La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

Comment le cerveau peut tout changer, comment faire reculer la culture du viol

Sexes et violences, Seuil 2023 de Danièle Tritsch et Jean Mariani

Danièle Tritsch et Jean Mariani, deux neurobiologistes, expliquent dans l’ouvrage Sexe et violences comment le cerveau peut tout changer. Il s’agit d’un plaidoyer pour l’éducation à une sexualité librement consentie. Les auteurs montrent qu’il existe un déterminisme qui dépend de multiples facteurs convergeant tous vers une même cible : le cerveau et sa plasticité.

Les conséquences de la culture du viol

Les chercheurs explorent les effets de la culture du viol sur le cerveau des agresseurs et des victimes. La culture du viol est un ensemble de croyances et de normes sociales qui minimisent ou justifient les agressions sexuelles, ce qui peut entraîner des conséquences graves sur la santé mentale et le bien-être des individus.

Altération du cerveau des agresseurs

Selon ces neuroscientifiques, les agresseurs sexuels présentent souvent des altérations du fonctionnement cérébral, notamment au niveau de l’amygdale et du cortex préfrontal. Ces régions du cerveau sont impliquées dans la régulation des émotions et des comportements, et leur altération peut entraîner une impulsivité accrue et une difficulté à ressentir de l’empathie pour les autres. Les études ont également montré que les agresseurs sexuels ont souvent une plus faible activité dans la région du cortex cingulaire antérieur, qui est impliquée dans la prise de décision et le contrôle de soi.

Altération du cerveau des victimes

En ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle, l’exposition à la culture du viol peut également avoir des effets néfastes sur leur santé mentale et leur fonctionnement cérébral. Les auteurs décrivent notamment les ravages des abus sexuels sur les victimes. Les victimes peuvent présenter des symptômes de stress post-traumatique, notamment des cauchemars et des flashbacks, ainsi qu’une hypersensibilité émotionnelle. Ces symptômes sont associés à des altérations du fonctionnement de l’amygdale et du cortex préfrontal, similaires à celles observées chez les agresseurs sexuels.

La culture du viol, une plaie pour tous

 D’une manière générale, la culture du viol affecte la façon dont les individus perçoivent les situations sexuelles et les relations interpersonnelles. Les personnes exposées à cette culture, c’est-à-dire tout le monde, sont susceptibles de minimiser ou de justifier les comportements agressifs et/ou de se sentir moins à l’aise pour exprimer leurs limites et leurs désirs sexuels. Pour briser la culture du viol, il est important de reconnaître les effets néfastes qu’elle peut avoir sur la santé mentale et le fonctionnement cérébral des individus. Et puis prévenir, éduquer pour changer les modes de pensées.

En effet, la clé est de promouvoir des normes sociales saines et de donner aux individus les outils nécessaires pour reconnaître et prévenir les comportements agressifs. Cela passera par de l’éducation sur le consentement, des interventions pour aider les individus à gérer leur propre stress et à développer des compétences sociales et émotionnelles de qualité, respectueuses de soi et d’autrui.

La mise en place de ces actions, aidées de la formidable plasticité du cerveau, augmentent l’espoir de prévenir les violences et de guérir victimes et bourreaux.

On peut faire reculer les cultures du viol et de l’inceste. Non, les violences sexuelles ne sont pas une fatalité


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Le gaslighting, vous connaissez ?

Le gaslighting, vous connaissez ?

Le gaslighting désigne une forme d’abus mental dans lequel un individu manipule la réalité pour faire douter sa victime de ses perceptions et de sa santé mentale.

Ce mot anglais est issu d’une pièce datant de 1938 intitulée Gas Light où un mari fait croire à sa femme qu’elle devient folle. Celle-ci constate que leurs lumières varient d’intensité le soir (car le mari utilise la lampe à gaz quand il fouille dans le grenier pour trouver et voler les bijoux de sa femme) mais il prétend que non et met tout en œuvre pour qu’elle doute d’elle-même jusqu’à ce qu’elle n’arrive plus à faire confiance à ses propres jugements. Depuis 1956, on utilise ce terme pour désigner du harcèlement psychologique ayant recours au mensonge, au déni, à l’omission sélective ou à la déformation de faits dans le but de tirer profit de l’anxiété et de la confusion ainsi générées.

C’est une façon de priver la victime de gaslighting de libre-arbitre.

L’essayiste Patricia Evans a listé sept « signes d’avertissement » du gaslighting :

  • Dissimuler des informations à la victime
  • Contrer ou déformer ses affirmations
  • Minimiser l’information émise par la victime
  • User de violences verbales et de moqueries
  • Isoler la victime des ressources extérieures
  • Déprécier la valeur de la victime
  • Affaiblir socialement et psychologiquement la victime

Pour résumer, ces manipulateurs utilisent des mensonges éhontés, nient avoir dit quelque chose même si on leur en apporte la preuve, leurs actions ne suivent pas leurs paroles, ils utilisent ce qui est cher à la victime pour l’atteindre, ils soufflent le chaud et le froid pour semer la confusion, ils essayent de monter les autres contre la victime, ils prétendent qu’elle perd la tête et/ou que les autres mentent. Surtout… ils gagnent à l’usure !

Le gaslighting implique un déséquilibre de pouvoir dans la relation. Les agresseurs exploitent souvent les stéréotypes ou les vulnérabilités liés au genre, à la sexualité, à la race, à la nationalité et/ou à la classe sociale.

 » La caractéristique la plus distinctive du gaslighting est qu’il ne suffit pas que le manipulateur contrôle simplement sa victime ou que les choses se passent dans son sens : il est essentiel pour lui que la victime elle-même soit d’accord avec lui « 

Andrew D. Spear, un professeur agrégé de philosophie à la Grand Valley State University à Allendale, Michigan, dans un article de 2019 sur le gaslighting.

Les recherches montrent que ces comportements peuvent se retrouver partout mais que le plus souvent ils ont lieu dans des relations hétérosexuelles avec un homme qui manipule une femme. Le gaslighting va souvent de pair avec la violence intrafamiliale. Dans une enquête de la National Domestic Violence Hotline, 74% des femmes adultes victimes de violence domestique ont déclaré avoir été victimes de gaslighting.

Des victimes racontent ce qu’elles ont subi. Ces exemples ne sont pas des actes criminels et pourraient même paraitre anodins aux yeux de personnes non alertées sur ce qu’est le gaslighting, mais pourtant c’est tout sauf anodin. Ce sont de petites gouttes quotidiennes qui remplissent un vase toxique et délétère. Un vrai lavage de cerveau !

« Mon petit ami cachait mon téléphone puis me disait que je l’avais perdu, dans un double effort pour me désorienter et m’empêcher de communiquer avec les autres. »

« Mon ex-petit ami était comme un caméléon qui inventait de petites histoires pour me rendre confuse, comme mentir sur la couleur de la chemise qu’il avait portée la veille »

« J’ai surpris mon ex-mari en train de me voler mes clés pour que je ne puisse pas quitter la maison, puis je l ‘ai vu insister sur le fait que je les avait « encore » perdues. »

« Le mien volait mon argent et disait ensuite que j’étais négligente avec les sous. »

Les victimes sont des boucs émissaires des agresseurs qui tentent de fabriquer des pensées ou des sentiments d’instabilité mentale chez elles. Ils cherchent à les déstabiliser, à les bouleverser, à induire des états délirants et/ou à exercer un contrôle sur elles. Même lorsque les victimes essayent de discuter avec l’agresseur de ce qu’il provoque ou fait ressentir, celui-ci est capable de déformer la conversation de sorte qu’elles finissent par croire qu’elles sont la cause de son mauvais comportement. Ils prétendent que si seulement elles se comportaient différemment, ils ne les traiteraient pas comme ils le font.

Se rendre compte que l’on est victime de gaslighting est très difficile du fait de l’emprise de la personne. De plus, cela surfe sur des croyances ancrées où la femme serait naturellement irrationnelle, émotive alors que l’homme est raisonnable… Les dégâts sont nombreux : anxiété, dépression, désorientation, baisse de l’estime de soi, trouble de stress post-traumatique, hypervigilance, surréactions, pensées suicidaires…

Les manipulateurs sont bien-évidemment subtils et avancent masqués. Néanmoins, on peut les repérer via l’observation par exemple de phrases récurrentes du type :

  • Tu es trop susceptible/Tu t’énerves tout le temps.
  • Tu prends les choses trop à cœur.
  • Tu te fais des idées / Tu es jalouse.
  • Tu n’es jamais contente.
  • Tu te trompes ou confonds (comme toujours).
  • Ça ne va pas ? Tu dis des choses très bizarres./ Tu es folle.
  • Cela n’est jamais arrivé ! Tu mens. Tu délires.
  • Tu ne sais pas ce qui est bon pour toi.
  • C’était une blague…
  • Tu es responsable de ce qu’il t’arrive.
  • C’est toi le problème.
  • Tu adores me faire sortir de mes gonds.
  • Tu es trop faible pour y arriver seule.
  • Tu n’as aucune volonté…

Comment s’en sortir face au gaslighting ?

Ce n’est évidemment pas évident et les solutions dépendent de nombreux paramètres. Néanmoins voici des pistes :

  • Pour résister au mieux, il faut tenter de se concentrer sur sa propre réalité pour éviter de s’enfermer dans les doutes de soi. Travailler sa confiance afin d’entrer en contact avec ses véritables pensées. Dans ce sens, écrire peut aider.
  • Apprendre à identifier les processus de gaslighting évoqués plus haut peut également permettre de briser l’emprise.
  • Documenter les événements tels qu’ils se sont produits via des preuves tangibles : enregistrement des messages, des vocaux, des e-mails… L’idée est de garder une trace objective pour dissiper le brouillard mental mis en place par l’agresseur.

Demander l’aide d’un tiers est également une piste puissante à envisager, que ce soit une personne de confiance ou un professionnel comme un thérapeute informé des traumatismes.

Dans son livre, Patricia Evans conseille de préparer une sorte de contrat de couple qu’on peut ensuite remettre à l’agresseur, pour voir si celui-ci est un gaslighter qui s’ignore (et qui donc pourrait vouloir changer) ou si on est face à un vrai pervers et alors c’est peine perdue. Dans les clauses du contrat, d’ailleurs, il y a forcément d’aller consulter un psychologue.

  • Si l’agresseur refuse, c’est la manifestation d’une volonté de nuire supérieure.
  • Si l’agresseur accepte mais ne change pas, pareil, il n’y a pas d’espoir à attendre de lui.
  • Si l’agresseur accepte et modifie son comportement, alors la chance est du côté de la victime. Les choses pourraient évoluer doucement…

Attention néanmoins aux faux semblants, à ceux qui font trois efforts et qui réattaquent de plus belle. Ensuite, une seule solution semble efficace pour se défaire de l’emprise toxique du gaslighter : fuir cette personne.


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