. Il est donc crucial que le personnel médical pose systématiquement la question des violences afin d’améliorer la prise en charge et la signalisation les situations de violence, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs ou de personnes vulnérables.

5/ Propositions d’améliorations

Voici des propositions à la fin de l’enquête pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Idéalement, il faudrait faciliter les démarches des victimes, mieux les informer via des professionnels de santé, des administrations, des plateformes web et téléphoniques. Des centres spécialisés pluridisciplinaires pourraient offrir une prise en charge globale et anonyme. La formation de tous les professionnels impliqués au dépistage les violences est urgente, ce qui inclut de croire les victimes et de reconnaître leur souffrance. Organiser des groupes de parole, donner du temps et un espace dédié au repos des victimes sont également des recommandations importantes. Enfin, l’éducation de la population est essentielle pour rompre le silence.


Sur l’impact sur la santé des violences sexuelles vous pouvez également consulter l’article « Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime« .

Vous pouvez également télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Quand les sciences comportementales aident à mieux repérer les victimes de violences conjugales

Quand les sciences comportementales aident à mieux repérer les victimes de violences conjugales

Depuis quelques années, la Haute Autorité de Santé (HAS) ainsi que les équipes en Sciences comportementales de la DITP (Direction interministérielle de la transformation publique) se sont alliées pour aider à la détection des violences faites aux femmes.

Les sciences comportementales explorent les activités et les interactions entre les humains. Ces expérimentations rigoureuses mettent en lumière des processus de décision et des fonctionnements individuels. Ensuite, ces scientifiques proposent des protocoles plus adaptés à la réalité de certains groupes d’humains pour aller vers un mieux-être collectif. Dans ce cadre de cette mission, leur travail consiste à trouver des outils performants pour aider les pros à mieux diagnostiquer les violences intra-familiales.

Cela participe à une meilleure capacité des professionnels à détecter des violences conjugales, avec ou sans signe d’alerte et renforce leur implication dans cette lutte. Il s’agit de recommandations adressées plus particulièrement aux hommes et aux femmes médecins, pédiatres, gynécologues, infirmier(e), puériculteur(trice), etc… susceptibles de croiser des victimes. L’enjeu de travailler sur le processus de diagnostic des violences intra-familiales est hyper important. C’est une façon puissante de multiplier les prises de conscience des professionnels de la santé, de les alerter, les former à une vigilance nécessaire, de favoriser la coordination avec les autres intervenants et in fine de venir en aide aux des victimes.

Ces spécialistes en sciences comportementales ont mis au point 2 nouveaux outils, mis à disposition des praticiens afin que ceux-ci puissent les expérimenter.

  1. Une recommandation simplifiée

Au contact de cette fiche pratique pour repérer, évaluer et agir, les professionnels ayant testé les conseils de cet outil ont su détecter 4.4 victimes par semaine contre 2.5 pour ceux qui qui n’avaient pas eu les éclairages. C’est une excellente nouvelle pour augmenter le nombre de dépistage.

2. Un questionnaire de prévention

Bien moins utilisé, parce que jugé trop chronophage et contraignant, il s’agit néanmoins d’un outil de plus en cas de soupçon.

Voici les conseils qui ont été sélectionnés par les scientifiques, spécialistes en sciences comportementales :

  • Mettre des affiches et des brochures à disposition des patients dans la salle d’attente. Questionner systématiquement, même en l’absence de signe d’alerte.
  • Penser aux violences particulièrement en contexte de grossesse et de post-partum.
  • Considérer l’impact sur les enfants du foyer pour les protéger.
  • Expliquer les spécificités des violences au sein du couple pour déculpabiliser la patiente et l’aider à agir.
  • Évaluer les signes de gravité.
  • Établir un certificat médical ou une attestation professionnelle pour faire valoir les droits de la victime et obtenir une mesure de protection.
  • Si besoin faire un signalement avec ou sans l’accord de la victime (si celle-ci est mineure ou jugé vulnérable), porter à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations constatés, sans nommer l’auteur des faits.
  • Informer la victime qu’elle est en droit de déposer plainte, les faits de violence sont interdits et punis par la loi.
  • L’orienter vers les structures associatives, judiciaires et sanitaires qui pourront l’aider.
  • S’entourer d’un réseau multi-professionnel

Et dans tous les cas, adopter une attitude empathique et bienveillante sans porter de jugement pour favoriser la libération de la parole.

Avec ces conseils, les patientes peuvent être mieux accompagnées dans l’appréhension de tous les différents types de violences (récurrentes et cumulatives bien trop souvent) : psychologiques, verbales, physiques, sexuelles, économiques qu’elles rencontrent.

Après analyse, tous les professionnels ayant reçu ces outils questionnent davantage les femmes et déclarent augmenter leur dépistage. Néanmoins, ils continuent de témoigner être mal à l’aise à aborder le sujet des violences conjugales de manière systématique et privilégient un discours plus ciblé.

Voici un extrait des recommandations diffusées aux professionnels de la santé :


Sources


Pour explorer d’autres recherches et d’autres outils vous pouvez consulter les articles suivants : le violentomètre, violences sexuelles et trouble alimentaire, Repérer prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants, L’EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L’EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L'EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L’EMDR est une thérapie cognitive spécialisée dans le traitement des traumatismes.

Ses initiales correspondent à Eye movement desensitization and reprocessing, ce qui se traduit par Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

Comme souvent en science, la découverte de l’EMDR a été faite par hasard. En 1987, une psychologue américaine, Francine Shapiro, observe que ses «petites pensées négatives obsédantes» disparaissent quand elle fait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite.

Elle creuse alors le sujet et met au point une méthode qui consiste «à faire effectuer une série de mouvements oculaires à un patient souffrant d’un traumatisme afin de le déconnecter de souvenirs et d’émotions négatives qui en résultent».

Elle en conclut que ça aide le patient à gérer son syndrome lié à ce choc traumatique, voire à le «guérir».

Méthode largement utilisée aux USA, elle peine à être déployée en France. Son efficacité a été pourtant validée par la Haute Autorité de Santé en 2007, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2013, puis par l’Inserm en 2015.

Des survivants des attentats du Bataclan, patients emblématiques traités par EMDR, témoignent aussi de ses bienfaits. Sur la page Facebook de l’association de victimes Life for Paris, certains n’hésitent pas à la recommander.

Comment ça fonctionne ?

  • Les mouvements oculaires activent le travail de cicatrisation psychique.
  • L’EMDR exploite les facultés du cerveau à transformer les informations à l’origine d’un traumatisme.
  • Le souvenir traumatisant est dissocié de l’émotion négative. En gros, le souvenir reste, mais pas la souffrance associée.
  • Le patient prend de la distance avec le traumatisme.

Les points positifs de cette méthode :

  • Méthode peu contraignante pour le patient. Pas besoin d’un « lâcher-prise » pour agir.
  • La thérapie EMDR est envisageable à tout âge.
  • Effets souvent spectaculaires pour les traumatismes psychiques (mais pas chez tous les patients).
  • L’EMDR peut aussi être utilisée dans des cas de dépression, d’angoisse et d’anxiété par exemple.
  • C’est une thérapie courte vers une psychanalyse. Quelques séances peuvent suffire.

Les points négatifs de l’EMDR :

  • Pendant la séance, le patient peut éprouver des moments de gêne, suite à la libération de souvenirs.
  • Après la séance, le « re-traitement » de l’information émotionnelle peut continuer de se faire par lui-même (rêves, fortes émotions, nausées, vertiges), signe qu’un travail en profondeur est en train de s’opérer.
  • Une personne ayant des problématiques enfouies n’a pas d’intérêt à aller « les réveiller » si elles ne sont pas douloureuses.
  • On déconseille la méthode aux personnes ayant des problèmes psychiatriques et psychotiques (psychose, schizophrénie) à cause d’une possible décompensation.
  • Pas d’étude sur son efficacité en préventif.

Pas de conclusion de notre part sur la science toute jeune de l’EMDR.

On constate simplement que les victimes de violences intrafamiliales utilisent de plus en plus cette thérapie contre leur psycho-traumas et la présentent comme accélérée et efficace.

A l’heure où les victimes sont trop souvent abandonnées par la société, cette piste et ses résultats semblent encourageants.

Il reste néanmoins essentiel de bien choisir son thérapeute pour s’assurer de la qualité des soins.

Nous vous conseillons cet article : https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sante-du-quotidien/2598946-emdr-methode-signification-risques-tarif-technique/

Nous vous conseillons également la lecture de l’article « Les psycho-traumas des victimes de violences« .


4 mesures de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs viennent d’être annoncées

4 mesures gouvernementales de lutte contre les violences sexuelles

Suite au rapport de la Ciivise, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants, qui a reçu plus de 16.000 témoignages, le gouvernement annonce mettre en place des mesures pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants.

  • L’autorité parentale sera retirée de principe dans le cadre d’une condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sauf mention contraire. On se demande bien pourquoi ce n’était pas encore le cas…
  • Il y aura un renforcement de l’accompagnement des enfants victimes durant tout le processus pénal, en lien avec des associations d’aide aux victimes. Un administrateur dédié en cas de défaillance parentale pourra également intervenir.
  • Une campagne de sensibilisation sur les violences sexuelles faites aux enfants sera mise en place, à la fois pour le grand public mais également à destination des mineurs. L’idée est d’aider à identifier les violences, qu’on en soit victime ou témoin.
  • Un meilleur accompagnement des professionnels confrontés à cette problématique est également prévu, à la fois une aide à la détection mais aussi une cellule d’appui pour échanger avec d’autres experts.

C’est un très bonne nouvelle mais tout cela doit impérativement être étendu à toutes les formes de violences intrafamiliales !


Vous pouvez trouver ici notre analyse du rapport Ciivise du 31 mars 2022.

Protecteurs experts

Qui sont les protecteurs experts ? Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus... Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu'elles traversent sont vécues par des milliers d'autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts… Ou comment la Justice force les victimes à devenir expertes dans les domaines liés à leur protection / survie

Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus… Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu’elles traversent sont vécues par des milliers d’autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts

Au fil de leurs lectures et autres discussions, elles s’éduquent, emmagasinent des infos, apprennent le nom des lois, la jurisprudence. Elles savent la différence entre le pénal et le civil, entre un juge et un procureur, elles connaissent les acronymes : SAP, JAF, NRE, ITT…

Contraintes et forcées par un système qui ne les protège pas, les victimes emmagasinent des compétences multidirectionnelles qui dépassent souvent celles de leurs interlocuteurs. Elles deviennent ainsi des protecteurs experts.

Cette appellation fait écho à celle des « patients experts« , nom officiel donné par la médecine aux patients détenteurs voire créateurs de savoirs à force de consultations et de documentation. Il s’agit le plus souvent de patients souffrant de maladies chroniques et possédant des connaissances très pointues sur leur maladie ou sur l’affection dont ils souffrent. Ils ont rattrapé leur manque de savoir initial pour échanger en connaissance de cause avec les médecins qui les suivent. Cela les aide à prendre les meilleures décisions.

Ces patients, au lieu de déléguer totalement la gestion de leur maladie, décident de réduire le décalage de compétences pour retrouver du contrôle sur leur vie et mieux apprécier les décisions du médecin. Cette démarche d’autonomisation par rapport à ce dernier peut être individuelle et/ou collective.

Parfois, elle est encouragée par le médecin, parfois elle se déclenche en réaction à un manque d’informations ou à une attitude désagréable. Au final, les patients passifs et ignorants deviennent des patients actifs et sachants.

Un processus similaire existe chez les victimes de violences intrafamiliales qui ne reçoivent pas la protection nécessaire et qui doivent engranger des compétences pour participer à leur défense.

1 – Lutter contre la passivité imposée

Les victimes qui portent plainte dépendent des actions de beaucoup d’individus : la police, l’administratif, la Justice, la médecine, les médiateurs… Or rapidement, des difficultés surgissent au sein de ces différentes relations. La première frustration qui en découle est l’horrible sentiment de devoir subir, d’être dépossédé de son pouvoir d’action à panser ses plaies. Les victimes ont du mal à comprendre où en sont leurs dossiers, à connaître leurs droits, les aides auxquelles elles peuvent prétendre…

Les victimes de violences ont déjà tellement perdu de confiance en elle. Le système de Justice actuel continue d’éroder cette confiance. Alors pour celles qui le peuvent, gagner de l’expertise sur ce qu’elles traversent, c’est une des façons de lutter contre leur passé et reprendre du pouvoir sur la situation.

2 – Lutter contre l’asymétrie d’informations

Contrairement en médecine où la loi Kouchner de 2002 autorise l’accès à l’information pour les malades, en Justice, c’est très loin d’être aussi transparent. On dit que la connaissance, c’est le pouvoir. Inversement, ne pas savoir ce qui se trame, ne pas avoir accès à son dossier, attendre une éternité entre deux décisions, parfois contradictoires, c’est infantilisant et éprouvant. Il faudrait passer d’une connaissance centralisée à une connaissance partagée !

Pour compenser, les victimes se renseignent, cherchent à combler les morceaux qui leur manquent et luttent contre l’asymétrie d’information et de pouvoir. Elles recherchent une aide alternative, elles s’impliquent dans la gestion de leurs affaires autant que possible et surtout, agissent comme elles peuvent pour protéger leur vie et celles de leurs enfants.

Il faut reconnaitre et utiliser le savoir des victimes devenues protectrices expertes !

Redéfinissons ensemble le droit à l’information, partageons mieux les connaissances et les ressources, modernisons les relations entre la Justice et les plaignants de façon à ne plus infantiliser ces derniers, participons à la reprise de pouvoir des victimes car les rendre plus actrices de leurs vies les aident à guérir de leurs traumatismes. Redonnons-leur du pouvoir !

Améliorons le parcours des victimes, du dépôt de plainte aux tribunaux, en passant par la gestion du quotidien, de la santé physique et psychologique ! Et tout cela facilement, en les écoutant, en recueillant le feed-back, pour innover grâce à l’implication de tous : les victimes individuelles, les associations, les alliés…

L’expertise des victimes doit être reconnue mais également leur capacité à créer du savoir. La force de travail et l’implication de ces personnes font avancer la cause. On ne compte plus les fois où les lois ou les mentalités ont changé grâce à la détermination et à la justesse des propositions des protecteurs experts. Les écouter aide à changer le monde, à le rendre plus juste.

A la fin tout le monde y gagne : les victimes, le système judiciaire ou celui de la santé, les finances collectives… Plus que jamais, la Justice a besoin d’un système humaniste, apte à (re)connaître la personne. Les protecteurs experts peuvent faire la différence.



Nous vous conseillons la lecture de nos articles « Conseils à connaitre avant de porter plainte contre des violences intrafamiliales » et « Plainte avec constitution de partie civile (procédure pénale)« .

Pour protéger ses filles, victimes d’inceste paternel, Léonie refuse qu’elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Témoignage NRE Pour protéger ses filles, victimes d'inceste paternel, Léonie refuse qu'elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Léonie a 22 ans quand elle rencontre Kévin en 2013.

Indépendante, elle ne souhaite pas se mettre en couple. Kévin insiste longuement et après un an de messages pressants, Léonie finit par se mettre en couple avec lui. 15 jours plus tard, il emménage chez elle et avec lui, sa famille qui s’installe à proximité. Rapidement, il étend son emprise en cherchant à éloigner Léonie de ses amis, de sa famille, il lui dit que son travail d’aide soignante n’est pas fait pour elle et qu’il souhaite un enfant dont elle pourrait s’occuper. Léonie tombe enceinte et accouche d’une petite fille en 2015. Au lieu d’être épanoui en famille, Kévin déserte le foyer de plus en plus et ne s’occupe pas de son enfant car c’est une fille et qu’il voulait un garçon. Quand Léonie tombe à nouveau enceinte d’une seconde petite fille, c’est la descente aux enfers qui commence.

Kevin ne fait plus rien du tout, il est dépressif et agressif.

En plus, on annonce une trisomie possible et Léonie se retrouve seule, sans soutien face à cette nouvelle. Épuisée physiquement et psychologiquement, la maman accouche prématurément à 30 semaines d’une fille non trisomique en 2017. Elles resteront 2 mois à l’hôpital. Kevin ne vient les voir que tous les 15 jours. A son retour de la maternité, il annonce à Léonie qu’il a quitté son travail. Sa dépression s’accélère et il passe son temps devant des jeux vidéos, laissant Léonie tout gérer, les enfants, la maison, les finances. Justement, financièrement, c’est la catastrophe. Ils vendent leur maison en 2018 et Léonie lui annonce qu’elle stoppe leur relation. Elle n’en peut plus ! Kevin passe de dépressif à harceleur dans la seconde suivante. Il ne supporte pas que Léonie ait décidé de le quitter.

Il devient menaçant, violent verbalement et physiquement.

Léonie lui propose une garde alternée de 2 jours mais il a beaucoup de difficultés à gérer ses filles. Léonie met cela sur le compte de la rentrée scolaire et de la séparation. Mais en fin d’année, leur nourrice l’alerte du comportement de leur fille ainée, qui s’éteint et devient terne. Quand elle revient de chez son père, elle est souvent habillée en mini jupe, avec des talons, alors qu’elle a 3 ans. Et puis un soir, au moment du bain, la petite fille raconte à sa maman que son papa lui donne des tapes au niveau du sexe. Léonie va porter plainte à la gendarmerie où on la rassure et on lui dit qu’elle va être entendue. La réalité est toute autre. Sa fille est auditionnée par 3 gendarmes qui ne suivent pas le protocole Mélanie. L’enfant ne voit ni psy, ni médecin. Et l’affaire est classée en moins d’un mois.

La violence du père explose suite à cette impunité.

Prétextant qu’il doit lui rendre des affaires, Kévin pousse Léonie dans le coffre de sa voiture et lui referme la porte sur le dos plusieurs fois devant les enfants. Quand Léonie porte plainte, la même gendarmerie refuse de l’enregistrer en lui expliquant que c’est normal ces altercations en cas de séparation et que ça va se tasser… Sans surprise, Kévin continue de maltraiter Léonie et ses filles. Le JAF est saisi pour statuer sur la garde des enfants en 2019. Léonie explique que sa fille ainée refuse nettement d’aller chez son père. Le JAF ordonne donc que l’enfant s’y rende 1 samedi sur 2, de 10h à 18h et la moitié des vacances scolaires. En revanche, la petite sœur, elle, doit y retourner en garde alternée classique… L’ainée ne comprend pas pourquoi elle doit retourner chez son père. A chaque fois, elle refuse, elle hurle…

A partir de sept.2019, Léonie décide de la soutenir et ne la force plus.

Son père ne cherche pas à la revoir mais il dépose plainte pour non représentation d’enfant (NRE) à chacune de ses absences. Rapidement hélas, la nourrice alerte à nouveau Léonie que la cadette change de comportement à son tour. Elle devient agressive, incontinente, refuse de manger… Léonie note aussi de gros problèmes d’hygiène et de santé : l’enfant tombe tout le temps malade et se plaint que son père la force à se mettre à 4 pattes pour lui mettre des suppositoires. En janvier 2020, elle hurle parce qu’elle a mal au « zouzou ». Léonie file aux urgences où les médecins la préviennent que non seulement son sexe est rouge et tuméfié mais que l’enfant dénonce son père. Elle dit que papa lui met des doigts dans le sexe et l’anus. Léonie porte plainte illico dans une autre gendarmerie où elle est enfin considérée.

Sa fille est auditionnée selon le protocole Mélanie.

Les gendarmes lui conseillent de protéger ses filles en les éloignant de leur père et demandent à celui-ci de ne plus rentrer en contact avec elles trois. Une heure plus tard, Kévin est chez Léonie, tout sourire, pour lui dire « vous ne prouverez rien et je vais encore être blanchi « . L’enquête continue auprès de l’entourage mais hélas, l’enfant ne pourra être vu médicalement que 4 semaines plus tard et les traces auront disparues. En mai 2020, la gendarmerie annonce une garde à vue mais le lendemain, elle est dé-saisie du dossier qui retourne à la première brigade. Kévin est alors entendu en audition libre et entre 2 fausses déclarations, il accuse Léonie du grand classique SAP… Le dossier part chez le procureur en juillet 2020. Le JAF est ressaisi mais Léonie se le met à dos car elle ose refuser l’expertise familiale.

Celle-ci devrait se faire à 4, en présence du père, ce qui est inenvisageable pour elles trois. Malgré toutes les preuves, le JAF lui reproche ses NRE et lui ordonne de déposer sa fille ainée à son père un WE sur deux et accorde à Kevin la possibilité d’aller chercher ses enfants à l’école pour éviter les NRE. Léonie refuse et déscolarise ses filles tous les vendredis après midi. Kévin continue de porter plainte. En décembre, il agresse physiquement Léonie et ses filles devant l’école. Léonie dépose plainte mais toujours la même gendarmerie, malgré les 10 jours d’ITT, classe l’affaire en prétextant que ce n’était qu’une tentative d’agression… Après un rappel à la loi, Léonie explique au délégué du procureur pourquoi elle fait des NRE. Une enquête de la protecteur des mineures s’ouvre mais la gendarmerie reprend encore la main sur le dossier. Le lendemain, Léonie est convoquée.

Elle enregistre secrètement les gendarmes qui lui disent : « Quand est-ce que vous allez arrêter de porter plainte contre monsieur pour l’accuser de violences sexuelles ? Nous avons classé l ‘affaire. Vous remettez les enfants à monsieur. »

Léonie refuse. En mars 2021, on la place en garde à vue. Il y en aura 2 autres ensuite (du grand banditisme sans doute…). Son avocat dépose une plainte pour attouchement sur mineurs avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction. Kevin, lui, envoie les travailleurs sociaux chez Léonie car il pense que les enfants sont en danger chez elle. L’enquête dure 2 mois et conclut à un un conflit parental. Et puis le juge des enfants la convoque. Il ordonne une mesure d’investigation judiciaire et une expertise psy en individuel des membres de la famille. Leur rapport accable Léonie car Kévin ment en disant que Léonie a été violée enfant, ce qui fausse tout.

Inversement, la mesure d’investigation brosse un portrait à charge du père, alcoolique, agressif, dépressif, impulsif… Mais ce rapport sera écarté délibérément par le JAF. Léonie est condamnée à 10 mois de sursis, 2 ans de mise à l’épreuve, 3.500€ de dommages, une injonction de soin et l’obligation de laisser ses filles à Kevin. En parallèle, le juge des enfants interdit à Kevin de rentrer en contact avec ses enfants et impose des visites en AEMO. Kevin demande alors le placement de ses filles ! Le juge refuse et Kévin reprend encore plus fort son harcèlement quotidien. Les mesures d’AEMO commencent mais ne respectent pas la recommandation du juge, car Kevin fait pression.

Il sait ses filles terrorisées et leur a déjà dit : « Ca ne me dérange pas de vous vous faire peur ».

Coincée entre des décisions contradictoires, Léonie attend que ses filles soient enfin entendues et protégées de leur agresseur.


Nous vous conseillons de lire notre article Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants

Profil agresseur dans les violences faites aux enfants

Y-a-t-il un profil type d’agresseur d’enfant ?

Non, car les agressions d’enfants touchent toutes les couches sociales, ainsi que tous les milieux et institutions où vivent les enfants (famille, école, associations sportives, religieuses..)

Mais certains traits peuvent être mis en avant :

Quel est l’âge préféré des agresseurs d’enfants ?

Agressions sexuelles

  • 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans : 8 victimes sur 10 ont moins de 18 ans
  • 51% des violences sexuelles sont subies avant 11 ans : 1 victime sur 2 a moins de 11ans
  • 21% des violences sexuelles sont subies avant 6 ans   : 1 victime sur 5 a moins de 6 ans

(D’après l’enquête de Mémoire Traumatique et Victimologie (IVSEA 2015))

Viols et tentative de viols

  • Près de 60% des viols et tentatives de viols pour les femmes ont été subis avant 18 ans
  • Plus de 70% des viols et tentatives de viols pour les hommes ont été subis avant 18 ans

(Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017)

Les agresseurs d’enfants s’en prennent à des proies très jeune !

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

Les agresseurs étant peu dénoncés ou peu poursuivis, on se basera sur le nombre de victimes.

Suivant les différentes études :

La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) estime que les agressions sexuelles concernent 160.000 enfants par an.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie (enquête IPSOS 2019), les viols et tentatives de viols concerneraient 130.000 filles et 35.000 garçons chaque année.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2014) : 1 filles sur 5, et 1 garçon sur 13, ont subi des viols et agressions sexuelles.

Donc oui beaucoup d’enfants se font agresser sexuellement en France !

Il y a donc un grand nombre d’agresseurs d’enfants en France.

Y a-t-il autant de femmes que d’hommes qui agressent ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 96% des agresseurs sont des hommes.

L’agresseur est-il proche de ses victimes ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 94% des agresseurs sont des proches.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.23) :

  • L’agresseur est un membre de la famille dans 84% des cas pour les femmes, et 64% des cas pour les hommes.
  • L’agresseur vient d’une institution pour 27% des cas pour les hommes.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie et IPSOS 2019 :

  • 44% de ces violences sont incestueuses => près de 1 victime sur 2 d’agression sexuelle et viol dans l’enfance, vit un inceste.

Que savons-nous des agresseurs incestueux ?

D’après la loi, l’agresseur incestueux peut être : l’un des parents, beaux-parents, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes. Le cas des cousin/cousine est particulier car on le retrouve également comme agresseur incestueux mais l’inceste ne sera pas reconnu par la loi car il n’est pas interdit de se marier entre cousins !

Que disent les anciennes victimes devenues adultes ?

Dans l’enquête VIRAGE : les adultes ayant déclarés avoir subi des violences dans l’entourage familial avant 18 ans représentent :

  • 1 femme sur 5, et 1 homme sur 8.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.24), le classement des agresseurs incestueux par ordre décroissant est :

  • Pour les filles : Père, grand-frère/demi-frère, oncle, grand-père, cousin, beau-père.
  • Pour les garçons : grand-frère/demi-frère, père, cousin, oncle, grand-père.

De manière générale, le père est plutôt en bonne position !

Est-ce que des pères de familles peuvent agresser leurs enfants ?

La CIIVISE estime que chaque année, 22000 enfants sont victimes de violences sexuelles commises par le père.

Mes calculs :

Violence sexuelle : 160.000 enfants par an. Violences sexuelles incestueuses : 44% des cas soit 160.000 x 0,44 = 70.400 enfants par an.

Inceste paternel : 22.000 enfants par an.

  • % d’incestes paternels /le total d’incestes : 22 000 x 100 / 70 400 = 31,25% donc environ 1 sur 3
  •  % d’incestes paternels/le total des violences sexuelles sur enfants : 22000×100/160000=13,75% donc environ 1 sur 7

On peut donc conclure que :

  • 1 enfant victime d’agression sexuelle sur 7 subira un inceste paternel
  • 1 enfant victime d’inceste sur 3 subira un inceste paternel

Quand on rencontre ou que l’on vit avec un agresseur, qu’est-ce qu’on risque ?

D’après mémoire Traumatique et Victimologie, avoir subi des violences dans l’enfance (qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles) peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie. On risque beaucoup plus de se suicider, d’avoir des addictions, de faire des dépressions, de subir une grossesse précoce (10% de grossesse en cas de viol de filles), d’avoir une amnésie traumatique, d’avoir des maladies graves.

Seulement 8% des enfants qui ont osé parler ont été éloignés de leur agresseur et donc protégés.

On risque de mourir : d’après Arnaud Gallais (Collectif « Prévenir et Protéger »), un enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents. D’après l’association « mémoire traumatique et victimologie », les violences faites aux enfants représentent le principal risque de suicide et de tentatives de suicide. D’après Dorothée Dussy (anthropologue, directrice de recherche au CNRS) dans son livre Le Berceau des Dominations p.272 273, « Mon enquête permet d’établir que la mort précoce sous toutes ses formes est surreprésentée dans les familles incestueuses ..et (notamment) des morts violentes ».

Les agresseurs ont-ils des stratégies ?

L’agresseur va effectivement utiliser des ressources qui sont maintenant bien connues :

Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) et Aliénation Parentale

Le SAP utilisée comme stratégie de défense

Le  père incestueux, acculé par une révélation publique, va chercher à décrédibiliser la parole de l’enfant et celle du parent protecteur en se faisant passer pour la victime. Il accusera l’enfant de mentir sous l’influence et la suggestion du parent protecteur. L’exemple le plus courant est celui de la mère accusée par le père d’avoir mis en tête de l’enfant une histoire d’abus sexuel pour obtenir sa garde exclusive.

Cette stratégie de contre-attaque s’avère encore malheureusement très efficace.  

L’idée de la mère menteuse et manipulatrice a été théorisée par un pseudo scientifique sous le terme « Syndrôme d’Aliénation Parentale » (SAP) et elle a trouvé depuis beaucoup d’écho dans les salles d’audience. Ce procédé de défense de l’agresseur étant, par ailleurs, largement exploité par les avocats avec succès.

Le SAP est devenu une parade infernale pour museler la parole de la victime et du protecteur, nier les faits et échapper aux sanctions. Pire, elle va permettre à l’agresseur de retourner la situation. Il y aura inversion de la culpabilité !

Aux yeux de la justice, le parent protecteur va devenir fragile et toxique et le parent agresseur va apparaitre équilibré, de confiance, à qui on va souvent finir par donner la garde exclusive de l’enfant !

Étrangement, l’aliénation parentale est pourtant presque toujours infondée.

L’origine du SAP

On parle d’aliénation parentale lorsqu’un des parents influence l’enfant afin de favoriser chez lui son rejet ou sa désaffection à l’égard de l’autre parent. C’est un phénomène marginal dans les affaires de violences intrafamiliales (voir les chiffres dans : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/).

Le pseudo «  Syndrôme d’ Aliénation Parentale » ou SAP,  a été inventé par Gardner, un psychologue américain qui soutenait ouvertement la pédocriminalité, dans ce but : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/

Il gagnait sa vie comme expert psychologue, soutenu par des avocats qui défendaient principalement des pères accusés d’abus sexuels sur leurs enfants. Il était grassement payé à chaque victoire.

Le SAP a longtemps été enseigné à l’Ecole Nationale de la Magistrature par des psychologues disciples de Gardner, d’où sa large diffusion et son influence dans le monde de la justice et du social. Le SAP n’est reconnu par aucune instance scientifique sérieuse (ni le DSM5 aux Etats-Unis, ni l’OMS, ni aucun état, ni le monde de la recherche internationale) et n’a jamais été édité dans une revue scientifique sérieuse (uniquement à compte d’auteur).

Il est donc infondé et souvent utilisé pour décrédibiliser les parents protecteurs d’enfants incestés, au même titre que le syndrome de Münchhausen, le syndrome des faux souvenirs, le complexe d’Œdipe, le référentiel « Outreau », parents souvent injustement accusés d’être manipulateur, toxique, menteur…Il semble qu’il y ait une corrélation très fréquente entre accusation de SAP et les révélations d’inceste ou de violences en général, car sinon, dans les affaires portées à la connaissance des associations de protection des enfants, cette accusation serait utilisée beaucoup plus tôt dans les procédures notamment en matière de violences conjugales.

La Projection

Selon la psychothérapeute et psychanalyste Caroline Bréhat, lorsqu’un homme violent accuse son ex-conjointe « d’aliénation parentale », il importe d’investiguer la situation car les personnalités violentes ont souvent développé des mécanismes de défense archaïques tels que l’identification projective appelée projection. La projection est, selon la psychanalyse, un mécanisme de défense inconscient qui permet de rejeter la faute (craintes ou désirs vécus comme interdits) sur l’autre. Les pères violents, adeptes de ces mécanismes de défense, accusent les femmes d’être fusionnelles et aliénantes parce qu’ils ne peuvent reconnaître consciemment que ce sont eux qui ont un comportement fusionnel et aliénant. Selon   l’American Psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes. »  (http://www.lenfantdabord.org/wp-content/uploads/2011/06/SAP-CRISES-AU-TRIBUNAL-DE-LA-FAMILLE-SILBERG-2013.pdf)

L’emprise

D’après le juge Durand, Ce que cherche l’agresseur (intrafamilial), c’est le pouvoir sur l’autre, c’est créer une emprise. Il ne supporte pas l’autonomie de sa conjointe ou de ses enfants. (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.71)

La psychiatre Marie-France Hirigoyen parle de l’emprise en ces termes :

« L’emprise est un phénomène de violences psychologiques qui s’installent dans le temps… Un brouillage s’opère (car) des choses agréables sont dites, suivies par des choses déplaisantes…La personne sous emprise qui reçoit ces dénigrements va les intégrer, se dire « c’est vrai ». Sur le registre cognitif, ces messages contradictoires ont un effet paralysant sur le cerveau. Ce brouillage entraine la perte de l’esprit critique. Les personnes sous emprise ne savent plus à quel moment réagir. Vulnérables, ça les amène à se laisser soumettre. »

L’Obs 24/11/2017

Une stratégie courante de l’agresseur intrafamilial

(L’agresseur) recherche sa proie. Il l’isole, il crée un climat de tension et de peur. Il inverse la culpabilité. Il impose le silence. Il recherche des alliés. Et finalement il assure son impunité.

Juge Edouard Durand (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.98)

Les agresseurs familiaux font généralement preuve d’une grande habileté à impressionner les administrations, ils sont souvent charmants, et difficiles à démasquer (Faller, 1998)

Le parent maltraitant présumé est (considéré comme) le plus stable et la mère comme la cause des troubles plutôt que comme une femme qui réagit à la détresse de ses enfants. (Phyllis Chesler, 2013)

Le pouvoir de l’agresseur et la possibilité de passage à l’acte criminel sont accentués par la proximité avec l’enfant (Conclusions Intermédiaires de la CIIVISE de mars 2022, p.24). Ce qui explique le fort taux d’inceste.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Muriel Salmona (reprenant les enquêtes : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017), moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

70% des plaintes sont classées sans suite.

Nous pouvons estimer que près de 22.000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles commises par le père. Pourtant en 2020, seules 1697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux ou agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime. En 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. » (le ministère de la justice n’a pas de statistique sur les incestes paternels). « Ces données nous permettent de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très inférieur au nombre de victimes.

CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.5)

D’après une étude américaine (Meier 2019) relayée par la CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.4), transposable en France car nous rencontrons les mêmes problématiques : « Lorsque des accusations de violences sexuelles sur les enfants sont (rap)portées par les mères, elles ne sont reconnues par le juge que dans 15% des cas (Dans 85% des cas, elles ne sont pas reconnues par le juge), et presque jamais quand le père accuse la mère de manipulation (2%). (Dans 98% des cas, elles ne sont pas reconnues si la mère est accusée de manipulation) ». Toutes les études faites sur les potentielles fausses allégations de mères dénonçant des violences sexuelles de la part du père sur leur enfant, montrent qu’elles sont marginales.

Selon Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Pourtant les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares. Une étude conduite aux États-Unis en 2010 les estime à moins de 6 %, une autre de Rumney en 2006 13 les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évalue à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant. »

Enquête Ipsos, 2015

D’après ces chiffres, on peut en conclure que les agresseurs d’enfants sont peu inquiétés en France et encore moins dans le cas d’un inceste.

Est-ce que les enfants sont bien protégés en France ?

Je vous laisse répondre !

Je vous laisse le choix de voir ou de ne pas voir !

Si vous voulez agir : contacter l’association Protéger l’enfant


Autrice : Fleur Delaunay pour Protéger l’enfant en partenariat avec Sous le Regard d’Hestia.

Relecture bienveillante de mes chères fées Caroline Bréhat, Edith, Céline et Aline.


Sources

Agressions sexuelles : (IVSEA 2015) : Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte réalisé par Mémoire traumatique

Viols et tentative de viols : (Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017) :

VIRAGE 2017 : enquête VIolence et RApport de GEnre réalisée par l’INED (Institut National d’Etude Démographique)

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.fr.pdf

p.35 : 53% des femmes et 75,5% des hommes

CSF : Contexte de la sexualité en France

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19113/pop_soc445.fr.pdf

p.1 : 59% des femmes et 67% des hommes

=> en moyenne : 56% des femmes et 71% des hommes

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html

OMS 2014 : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment

L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est un organisme français ayant existé entre 2004 et 2020. Il est chargé de rendre compte des évolutions des phénomènes délinquants et criminels en France ainsi que des réponses pénales qui y sont apportées.

2020 : l’Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont supprimés. Les activités de l’observatoire sont transférées en partie au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI du ministère de l’Intérieur, dépendant de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur – IHEMI, créé en septembre 2020).

Les enquêtes « Cade de Vie et sécurité » étaient produites par le partenariat Insee-ONDRP-SSMSI.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Murielle Salmona qui cite : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017, moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Etat_des_lieux_des_mineurs_victimes_de_violences_sexuelles.pdf p.7

Les bracelets anti rapprochement

bracelet anti rapprochement

Le bracelet anti rapprochement (BAR) est un dispositif préventif dans la lutte contre les violences intrafamiliales, comme le téléphone grave danger. Ce système de surveillance électronique permet la géolocalisation d’une victime et de l’auteur réel ou présumé de ces violences.

Le bracelet anti-rapprochement est vu aussi comme une alternative à la prison.

Il est posé à la cheville de l’agresseur. De l’autre côté, un boîtier connecté est donné à la victime qui doit toujours l’avoir sur elle également. Les deux éléments sont géolocalisés de manière coordonnée. Si l’agresseur se rapproche de la victime, celle-ci, ainsi que les forces de l’ordre, sont alertées. En théorie, il ne nécessite aucune intervention de la part de la victime. La police demande d’abord à l’agresseur de sortir de la zone protégée et s’il refuse ou ne répond pas, elle intervient pour mettre la victime à l’abri.

L’arrivée des bracelets anti-rapprochements en France

En septembre 2020, 1000 bracelets sont rendus disponibles. Le nombre de bracelets vraiment délivrés dépend lui des décisions rendues par les juges et des situations de violences conjugales (profil de l’agresseur, dangerosité, configuration des lieux…). Or, en mai 2021, Eric Dupond-Moretti s’agace que seuls 61 bracelets ont été posés.

« Ils n’ont pas vocation à rester au fond des tiroirs », peste-t-il. Six mois plus tard, on est à 509 bracelets activés… Il existe toutefois d’importantes disparités régionales.

A titre de comparaison, 1969 femmes sont équipées d’un téléphone grave danger en début 2021. Et pour rappel, plus de 8000 bracelets ont été utilisés depuis 2009 en Espagne dont 2000 actuellement actifs. « Ils ont permis de freiner les tentatives d’homicide des agresseurs mais ont surtout évité les franchissements« , explique la criminologue Lorea Arenas García dans une étude publiée en 2016, citée par l’AFP.

Quand on parle de BAR, la question du consentement de l’agresseur est souvent évoquée. En effet, depuis septembre 2020, il y a 2 façons d’imposer le port du bracelet. Soit par une procédure pénale, soit via une procédure civile. Et là, il faut que le conjoint violent accepte. S’il refuse, en plus d’apporter du discrédit à son « innocence », l’agresseur peut voir le juge en charge demander l’ouverture d’une enquête pénale pour imposer son port. Néanmoins, de la demande à la mise en action réelle du dispositif, on vous laisse imaginer le temps juridique nécessaire… Et pendant ce temps, les victimes ne sont pas protégées. On est loin de la gestion immédiate de l’urgence vitale.

Une autre problématique est que pour des questions de budget, ces bracelets ne sont pas déployés équitablement sur le territoire comme ils pourraient l’être. On est donc inégalement protégé selon où on habite.

La force du dispositif repose dans sa capacité de dissuasion. Le bracelet est censé créer autour de la victime une zone de protection verrouillée dans laquelle l’auteur ne peut pénétrer. Ce dernier doit se sentir surveillé pour qu’il respecte l’interdiction de se rapprocher de la victime ainsi que l’interdiction de contact ou de se rendre en certains lieux (domicile, lieu de travail ou de vie de la victime). La façon dont on communique avec lui est primordiale pour s’assurer qu’il comprenne qu’il n’est pas libre de ses mouvements.

Tous les agresseurs ne sont pas de bons candidats au bracelet. La prison est préférable pour les profils psychotiques ou déséquilibrés. Les magistrats privilégient les personnalités plus insérées pour le port du bracelet, ce qui pose vraiment la question du diagnostic de l’agresseur… Or, par manque de formation et de moyens, ce n’est pas la grande force de la Justice que de reconnaître les manipulateurs.

Que pensent les victimes du bracelet anti rapprochement ?

Cela est contre-intuitif mais souvent le BAR est une source de stress supplémentaire pour les victimes ! Obligées de trimballer elles-aussi le dispositif comme une double peine, en alerte constante, parfois trop souvent bipées car le périmètre est mal adapté, l’anxiété ne diminue pas. Certaines ont l’impression qu’elles sont piégées dans une peur constante, celle qui existait avant (la peur de leur agresseur) et qui ne disparait pas avec l’existence de ce bracelet (la peur est confirmée et le danger observable, surtout quand les agresseurs en jouent, s’approchant aux limites tolérées, juste pour montrer leur présence).

C’est pourquoi certaines refusent d’être géolocalisées, parce qu’elles ont le sentiment douloureux d’être en lien permanent avec leur bourreau. Elles craignent aussi que ce dernier devine ou déduise dans quel foyer elles ont trouvé refuge ou qui les héberge.

Enfin, il existe aussi des femmes qui refusent le bracelet car elles sont encore sous le joug d’un mécanisme d’emprise, ce qui influe sur leur difficulté à dénoncer des violences (apeurées, traquées, harcelées, épuisées, déposer une plainte est très compliqué pour elles).

Néanmoins, le BAR reste une mesure qui va dans le bon sens de la prise en compte des victimes.

« Le bracelet anti-rapprochement a fait ses preuves, il est très efficace même si certains ajustements sont nécessaires », insiste Françoise Brié, qui rappelle que pour d’autres femmes en revanche, c’est le sentiment de soulagement qui domine.

Car cette forme de protection, aussi imparfaite qu’elle soit, les positionne officiellement dans le camp des victimes. C’est la reconnaissance par la Justice de la malfaisance de l’agresseur, de leur besoin d’être protégée. Le bracelet est une preuve sociale que leur parole est entendue et crue. Et cela fait du bien aux victimes autant qu’à leurs enfants / famille.

Le dernier écueil à remonter, ce sont les dysfonctionnements techniques. Le ministère vient de changer de prestataire car le dispositif actuel remontait trop de bugs. Certains bracelets échappaient à la surveillance,

les bips des victimes s’activaient sans cesse, jour et nuit… Bref, une situation peu propice à la sécurité. Pourtant, pour améliorer cet outil des pistes existent.

Incitons les magistrats à se saisir de cet outil, que les personnels intervenants dans la boucle soient bien formés pour aider la victime et avoir une attitude efficace envers l’agresseur.

Dernier sujet, laissons le choix à la victime bien plus qu’à l’agresseur (option d’être alertée de la présence de l’agresseur ou non). En Espagne, les victimes ne sont pas au courant lorsque leur agresseur est dans la zone proscrite. Tout est géré par un organisme extérieur appelé Viogen pour «violences de genres», ce qui est moins anxiogène. Elles sont aussi régulièrement contactées pour savoir si elles vont bien. Voilà une prise en compte des victimes qui fait rêver.

Pour conclure, ne jetons pas cet outil qu’est ce bracelet. Mais améliorons-le rapidement pour qu’il protège mieux les victimes.

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bracelet anti rapprochement

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