9 livres sur les violences sexuelles expliquées aux enfants

9 livres sur les violences sexuelles expliquées aux enfants

Voici 9 livres très utiles sur les violences sexuelles expliquées aux enfants.

Mon corps m’appartient !

de Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat

A partir de 7 ans

Pour aborder sans détour le corps, la sexualité et l’intimité pour prévenir les violences sexuelles envers les enfants. Les autrices aident les enfants à dire non et à protéger leur intégrité corporelle. Elles traitent de thèmes tels que les violences sexuelles, l’inceste et la pédophilie. Des exemples concrets et des explications simples accompagnent ces sujets délicats.


Et si on se parlait ?

d’Andréa Bescond et Mathieu Tucker

3 tomes adaptés à différents âges

Des enfants s’adressent à un lecteur de leur âge, sur des sujets qui peuvent le concerner directement : la jalousie après la naissance d’un petit frère, les parties intimes de l’enfant et le fait de les respecter, les parents, l’influence des médias. Des livres qui aident les enfants à comprendre l’indicible, ces choses importantes à aborder.


J’apprends à me protéger des abus sexuels

de Sébastien Brochot et PedoHelp

A partir de 8 ans

Une histoire illustrée pour apprendre des concepts aussi essentiels que l’amour, la séduction, l’intimité, la manipulation, la pudeur… Ce livre est un bon support pour les parents qui souhaitent aborder le sujet des abus sexuels avec leur enfant. Thème après thème, il y a tout ce qu’il faut savoir et comprendre pour se protéger et apprendre à dire NON ! NON ! NON !


Quand on te fait du mal

de Muriel Salmona et Sokhna Fall

A partir de 8 ans

Voici une brochure d’information gratuite et téléchargeable, illustrée par Claude Ponti. « Quand on te fait du mal » est un ouvrage permettant aux enfants de comprendre ce qui leur arrive ou ce qui arrive à leurs copains et de savoir quoi faire. Il apprend à identifier une violence, pour pouvoir s’en protéger et/ou savoir demander de l’aide. On peut recevoir gratuitement un exemplaire du livret en écrivant à memoiretraumatique@gmail.com.


Interdit dans la famille

de Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée, illustré par Robin

De 3 à 7 ans

L’amour prend diverses formes : entre amoureux, envers les parents, frères, sœurs et amis, etc… Cependant, il existe des limites claires entre ce qui est autorisé et interdit, entre adultes et enfants. Parfois, des adultes proches, y compris les parents, peuvent se comporter de manière irrespectueuse. Ce livre explique que leurs comportements ne sont pas autorisés.


Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte

de Thierry Lenain

A partir de 9 ans

Pas facile de s’affirmer et surtout de faire comprendre ça aux adultes… La petite fille de cette histoire est très polie. Tellement qu’elle laisse même Tatie Jacotte lui faire la bise alors qu’elle ne l’aime pas du tout. Un jour, à l’école, une dame est venue apprendre aux enfants que « mon corps est mon corps  » et qu’on a le droit de refuser un bisou… même un bisou des taties !


Le livre pour dire NON aux abus sexuels

de Rémy Chaurand et Delphine Sauliere D’Izarny-Gargas

A partir de 7 ans

Ce livre présente six histoires d’enfants (sous formes de BD) embêtés et harcelés par des plus grands (un cousin malveillant, un moniteur avec des gestes mal placés, un beau-père intrusif, etc.). À chaque fois, l’enfant trouvera des conseils pour bien réagir face à quelqu’un de dangereux et des solutions pour apprendre à se défendre en toutes circonstances et à dire NON tout simplement.


La princesse sans bouche

de Florence Dutruc Rosset

A partir de 5 ans

C’est l’histoire d’une petite princesse profondément blessée par le roi, son père, qui croit avoir tous les droits, y compris sur le corps et le cœur de sa fille… Heureusement la princesse courageuse trouve le chemin de la reconstruction et de la liberté… Un conte initiatique, dans la tradition de « Peau d’Âne », où les princesses sont plus fortes que la folie des rois.


Le loup

de Mai Lan Chapiron et Coralie Diere

A partir de 3 ans

Miette adore sa maison. On y invite les copains. On y joue aux cartes. On y mange bien. Seulement voilà, personne ne le sait, mais il y a le loup. Le loup n’est plus dans la forêt. Un album à hauteur d’enfant, juste et nécessaire, pour briser le tabou de l’inceste. En fin d’ouvrage, parents et professionnels de l’enfance trouveront un cahier rédigé par une psychologue, avec des outils concrets sur lesquels ils pourront s’appuyer.


Vous pouvez également consulter nos conseils de livres pour adultes.

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Lorsque des conflits émergent dans un couple, il est fréquent de pointer du doigt les problèmes de communication et les désaccords de chacun. Et parfois, les membres du couple peuvent être diagnostiqués par des experts dépêchés par la Justice comme souffrant de « conjugopathie ».

Mais qu’est-ce que la conjugopathie ?

Est-ce réellement un trouble psychologique ? Et surtout, quelle est la véritable signification de cette accusation dans le cadre des violences intrafamiliales ?

La « conjugopathie » est un terme qui désigne un trouble psychologique qui serait lié à une incapacité à communiquer efficacement avec son conjoint ou sa conjointe. Ce concept a été popularisé par certains psychologues et thérapeutes de couple pour expliquer les difficultés de communication entre les partenaires.

Selon cette théorie, un ou les deux membres du couple souffriraient d’un trouble psychologique empêchant une communication efficace et provoqueraient des conflits et des tensions.

Si la conjugopathie peut peut-être exister dans un cadre de conflits conjugaux simples, elle devient un cache misère dans le cadre de violences intrafamiliales. En effet, cette accusation permet de ne pas nommer les vraies causes du problème, à savoir la violence. En utilisant cette notion, on évite de nommer les agresseurs et on continue à les considérer comme des victimes.

De plus, cette idée fausse selon laquelle les torts sont toujours partagés équitablement revient à dire que personne n’est responsable de la violence intrafamiliale.

Il est important de comprendre que la violence conjugale est un phénomène complexe qui ne peut pas être réduit à un simple trouble de communication. Il s’agit d’un comportement violent et contrôlant de l’un des membres du couple envers l’autre, qui peut prendre différentes formes (physique, psychologique, sexuelle, économique, etc.).

La violence conjugale ne se limite pas à de simples disputes entre 2 personnes, mais représente une situation où une personne exerce un pouvoir sur une autre.

Nommer l’agresseur et la violence qu’il déploie fait partie du travail de la Justice.

Or la conjugopathie est une accusation qui empêche de pointer les coupables et permet à l’agresseur de se dédouaner de sa responsabilité en faisant croire que la violence est partagée.

C’est oublier qu’il y a un agresseur et une victime. Les torts (et les conséquences) ne sont pas partagés équitablement.

Dans le cadre des violences, non seulement l’accusation de « conjugopathie » est une vision fausse des phénomènes de pouvoir qui s’exercent, mais elle ne profite qu’aux agresseurs.  Elle empêche les victimes de recevoir l’aide et le soutien dont elles ont besoin.

Les professionnels de la santé mentale doivent être formés pour repérer et aider les victimes de violence conjugale.

Tous les syndromes à l’emporte-pièce comme la conjugopathie, l’aliénation parentale devraient être remisés à la cave des concepts dépassés pour laisser place à une société plus juste et égalitaire.

A cause de ces faux diagnostics (qui accusent majoritairement les mères), au lieu d’être protégés, des femmes et des enfants victimes sont remis dans les mains de leur agresseur, avec le concours et la complicité d’un système qui devrait se remettre en question.
Bannissons la conjugopathie, la parentopathie et tous ces termes creux qui sont des arbres artificiels qui cachent la forêt des agresseurs…

Il est grand temps que la Justice, la police, les experts en tout genre se forment VRAIMENT aux phénomènes d’emprise, de domination, de manipulation pour protéger les victimes.


Nous vous conseillons également la lecture de l’article Le “SAP”, un phénomène pervers par excellence.

Je veux protéger mon garçon de son père violent et la Justice m’empêche

Témoignage Je veux protéger mon garçon de son père violent et la Justice m'empêche Victoria

Un mari violent

Victoria tombe amoureuse de Axel via une application de rencontre. Elle a 20 ans, lui 22 ans. Ils se mettent rapidement en ménage. Victoria enchaine les petits boulots alors qu’Axel a du mal à garder du travail. Elle le découvre colérique, il boit beaucoup.

Victoria, apeurée, se retrouve vite sous son emprise, jusqu’à accepter des actes sexuels qu’elle ne désire pas. Très exigeant, dominateur, il l’entraine dans des clubs échangistes, la contraint à faire l’amour avec d’autres partenaires. Lui-même a pourtant des problèmes réguliers d’impuissance qu’il ne vit pas bien et dont il fait porter le poids à Victoria.


L’autorité et la manipulation, Axel les connait bien car il a grandi sous la coupe d’un père difficile et violent.

Sa mère est décédée jeune et le mal être du garçon se confirme quand il fait une tentative de suicide un peu avant de rencontrer Victoria.

Comme souvent dans ces situations, Victoria prend en charge son compagnon, elle essaye de compenser les blessures liées à ses parents défaillants, elle paye tout, le loyer, le quotidien, elle travaille, elle supporte. Elle se définit alors comme « un bon petit soldat ».

Axel lui sombre dans l’alcoolisme et avec cette maladie, la violence s’installe, de plus en plus forte. Tout est une occasion de dénigrement, de rabaissement. Elle a peur de lui, de ses mots, il casse des trucs, il crie, la menace et l’accuse de tous les maux. Les viols conjugaux deviennent quotidiens, accentués par une sexualité problématique.


A cette époque, Victoria vit dans le déni de son propre mal-être, préoccupée qu’elle est à tenter de juguler la violence d’Axel.

Pour être heureuse, elle s’imagine maman. Axel accepte le projet d’un enfant et également l’assistance médicale nécessaire dû à ses soucis d’impuissance.

Si la grossesse se passe bien, Victoria doit supporter Axel, qui ne travaille pas beaucoup et qui prend des cachets pour soigner son anxiété. Leur fils Louis arrive en juin 2012. Deux mois plus tard, le jour de l’anniversaire de sa mère décédée, il décide de les quitter, déclarant qu’il ne les aime pas.

Après un temps de déprime, Victoria réalise qu’elle est finalement mieux sans lui.

Elle reprend le travail et comme toute maman solo, accumule de la fatigue. Axel est aux abonnés absents, il rechigne à payer quoi que ce soit ou alors réclame des factures pour tout, les couches, les repas, etc… Au final, Victoria ne reçoit aucune aide.


En novembre 2013, exaspérée de devoir toujours lutter pour qu’il prenne ses responsabilités, elle lance une première requête auprès d’un Juge aux affaires familiales (JAF). Celui-ci statue qu’Axel a la garde un WE sur deux + la moitié des vacances et qu’il doit s’acquitter de 100€ de pension.

Si dans un premier temps, Victoria est heureuse de confier Louis à son papa, elle réalise rapidement que ce n’est pas si une si bonne idée que cela pour l’enfant, livré à lui-même. La crèche confirme le problème.

Alors en juin 2015, elle se tourne devant la Justice à nouveau. Elle dénonce l’insécurité dans laquelle se trouve son fils quand il revient de chez son père, épuisé, désorienté… Hélas, elle n’a pas les sous pour se payer un avocat et cela joue contre elle. Pire, le juge rajoute un mercredi supplémentaire de garde à Axel.


L’été 2016, la tante d’Axel, gendarme, prévient Victoria qu’elle va faire une information préoccupante contre son neveu car elle s’est rendue compte de dysfonctionnements. Louis est parti en vacances chez elle sans Axel. Et au retour de son fils, Axel fait une tentative de suicide devant lui. Victoria ouvre une nouvelle requête en décembre 2016 et l’autorité paternelle est retirée ainsi que ses droits d’hébergement.

Axel est sensé voir son fils 2h une fois par mois dans un lieu neutre jusqu’en mars 2018 où la fréquence augmente. Il ne viendra qu’à la moitié des visites et parfois alcoolisé.


En septembre 2019, il fait pourtant une requête pour retrouver des droits de garde car il se sent mieux.

La Justice lui redonne des droits progressifs. Il est un peu perdu, il a du mal à comprendre ses jours, débarque quand il ne le faut pas et réciproquement.

Et puis en novembre 2021, Louis rentre de chez son père très chamboulé. Il explique que son père l’a plaqué au sol violemment, l’a étranglé parce qu’il faisait trop de bruit. Quelques mois plus tard, il surprend son père en plein ébat sexuel. Victoria porte plainte contre ces faits traumatisants mais ces accusations lui valent une amende de 200€ ! Elle fait la supposition que c’est dû à la tante gendarme.

A l’audience JAF, plus tard, les droits de visites d’Axel sont limités à la moitié des vacances car il a déménagé sans prévenir personne. On lui demande de payer 60€ de pension (alors qu’il ne payait pas celle d’avant).


La violence sur Louis recommence, l’exhibition sexuelle aussi.

Victoria ne porte plus plainte car elle voit bien qu’on ne l’écoute plus. Elle en parle à l’AEMO mais ils ne font rien. En juin 2022, l’école appelle, Louis est en pleurs car il a peur d’aller en vacances chez son père. La mairie fait une information préoccupante.

Au rdv suivant avec l’AEMO, Victoria emmène son fils qui y dessine un grand bonhomme et un petit rayé. Il dit que si il n’était pas là, il n’y aurait plus de soucis.
La médiatrice présente ne réagit pas. Louis refuse désormais d’aller chez son père. Victoria appelle le 119 enfance maltraitée qui lui conseille d’avoir un certificat médical pour faire une non représentation d’enfant ou d’aller aux urgences pédiatriques.

Elle part aux urgences où la psy constate qu’il ne va pas bien. Victoria refuse alors de remettre Louis à son père puis contacte l’AEMO. Ces derniers décident à leur tour de garder Louis 3 semaines dans leur centre.

Louis se sent protégé. Sa mère vient le voir régulièrement et lui apporte des affaires. Cependant, au fur et à mesure, les droits de visite de la maman s’amenuisent étrangement.


Une audience a lieu en urgence le 25 juillet et là, Victoria apprend que Louis est placé car il y a « un trop fort conflit parental ».

Cela fait 10 ans que Victoria est séparé d’Axel. De plus, pendant la séance, Louis intervient grâce à son avocat : « moi j’ai une vie à vivre, je ne veux pas être placé ». Il rajoute « je ne veux pas aller chez mon père, je veux aller chez maman ».
Rien n’y fait. Plus tard, en consultant les dossiers, Victoria verra un mail ayant circulé entre la psy et la juge qui avaient peur qu’elle kidnappe son fils !

Victoria fait appel et en novembre 2022, Louis peut revenir à la maison un WE sur deux chez sa mère. Hélas, l’Aide Sociale à l’enfance (ASE) intervient et décide que le père a le droit à des visites libres et que la mère non car elle est trop stressée…

Le 18 janvier 2023 aura lieu l’audience des 6 mois de placement. Victoria espère de tout son cœur l’arrêt du placement car son fils ne va pas bien. A la difficile situation qu’il vit, s’ajoutent des violences à l’école, du harcèlement et sans surprise, des soucis scolaires. Même sa famille d’accueil est intervenue. Inversement, l’ASE juge que Louis se pose en victime…

Partagez l’histoire de Victoria pour aider Louis à rentrer chez sa maman, comme il le demande.


Pour mieux comprendre ces dysfonctionnements, nous vous conseillons la lecture des articles Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité, En France protéger l’enfant est puni de prison et de menaces de placement de l’enfant ainsi que notre manifeste.

L’EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L'EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L’EMDR est une thérapie cognitive spécialisée dans le traitement des traumatismes.

Ses initiales correspondent à Eye movement desensitization and reprocessing, ce qui se traduit par Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

Comme souvent en science, la découverte de l’EMDR a été faite par hasard. En 1987, une psychologue américaine, Francine Shapiro, observe que ses «petites pensées négatives obsédantes» disparaissent quand elle fait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite.

Elle creuse alors le sujet et met au point une méthode qui consiste «à faire effectuer une série de mouvements oculaires à un patient souffrant d’un traumatisme afin de le déconnecter de souvenirs et d’émotions négatives qui en résultent».

Elle en conclut que ça aide le patient à gérer son syndrome lié à ce choc traumatique, voire à le «guérir».

Méthode largement utilisée aux USA, elle peine à être déployée en France. Son efficacité a été pourtant validée par la Haute Autorité de Santé en 2007, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2013, puis par l’Inserm en 2015.

Des survivants des attentats du Bataclan, patients emblématiques traités par EMDR, témoignent aussi de ses bienfaits. Sur la page Facebook de l’association de victimes Life for Paris, certains n’hésitent pas à la recommander.

Comment ça fonctionne ?

  • Les mouvements oculaires activent le travail de cicatrisation psychique.
  • L’EMDR exploite les facultés du cerveau à transformer les informations à l’origine d’un traumatisme.
  • Le souvenir traumatisant est dissocié de l’émotion négative. En gros, le souvenir reste, mais pas la souffrance associée.
  • Le patient prend de la distance avec le traumatisme.

Les points positifs de cette méthode :

  • Méthode peu contraignante pour le patient. Pas besoin d’un « lâcher-prise » pour agir.
  • La thérapie EMDR est envisageable à tout âge.
  • Effets souvent spectaculaires pour les traumatismes psychiques (mais pas chez tous les patients).
  • L’EMDR peut aussi être utilisée dans des cas de dépression, d’angoisse et d’anxiété par exemple.
  • C’est une thérapie courte vers une psychanalyse. Quelques séances peuvent suffire.

Les points négatifs de l’EMDR :

  • Pendant la séance, le patient peut éprouver des moments de gêne, suite à la libération de souvenirs.
  • Après la séance, le « re-traitement » de l’information émotionnelle peut continuer de se faire par lui-même (rêves, fortes émotions, nausées, vertiges), signe qu’un travail en profondeur est en train de s’opérer.
  • Une personne ayant des problématiques enfouies n’a pas d’intérêt à aller « les réveiller » si elles ne sont pas douloureuses.
  • On déconseille la méthode aux personnes ayant des problèmes psychiatriques et psychotiques (psychose, schizophrénie) à cause d’une possible décompensation.
  • Pas d’étude sur son efficacité en préventif.

Pas de conclusion de notre part sur la science toute jeune de l’EMDR.

On constate simplement que les victimes de violences intrafamiliales utilisent de plus en plus cette thérapie contre leur psycho-traumas et la présentent comme accélérée et efficace.

A l’heure où les victimes sont trop souvent abandonnées par la société, cette piste et ses résultats semblent encourageants.

Il reste néanmoins essentiel de bien choisir son thérapeute pour s’assurer de la qualité des soins.

Nous vous conseillons cet article : https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sante-du-quotidien/2598946-emdr-methode-signification-risques-tarif-technique/

Nous vous conseillons également la lecture de l’article « Les psycho-traumas des victimes de violences« .


Le choix possible de la fin de l’inceste : la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Le choix possible de la fin de l’inceste : (1) la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Par Edith

  1. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse
  2. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.
  3. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question
  4. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.
  5. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?
  6. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret
  7. Qui voulons-nous vraiment protéger ?
  8. La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

I. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse

Dans l’Europe entière, le phénomène des violences sexuelles faites aux enfants est massif. Un adulte sur cinq aurait été victime de violences sexuelles pendant l’enfance, dont l’inceste, selon des études menées par le Conseil de l’Europe (voir campagne du Conseil de l’Europe lancé en 2010  « 1 sur 5 ») [1].

67 millions d’habitant en France, cela représenterait donc 20% de la population, soit plus de 13 millions d’habitants.

Selon la Fondation nationale solidarité femmes (FNSF), en France, ce sont 4 millions d’enfants estimés victimes de violences conjugales en 2014 [2].

Le rapport du 31 mars 2022 de la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants faisant l’analyse des 14.000 témoignages : « 8 sur 10 sont des victimes d’inceste et pour une victime d’inceste sur trois, c’est le père qui est l’agresseur. » Par extrapolation, rapportés aux chiffres du Conseil de l’Europe, sur 13 millions, 8/10e ferait monter le nombre de victimes sexuelles d’inceste dans l’enfance à plus de 10 millions dont un tiers, soit 3,5 millions d’enfants incestés par leur père.

Patric Jean confirme en 2019 ce chiffre dans son livre « La Loi des pères »[3]. Il indique que « 27% des personnes interrogées connaissent au moins une victime dans leur entourage et 6%  des personnes (10% de femmes) déclarent elles-mêmes avoir été victimes d’inceste. Ce qui représente 4 millions de personnes en France. » . Il indique également qu’« en 2006, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) confirmait les mêmes proportions avec une particularité que seuls 17% indiquaient ne pas connaitre leur agresseur, la majorité des cas se situe au sein des familles ou de l’entourage proche par des personnes connues. ».

En France, l’Association Protéger l’enfant indique que la dernière enquête de victimologie conduite par IPSOS en 2019, estime à 165.000 enfants victimes d’inceste par an, pour moins de 1000 condamnations. Pour les viols aggravés fait sur les enfants, il y a seulement 400 condamnations. Selon le docteur Emmanuel Piet, membre du Haut Conseil à l’Egalité, indique que « les viols sur mineurs sont probablement le crime le plus impuni qui soit ».

En 2015, l’étude « Impacts des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » indique que « Plus  les violences sont assorties de circonstances aggravantes (viol, inceste) et moins les victimes ont été protégées par la police, la justice ou leurs proches. Ainsi, 83% des victimes de viol et 88% des victimes d’agression sexuelle en situation d’inceste déclarent qu’elles n’ont pu bénéficier d’aucune protection. Et 56% des répondant-e-s rapportent n’avoir pu parler à personne de ce qu’ils ou elles subissaient au moment des violences»[4]

Dernier chiffre, une étude réalisée par l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise fait état dans son rapport que «14,5% des femmes et 6,4% des hommes de 18 ans et plus ont été sexuellement agressés pendant leur minorité, ce qui signifie que plus de 3.900.000 femmes et de 1.560.000 hommes, soit environ 5.500.000 personnes majeures vivant dans notre pays ont subi des agressions sexuelles pendant leur minorité».

Les sources citées font donc état de chiffres allant de 165.000 viols par an, à 4 millions, 5,5 millions d’enfants en cumulés, jusqu’à donc 10 millions de personnes ayant été victimes d’agression sexuelles dont la majorité relèvent de l’inceste (83%). Dans tous les cas, y compris les 165.000, c’est insupportable et surtout cela ne s’arrête pas.

Alors, pourquoi, les politiques et journalistes semblent souvent manquer de chiffres [5]?  Pourquoi tous les travaux produits par des instances sérieuses de tout type n’ont concrètement aucune conséquence sur les pratiques ? Pourquoi en matière de protection des enfants, les choses changent-elles si lentement ?

Plusieurs questions s’imposent aujourd’hui.

II. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.

Pourquoi l’inceste est-il resté tout ce temps un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrits dans la loi ?

L’inceste n’a intégré le code pénal qu’en 2016[6] en tant que qualification du viol dit « incestueux » lorsqu’il est perpétré par un ascendant. Il devient un crime à part entière seulement en 2018 et ce n’est qu’en avril 2021 que la présomption de non consentement pour les violences sexuelles faites sur des mineurs de moins de 15 ans est consacrée dans la loi. Elle est portée à 18 ans en cas d’inceste.

Le hiatus entre théorie et pratique s’explique historiquement, psychologiquement et institutionnellement. Finalement les raisons sont pourtant assez simples.

C’est d’abord psychiquement insoutenable, car inimaginable. Le tabou du viol intrafamilial sur les enfants (inceste) instaure par sa nature le silence. La famille est sensée être le lieu de la protection par définition. Ce silence empêche de le nommer, et ne pas nommer revient à indiquer au monde que cela ne peut pas exister, autorisant ainsi les agresseurs à continuer d’œuvrer en toute tranquillité (et selon des modèles qu’ils ont pu aussi connaître dans leur propre enfance), aucune désignation et donc aucune condamnation ne pouvant être formulée sur ce silence.

La société, en tant que groupe, ne peut donc pas reconnaitre ce crime et donc décide de ne pas le traiter[7]. Par ce silence, s’instaure une loyauté tacite de l’enfant envers ses parents et les adultes qui l’entourent qui permet de faire tenir la notion de famille. L’enfant évolue dans le cadre de repères dysfonctionnels qui affecteront sa vie.

C’est la même logique à l’œuvre en matière de « violence conjugale » soumise également à un autre tabou. La réalité de ces violences au sein des couples est un héritage séculaire de violences dites « ordinaires ». Elles sont la résultante du fait que l’« on apprend à intérioriser dès l’enfance la justification de la violence » selon les mots de Dorothée Dussy. La docteure Catherine Gueguen, dans son livre « Pour une enfance heureuse », décrit sur la base d’un travail scientifique, conduit avec une équipe de chercheurs en neurosciences, comment certaines parties du cerveau d’un enfant sont détruites lorsqu’il est soumis à de la maltraitance, y compris la maltraitance éducative ordinaire.

Alice Miller, chercheuse et psychanalyste  décrit très précisemment les processus à l’œuvre au sein du huis-clos des familles dans « La connaissance interdite – affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie ». Elle explique comment les parents, sous couvert d’éducation, perpétuent des abus dans le silence et l’isolement de la famille, sans que l’enfant puisse avoir un témoin « secourable » à qui il pourrait demander des explications sur ces « abus de pouvoir ». Notre prise de conscience collective, sociétale et individuelle sur ces violences a fait un bond en avant grâce à la paix instaurée en Europe depuis 70 ans. Les nouvelles connaissances en neuro-sciences ont permis de prouver qu’une éducation « positive », soit une éducation où le moteur ne serait plus celui de la violence, est possible et bénéfique pour tous, individuellement et collectivement.

Pour autant, la gageure est de taille car c’est tout un héritage séculaire qu’il faut remettre en question. Mais cela est possible. Carl Rogers et Marshall Rosenberg, fondateurs de la « communication non violente » ont permis, sur la base de l’observation et de l’écoute, de mettre en avant un autre type de relation basée sur l’empathie. Cette relation est basée sur la réapropriation par chacun de sa capacité à ressentir des émotions. Il ne s’agit pas de faire disparaitre la violence. En revanche, il s’agit d’avoir conscience de ses actes pour en prendre toute la responsabilité, pouvoir les nommer et donc les changer. Nous avons été élevés dans des croyances ayant donné lieu à des comportements acquis se basant sur la peur, l’obligation, le devoir, la punition, la récompense et la culpabilité. Ce sont ces croyances qu’il faut remplacer par d’autres, à savoir que l’entraide et la coopération sont beaucoup plus satisfaisantes et agréables que la violence.

L’éducation fondée sur la non-violence est aussi plus bénéfique sur du long terme. Des études ont été menées en 1983 par l’American Psychological Association, qui concluent selon A. Miller  à « une indiscutable correlation entre la détresse et les mauvais traitements subis par un individu dans son enfance et la violence dont il peut se rendre coupable par la suite »[8]. Nous avons désormais les outils pour faire différemment. Ils sont à disposition de ceux qui s’en saisissent individuellement. Or, ils ne sont pas collectivement utilisés et les individus qui y recourent, sont peu encouragés, peu aidés, peu reconnus.

Enfin, A. Miller attribue « l’ignorance d’une société aux statistiques de ces violences incontestables au fait que cela permet d’éviter la résurgence de souffrances refoulées dans le passé, et empêche ainsi que se dévoile la vérité ».

En effet, psychiquement pour les individus comme pour la société, ces violences sont impensables car inaceptables, donc impensées car la souffrance qu’elle provoque est insoutenable, et alors refoulée. Il faut énormement de courage et de stabilité pour se lancer dans la dénonciation de cette réalité qui touchent toutes les familles de près ou de plus loin. Et parfois, au-delà du courage, il faut avoir retrouvé la mémoire. La mémoire dite traumatique qui permet au psychisme d’un individu de surmonter la douleur, empêche souvent les personnes ayant été victimes de violences sexuelles simplement de se souvenir. Le traumatisme entraine un état de sidération tel, qu’il abouti à un phénomène de dissociation psychique faisant que l’individu ne s’appartient plus à lui-même et souvent se retrouve dans une incapacité d’agir, voire de vivre.

Pour comprendre l’impunité actuelle, Céline Piques [9]nous rappelle que « moins de 1% des violeurs mis en cause ont été condamnés en 2018 (1269 condamnation pour 94 000 femmes et 165 000 enfants qui s’en déclarent victimes). Le viol est bien un crime, mais impuni. »

III. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question

Ainsi, si la loi est bien l’expression de l’état d’une société, comment cela se fait-il qu’il y est aussi peu de condamnation ? Pourquoi l’impunité des agresseurs peut parfois apparaitre comme désespéremment organisée? La question de la volonté politique réelle doit être posée.

La spécificité du viol intrafamilial sur enfant, ou inceste, est qu’il ne faisait plus l’objet d’une interdiction légale en tant que telle depuis 1791. Or l’inceste était bien inscrit dans la loi sous l’Ancien régime accompagnée d’une présomption de non consentement pour tous les mineurs à l’époque de moins de 21 ans. Depuis 1792, avec le nouveau code pénal, il n’est plus nommé en tant que tel. Il ne le sera à nouveau qu’en 2018 (cf.. Emission France culture du 7 janvier 2021 « L’inceste au fil du droit : circonstance aggravante mais crime en soi »[10]). Jusqu’en 2018, lorsqu’il n’est pas purement nié, il est un viol comme les autres ; or ce n’est pas le cas dans une réalité constituée par un « rapport de force ou de domination ». La relation d’asymétrie et d’engagement à la protection que suppose la famille, socle institutionnel de base de nos sociétés, empêche de penser que cela est tout simplement possible et en réalité assez courant. D. Dussy parle de « viol d’opportunité » dans son ouvrage « Le berceau des dominations : anthropologie de l’inceste »[11].  

Patric Jean dans son livre « la Loi des Père », conclut qu’il s’agit d’un phénomène doublement caractérisé comme « phénomène de masse et invisibilisé. »  Il faut également souligner qu’il est systémique. Si 13 millions de personnes sont victimes, le nombre d’agresseurs ne doit pas être bien loin. Or, nos institutions semblent organisées pour le couvrir. Il est assez simple de comprendre pourquoi notre société est édifiée pour que cela continue. Il suffit en réalité de regarder en face à qui cela profite ? et le nombre de personnes qui en bénéficient. La chaine des bénéficiaires parle d’elle-même. Elle nous montre à quel point cela profite à une majorité de personnes, en situation de pouvoir ou de privilèges, par l’intérêt qu’elle tire des conséquences de ce fléau.

Alors si Céline Piques indique dans son livre « Déviriliser le monde »[12] que « l’égalité est une pratique. C’est une action. C’est une manière de vivre. C’est une pratique sociale. C’est une pratique économique. C’est une pratique sexuelle. Elle ne peut pas exister dans le vide ».

La Justice est aussi une pratique, une action, sociale et économique, et ne peut pas non plus exister dans le vide.

En matière de justice, Céline Piques, reprenant les chiffres du ministre de l’Egalité entre les hommes et les femmes de 2020[13], écrit que « les viols et agressions sexuelles sont les crimes et délits les plus instruits dans les tribunaux d’assises et correctionnels, mais aussi les moins dénoncés et les moins condamnés. »

Le constat est là. Les enfants ne sont pas protégés ; ils ne sont pas entendus, ou entendus puis muselés. Les adultes protecteurs qui ont décidé d’agir le seront également. Pour cela, les mères le plus souvent qui dénoncent finissent par être accusées, conduisant à une inversion de la responsabilité. De même, les médecins qui dénoncent se voient sanctionnés disciplinairement jusqu’à aller à la suspension de leur activité.

En effet, la principale victime colatérale de la dénonciation est la maman : pour mémoire, « pour près d’1 victime d’inceste sur 3, l’agresseur est le père », selon le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites sur les enfants (CIVIISE)[14]. Les autres agresseurs sont d’autres parents comme le frère, l’oncle, le grand-père, le cousin etc. Or, beaucoup de ces mamans sont accusées de syndrôme d’aliénation parentale de manière abusive. L’intérêt est de permettre l’inversion de la responsabilité en cas de dénonciation de violences et en particulier d’inceste.

L’illustration la plus criante de ces abus aujourd’hui est le nombre de condamnations de mères sur la base de rapports effectués par le docteur Bensussan. Une action en justice vient d’être intentée le 8 avril 2022[15] par quatre structures spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles Cette action se base sur l’absence de fondement scientifique de cette notion ainsi qu’une pratique déviante du praticien sur cette base. Le ministère de la Justice s’est pourtant engagé dans son 5e plan de  « Lutte contre toutes les violences faites aux femmes (article 58)[16], à assurer une diffusion au sein des instances judicaires une information propre à proscrire ce concept. Il faut rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[17] a elle-même procédé au retrait de cette notion pour le même motif d’absence de base scientifique.

Quant aux médecins ayant signalé des violences sur enfants, ils font l’objet de sanctions disciplinaires suite à la plainte auprès de l’ordre des médecins, portée par le parent accusé de violences sur l’enfant. Soignants et éducateurs sont en première ligne pour témoigner des faits et pourtant moins de 5% des informations préoccupantes transmises au Parquet émanent de médecins. Récemment une pédopsychiatre s’est vue condamnée à deux reprises  par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pour « immixion dans les affaires de famille » après qu’elle a signalé des cas de violences sur mineurs. (exemples des Docteurs Izard et Fericelli[18] ). Pourquoi le Conseil National de l‘Ordre des Médecins ne soutient-il pas davantage les médecins qui dénoncent ces crimes[19] ?

IV. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.

Voici donc comment cette impunité est organisée de manière systémique et structurelle au sein des six institutions fondatrices de notre République que sont la police, la justice, la fonction publique, l’armée,  la médecine, l’Eglise et enfin la famille. Une méthode, un moyen puissant : le secret. L’institutionnalisation du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle. Que permet donc le secret en matière d’inceste ?

Pour la victime : le secret maintient la confusion mentale, détruit les repères internes jusqu’à leur perte totale, instaure la peur et l’incompréhension. Cela permet de rester sans force car faible et brisé devant l’incohérence entre les actes et les paroles de l’adulte agresseur, le visible et l’invisible. Or, sans force, l’isolement et le mutisme perdurent. Se taire n’est pas une option, c’est une fatalité. La mémoire traumatique – perte de mémoire transitoire qui peut durer pendant 40, 50, 60 ans, en tant que mécanique de survie devant l’indicible et la blessure, renforce le maintien du silence des mots alors que les maux du corps et de l’âme prolifèrent, les symptômes continuent. Pire : lorsque l’enfant ou l’adulte protecteur tentent de sortir du secret en osant parler, ils sont immediatement réduits au silence. Ils le sont par peur des représailles, par peur des conséquences de l’atteinte à la loyauté familiale, ou par peur tout simplement de ne pas être crus.

Parler, engendre alors une série de violences supplémentaires qui s’ajoutent à la violence du traumatisme dont la dépossession de la victime de ce qu’elle a vécu. Cette dépossession engage durablement le processus de confiance en soi et en les autres. Le traumatisme est là. A vie.

Muriel Salmona, indique dans un article publié en 2018 que certains auteurs avancent que la violence subie dans l’enfance, au sens large, est la première cause de mortalité précoce et de morbidité à l’âge adulte[20].

Pour l’agresseur : le secret permet de garder le contrôle, d’entretenir son sentiment de toute puissance par l’impunité, de jouissance illimitée à défier la société par le déni de ses interdits. La conservation du pouvoir de dominer devient aussi la garantie de son impunité. Le secret est donc la condition pour que l’inceste continue. La domination est devenue à la fois la cause et, par son maintien, la conséquence de l’inceste afin qu’il puisse rester impuni. Cette domination de l’adulte sur l’enfant est d’autant plus puissante que la vie de l’enfant dépend de cet adulte  censé l’aimer, le protéger et respecter son intégrité physique et psychique. La loyauté tacite envers la famille joue aussi pour l’agresseur. Celle-ci lui enjoint le maintien du secret pour ne pas abimer l’image sociale de cette dernière. La puissance du tabou est agissante ordonnant tacitement le secret.

La pratique de la justice, malgré elle certainement, telle qu’elle est exercée permet à l’agresseur, en toute impunité de ne pas respecter la loi : l’injonction au silence faite par l’agresseur à l’enfant brisé se heurte à la difficulté de la preuve à apporter, par nature impossible dans une relation asymétrique de domination.

Mais revenons au secret. C’est lui qui permet que la violence perdure.

Le secret est organisé pour être pratiqué au quotidien au sein de nos institutions sociales et institutionnelles. Sous couvert de protection, il permet surtout la perpétuation de la violence à partir de l’organisation de cette dernière. Le secret est au cœur des institutions ayant à traiter la question des violences et de l’inceste.

Le secret, imposant le silence, assure la protection « préventive » des agresseurs déjà couverts par « la présomption d’innocence » au lieu de « présomption de culpabilité » qui pourrait être aménagée, encadrée, assumée pour des crimes ou délits commis sur des enfants. En France, c’est ainsi.

Mais il pourrait en être autrement très simplement comme par exemple changer notre système de valeurs mettant au centre l’enfant. Il suffit de parirt du simple constat objectif qu’un enfant n’a pas les mêmes moyens qu’un adulte à sa disposition pour assurer sa propre protection à commencer par la parole. Ainsi, au lieu de « presomption d’innocence », ou de « culpabilité » toutes deux centrées sur la personne de l’agresseur présumé, nous pourrions simplement penser notre Justice autour de la « présomption d’innocence de l’enfant » en consacrant légalement ou même simplement dans la pratique des juges « la présomption de protection pour l’enfant ». Il faut insister ici qu’un simple changement dans la pratique des juges, demande t aucun changement législtatif. Il est donc possible d’ores et déjà culturellement et socialement de changer les habitudes des juges pour cette culture de la protection de l’enfant advienne, et cela dès aujourd’hui, dès demain.

La culture de la protection des violeurs est en vigueur de fait. Comment se fait-il qu’une société ne voie pas l’abus de pouvoir de la justice lorsqu’elle applique ce principe de droit générique qu’est la « présomption d’innocence » , garant d’une certaine vision légitime des rapports entre êtres humains, dans le cas d’une relation qui par nature est déséquilibrée, abusive, et en particulier lorsqu’un crime ou délit met en cause l’intégrité d’un enfant ? Il s’agit donc d’un choix de société que de créer une vraie culture de la protection en appliquant un principe certes utile en droit, mais qui ne tient pas compte une fois encore de la réalité, à savoir que dans le cas d’une relation de « domination », ce principe joue en faveur du dominant agresseur et en défaveur du dominé victime. Rien n’empêche par la suite de prévoir des dispositifs de prises en compte plus satisfaisants pour que les mis en cause ne le restent pas plus longtemps que nécessaire suite à la décision de justice.

Desmond Tutu disait qu’ « En cas d’oppression, la neutralité veut dire être du côté de l’oppresseur ». Edouard Durand a décliné une version de cette neutralité en matière d’inceste : « La loi n’est pas neutre : entre le loup et l’agneau, être neutre c’est être du côté du loup ».

V. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?

Le secret est donc le moyen le plus efficace pour continuer à faire exister des institutions qui abusent tout simplement de leur pouvoir,  ne pas vouloir voir, prouve que le problème est bien systémique pour ne pas dire institutionnalisé. Dans le désordre, les sept structures institutionnelles précitées sont organisées autour du secret de la manière suivante :

La police d’abord est régie par le « secret de l’enquête », qui fait que même lorsqu’il y a des accusations au dossier, les parties ne peuvent pas avoir connaissance des éléments. Soit. Il faut bien du temps et de la tranquillité lorsque les valeurs humaines sont touchées de plein fouet pour mener à bien les investigations. Le secret peut être compréhensible.

Les banques sont aussi régies par le « secret bancaire ». Les relations sociales qui se tissent autour de cette institution s’organisent aussi par rapport à ce principe qui, sous couvert de « protection », permet évidemment d’entretenir les abus de pouvoir alors cachés au yeux de tous. La question du « à qui cela profite ? » peut être simplement poser ici.

L’armée est aussi appelée « la Grande Muette », et pour cause. L’ordre public a été instauré au prix du silence de ses serviteurs. En effet, sous la IIIème République, les militaires étaient privés de leurs droits civiques pour éviter toute contestation. Le silence et le secret sont encore de mise même si leurs droits ont été rétablis en 1945. Même si les choses ont évolué, le rapport au silence et au secret est encore au cœur des traditions de l’armée. Il s’agit donc d’une institution de plus façonnée par ce principe.

La Justice est régie par le principe de la publicité des débats contenu à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et dans les codes de procédures Français, mais ils souffrent de nombreuses exceptions. Un des motifs par exemple précise notamment « s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice », selon l’ art. 435 du Code de procédure civile. La loi de novembre 1982 relative à « l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » envisage expréssement les débats à huis-clos. Le secret garantit dans ce cas que les rapports de domination soient soigneusement cachés.

Il faudrait pouvoir regarder en pratique les choix fait en matière de procès pour inceste. Ceci étant, d’un point de vue systémique, il est intéressant de noter également qu’il existe depuis la loi du 9 mars 2004, une procédure du « plaider-coupable » avec l’introduction de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cette procédure instaure le huis-clos comme première phase obligatoire entre l’agresseur et le procureur de la République, sans la victime. Le secret est encore au cœur du processus.  

La fonction publique, de manière générale, obéit à ce que l’on appelle « le devoir de réserve ». La culture du secret est un des éléments fondateurs des devoirs d’un fonctionnaire. Il s’agit d’une pratique généralisée de la « discrétion professionnelle ». Les fonctionnaires doivent se soumettre à cette obligation qui a donné lieu une construction jurisprudentielle qui varie en fonction de la position du fonctionnaire dans la hiérarchie. Plus il est haut placé dans la fonction publique d’Etat et donc proche de l’exécution de la politique gouvernementale, plus l’exigence est forte vis-à-vis de l’exercice de cette obligation. Un fonctionnaire ayant un mandat local ou syndical dispose d’une plus grande liberté d’expression. Toujours est-il que la « discrétion » n’est jamais très loin, en terme de culture, de celle du « secret ». La culture du secret irradie donc par définition tout l’appareil d’Etat porté par les fonctionnaires.

Les médecins adhèrent de leur côté au serment d’Hippocrate qui, en conscience, propose de garder le silence et d’observer. Cela s’appelle aujourd’hui « le secret médical ». Le secret professionnel n’a pas toujours eu force de loi. Il a été introduit pour la première fois en 1810 en matière médicale[21]. Aujourd’hui, il figure à l’article 226-13 et 226-14 du Code pénal qui consacre le « secret professionnel » pour toutes les professions.  

Or, un autre principe vient percuter ce dernier en cas de crime et de délit commis sur une autre personne et à plus forte raison sur un enfant : « le principe de non-assistance à personne en danger ». Il figure dans le Code de la santé publique (article R.4127-9) : « Tout médecin, qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

Au-delà de la controverse théorique légale entre ces deux principes, la pratique est beaucoup plus parlante. Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violence sexuelles faites aux enfants (Ciivise) , seuls 5% des viols constatés sur enfants sont signalés par des médecins (cf. chiffres Hautre autorité de santé[22]). Outre cette faible part de signalements, nombre de medecins ayant signalé des enfants victimes de violences sexuelles ont été suspendus par l’Ordre des médecins. En mars 2022, la docteure Eugénie Izard, pédopsychiatre, a été condamnée à trois mois d’interdiction d’exercice de la médecine pour avoir signalé des violences sexuelles sur un enfant. La docteure Françoise Fericelli, également pédopsychiatre, a été suspendue deux fois au motif « d’immixion dans les affaires de famille » (émission sur France culture du 24 janvier 2022 «enfants maltraités : les pédopsys sous pression »[23]).

Toujours en pratique, suite au rapport de la CIVIISE du 31 mars 2022, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’est dit « pas favorable » à une « obligation de signalement » concernant les médecins qui soupçonneraient les violences sexuelles chez un enfant. Cette position fait une distinction entre signalement et protection  : « Il n’y a pas d’obligation de signalement, mais nous sommes tenus à une obligation de protection. Quand un médecin est sûr qu’il y a des violences sexuelles, il se doit de faire un signalement au procureur de la République. Quand il a des soupçons, il peut faire une information préoccupante auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger. En revanche, il ne peut venir en aide à la mère de l’enfant (si le père est en cause) ou signaler ces soupçons au juge des enfants. C’est la loi« , précise la vice-présidente Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi[24]. Cette position donne à voir les réticences à permettre la circulation fluide d’informations vis-à-vis du juge pour enfants.

Une fois encore, à quoi ou à qui cela peut servir ?

Selon un pédopsychiatre qui a souhaité garger l’anonymat, la culture du viol est historiquement ancrée au sein des études médicales. Il en reste quelques reliquats sous forme de bizutage[25] dont on ne perçoit que la partie émergée, marquée par des excès de consommation d’alcool et des chansons paillardes glorifiant le viol[26], sous les regards grivois des fresques obcènes des salles de garde.

Dans le domaine médical, une enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (l’ANEMEF), publiée le 18 mars 2021, a montré qu’un tiers des étudiants en médecine aurait été victimes de harcèlements sexistes ou sexuels lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac. A l’université, 93% des agressions sexuelles sont perpétrées par des étudiants. En stage, au sein des hôpitaux, neuf actes sur dix sont perpétrés par un supérieur hiérarchique. Enfin, moins d’une agression sexuelle sur cinq serait signalée.

Alors première hypothèse d’explication systémique : si cette culture du viol est aussi massivement répandue pendant toute la période d’études des futurs médecins, cela explique non seulement le faible taux de signalements par les médecins par rapport aux autres professionnels (5%) et, dans le même temps, interroge aussi directement les pratiques des dits médecins une fois en fonction.

Même si l’Eglise fait figure de précurseur dans sa dénonciation des violences sexuelles sur les enfants en son sein, c’est bien un fléau qui est mis au jour par l’INSERM. Depuis 2018, l’installation de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) montre une volonté de donner à voir l’étendue des violences sexuelles depuis 1950. A sa tête, Jean-Marc Sauvé a conduit la rédaction d’un rapport publié le 5 octobre 2021[27] qui a montré pour la première fois que « le secret de la confession ne pouvait pas permettre de déroger à l’obligation prévue par le code pénal de signalement en cas de violences sexuelles  sur un mineur ou une personne vulnérable ». De manière structurelle et systémique, le prêtre chaque dimanche répète : « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise. » Tout montre ici la déresponsabilisation des membres de cette institution, qui entendent tous les dimanches que personne ne va regarder leurs exactions, mais juste leur bonne intention. Le secret passe aussi par le fait de ne pas voir, tout à fait consciemment en l’espèce.

Toujours dans ce même rapport Sauvé, « La culture du secret, du silence et de la solidarité » au sein de l’Eglise a permis que de nombreuses exactions soient sciemment couvertes au nom du secret de la confession.

Enfin, la famille, comme institution, fonctionne comme un groupe social « primaire ». C’est en son sein que s’apprennent les codes sociaux les plus élémentaires, les valeurs et les normes qui aideront ensuite l’enfant à développer des relations sociales. Sans aller beaucoup plus loin, l’inceste comme les violences conjugales sont des violences caractérisées car elles sont cachées, dans le secret des familles. Le secret est dans les deux cas institués de fait par le tabou de ces violences. La famille étant le lieu qui, par sa fonction, doit apporter « protection », la violence en son sein est inimaginable. Ce sont donc bien les tabous de la violence et en particulier de l’inceste qui instaurent la culture du secret. La banalité de cette culture introjectée et admise inconsciemment et collectivement par tous s’illustre tout simplement par l’expression « secrets de famille ».

Or, ces violences introduisent de facto une distorsion immense pour les enfants victimes de violences conjugales et plus encore d’inceste. La dissonance entre paroles et actes apprend à l’enfant à évoluer de manière dysfonctionnelle dans l’apprentissage du lien à l’autre et, de manière générale, aura des répercussions sur sa vie. Sa socialisation sera impactée de plein fouet. C’est pourquoi, l’inceste, comme les violences conjugales, est d’abord et avant tout un fléau qui touche toute la société. Il est une atteinte à ses valeurs  les plus fondamentales déclarées comme telles, dont celle de la protection des uns par les autres, et en particulier des enfants par les adultes. La protection attendue ne peut commencer que par l’écoute et l’accueil respecteuse de la parole quels que soient l’âge et le niveau de moyens d’expression.

Une dernière question – encore plus simple – pourrait être posée à chacun : en quoi le secret pourrait réellement aider à protéger la personne qui se confie lorsqu’elle subie des violences ? Cela ressemble fort à un non-sens. Cela ne sert que les agresseurs et/ou les personnes et institutions dont le rôle est de garantir le maintien de l’ordre public et la protection effective que tout un chacun attend de la société à laquelle il appartient, a fortiori au pays de la Déclaration des droits de la Personne (de l’Homme). Lever ce secret revient à dévoiler au grand jour des défaillances, des manquements volontaires ou non, jusqu’à des volontés de nuire.

Notre société est aujourd’hui face à de vrais choix sur comment vivre ensemble. La levée de tous les secrets en est un. Apparement plus loin du sujet qui nous occupe, le « secret bancaire » est aussi au nombre des secrets qui structurent les rapports sociaux. Sans rentrer dans ce sujet, il participe avec tous les autres secrets d’une culture de l’opacité dont l’intêrét profite souvent aux plus aisés, donc à ceux qui ont les moyens de dominer.

Le juge Edouard Durand appelle de ses vœux une société qui endosse la culture de la protection[28] et il a raison. Mais cela ne pourra pas se faire sans la levée du secret, de tous les secrets, à tous les niveaux tant qu’il profite potentiellement à l’agresseur.  

VI. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret

Une nouvelle organisation est possible mais pour cela il faut également s’attaquer à tous les mécanismes connexes au secret également institutionnalisés qui permettent la complicité active ou passive, volontaire ou contrainte, consciente ou non, de l’entourage et des institutions elles-mêmes.

La justice s’appuie sur la notion de « prescriptibilité des peines » interdisant l’imprescriptibilité. Ceci en regard d’une croyance qui vise à préserver le « droit à l’oubli » pour l’agresseur. Or, ce faisant, la société indique que le droit à l’oubli pour l’agresseur est plus important que le droit à la justice pour une victime dont la mémoire lui aurait fait défaut pendant plus de 30/40 ans[29] (la mémoire traumatique occulte les violences, ce qui permet à la personne de continuer à « vivre » ou « survivre » malgré le trauma) . Ce choix est un vrai choix de société sans compter sur l’effet dissuasif pour les agresseurs de l’imprescriptibilité qui permettrait, pour des enfants, de rétablir une sorte d’équilibre dans l’atteinte à leur intégrité et à leur vie à un moment ou le rapport de domination joue en leur défaveur. Ceci mérite d’être a minima posé dans le débat même si ici il n’est pas questin de viser le « tout sanction » bien au contraire. L’objectif est d’aboutir à ce que la vie prenne le pas sur la violence au sein de nos institutions et c’est en ce sens qu’une proposition pourra être faite.

La présomption d’innocence versus le principe de non-assistance à personne en danger a été exposée plus haut. Comme autre mécanisme visant à maintenir l’impunité, ou la banalisation de cette violence, c’est la pratique des tribunaux les conduisant à une déqualification matérielles des faits de crime en délit. Le motif généralement invoqué est celui de l’engorgement des tribunaux d’assises : or cela prive clairement les victimes d’une reconnaissance des violences subies à la hauteur de ce qu’elles sont à condition de vouloir une vraie société du soin et de la protection. Un rappel des chiffres de 2020 donnés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)[30] :  « Le nombre moyen de procureurs pour 100.000 habitants est quatre fois inférieur en France à la moyenne constatée au sein des 47 Etats du Conseil de l’Europe » et le nombre de juges est environ deux fois moins important que la médiane : 10,9 pour 100.000 habitants en France avec pour médiane 21,4. Il  y a un vrai manque de moyens en France.

S’il y a condamnation, le coupable purgera une peine qui le désignera à son tour comme seul responsable, sans inclure la responsabilité systémique de la société qui a « permis » ce crime. La société punit et se dédouane de sa part de responsabilité. Le coupable pourra avoir la tentation de se sentir à son tour « victime », et l’enfant victime n’aura pas l’occasion d’entendre les causes profondes qui ont engendrées le passage à l’acte de son agresseur. La justice est passée mais la réparation ne s’est pas opérée. C‘est ici que la question d’une Justice alternative qui offre à la victime d’être pleinement entendue et à l’agresseur de mesurer les conséquences de ses actes doit se poser.

L’Eglise s’appuie sur le pardon qui agit comme une absolution sans générer de prise en charge collective, ni de réflexion sur les causes, ou d’éradication du fléau. Cela reste une démarche individuelle. Le secret sera préservé.  

Une grande partie du milieu médical, pour ne pas voir les causes des violences et ne pas traiter la question à la hauteur de la gravité de ces violences, s’appuie sur le concept de résilience. Ce concept a permis de mettre un mot sur un mécanisme qui permet aux victimes d’entrevoir la possibilité de se reconstruire. Le processus permet de se dire victime, de se le dire à soi-même, de l’accepter pour ensuite le dépasser. Malgré tous les bénéfices de la description de la resilience, il est important de remarquer que les personnes qui l’utilisent, la promeuvent, ou en vivent professionnellement, ne relèvent jamais explicitement les causes des  maux ou les traumas qui en sont l’origine.

Ce qui est ici interrogé est de savoir pourquoi une grande partie du milieu médical met en place tout un système de discours et de parcours autour de la résilience de manière déconnectée des causes des traumatismes des personnes concernées. Au lieu de résoudre les problèmes à la racine et de se demander pourquoi les enfants, les adolescents ou les adultes souffrent, on leur apprend à faire face. Le secret peut se maintenir en l’état. La résilience prise sans la mise en lumière des causes du trauma est un outil instrumentalisé pour que le secret puisse perdurer.

Enfin dans la famille, c’est le mythe de l’amour inconditionnel qui opère comme un mécanisme de renforcement du secret. En effet,  il n’est pas concevable qu’il puisse y avoir autre chose que de l’amour dans cette cellule de base de notre société. Or, c’est la force de cette croyance qui ne permet pas que l’idée de la violence, et encore plus quand elle est cachée, pour toutes les raisons évoquées ci-avant, puisse être envisagée. D’ailleurs, Alice Miller dans son livre « La connaissance interdite » met en avant les mécanismes et croyances autour de la famille qui empêchent que la question des violences soient vraiment considérées très sérieusement.

Nommer ces violences risquent de faire exploser la famille au sens large et représentent un coût exorbitant avec de nombreuses conséquences allant de l’atteinte à l’image sociale, à la précarité du logement, précarité financière et à la peur de l’exclusion du groupe social. La peur de l’abandon est aussi un des moteurs les plus forts pour les enfants comme pour les parents protecteurs qui les empêchent de dire : que vais-je devenir si je suis mis au ban de la famille ou si je mets un référent au ban de la famille ? Les tensions sont trop fortes pour permettre de briser le secret.

En conclusion, que se passe-t-il quand un enfant parle et /ou qu’un adulte protecteur dénonce les faits de violences intrafamiliales et de l’inceste en particulier ? Ils enfreignent la loi du secret, la loi de tous les secrets liés au tabou de ces violences intrafamiliales dont l’inceste. C’est un peu comme si le fait de désigner, de dire, de nommer ces violences constituait finalement l’infraction « de violation des secrets » car elle bouscule les équilibres institutionnels tacites, existants au profit des agresseurs et couvrant les responsabilités de l’ensemble des institutions composant notre société. Briser le silence revient à remettre l’ensemble de la société face à ses valeurs, à ses croyances jusqu’à son organisation institutionnelle en faveur ou non d’une culture réelle de la protection.

Pour mémoire, les principaux chiffres ont les suivants :

  •  225.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du couple par an[31] ;
  • 165.000 enfants victimes de violences par an estimés selon l’enquête IPSOS[32] de 2019 ;
  • 80% des violences sexuelles sont des violences intrafamiliales ;
  • 95% des agresseurs pour violences sexuelles et incestes sont des hommes ;
  • 1 inceste sur 3 est perpétré par le père selon le rapport de la CIVIISE ;
  • 400.000 enfants sont victimes de violences intrafamiliales, pour seulement 1.480 condamnations et à peine 58 retraits d’autorité parentale selon le livre blanc des « enfants exposés aux violences conjugales »[33] de février 2022 remis au gouvernement par la députée de l’Eure, Marie Tamarelle-Verhaeghe

VII. Qui voulons-nous vraiment protéger ?

Le juge Edouard Durand a posé le constat dans le livre blanc précité de manière très claire sur l’inceste : Qui voulons-nous protéger ? L’inceste est :

  • « Un crime contre l’Humanité du sujet ;
  • Un vol et une atteinte d’une violence extrême de l’intégrité, de la dignité et de la liberté de la personne ;
  • Une perversion du besoin affectif et de sécurité de l’enfant, dans une asymétrie qui agresse l’enfant victime ;
  • Une trahison par la jouissance contrainte du corps de l’enfant, une rupture de la relation et une destruction du langage ;
  • Une manipulation car l’enfant est tenu par l’interdication de parler pour que l’impunité de l’agresseur soit assurée ; Il est isolé et enfermé ;
  • Une œuvre de mort tout au long de sa vie : souffrance somatiques, psychiques psychotraumatiques, attaque de l’estime de soi, de la vie affectives et sexuelles, de la confiance dans l’autre et dans la société ;
  • Un problème politique faisant de l’inceste un problème de sécurité publique et de santé publique.

VIII.  La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

La réponse est que nous voulons protéger les enfants, futurs adultes et citoyens.

Nous voulons aussi que notre société fasse que la famille soit vraiment le lieu de la vraie protection.

Au vu de l’ampleur du phénomène, il sera impossible de judiciariser le règlement de tous les crimes et délits intrafamiliaux. Au regard du nombre de personnes concernées, la mise en œuvre matérielle de la fin des violences intrafamiliales est socialement impossible pour des raisons financières, psychologiques et culturelles (Cf.la loi des Pères de Patric Jean[34]). Il faut également penser sur le long terme, penser l’« après » qui prendrait en compte la question de rendre possible la fin de l’inceste, tout simplement son éradication en tant que fléau de masse.

Nous ne pourrons pas utiliser notre justice pour traiter les 165.000 cas par an, ni les 4 millions, 5,5 millions voir 10 millions de cas. Les coûts culturel, psychique, financier et donc social sont exhorbitants.

Plusieurs guerres civiles, fratricides et sororicides, ont permis de penser à l’après : s’il a été possible de mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud grâce aux Commissions Vérité et réconciliation, si le Rwanda a réussi à dépasser un génocide ayant fait plus de 800.000 morts en quatre mois grâce à des instances de Justice « transitionnelle »[35], nous savons d’ores et déjà que nous avons des outils à notre disposition pour envisager l’éradication d’un fléau qui attaquent nos relations au sein de nos familles et notre communauté humaine. Beaucoup d’autres pays notamment en Amérique latine ou d’Afrique ont expérimenté des modes d’organisation tournés vers l’éradication et la prévention à venir des violences. Le fondement est l’envie profonde d’une reconstruction d’un lien social et d’une capacité à vivre ensemble pour que les horreurs perpétrées ne puissent plus jamais recommencer.

Il suffit simplement d’en faire le choix, reconnaissant que l’inceste et toutes les violences sexuelles sur mineurs sont des crimes d’ampleur intra-sociétaux, leur prévention et éradication doivent être pour tous une priorité. La fin du secret, doit être enfin pensée.

Nous sommes prêts. Des solutions sont prêtes.

Et la plus simple est sous nos yeux : Il suffit  qu’en matière de relations intrafamilliales,  ou relations par nature asymétriques entre un enfant et un adulte, que le principe de « présomption d’innocence » ne soit plus compris comme étant au profit de l’agresseur, mais bien comme celle de la protection de l’enfant. Devant l’évidence, cette inversion de la responsabilité doit cesser non seulement en droit français mais aussi dans tous les esprits pour une société d’humanité.

Edith A., Juriste.


Relecteurs et contributeurs tous précieux,  de tous horizons familiaux, sociaux et professionnels confondus (journaliste, pédiatre en CHU, psychologue, gémologue, fonctionnaire cour des comptes, fonctionnaire ministère du travail, emploi et solidarités, lobbyiste européenne, juriste, professeure, enseignante, éducatrice spécialisée, directrice de théatre…) :

  • Hélène R.
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APPEL A ACTIONS DANS LE TEMPS : Pour tous les professionnels (médecins, psychologues, psychiatres, éducateurs, avocats, magistrats etc…) et/ou citoyens qui souhaitent participer activement à ce changement de société, vous pouvez écrire aux deux adresses suivantes pour plus d’informations :

Vous trouverez ici notre Manifeste.


[1] A noter : le journal Libération (article de Jacques Pezet Novembre 2021)-a vérifié les données mises en avant par Karl Zéro dans son manifeste « 1/5 » directement auprès du Conseil de l’Europe. Ces données sont une compilation d’analyses et d’études nationales diverses. Les taux de prévalence peuvent donc varier d’un pays à l’autre.

https://www.liberation.fr/checknews/dou-vient-lestimation-selon-laquelle-un-enfant-sur-cinq-a-ete-victime-de-violences-sexuelles-20211109_S633ZAV6ZJEGXNR3RGX4GI7RF4

[2] Chantal Zaouche Gaudron, dans Exposés aux violences conjugales, les enfants de l’oubli (2016), pages 15 à 18. Severac N. Les enfants exposés à la violence conjugale. Recherches et pratiques. ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger). 2012.

[3] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[4] https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/memoire-traumatiquevictimologie_impact_violences_sexuelles.pdf (p.279)

[5] Encore des chiffres de 2018 –  https://www.cairn.info/revue-rhizome-2018-3-page-4.htm

[6] Loi  n°2016-297 du 14 mars 016 relative à la protection de l’enfant (cf.https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032205423)

[7] Dorothée Dussy, le Berceau des dominations, 2013, ed. La Discussion

[8]  Alice Miller, «La connaissance interdite. Affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie », ed. Flammarion 1980.

[9] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[10] https://www.franceculture.fr/droit-justice/linceste-au-fil-du-droit-circonstance-aggravante-mais-pas-crime-en-soi

[11] « Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste », Dorothée DUSSY, ed. La Discussion, 2013

[12] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[13] Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°16, novembre 2020

[14] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/

[15] https://www.cdpenfance.fr/communique-de-cdp-enfance/) et (https://www.mediapart.fr/journal/france/080422/violences-intrafamiliales-quatre-associations-a

[16] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/5e-plan-de-lutte-contre-toutes-les-violences-faites-aux-femmes.pdf

[17] https://www.scienceshumaines.com/syndrome-d-alienation-parentale-trente-ans-de-controverses_fr_41770.html ; https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/inceste-en-finir-avec-le-mythe-du-syndrome-d-alienation-parentale

[18] https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html

[19]( https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html)

[20] Felitti, V. J., Anda, R. F., Nordenberg, D., Williamson, D. F., Spitz, A. M., Edwards, V., et al. (1998). The relationship of adult health status to childhood abuse and household dysfunction. American Journal of Preventive Medicine, 14, 245-58. Dans l’article de Muriel Salmona paru dans Rhizome 2018/3-4 (N°69-70), p.4 à 6. « Les traumas des enfants victimes de violences : un problème de santé publique majeur »,

[21] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2012-11/specialmedecin_secretmedical_web.pdf, p.5/32

[22] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : (https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/)

https://www.liberation.fr/societe/police-justice/inceste-lordre-des-medecins-pas-favorable-a-une-obligation-de-signalement-des-medecins-20220331_HDEF4Y25EZHELBQF5QFYQF4P7Y/

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.htm

[23] https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/enfants-maltraites-les-pedopsys-sous-pression

[24] https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.html

[25] https://www.20minutes.fr/societe/3108235-20210824-nord-combat-pere-contre-bizutage-apres-mort-fils

[26] http://www.chansons-paillardes.net/chansons_paillardes/Breviaire-paillardes/Les_Paroles/DigueDuCul.html

(La digue du cul je rencontre une belle(bis), Qui dormait le cul nu la digue la digue, La digue du cul je bande mon arbalète (bis), Et lui fous droit dans l’cul la digue la digue)

[27] Rapport du 5 octobre 2021,  de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. (https://www.ciase.fr/rapport-final/)

[28] https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/03/edouard-durand-la-parole-des-victimes-sera-la-base-de-nos-travaux_6093274_3224.html

[29] Muriel Salmona, 2028, « chapitre 7 : Amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ? » dans Victimologie de Carole Damiani et Roland Coutanceau.  https://www.cairn.info/victimologie–9782100784660-page-71.htm

[30] Conseil de l’Europe Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), 8ème rapport « Systèmes judiciaires européens – Rapport d’évaluation de la CEPEJ – Cycle d’évaluation 2020 (données 2018) ». https://www.coe.int/fr/web/cepej/home/-/asset_publisher/CO8SnxIjXPeD/content/the-cepej-report-containing-the-figures-on-the-efficiency-of-the-functioning-of-judicial-systems-in-europe-has-been-published?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fcepej%2Fhome%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_CO8SnxIjXPeD%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D9

[31] Chiffres du Ministère de l’intérieur de novembre 2021. 

https://mobile.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-infos-pratiques/2022-Infos-pratiques/Signalement-des-violences-sexuelles-et-sexistes/Violences-sexuelles-et-sexistes-les-chiffres-cles

[32] https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-06/2019-rapport_d_enquete_ipsos-web.pdf

[33] https://www.enfantsetviolencesconjugales.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livre-blanc-Enfants-exposes-aux-violences-conjugales.pdf

[34] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[35] ATTENTION : Il ne s’agit pas de Justice restaurative, où la victime se retrouverait en face de son agresseur pour envisager une réparation. Cela est à proscrire car dévastateur pour la victime. Aucune justice ne pourra réparer le traumatisme lié à la violence  faite sur les enfants et encore moins lorsqu’il s’agit d’inceste. Il s’agit d’un autre modèle de Justice qui doit être proposé pour que les violences cessent définitivement. Une Justice collective, une société qui dit ce qui est, pour que cela s’arrête. Une société qui décide vraiment de protéger les enfants.  La Cour d’Assise est le seul endroit aujourd’hui où les victimes peuvent être entendues mais au regard du fléau que représente les violences sur les enfants dont les violences sexuelles avec au premier chef, l’inceste, notre modèle de société ne permet pas que tous les cas y soient traités. Pour preuve, la correctionnalisation des viols sur enfants (et en général) fait partie de la stratégie de nos institutions judiciaires pour qu’un refus réel des violences sur les enfants puisse être considéré comme sérieux. Notre société autorise donc toujours, y compris institutionnellement les viols sur enfants. (cf.

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf: .

« La correctionnalisation des viols (40% des agressions sexuelles jugées au Tribunal Correctionnel sont en fait des
viols) aboutit à des condamnations avec des peines souvent peu importantes, avec du sursis, et des réparations souvent minimes (Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny) »

Pour protéger ses filles, victimes d’inceste paternel, Léonie refuse qu’elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Témoignage NRE Pour protéger ses filles, victimes d'inceste paternel, Léonie refuse qu'elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Léonie a 22 ans quand elle rencontre Kévin en 2013.

Indépendante, elle ne souhaite pas se mettre en couple. Kévin insiste longuement et après un an de messages pressants, Léonie finit par se mettre en couple avec lui. 15 jours plus tard, il emménage chez elle et avec lui, sa famille qui s’installe à proximité. Rapidement, il étend son emprise en cherchant à éloigner Léonie de ses amis, de sa famille, il lui dit que son travail d’aide soignante n’est pas fait pour elle et qu’il souhaite un enfant dont elle pourrait s’occuper. Léonie tombe enceinte et accouche d’une petite fille en 2015. Au lieu d’être épanoui en famille, Kévin déserte le foyer de plus en plus et ne s’occupe pas de son enfant car c’est une fille et qu’il voulait un garçon. Quand Léonie tombe à nouveau enceinte d’une seconde petite fille, c’est la descente aux enfers qui commence.

Kevin ne fait plus rien du tout, il est dépressif et agressif.

En plus, on annonce une trisomie possible et Léonie se retrouve seule, sans soutien face à cette nouvelle. Épuisée physiquement et psychologiquement, la maman accouche prématurément à 30 semaines d’une fille non trisomique en 2017. Elles resteront 2 mois à l’hôpital. Kevin ne vient les voir que tous les 15 jours. A son retour de la maternité, il annonce à Léonie qu’il a quitté son travail. Sa dépression s’accélère et il passe son temps devant des jeux vidéos, laissant Léonie tout gérer, les enfants, la maison, les finances. Justement, financièrement, c’est la catastrophe. Ils vendent leur maison en 2018 et Léonie lui annonce qu’elle stoppe leur relation. Elle n’en peut plus ! Kevin passe de dépressif à harceleur dans la seconde suivante. Il ne supporte pas que Léonie ait décidé de le quitter.

Il devient menaçant, violent verbalement et physiquement.

Léonie lui propose une garde alternée de 2 jours mais il a beaucoup de difficultés à gérer ses filles. Léonie met cela sur le compte de la rentrée scolaire et de la séparation. Mais en fin d’année, leur nourrice l’alerte du comportement de leur fille ainée, qui s’éteint et devient terne. Quand elle revient de chez son père, elle est souvent habillée en mini jupe, avec des talons, alors qu’elle a 3 ans. Et puis un soir, au moment du bain, la petite fille raconte à sa maman que son papa lui donne des tapes au niveau du sexe. Léonie va porter plainte à la gendarmerie où on la rassure et on lui dit qu’elle va être entendue. La réalité est toute autre. Sa fille est auditionnée par 3 gendarmes qui ne suivent pas le protocole Mélanie. L’enfant ne voit ni psy, ni médecin. Et l’affaire est classée en moins d’un mois.

La violence du père explose suite à cette impunité.

Prétextant qu’il doit lui rendre des affaires, Kévin pousse Léonie dans le coffre de sa voiture et lui referme la porte sur le dos plusieurs fois devant les enfants. Quand Léonie porte plainte, la même gendarmerie refuse de l’enregistrer en lui expliquant que c’est normal ces altercations en cas de séparation et que ça va se tasser… Sans surprise, Kévin continue de maltraiter Léonie et ses filles. Le JAF est saisi pour statuer sur la garde des enfants en 2019. Léonie explique que sa fille ainée refuse nettement d’aller chez son père. Le JAF ordonne donc que l’enfant s’y rende 1 samedi sur 2, de 10h à 18h et la moitié des vacances scolaires. En revanche, la petite sœur, elle, doit y retourner en garde alternée classique… L’ainée ne comprend pas pourquoi elle doit retourner chez son père. A chaque fois, elle refuse, elle hurle…

A partir de sept.2019, Léonie décide de la soutenir et ne la force plus.

Son père ne cherche pas à la revoir mais il dépose plainte pour non représentation d’enfant (NRE) à chacune de ses absences. Rapidement hélas, la nourrice alerte à nouveau Léonie que la cadette change de comportement à son tour. Elle devient agressive, incontinente, refuse de manger… Léonie note aussi de gros problèmes d’hygiène et de santé : l’enfant tombe tout le temps malade et se plaint que son père la force à se mettre à 4 pattes pour lui mettre des suppositoires. En janvier 2020, elle hurle parce qu’elle a mal au « zouzou ». Léonie file aux urgences où les médecins la préviennent que non seulement son sexe est rouge et tuméfié mais que l’enfant dénonce son père. Elle dit que papa lui met des doigts dans le sexe et l’anus. Léonie porte plainte illico dans une autre gendarmerie où elle est enfin considérée.

Sa fille est auditionnée selon le protocole Mélanie.

Les gendarmes lui conseillent de protéger ses filles en les éloignant de leur père et demandent à celui-ci de ne plus rentrer en contact avec elles trois. Une heure plus tard, Kévin est chez Léonie, tout sourire, pour lui dire « vous ne prouverez rien et je vais encore être blanchi « . L’enquête continue auprès de l’entourage mais hélas, l’enfant ne pourra être vu médicalement que 4 semaines plus tard et les traces auront disparues. En mai 2020, la gendarmerie annonce une garde à vue mais le lendemain, elle est dé-saisie du dossier qui retourne à la première brigade. Kévin est alors entendu en audition libre et entre 2 fausses déclarations, il accuse Léonie du grand classique SAP… Le dossier part chez le procureur en juillet 2020. Le JAF est ressaisi mais Léonie se le met à dos car elle ose refuser l’expertise familiale.

Celle-ci devrait se faire à 4, en présence du père, ce qui est inenvisageable pour elles trois. Malgré toutes les preuves, le JAF lui reproche ses NRE et lui ordonne de déposer sa fille ainée à son père un WE sur deux et accorde à Kevin la possibilité d’aller chercher ses enfants à l’école pour éviter les NRE. Léonie refuse et déscolarise ses filles tous les vendredis après midi. Kévin continue de porter plainte. En décembre, il agresse physiquement Léonie et ses filles devant l’école. Léonie dépose plainte mais toujours la même gendarmerie, malgré les 10 jours d’ITT, classe l’affaire en prétextant que ce n’était qu’une tentative d’agression… Après un rappel à la loi, Léonie explique au délégué du procureur pourquoi elle fait des NRE. Une enquête de la protecteur des mineures s’ouvre mais la gendarmerie reprend encore la main sur le dossier. Le lendemain, Léonie est convoquée.

Elle enregistre secrètement les gendarmes qui lui disent : « Quand est-ce que vous allez arrêter de porter plainte contre monsieur pour l’accuser de violences sexuelles ? Nous avons classé l ‘affaire. Vous remettez les enfants à monsieur. »

Léonie refuse. En mars 2021, on la place en garde à vue. Il y en aura 2 autres ensuite (du grand banditisme sans doute…). Son avocat dépose une plainte pour attouchement sur mineurs avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction. Kevin, lui, envoie les travailleurs sociaux chez Léonie car il pense que les enfants sont en danger chez elle. L’enquête dure 2 mois et conclut à un un conflit parental. Et puis le juge des enfants la convoque. Il ordonne une mesure d’investigation judiciaire et une expertise psy en individuel des membres de la famille. Leur rapport accable Léonie car Kévin ment en disant que Léonie a été violée enfant, ce qui fausse tout.

Inversement, la mesure d’investigation brosse un portrait à charge du père, alcoolique, agressif, dépressif, impulsif… Mais ce rapport sera écarté délibérément par le JAF. Léonie est condamnée à 10 mois de sursis, 2 ans de mise à l’épreuve, 3.500€ de dommages, une injonction de soin et l’obligation de laisser ses filles à Kevin. En parallèle, le juge des enfants interdit à Kevin de rentrer en contact avec ses enfants et impose des visites en AEMO. Kevin demande alors le placement de ses filles ! Le juge refuse et Kévin reprend encore plus fort son harcèlement quotidien. Les mesures d’AEMO commencent mais ne respectent pas la recommandation du juge, car Kevin fait pression.

Il sait ses filles terrorisées et leur a déjà dit : « Ca ne me dérange pas de vous vous faire peur ».

Coincée entre des décisions contradictoires, Léonie attend que ses filles soient enfin entendues et protégées de leur agresseur.


Nous vous conseillons de lire notre article Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Syndrome de la bonne et de la mauvaise victime

Syndrome de la bonne et de la mauvaise victime

Une victime, c’est une victime. Hélas, dans les faits, il y en a des bonnes et des mauvaises…

Cette idée offusquante peut sembler irréelle, pourtant, on l’observe tous les jours. A chaque nouvelle affaire de violences sexuelles, l’opinion publique s’empresse de juger l’histoire et ses protagonistes selon des critères peu avouables, souvent sexistes. Un bon exemple est le super médiatique procès qui opposait Amber Heard et Johnny Depp.

Le monde entier est devenu expert en violence intra-familiale. Les gens SAVAIENT qui était coupable ! Et cette omniscience populaire commentait partout qu’Amber Heard ne pouvait PAS être une victime. Peu aimable, ayant eu également des comportements violents, une santé mentale fragile, largement moquée sur les réseaux sociaux, la parole d’Amber n’a eu aucun poids face à celle du pauvre (et beau) Johnny Depp…

Pourtant, ce n’est pas parce qu’on est capable d’avoir des comportements violents ou toxiques qu’on ne peut pas être victime soi-même de violence conjugale. Il y a des personnes qui ne réagissent pas (les « bonnes » victimes, celles qui agissent comme la société l’imagine) et puis d’autres qui finissent par se défendre, en utilisant parfois des procédés similaires à leurs agresseurs.

Et là, tout le monde a un avis sur ce qu’il aurait fallu faire : réagir plus tôt, partir, demander de l’aide, s’habiller autrement, protéger ses enfants… Hélas, si c’était aussi simple, cela se saurait. La liste est longue des mécanismes qui font que les victimes subissent le pire. Cette apparente acceptation de la violence peut venir de dépendance économique, d’isolement familial et social, souvent organisés par le conjoint pour dominer et contrôler.

Parfois, la victime, de par une enfance personnelle difficile, a pu développer une dépendance affective, une idée du couple faussée.

Elle est résignée ou fataliste face aux rapports de sexe et à la vie conjugale. Sans parler des manipulations puissantes de son agresseur, de son emprise, qui multiplie les ruses pour fragiliser la victime. Enfin, si on ajoute la méconnaissance des structures d’aide, le mauvais accueil des professionnels censés venir en aide, une immense partie des victimes ne peuvent ni envisager des solutions de « sortie » ni les mettre en œuvre.

Mais la société n’entre pas dans le « détail » de toutes ces considérations. Selon l’adage simpliste populaire, « quand on veut, on peut » ! Les gens condamnent alors rapidement les personnes qui n’ont pas réagi, preuve selon eux qu’elles ne sont pas si innocentes…

De plus, en dehors des mécanismes méconnus de la violence intrafamiliale, les victimes se retrouvent classées également selon des images d’Épinal. La société se représente les « bonnes » victimes brisées, recroquevillées, avec des bleus… mais ce n’est pas représentatif de ce que vivent toutes les victimes.

Cette surreprésentation de la violence physique efface l’existence de violences psychologiques et sexuelles. Tout comme les représentations des hommes physiquement violents font oublier l’omniprésence de leur autoritarisme coercitif, de leur perversion narcissique, de leur toxicité…

Ce regard binaire biaise la représentation populaire des victimes mais également le regard que les victimes se portent aussi sur elles-mêmes.

Toutes ne s’identifient pas à la victime tuméfiée et ne portent pas plainte. Pour avancer, la société devrait s’attaquer aux violences globales : du harcèlement de rue à la violence économique, en passant par les violences psychologiques.

On a reproché à Amber Heard de se défendre de manière violente.

On pourrait donc penser que l’opinion publique condamne la violence sous toutes ses formes. Sauf que la société ne condamne pas autant celle des hommes dont l’impunité systémique nourrit pourtant leurs comportements délétères. Étrangement, toutefois, parfois de l’empathie surgit.

Quand la violence subie pousse les victimes dans leurs derniers retranchements et qu’elles utilisent à leur tour des comportements violents allant jusqu’au meurtre, les gens peuvent être compatissants. Ainsi, Valérie Bacot qui a fini par assassiner son mari (qui l’avait battue,

violée, prostituée pendant 24 ans) ou Jacqueline Sauvage qui a elle aussi tué son mari (qui a violentée 47 ans durant elle et ses enfants) ont été soutenues par l’opinion publique.

Dans ces rares cas, la société change de camp. D’un coup, on comprend, on évoque la légitime défense. Mais c’est au tour de la Justice d’être frileuse. Ces dossiers de meurtrières ET de victimes de violences conjugales sont considérés comme de simples affaires de crime.

Et la Justice applique la loi sans prendre en compte les circonstances. Peu importe les années de souffrance, ce qui compte c’est leur geste mortel. Ainsi, le droit pénal français refuse de consacrer le féminicide comme violence spécifique à un genre, pas plus qu’il ne prend en compte les conséquences des violences faites aux femmes. Pourtant, la Justice sait réprimander plus fortement les meurtres racistes ou homophobes… Mais pas la violence sexiste.

Finalement, une mauvaise victime, c’est simplement une femme.


Voir aussi https://journals.openedition.org/mots/22114

Voici l’histoire d’Adèle, mère en lutte…

Voici l'histoire d'Adèle, mère en lutte.... pour protéger ses 3 enfants contre leur père violent, incesteur et… militaire

…pour protéger ses 3 enfants contre leur père violent, incesteur et… militaire

Adèle rencontre Damien, qui est militaire, et tombe très vite enceinte ; c’est ce qui enclenche la décision de créer une famille ensemble. Salomé nait début 2010. Adèle constate rapidement de nombreux dysfonctionnements familiaux chez Damien. Et puis Damien est souvent en déplacement, alors elle prend sur elle. La vie continue, ils accueillent un nouvel enfant, Jacques.

Mais finalement 3 années de relation suffisent pour que la situation devienne étouffante. Damien devient menaçant. Les violences psychologiques s’installent et explosent à n’importe quel moment. Aux violences s’ajoutent un autre malaise.

Alors qu’elle s’apprête à accueillir leur troisième enfant, Adèle observe que sa fille Salomé se comporte étrangement. A moins de 4 ans, l’enfant essaie de glisser sa langue dans la bouche de sa maman pour faire des bisous…

Adèle soupçonne son mari de regarder des vidéos pornos devant Salomé. En analysant de plus près l’historique de l’ordi de son mari, elle tombe de haut. Non seulement le temps de visionnage est impressionnant mais surtout il s’agit de recherches de type pédopornographiques.

Suite à cette révélation qui a lieu au retour de la maternité, Adèle, déterminée à protéger ses enfants, décide de se séparer de Damien.

Quand elle l’annonce à ce dernier, il répond :

Tu es la seule femme que je n’ai pas réussi à briser.

Damien négocie immédiatement pour obtenir ce qu’il veut. Il est d’accord pour un divorce à l’amiable s’il peut rester gratuitement dans l’appartement avec eux le temps de trouver un appartement de fonction et si Adèle ne demande pas de pension alimentaire.

Il est décidé que les enfants résideront principalement chez leur mère.

Adèle veut bien tout accepter pour peu que le comportement de sa fille redevienne celui d’une petite fille de son âge. Pourtant, malgré la séparation, les choses n’évoluent pas en ce sens. Adèle se rend compte que ses enfants ont beaucoup de mal à gérer leurs émotions et semblent perpétuellement en colère. Ainsi, un jour où leur père les dépose chez elle, ils attendent, le visage tout blanc et quand le père repart, Salomé met son poing dans sa bouche et se met à crier.

Et puis un jour, Adèle surprend sa fille en train de faire un acte sexuel à son petit frère de 2 ans. Elle lui demande de cesser et Salomé répond : « Est-ce qu’il faut arrêter avec papa aussi ? », et elle parle à Adèle d’autres actes sexuels qu’elle a fait avec son papa. Adèle réalise avec horreur que ce n’est pas « juste » un souci de papa qui regarde du porno devant ses enfants. Un médecin lui conseille de se rendre à l’hôpital.

A l’hôpital on lui recommande de laisser les enfants aller chez lui pour ne pas que ça se retourne contre elle. Puis, ayant constaté la violence et l’hypersexualité de Salomé, l’hôpital porte plainte contre le père.

L’avocat d’Adèle conseille de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) qui ordonne en mars une expertise psychiatrique, une enquête sociale, et des visites médiatisées.

Adèle est convoquée par la brigade des mineurs qui l’intimide et qui lui ordonne de se remettre avec son ex-conjoint militaire ! La brigadière est agressive. Elle finit par classer l’affaire soi-disant parce que la mère ne porte pas plainte (la plainte figure pourtant dans le dossier…)  alors même  que l’hypersexualité et la violence ont été constatés. Malgré la recommandation du défenseur des droits et le rapport de l’hôpital, lors de l’audience, le fait que la plainte soit classée sans suite joue en faveur du père, à qui on accorde un droit de visite classique.

Damien devient membre de SOS papa et devient très offensif : désormais, il souhaite avoir la résidence dans un autre pays en Europe où il a déménagé. Il accuse Adèle d’être une femme mensongère, folle et manipulatrice. Du coup, le JAF en déduit que s’il n’y a plus de preuves, il n’y a pas de problème ! Les enfants peuvent partir toutes les vacances chez leur père.

Le JAF suspend son jugement le temps d’avoir un rapport psychiatrique. Le père demande au juge des enfants (JDE) d’intervenir en évoquant le syndrome d’aliénation parentale. Ce dernier accepte de mettre en place une mesure judiciaire d’investigation éducative.

En parallèle, le père menace le pédo-psychiatre qui a  effectué 4 signalements de le poursuivre auprès de l’ordre des médecins. Dans le cadre de la mesure d’investigation par le JDE, les professionnels font un signalement accablant contre le père et attestent des traumas des enfants.

Le juge ordonne des visites médiatisées et demande des compléments d’investigations concernant le père.

Mais tout bascule lorsque le père contracte les services du médiatique et controversé Dr Paul Bensussan qui fait un rapport à charge contre Adèle, sans la voir, et sans voir les enfants.

Le JAF ne fera désormais référence qu’à ce rapport et ignorera les signalements et le jugement de protection du JDE. Coup de grâce, il transfère la garde totale des enfants à Damien, à l’étranger ! Adèle fait appel immédiatement, mais le mois suivant la justice confirme le jugement. Adèle part également à l’étranger.

Là-bas, le juge permet que les enfants voient leur mère un week-end sur 2 et réclame une enquête sociale. Celle-ci atteste que la mère est « normale » et le père très agressif. De son côté, Damien met en place la procédure abandon de famille : il essaye de détruire Adèle financièrement.

Damien continue de maltraiter ses enfants qui racontent la violence, l’hystérie, les cris… Damien ne soigne pas l’otite de Salomé qui perd une grande partie de son audition.

En juillet 2019, Adèle redemande la garde alternée. L’audience de février 2020 est reportée suite au Covid mais comme le JDE  continue de recevoir des signalements, il rouvre le dossier et demande un test psychologique.

Damien annonce alors son déménagement Outre-mer. Le JAF néglige le fait qu’il y a une investigation en cours chez le JDE et l’autorise à partir au bout du monde avec les enfants. Il accorde à Adèle 3 visites dans l’année. Elle s’envole donc en vacances avec les enfants l’été 2020, dans son pays natal. Mais Damien demande au JAF une interprétation du jugement en vue de supprimer les vacances de la mère, ce que le JAF valide… alors qu’Adèle est DEJA en vacances avec ses enfants !

Adèle essaie d’engager une protection depuis son pays natal, mais le père déclenche une procédure pour enlèvement international d’enfant, relatif à la Convention de La Haye. Cette convention place la mère protectrice dans la position du parent ravisseur présumé COUPABLE, et le père comme le parent victime. Aussi lorsqu’elle rentre en France avec ses enfants, elle est immédiatement mise en garde à vue pour enlèvement d’enfants, et ces derniers sont placés dans un foyer.

Les professionnels du foyer notent leurs inquiétudes pour les enfants qui révèlent les violences de la part de leur père. Ils  demandent que les enfants restent placés. Mais le JDE autorise le père à partir avec ses enfants Outre-mer (!) et demande juste une Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) en plus de la  mesure judiciaire d’investigation éducative déjà ordonnée  plus tôt dans l’année.

Le père continue ses actions d’éradication de la mère et demande que tout contact entre des enfants et Adèle soit interdit.

Adèle n’a pas vu ni parlé avec ses enfants depuis presque 2 ans.

Les enfants pleurent et demandent des nouvelles : les services sociaux leur disent que leur maman les a abandonnés (c’est écrit dans le rapport). Ses lettres sont lues par les services sociaux aux enfants, ils n’ont pas le droit de lire eux même les lettres.

En janvier, horreur, Adèle est condamnée à 1 an de prison ferme exécutoire !

Sans aménagement de peine !

Elle s’attend à tout moment que la police vienne la transférer dans un centre de détention.

Adèle n’a JAMAIS été présentée comme une personne représentant un danger pour ses enfants, elle est une mère aimable, stimulante, stable et rassurante pour des enfants.

Il est déjà très compliqué de protéger un enfant  maltraité en France, il semble que ce soit presque impossible si les violences viennent d’un militaire. Dans ce dossier, ont été ignorés 22 signalements et de multiples plaintes durant 8 ans.

Il y a quelques semaines, un juge qui vendait sa fille sur les sites pédocriminels a été condamné à un an de prison…

Quel est le crime d’Adèle pour mériter cela ?

#JusticePourAdèle

Vous pouvez retrouver ici une interview d’Adèle dans Le Figaro.

Adèle est loin d’être un cas isolé, c’est pourquoi nous avions interpellé les candidats à la présidentiel. Désormais M. Macron vous avez été élu, félicitation, mais que comptez-vous faire à présent pour Adèle et toutes les mères dans sa situation ?

Des réformes sont urgentes, nous attendons une grande loi cadre sur le modèle de la loi espagnole.

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Livre "Mauvais père" : l'importance de la plaidoirie de Caroline Bréhat

de Caroline Bréhat

La publication de cet extrait tiré de Mauvais Père, mon témoignage sur le faux syndrome appelé « SAP » publié par Les Arènes en 2016, vise à démontrer qu’une plaidoirie qui intègre des éléments « psy » (en présentant le fonctionnement pathologique et les mécanismes de défense propres à ces personnalités) peut aussi porter ses fruits en sensibilisant les juges à la dangerosité du parent aliénant/agresseur.

C’est en effet grâce à cette plaidoirie que la Cour d’appel de Rennes a très exceptionnellement décidé qu’il fallait protéger ma fille Gwendolyn du parent agresseur (le vrai parent aliénant) en empêchant son retour aux Etats-Unis.


Extrait de Mauvais père de Caroline Bréhat

Nous avions, après de longs débats, décidé d’un changement radical de tactique. Quand le combat est manifestement perdu, il faut changer 3 choses : le terrain, c’est ce que j’avais fait en quittant New York ; mais aussi, les règles du jeu, et les armes. Les juges aux affaires familiales détestent les accusations trop virulentes, mais nous possédions la matière pour les appuyer. Nous étions bien décidés à dessiller leurs yeux et leur démontrer que la personnalité psychotique de Julian interdisait absolument tout retour de Gwendolyn auprès de lui.

Palais des ducs de Bretagne, Rennes, 17 mars. Les trois juges d’appel, le président, et ses deux conseillers, étaient assis en face de moi sur une estrade. Derrière eux, des boiseries somptueuses représentaient des scènes du VIIème siècle. Les magistrats attendaient impassibles que tout le monde prenne place. Deux étudiantes en droit prirent place aussi silencieusement que possible dans notre dos. Les trois juges en robe de velours, capés de leurs mantilles d’hermine si solennelles, ne quittaient pas les protagonistes des yeux, ils semblaient étudier chacune de nos expressions. Le président se démarquait par sa prestance et ses traits aristocratiques. Il m’impressionnait : tremblante, sans doute recroquevillée, j’étais écrasée d’anxiété devant ce demi-dieu qui tenait ma vie et celle de Gwendolyn entre ses mains.
[..]

Je connaissais la plaidoirie de Maître Tollides par cœur. Nous avions passé des jours, des nuits à peser chaque phrase, chaque terme, chaque concept. Nous avions tiré les leçons de la première instance et, cette fois-ci, nous étions bien plus préparés, plus offensifs. Nous y avions intégré le fruit de nos analyses « psy » sur Julian : sa violence, ses projections, sa folie, sa paranoïa. Tout s’était soudain éclairci dans mon esprit, et la plaidoirie de maître Tollides avait été rédigée pour sensibiliser les juges d’appel à la dangerosité de Julian.
Tarnec écoutait l’argumentation de mon avocat, tête baissée. A ses côtés, Julian, dont le coude était posé sur le dossier de sa chaise, était fébrile. Il ne cessait de s’agiter. Maître Tollides continuait de rappeler l’historique de l’affaire. Sa voix portait et sa déclamation spontanée et élégante captait l’attention de l’audience.

Madame Bréhat a toujours eu le souhait que son enfant s’épanouisse lors des périodes passées en son domicile, mais également lors des séjours chez son père. Elle n’a toutefois pu que constater que sa fille manifestait de plus en plus de troubles lorsqu’elle devait se rendre chez M. Jones, exprimant des craintes de plus en plus fortes, ce sentiment de peur s’accompagnant notamment de crises de tremblements. L’enfant faisait part à sa mère d’épisodes de plus en plus violents à son retour. Malgré cela, Mme Bréhat a toujours respecté les termes des décisions rendues, tentant d’apaiser l’enfant, de la convaincre. Les craintes de Mme Bréhat ont redoublé lorsque la thérapeute de l’enfant lui a fait part des pensées suicidaires de Gwendolyn, provoquées par les périodes passées en compagnie de son père et de la seconde épouse de celui-ci. Lors de son séjour en France, en été, elle a décidé de suivre les conseils du docteur Richt, et de consulter une psychologue, afin d’avoir un second avis. Madame Roufignac, dont les conclusions seront également évoquées ci-dessous, a confirmé le bien fondé des craintes éprouvées par la concluante. L’experte a considéré devoir également faire immédiatement un signalement au Parquet. Rappelons que les experts, psychologues et médecins français sont soumis à un code de déontologie strict, et qu’ils peuvent être sanctionnés, professionnellement et pénalement, en cas de faux signalement ou de certificat de complaisance. M. Jones n’hésite pourtant pas à mettre systématiquement en doute les rapports et certificats produits ainsi que la compétence de leurs auteurs…

C’est ainsi que le retour de Gwendolyn a été ordonné, mais au domicile de sa mère. Cette décision ne peut être exécutée, Mme Bréhat n’ayant plus de domicile à New York. Le premier juge, lorsqu’elle évoque une « réalité souvent plus contrastée » quant au parent désigné comme seul responsable par l’autre, et inversement, s’appuie sans aucun doute sur sa longue expérience des conflits parentaux. Mme Bréhat entend pourtant démontrer que le cas d’espèce est extrêmement complexe, qu’il sort du commun et doit être jugé comme tel.
L’auditoire de maître Tollides était manifestement captivé, et Julian, que je ne cessais d’observer, semblait progressivement perdre contrôle de lui-même. Ses yeux brillants s’agitaient frénétiquement et je remarquais que les doigts de sa main droite ne cessaient de pianoter sur sa cuisse.

Monsieur Jones choisit, adopte et impose la réalité qui lui convient. Il est alors profondément convaincu et certainement très convaincant. Mais il peut en changer tout aussi rapidement et peut se montrer particulièrement irascible envers qui veut s’opposer à lui…
Tollides respira, il se tut, ferma les yeux et grimaça. Il y avait dans cette grimace de la douleur.

Irrascible envers qui s’oppose à SA vision de la réalité… notamment sa fille, hélas, qui a ce talent, malgré son jeune âge, de discerner le vrai du faux !
J’observai toujours Julian et je me demandai si je n’étais pas victime d’une hallucination. Sa mâchoire se crispait, son sourire vainqueur se muait en un rictus agressif, son œil devenait effrayant. Julian, le « surdoué », qui maîtrisait toujours tout et montrait un visage parfait devant tous les intervenants de New York, semblait prêt à exploser à tout moment. Les juges le fixaient et je crus lire du dégoût dans le regard du président. Je retins ma respiration.
Maître Tollides poursuivait sa plaidoirie. Là où Tarnec serrait et écrasait sur sa table un poing vengeur, Tollides tournait vers tous une main ouverte, bienveillante. Là où Tarnec dressait et faisait tournoyer un doigt accusateur, Tollides joignait ses paumes dans une prière humble. Tarnec, c’était Mussolini. Tollides, c’était Gandhi, Luther King, Mandela.
Soudain, les yeux de maître Tollides se firent durs.

Par ailleurs, l’argumentation de M. Jones devant la Cour laisse transparaître, en de multiples points, une violence et une haine larvée très inquiétantes. Le harcèlement judiciaire incessant, les menaces, le chantage envers le docteur Richt en sont des signes éloquents. Rappelons qu’au mépris des intérêts de l’enfant, il a cherché à suspendre le travail du docteur Richt qu’il accuse de complicité à un enlèvement d’enfant. Il a récemment poursuivi ce harcèlement par voie judiciaire puisque le docteur Richt a dû répondre à de fausses allégations devant le tribunal disciplinaire de l’Etat de New-York. Elle vient d’en être totalement blanchie faute d’accusations et d’argumentation sérieuse. Il convient de rappeler qu’un nouveau signalement a été fait par le chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital de Quimper expliquant que l’enfant a été « admise pour idées noires, pensées suicidaires » et qu’elle présentait « un état de détresse psychique important » provoquant une « crise d’angoisse avec tremblements, polypnée » Comment M. Jones peut-il négliger, comme il le fait, la douleur de son enfant ? L’enfant a déclaré au juge « j’aime un petit peu mon père, presque pas. » Elle a dit à son père depuis, lors de leur dernier contact téléphonique : « je veux bien que tu sois mon père, si tu arrêtes de mentir et de dire que je mens. » Une enfant entièrement sous l’emprise de sa mère, comme il est allégué, serait incapable d’une telle nuance. L’absence totale d’ambivalence de l’enfant aurait été le principal signe du prétendu « syndrome d’aliénation parentale » allégué par le père, et lui seul, sans pièce à l’appui. Ce n’est donc manifestement pas le cas !
Je fixai toujours Julian, de plus en plus incrédule. L’agitation nerveuse de sa jambe droite, le rictus qui déformait son visage et sa mâchoire serrée composaient un tableau de plus en plus terrifiant. Les juges ne le quittaient pas des yeux. Julian se tourna alors vers moi. Ses yeux exorbités reflétaient toute sa haine. Je frissonnai. Effarée, je me retournai vers les étudiantes assis derrière moi. Les deux jeunes filles me sourirent simultanément. Il y avait dans leur regard de la compassion.

La personnalité de M. Jones est particulièrement inquiétante. Monsieur Jones montre deux visages très différents selon les interlocuteurs et les circonstances : le tyran domestique se cache derrière une façade sociale particulièrement altruiste et pacifique de militant humaniste. Mais cette construction elle-même devient caricaturale, grossièrement mensongère, et vire même au délire prophétique : la lecture des sites mis en ligne par M. Jones pourrait faire rire en dehors du présent contexte : vous verrez par vous-mêmes, messieurs les juges. M. Jones a une vision, une mission : il va maintenant « illuminer le monde » pour l’unifier.
L’expression sur le visage de Julian me bouleversa soudain. Je la reconnus. Je m’attendais presque à ce qu’il hurle en ma direction la phrase qui m’avait alertée sur sa folie lorsque je lui avais jeté un bonnet sur l’épaule : « Tu m’as blessé ! J’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête ! » Julian dévoilait sa face sombre, celle qu’il prenait généralement bien soin de cacher et je ne pouvais m’empêcher de trembler. Je claquai des dents, conditionnée sans doute. Mais les yeux du président du tribunal, posés sur moi, reflétaient un mélange d’empathie et de pitié à mon égard. Il me croyait ! Tarnec secoua la tête faiblement, mais le cœur n’y était plus. Il semble avoir jeté les gants.

Brusquement, le discours de Tollides s’accéléra, sa voix se fit forte. Il lança l’assaut, et, soudain, les mots claquèrent, les répliques assassines fusèrent, les phrases sifflèrent, les arguments explosèrent. La violence et la peur avaient envahi la salle, palpables, incarnées. La violence de Julian, notre terreur. Le chaos de Julian. Sa folie aussi. Mes yeux s’emplirent de larmes et ma vue se brouilla.

Par ailleurs, comme on l’observe souvent dans ce type de personnalité, M. Jones prête facilement aux autres (il projette sur eux) ses sentiments les plus agressifs, ses travers les moins acceptables. On a vu ainsi qu’il attribue d’abord des troubles psychiques à Mme Bréhat. On a vu qu’il accuse Mme Bréhat d’entretenir des rapports asphyxiants, aliénants et d’emprise avec son enfant alors que c’est lui qui a une dépendance malsaine vis-à-vis de sa fille qu’il a tentée de mettre sous son emprise. On a vu qu’il a initié toutes les dernières procédures, y compris en utilisant des méthodes condamnables en France (enregistrement caché) et les fausses déclarations, mais c’est Mme Bréhat qui est pour lui « procédurière. » On a vu dans plusieurs témoignages et signalements qu’il tente régulièrement d’imposer sa réalité propre à sa fille, mais c’est Mme Bréhat qu’il accuse d’implanter des idées dans le cerveau de Gwendolyn ! On a de multiples exemples (pièces à l’appui) de ses mensonges qui deviennent un style de vie, mais c’est Mme Bréhat qui est qualifiée de « professionnelle de la manipulation. Encore une fois, M. Jones est profondément convaincu de ce qu’il avance, et donc souvent très convaincant. Mais il ne fait qu’alléguer : c’est Mme Bréhat seule qui produit des témoignages et signalements concordants des professionnels et experts qui ne peuvent être ignorés.

Le regard que lança Julian à mon avocat me stupéfia et fit frémir bruyamment les deux étudiantes en droit : son agressivité manifeste n’avait pas échappé aux trois juges, qui ne le lâchaient plus, froids, glaciaux, glaçants, eux qui voyaient devant eux, sur le visage de Julian, se dessiner la folie, la violence, le mensonge, le portrait exact qu’était en train de dresser, mot après mot, phrase après phrase, un époustouflant Tollides.
Le masque était tombé. Julian affichait désormais un rictus haineux permanent, ses yeux étaient écarquillés, perdus, paniqués. C’était maintenant lui la bête traquée. Il savait qu’il avait perdu, mais, pour une fois, il était totalement impuissant. Il ne pouvait même plus soutenir le regard des juges, et cherchait désespérément une expression rassurante, un signe de confiance chez son avocat. Or Tarnec avait posé un coude sur son pupitre, et de deux doigts, il soutenait un front devenu trop lourd, il hochait ostensiblement la tête. Le ténor des ténors semblait accablé. Je n’y croyais pas. Tout cela semblait irréel.

A la lumière de tout ceci, il n’est tout simplement pas concevable, sans avoir au moins pris la précaution d’une expertise d’envisager le simple retour de Gwendolyn au domicile paternel.
Maître Tollides était immobile. Il respira longuement, puis se retourna vers moi. Il avait l’air épuisé. Mais son visage, pourtant grave, dégageait une impressionnante sérénité. Les deux étudiantes trépignaient, elles me souriaient, elles paraissaient folles d’enthousiasme. Tout cela semblait chimérique. Se pouvait-il vraiment… ?

Les mots violents employés par Tarnec me firent soudain comprendre qu’il avait entamé sa plaidoirie. « Madame Bréhat… une manipulatrice hors pair… mère pathologique et dangereuse qui n’hésite pas à laver le cerveau de sa fille pour en découdre avec le père… » Sa voix emportée, son ton coléreux et son argumentation désordonnée, quelle contraste avec la musique, la partition jouée par maître Tollides ! J’observai Julian. C’était lui qui maintenant s’agitait sur sa chaise comme un insecte dans une toile d’araignée. Je ne savais que trop bien ce qu’il ressentait, ce besoin irrépressible de réagir ou de fuir, tout en ayant pleinement conscience que ses propres réactions resserrent inexorablement le piège, que l’on provoque sa propre perte et que la peur que l’on ressent stimule notre tortionnaire. Le plus diabolique dans cette situation, le plus pervers, c’est la lucidité de la victime. A le voir si pitoyable, j’avais presque pitié de Julian… Presque. Quel retournement ! Il me semblait que les mouches avaient changé d’âne. J’étais perdue dans mes émotions, dans un délicieux brouillard, et je n’entendais plus rien de la plaidoirie de Tarnec. J’étais déjà loin.


Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. 

Livre les mal aimées de Caroline Bréhat

Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs.

Son dernier livre s’intitule « Les mal aimées » . Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, ce sujet que cette psychanalyste maitrise si bien à titre personnel et professionnel. Vous pouvez retrouver son interview dans notre article « Rencontre avec Caroline Bréhat ».

4 propositions pour mieux protéger les enfants victimes de violences

4 propositions pour mieux protéger les enfants victimes de violences

Vous pouvez signer ici notre pétition =>

4 propositions pour mieux protéger les enfants victimes de violences

Etat des lieux

1. La violence faite aux enfants : un fléau national

Des chiffres dramatiques *

•             1 infanticide tous les 5 jours.

•             Près de 165.000 enfants chaque année victimes de

              violences sexuelles.

•             80% des violences sexuelles sont des violences

              intrafamiliales.

•             Seules 15% des violences sexuelles font l’objet d’une

              plainte.

•             73% des plaintes pour viol sont classées sans suite.

•             Seules 8% des victimes qui ont parlé ont été

              protégées.

* Sources : Enquête Ipsos de l’association Association Mémoire Traumatique et Victimologie « violences sexuelles de l’enfance » 2019 – enquête de victimation CSF 2008, ONDRP 2012-2017, VIRAGE 2017, OMS, 2014

Les violences sur enfants sont minimisées voire invisibilisées.

« On dit qu’il y a 165 000 enfants victimes tous les ans et il y a moins de 1 000 condamnations pour viol adultes et enfants. Pour les viols aggravés, c’est-à-dire les viols sur enfants, il y a 400 condamnations pour viol. Les viols sur mineur sont probablement le crime le plus impuni qui soit. »

Dre Emmanuelle Piet – Membre du Haut Conseil à l’Egalité, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV)

Les enfants témoins des violences conjugales sont des co-victimes. Si la Justice éloigne le parent violent du parent victime, elle doit aussi en éloigner les enfants.

2. La parole de l’enfant est remise en question

Depuis l’affaire Outreau la parole de l’enfant a été désacralisée. Pourtant, les 12 enfants concernés ont bien été reconnus victimes de viols et d’agressions sexuelles. Depuis lors, la Justice présume trop souvent que les enfants sont instrumentalisés. A la suite de cette affaire le nombre de  condamnations pour viols et violences sexuelles s’effondre de 23% alors que les plaintes augmentent. En dix ans, le nombre de personnes condamnées pour viol a chuté de 40 %*.

*Sources : Le Monde 14/09/2018 (source Ministère de la Justice, Fichier statistique du casier judiciaire national)

« Le risque réel auquel sont confrontés les professionnels intervenant dans le champ pénal ou celui de la protection de l’enfance n’est pas d’inventer ou de surinterpréter des révélations de violences sexuelles subies, mais au contraire de laisser passer sous leurs yeux des enfants victimes sans les protéger. »

Édouard Durand, juge des enfants, co-président de la commission inceste

3. La parentalité à tout prix : un danger

Aujourd’hui le droit à l’enfant prime sur le droit de l’enfant.

Dans le cadre d’une séparation des parents, la Justice présume souvent que le parent protecteur qui dénonce des faits de maltraitance sur l’enfant de la part de l’autre parent est manipulateur ou menteur.

En réduisant les violences dénoncées par l’un des parents à un « conflit familial », les magistrats prennent le risque d’appliquer des mesures inadaptées voire destructrices pour l’enfant. Le syndrome d’aliénation parentale trop souvent invoqué revêt « un caractère controversé et non reconnu » (réponse du Ministère de la Justice publiée dans le JO Sénat du 12/07/2018 – page 3477).

« Un conflit est un conflit, des violences sont des violences. La frontière entre les deux est très claire : on voit très bien ce que c’est qu’un être qui a peur, qui n’ose pas s’exprimer, qui est sous l’emprise d’un autre. En maintenant des rencontres sans protection, on permet à l’agresseur de maintenir l’emprise sur la famille, même dix ans après la séparation. » 

Édouard Durand, juge des enfants, co-président de la commission inceste

4. La double peine pour l’enfant et son parent protecteur

Confronté à une décision de justice qui accorde des droits de visite et d’hébergement ou une garde alternée au parent violent, le parent protecteur se refuse à exposer son enfant à de nouvelles maltraitances. Il commet alors le délit de non représentation d’enfant.

La Justice n’hésite pas alors à condamner le parent protecteur (amendes et peines de prison), à transférer la garde de l’enfant au parent potentiellement violent, ou encore à placer l’enfant en foyer.

Ces situations aussi aberrantes que dramatiques surviennent lorsque les plaintes déposées contre le parent violent sont classées sans suite ou encore en cours d’instruction.

Pour rappel, les principaux motifs de classement sans suite des plaintes pour violences sexuelles sur mineurs et majeurs sont l’infraction insuffisamment caractérisée (65%) et l’absence d’infraction (11,8%)*.

Un classement sans suite ne signifie pas que l’infraction n’a pas eu lieu.

Le classement sans suite continue à agir comme une chape de plomb aboutissant à nier la parole de l’enfant et à abandonner ces petites victimes à leur triste sort… Ce contre-sens juridique a des conséquences judiciaires désastreuses sur la protection des enfants.

Pascal Cussigh, Avocat

Nous regrettons que les juridictions civiles et pénales ne communiquent pas mieux entre elles sur la situation des enfants en danger.

Plusieurs milliers d’entre eux se retrouvent ainsi non protégés en grande souffrance, et leur parent protecteur sous le coup de la loi.

4 Propositions pour une société qui protège ses enfants

1. Hypervigilance

Toutes les violences sont graves.

Il ne faut pas attendre qu’il y ait un cumul de violence car la première violence révélée ne signifie pas la première violence vécue.

Il faut reconnaître toutes les formes de violences, physiques, sexuelles, psychologiques, financières. Aucune ne doit être banalisée par la police et par la Justice.

La connaissance des mécanismes du contrôle coercitif est indispensable, il s’étend au-delà̀ de la violence physique et comprend intimidations, isolement, contrôle, dévalorisation de la victime, inversion de culpabilité, instauration d’un climat de peur et d’insécurité.

Les professionnels doivent savoir que l’exercice de l’autorité́ parentale après la séparation devient pour la personne violente LE moyen de perpétuer sa violence et son emprise sur son ex-conjoint et sur ses enfants. Le harcèlement et la domination s’exercent alors via la coparentalité.

Si des groupes de recherche comme le Réseau International des Mères en Lutte (RIML) travaillent efficacement sur le sujet du contrôle coercitif post séparation, ces concepts ne sont pas encore bien maîtrisés par la Justice qui se retrouve instrumentalisée par le parent agresseur.

Nous demandons la reconnaissance du contrôle coercitif : il permettrait d’apporter des preuves matérielles identifiables concrètement.

2. Présomption de crédibilité de la parole de l’enfant

Il est nécessaire de donner autant de poids à la présomption de crédibilité de la victime qu’à la présomption d’innocence de l’accusé.

On ne dit pas que le parent accusé est forcément coupable, on dit que la victime doit être entendue en cas de violence vraisemblable.

Il est important que les professionnels – gendarmes, policiers, professionnels de santé et de l’éducation, intervenants sociaux – accueillent de façon adaptée la parole de l’enfant.

Nous souhaitons que le Protocole NICHD et la formation Calliope soient généralisés. Ils permettent de diminuer la suggestibilité des intervieweurs et d’adapter leurs questions en fonction des capacités des enfants et d’aider ceux-ci à fournir un récit plus riche et plus détaillé tout en étant exact.

Pour ce faire l’accueil doit être bienveillant, sécurisant, respectueux et accorder suffisamment de temps à l’enfant.

Dans cette optique nous appelons à :

  • la généralisation des pôles d’accueil commissariat/gendarmerie spécialisés violences conjugales et familiales.
  • la création spécialisés dédiés aux violences intra-familiales. L’Espagne y est parvenue. Pourquoi pas nous ?

3. Appliquer pour l’enfant le principe de précaution

On doit protéger immédiatement l’enfant qui révèle des violences.

Ne pas signaler et/ou réagir est de la non-assistance à personne en danger.

Il est urgent que les professionnels de santé puissent attester des violences sans craindre des sanctions et être suspendus par leur ordre.

Il est inaudible d’entendre l’Ordre des Médecins sanctionner un des leur sous prétexte qu’il y a eu « immixtion dans la vie familiale ». Par extension il est nécessaire de protéger toutes les personnes qui effectuent des signalements.

Enfin il est indispensable dans l’intérêt de l’enfant de protéger le parent protecteur du parent violent. Il faut donc réformer le délit de non représentation d’enfant.

Si une plainte pour inceste/violence/maltraitance est en cours d’instruction OU si la plainte a été classée sans suite mais qu’il existe un doute plausible, les droits de visite et d’hébergement du parent accusé devraient être suspendus.

Il ne s’agit pas de supprimer ce délit qui est utile en cas d’enlèvement d’enfant ou de séquestration d’enfant mais de faire disparaître l’infraction pour les parents protecteurs.

Lorsqu’il y a retrait de l’autorité parentale, il faut évidemment l’accompagner du retrait des droits de visite et d’hébergement.

4. Plus de moyens humains et financiers

Pour mieux protéger les enfants, les accueillir, réduire les délais d’instruction, que moins de plaintes soient classées sans suite, donnons les moyens humains et financiers à tous les intervenants, magistrats, greffiers, policiers, gendarmes… Chaque jour compte quand on demande la suspension des droits de visite et d’hébergement pour des faits d’abus sexuels ou de violences.

Faute de temps et de moyens le juge des enfants peut accorder une importance trop grande aux rapports des enquêteurs sociaux, or or la complexité des psycho-trauma de l’enfant n est pas reconnue ou mal prise en compte ; ces personnes peuvent être prises au piège de la personnalité complexe du parent agresseur et/ou être victimes de préjugés selon lesquels les femmes sont surprotectrices, veulent s’approprier l’enfant, veulent se venger…

On pourrait imaginer une traçabilité des plaintes : nous devrions pouvoir consulter grâce à un  » numéro de plainte  » l’état de la plainte, tout comme lorsque nous envoyons notre colis. Cela permettrait une transparence du processus.

Enfin, en dehors du champs judiciaire, il faut investir également dans la prévention. 3 enfants par classe sont victimes de violences sexuelles ; il faut y ajouter les enfants victimes de graves violences  physiques ou psychologiques. Pourquoi ne pas organiser régulièrement en classe des interventions afin que les enfants puissent imaginer rompre le silence ? Il faudrait également plus d’infirmières scolaires dans les établissements.

Protégeons les enfants ! Plaçons les droits de l’enfant au cœur du dispositif législatif de la famille !