Archives dans 25 mars 2023

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

Comment le cerveau peut tout changer, comment faire reculer la culture du viol

Sexes et violences, Seuil 2023 de Danièle Tritsch et Jean Mariani

Danièle Tritsch et Jean Mariani, deux neurobiologistes, expliquent dans l’ouvrage Sexe et violences comment le cerveau peut tout changer. Il s’agit d’un plaidoyer pour l’éducation à une sexualité librement consentie. Les auteurs montrent qu’il existe un déterminisme qui dépend de multiples facteurs convergeant tous vers une même cible : le cerveau et sa plasticité.

Les conséquences de la culture du viol

Les chercheurs explorent les effets de la culture du viol sur le cerveau des agresseurs et des victimes. La culture du viol est un ensemble de croyances et de normes sociales qui minimisent ou justifient les agressions sexuelles, ce qui peut entraîner des conséquences graves sur la santé mentale et le bien-être des individus.

Altération du cerveau des agresseurs

Selon ces neuroscientifiques, les agresseurs sexuels présentent souvent des altérations du fonctionnement cérébral, notamment au niveau de l’amygdale et du cortex préfrontal. Ces régions du cerveau sont impliquées dans la régulation des émotions et des comportements, et leur altération peut entraîner une impulsivité accrue et une difficulté à ressentir de l’empathie pour les autres. Les études ont également montré que les agresseurs sexuels ont souvent une plus faible activité dans la région du cortex cingulaire antérieur, qui est impliquée dans la prise de décision et le contrôle de soi.

Altération du cerveau des victimes

En ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle, l’exposition à la culture du viol peut également avoir des effets néfastes sur leur santé mentale et leur fonctionnement cérébral. Les auteurs décrivent notamment les ravages des abus sexuels sur les victimes. Les victimes peuvent présenter des symptômes de stress post-traumatique, notamment des cauchemars et des flashbacks, ainsi qu’une hypersensibilité émotionnelle. Ces symptômes sont associés à des altérations du fonctionnement de l’amygdale et du cortex préfrontal, similaires à celles observées chez les agresseurs sexuels.

La culture du viol, une plaie pour tous

 D’une manière générale, la culture du viol affecte la façon dont les individus perçoivent les situations sexuelles et les relations interpersonnelles. Les personnes exposées à cette culture, c’est-à-dire tout le monde, sont susceptibles de minimiser ou de justifier les comportements agressifs et/ou de se sentir moins à l’aise pour exprimer leurs limites et leurs désirs sexuels. Pour briser la culture du viol, il est important de reconnaître les effets néfastes qu’elle peut avoir sur la santé mentale et le fonctionnement cérébral des individus. Et puis prévenir, éduquer pour changer les modes de pensées.

En effet, la clé est de promouvoir des normes sociales saines et de donner aux individus les outils nécessaires pour reconnaître et prévenir les comportements agressifs. Cela passera par de l’éducation sur le consentement, des interventions pour aider les individus à gérer leur propre stress et à développer des compétences sociales et émotionnelles de qualité, respectueuses de soi et d’autrui.

La mise en place de ces actions, aidées de la formidable plasticité du cerveau, augmentent l’espoir de prévenir les violences et de guérir victimes et bourreaux.

On peut faire reculer les cultures du viol et de l’inceste. Non, les violences sexuelles ne sont pas une fatalité


Vous pouvez consulter également notre guide Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants

Témoignage de Julie, mère protectrice à qui on a retiré la garde de sa fille

Témoignage de Julie, mère protectrice à qui on a retiré la garde de sa fille

Julie rencontre John sur un site de rencontres amicales et ils randonnent souvent ensemble. Il s’intéresse beaucoup à elle, occupe le terrain. Il est gendarme réserviste, Julie se dit qu’il protège les gens, qu’il est honnête et droit et qu’on peut lui faire confiance. Ils se mettent en couple, la jeune femme s’installe chez lui dans la foulée.

Rapidement, John montre des aspects plus négatifs, il voit tout en noir, le monde est dangereux, les femmes vicieuses. Julie, totalement sous emprise, se met à voir la vie avec ses yeux, elle est stressée. John l’isole progressivement en lui expliquant qu’il faut qu’elle se méfie de tout. Et puis, cette agressivité constante se retourne également contre elle. Les remarques s’accumulent, les moqueries, la violence verbale.

Mi 2018, un projet bébé voit le jour.

Julie est enceinte. Mais au lieu de la joie de cette nouvelle, ce sont les violences qui explosent. Les reproches sont constants, Julie n’est jamais assez bien, mauvaise ménagère, trop féminine, elle ne mange pas assez bien, elle dépense trop… John se met à tout contrôler, les finances, les sorties, les relations.

Elle gagne pourtant plus d’argent que lui mais son autorité prévaut. Comme selon John « la grossesse n’est pas une maladie« , Julie se fatigue à la tâche impossible de lui plaire et finit par être arrêtée à 7 mois de grossesse. Quand leur fille nait, Julie est épuisée. John n’est d’aucune aide, d’aucun soutien. C’est même l’inverse. Dans sa bouche, Julie devient aussi « une mauvaise mère« …

Julie réalise qu’il y a quelque chose qui cloche dans la relation mais elle a honte et ne sait comment s’en sortir. Elle subit ses exigences et fait de son mieux pour protéger sa fille des colères de son père, qui n’a aucune empathie, aucun geste tendre même quand elle chute des escaliers. Tout est prétexte pour assoir sa tyrannie. Il menace : « si tu te barres un jour, je te tue toi et ta fille« .

Julie est tellement crevée qu’elle n’a plus de recul pour penser. Et puis un jour, en juin 2021, en changeant sa fille, elle constate que son sexe est différent, plus béant. Elle se dit que ce n’est rien. Mais plusieurs jours plus tard, c’est sa maman qui s’étonne de cet aspect anormal. Alors elle consulte un médecin qui confirme l’état maltraité de la vulve. Le lendemain, elle porte plainte et prend la décision de partir.

A ce moment, Julie a encore du mal à imaginer que John puisse être responsable de violences sexuelles sur leur fille, même si elle en subit elle-même régulièrement. Elle penche pour les parents de John, très toxiques.

Julie déménage aussitôt chez ses propres parents, terrifiée et craignant le pire. Elle saisit également le juge aux affaires familiales (JAF) et une avocate. Celle-ci lui suggère de continuer à remettre sa fille au papa. Julie, la mort dans l’âme, suit ce conseil. Le verdit du JAF tombe : garde alternée. Julie obtempère et sa fille séjourne chez son papa. Quand elle rentre, elle fait des cauchemars à propos de son père. Cette petite fille de 2,5 ans parle du « jeu de la baise » ou explique que son père lui « touche le pipi et que ça fait mal ».

De fait, la petite fille ne va pas bien.

Chaque fois qu’elle revient de chez son père, elle est bouleversée. Julie porte plainte à nouveau mais la même avocate lui conseille de ne pas parler de ces accusations car sinon, elle va perdre la garde. Selon elle, les accusations d’inceste sont une preuve pour les juges de l’esprit manipulateur des mères. A l’audience, Julie rapporte les phrases de sa fille et la JAF répond : « il y a des enfants qui mentent« .

Elle ordonne une garde partagée et demande une expertise psy pour la famille car, à l’inverse, l’avocat du père accuse Julie d’avoir le syndrome de Münchhausen. C’est une forme grave de maltraitance où un adulte (souvent une femme) feint, exagère ou provoque des problèmes de santé sérieux chez un enfant, dans le but d’attirer l’attention et la compassion.

Lors de l’expertise psy, Julie parle des révélations de sa fille et des douleurs mentales toujours présentes chez elle suite à sa relation avec John. La psy confronte le père. En juin 2022, le JAF a entre les mains l’expertise à charge contre le père (comportement passif agressif, narcissique et qui ne nie pas clairement les faits).

Pourtant, le JAF n’en tient pas compte et demande, malgré les récriminations des avocats, une nouvelle expertise en nommant un spécialiste connu pour ses prises de positions misogynes. Julie prend contact avec une pédopsy adoubée par des tribunaux pour qu’elle entende son enfant. Le rapport qu’elle lui remet après la consultation est édifiant. Les mots de la petite fille sont affreux et explicites. Elle ne peut pas inventer.

La psy conseille à Julie de ne plus remettre l’enfant au père et fait une information préoccupante.

Julie commence alors de la non-représentation d’enfant (NRE) et dépose une main courante où elle apporte le rapport de la psy comme motif. En aout, elle est convoquée au commissariat et reçoit en parallèle un texto de John qui dit « Rendez-vous au commissariat« . Elle comprend que le délibéré a eu lieu sans qu’elle ne soit informée et qu’il est favorable au père.

Verdict ? Garde exclusive chez le père. Le JAF n’a pris en compte que la plainte de monsieur contre les NRE… Nulle part n’est mentionnée le rapport de la psy. Julie est forcée de remettre sa fille au père.

Julie saisit aussitôt le juge des enfants mais celui-ci refuse de traiter l’affaire, il argumente que le JAF a déjà traité le dossier. Il ordonne un suivi psy du Centre Médico-Psychologique. Julie change d’avocat car elle réalise qu’elle a été très mal accompagnée.

Depuis août dernier, elle est sensée voir sa fille seulement 2 heures deux fois par mois, en lieux médiatisés mais dans les faits, les visites ne commencent qu’en novembre. L’enfant continue de se confier dès qu’elle est seule avec sa maman. Alors Julie achète un enregistreur et consigne les propos de sa fille : « papa ne me donne pas à manger« , « papa me fait mal« , « il me touche le pipi, il ne me laisse pas dormir« , « il dit que je suis moche« . Elle dépose une main courante avec ces preuves.

Actuellement, cela va faire 6 mois que la fille de Julie lui a été retirée. 6 mois qu’elle vit chez son père dont elle dénonce le comportement. Aucun principe de précaution n’a été mis en place dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Sa parole est bafouée et les conséquences immenses.

Julie attend le verdict de la cour d’appel prévu en avril 2023. Elle espère que la magistrate saura entendre et protéger son enfant ! Mais c’est très dur de vivre sans sa fille et de la savoir dans un endroit où elle n’est pas en sécurité corporelle, affective, psychologique. Aux maltraitances de son ancien compagnon, se sont rajoutées les maltraitances de la Justice.


Pour trouver des ressources concernant les violences sexuelles faites aux enfants, vous pouvez consulter notre document « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez consulter également le manifeste de l’association qui liste les dysfonctionnements en France ainsi que nos préconisations ; et signer notre pétition.

Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage

En 2013, Sophie, maman solo d’une petite fille issue d’une première union, rencontre Vincent dans le cadre de son travail. Expatrié, il communique avec la jeune fille via la messagerie interne et rapidement un jeu de séduction s’installe. Chaque fois qu’il rentre en France, il en profite pour voir Sophie et leur relation s’installe. Vincent reconnait rapidement être en souffrance car il est sous l’emprise d’une mère toxique. C’est d’ailleurs une des raisons à son éloignement géographique car sinon, à 40 ans il vivait encore chez ses parents.

Sophie s’en rend compte quand ils partent en vacances ensemble. Sa mère le contacte toutes les 5mn en Facetime et il se fait insulter s’il ne répond pas. Quand Sophie rencontre cette femme pour la première fois, elle est très agressive, comme si elle voyait une maitresse qui fichait le bazar dans son couple.

Sophie soupçonne une relation très toxique aux relents incestueux mais elle pense pouvoir aider Vincent, le réparer.

Quand elle tombe enceinte, Vincent est heureux. Mais sa mère est horrifiée. A l’annonce, elle dit qu’elle a envie de vomir et quitte la pièce. Elle n’a alors de cesse que de monter son fils contre sa belle-fille.

L’arrivée du petit garçon ne change rien. Des propos racistes s’ajoutent à un quotidien éprouvant car Vincent est toujours en expat. Et pendant les deux premières années du petit garçon, Sophie l’élèvera seule ou presque. En 2016, Vincent peut enfin revenir en France et ils cherchent un appartement plus grand. La mère intervient sur tous leurs choix de vie

et n’est jamais d’accord. Elle débarque à tout bout de champ et il faut toujours céder à ses désirs. Téléphone, email, matin et soir, le harcèlement ne s’arrête jamais.

Vincent est complètement sous l’emprise de sa mère et jamais il n’intervient pour poser des limites.

Au contraire, il se cache de Sophie pour la joindre car comme tous les reproches tournent autour de sa femme, c’est sa façon de gérer. Malgré une vie de couple très perturbée, ils continuent de faire des projets. Un mariage est prévu, l’achat d’une maison et un second enfant arrive en 2016. A cette annonce, la grand-mère rentre dans une colère noire. Ce sera pareil pour leur 3ème enfant. Et quand ils se décident à parler du mariage, elle réagit très violemment et affirme qu’elle ne viendra pas. Vincent réagit enfin pour dire qu’il s’en fiche. Un malaise durable s’installe et Vincent devient à la fois absent et violent. C’est un papa qui s’énerve vite, qui peut punir violemment par des frappes. Un jour il part au marché avec son fils ainé et il lui luxe le coude en le secouant.

Pour Sophie, ce n’est plus tenable, entre la belle-mère qui lui fait vivre l’enfer et un mari violent, elle annonce qu’elle ne va pas pouvoir continuer ainsi. L’été 2018, elle souhaite partir à l’étranger dire au-revoir à sa grand-mère mourante. Vincent confisque son passeport et celui de ses enfants. Sophie prévient la police qui les récupère au travail de Vincent.

Elle engage une procédure de divorce car elle a perdu toute confiance en lui.

Vincent fait une énorme crise de violence à cette annonce devant les enfants. Sophie contacte les gendarmes qui interviennent pour demander à Vincent de partir. Il s’installe chez sa mère, qui continue d’alimenter la haine.

Une plainte est déposée avec des photos en mai 2021. En juillet, quand elle rentre de vacances, Vincent est revenu au domicile. La cohabitation est très difficile.

En septembre, ils passent devant la Juge aux affaires familiales (JAF) après assignation divorce. Vincent reconnait les faits de violence mais il dit qu’il regrette et qu’il s’est remis en question. La JAF lui accorde un droit de garde classique et demande une expertise des parents.

Sophie déménage (avec son accord) et Vincent débarque quand même quand il veut, les violences continent ainsi que les viols conjugaux. Elle tombe enceinte une quatrième fois.

En novembre, le jugement est rendu. Vincent a un simple rappel à la loi et doit faire un stage de responsabilité parentale de 48h… Alors il fanfaronne et dit que ce qu’il fait n’est pas grave. Les enfants eux refusent d’aller chez leur père. Sophie tente de les rassurer mais à chaque fois, ils reviennent cernés, pâles, déclarant qu’ils ont été frappés, qu’ils ont été menacés et privés de repas.

L’avocat de Sophie lui conseille de porter plainte ET de confier les enfants au père pour que ça ne se retourne pas contre elle.

Vincent nie et prétend qu’elle instrumentalise leurs enfants.

Sophie garde en photo les bleus et porte plainte. En janvier 22, sa fille lui confie que son père lui touche le sexe. Elle enregistre ses révélations et porte plainte immédiatement. Les policiers auditionnent les 3 ainés de Sophie qui témoignent également que leur père les masturbe, demande des fellations. « Papa veut bien qu’on crache « son pipi » après« .

Ils restent constants dans leur récit et refusent de retourner chez leur père.

Sophie porte plainte.

Grace à une astuce, elle réussit à obtenir un enregistrement du quotidien de ses enfants chez leur père. On entend les cris, les coups, les insultes (« vous êtres des anormaux« ).

Elle entend sa fille dormir et se faire réveiller par son père. Elle l’entend hurler « je ne veux pas, j’ai mal« .

Sophie fait un complément de plainte. Les gendarmes retranscrivent les enregistrements et les transfèrent au parquet. Sa fille est également vue par un médecin des unités médico judiciaires (UMJ) qui constate une vulvite.

Une expertise psy est mandatée par le procureur mais à cette époque Sophie est dans une situation financière difficile, elle n’a plus de voiture, son propriétaire veut récupérer l’appartement. Alors elle demande à l’experte de faire l’entretien par visio. Cette dernière refuse (alors qu’elle l’accepte pour le père) et sans jamais la recevoir dresse un rapport à charge : « Au vu des éléments du père, la mère est potentiellement instable, trop fusionnelle, instrumentalise les enfants et ne laisse pas la place au père. La maman me parait d’un niveau de dangerosité élevé« … Et elle préconise au JAF un transfert de la garde au père.

Sophie, par nécessité, pour protéger ses enfants, fait de la non-représentation d’enfant (NRE).

Quand elle repasse devant la JAF en novembre, celle-ci a le rapport d’expertise en main et refuse de prendre en compte les preuves enregistrées. Sophie demande des visites en lieux neutres. La JAF dit qu’elle va investiguer (mais ne fera aucune démarche).

En janvier, le verdict tombe. La JAF ordonne le transfert immédiat de la garde des 4 enfants chez le père et « accorde » à la mère des visites en lieux neutres d’une heure par mois.

Sophie fait un malaise, ses enfants une crise de panique. Quelle décision incompréhensible.

Alors elle rassemble ses forces et fait une déposition à la gendarmerie avec le formulaire de la CIIVISE (Commission Inceste) parlant du principe de précaution et bien sûr continue la NRE.

Le 13 février, c’est presque un guet-apens.

Sophie est convoquée avec ses enfants. Elle se rend à l’audience avec les 3 ainés. Elle réexplique l’affaire mais la juge n’entend rien, balaye aussi la parole des enfants. A la sortie de l’audience, elle fait blocus physiquement pour contraindre Sophie à laisser ses enfants au père.

Sophie filme le moment où on lui arrache ses enfants et où ces derniers pleurent en s’accrochant à elle, disant qu’ils ne veulent pas aller chez leur père. Personne ne les écoute. On les voit être pris de force par la police. Et ils sont fourrés, hurlant, dans la voiture du père.

Depuis ce jour horrible, Sophie n’a plus de nouvelles de ses enfants. Vincent dit qu’ils ne demandent pas après elle.

Quant à l’espace rencontre, il est surchargé et ne prévoit pas de visite avant des mois.


Pour en savoir plus sur les violences sexuelles, nous vous conseillons la lectures des articles « Qui sont les incesteurs ? Tentative de portrait type« , « Inceste : les mécanismes du silence« , et « Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez également télécharger notre flyer :

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

En mars 2015, une collecte nationale de données sur le parcours de soin des victimes de violences sexuelles a lieu, à l’initiative de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Celle-ci a mené une enquête auprès de 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans pour évaluer l’impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge.

Les données ont été collectées à partir d’un questionnaire anonyme auto-administré par ordinateur, composé de 184 questions diffusées via des sites web, des réseaux sociaux et des médias. Les données ont été analysées par une équipe de professionnels de la santé et de la victimologie.

L’objectif était d’améliorer l’identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Voici ce que raconte l’enquête et qui est toujours actuel.

Les violences sexuelles ont des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes, à court, moyen ET long terme. Sans soins adaptés, elles vont détériorer le psychisme ainsi que le corps de la victime tout au long de leur vie. Les symptômes peuvent se manifester dès l’agression ou être des bombes à retardement qui risquent d’exploser des années plus tard parfois, via un détail qui rappelle les violences.

Avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance est considéré comme l’un des facteurs délétères les plus importants de la santé, même après cinquante ans. Les conséquences (décès prématuré par accidents, maladies et suicides, maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète, obésité, épilepsie, de troubles du système immunitaire et de troubles psychiatriques) sont proportionnelles à la gravité et à la fréquence des violences subies ainsi qu’aux circonstances aggravantes.

1/ Les traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont l’un des risques les plus courants associés à ces violences, avec un taux d’état de stress post-traumatique pouvant atteindre 80% chez les victimes de viol et 87% chez celles ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance. Les troubles dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires et les conduites addictives sont également plus courants chez les victimes de violences sexuelles. Le fait que celles-ci soient subies dans l’enfance augmente considérablement le risque de personnalité borderline et les diagnostics de trouble limite de la personnalité.

La plupart des victimes de violences sexuelles présentent une variété de symptômes qui créent une situation de détresse psychique insoutenable. Parmi les symptômes les plus courants, on trouve une perte d’estime de soi, des troubles anxieux, des troubles du sommeil, l’impression d’être différent des autres, le stress et l’irritabilité.

D’autres troubles plus handicapants comprennent les troubles phobiques, les symptômes intrusifs, les troubles de l’humeur, la fatigue chronique, les symptômes dissociatifs, l’hypervigilance et les troubles sexuels. Dans l’enquête, les répondants sont 58% à évaluer leur souffrance mentale actuelle comme importante et 64% à l’avoir estimée comme maximale au moment où elle a été la plus importante.

2/ Les traumatismes physiques

Les conséquences sur la santé sont également physiques. Les victimes de violences sexuelles sont plus susceptibles de présenter de nombreuses pathologies, notamment cardio-vasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et neurologiques, ainsi que des douleurs chroniques et des troubles du sommeil. Ces violences peuvent également causer des atteintes des circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress. Les atteintes cérébrales sont visibles par IRM, avec une diminution de l’activité et du volume de certaines structures, une hyperactivité pour d’autres, ainsi qu’une altération du fonctionnement des circuits de la mémoire et des réponses émotionnelles.

Des altérations épigénétiques avec la modification du gène NR3C1, impliqué dans le contrôle des réponses au stress et de la sécrétion des hormones de stress, ont également été mises en évidence chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et bien-sûr, si les violences sexuelles entraînent une grossesse, l’impact est décuplé à tous les niveaux. Entre les interruptions volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées, les grossesses menées à terme, parfois par des mineures, les conséquences physiques, psychologiques, économiques, sociales, etc. sont très nombreuses pour les victimes.

3/ Un rapport à la santé altéré

Les victimes de violences sexuelles ont une consommation médicale plus importante, avec davantage de consultations en médecine générale, aux urgences et plus d’interventions chirurgicales rapportées, souvent inutiles car liées à la mauvaise image de soi. Paradoxalement, les victimes ont un seuil élevé de résistance à la douleur, ce qui peut les conduire à négliger des pathologies avant de consulter un médecin. Enfin, des conduites addictives, auto-agressives, des conduites sexuelles à risques, des troubles alimentaires de type anorexique et/ou boulimiques sont également fréquents et peuvent entrainer des conséquences dramatiques.

4/ Urgence d’installer des soins adaptés

Les intervenants doivent être conscients que plus les violences ont eu lieu dans l’enfance, plus les répercussions sont durables et profondes sur leur vie. Il faut à la fois agir vite, de manière adaptée et également mettre en place un vrai suivi dans le temps des victimes. En général, plus la prise en charge médicale est précoce et moins les victimes de violences sexuelles seront susceptibles de développer un état de stress post-traumatique et d’autres complications par la suite. Il est donc crucial que le personnel médical pose systématiquement la question des violences afin d’améliorer la prise en charge et la signalisation les situations de violence, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs ou de personnes vulnérables.

5/ Propositions d’améliorations

Voici des propositions à la fin de l’enquête pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Idéalement, il faudrait faciliter les démarches des victimes, mieux les informer via des professionnels de santé, des administrations, des plateformes web et téléphoniques. Des centres spécialisés pluridisciplinaires pourraient offrir une prise en charge globale et anonyme. La formation de tous les professionnels impliqués au dépistage les violences est urgente, ce qui inclut de croire les victimes et de reconnaître leur souffrance. Organiser des groupes de parole, donner du temps et un espace dédié au repos des victimes sont également des recommandations importantes. Enfin, l’éducation de la population est essentielle pour rompre le silence.


Sur l’impact sur la santé des violences sexuelles vous pouvez également consulter l’article « Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime« .

Vous pouvez également télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

La coparentalité avec un pervers : 6 conseils pour vous aider à naviguer dans les eaux troubles sans faire naufrage

La coparentalité avec un pervers

Par Caroline BREHAT

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice

La coparentalité avec un pervers

Le titre de cet article peut surprendre. Il contient en effet un oxymore. Les termes « coparentalité » et « pervers » sont par définition antinomiques. Comment coordonner, partager l’éducation d’un enfant avec une personne dont la très forte tendance à l’auto centration l’empêche d’être dans le partage ?

Cela ne fait que quelques mois que vous avez signé l’accord de garde, mais, loin de pouvoir souffler et de laisser cette folie derrière vous comme vous l’espériez, vos pires craintes sont en train de se matérialiser. Votre ex, qui ne vous a pas pardonné de l’avoir humilié en le quittant et a obtenu la garde partagée, utilise déjà l’enfant comme un instrument de vengeance (ou de chantage tacite) sans se soucier des dégâts que cela pourrait occasionner sur son psychisme immature.

Et tout ce que vous avez tenté d’oublier rejaillit soudain avec fracas dans votre mémoire. Vous avez l’impression d’être de nouveau en tête à tête avec vote ex, l’être invivable que vous appeliez secrètement Staline, celui qui s’acharnait à contrôler vos faits et gestes, à créer des conflits, à vous accabler et, vous l’auriez parié, en tirait même une jouissance perverse.

Non seulement il recommence à vous attaquer en interprétant la réalité de manière biaisée et autoritaire, mais il ajoute une touche de perversion : il utilise votre petit Adam contre vous. Comment ? En lui racontant des histoires, en lui faisant croire que vous êtes mauvaise.

Et vous vous maudissez de ne pas vous être mieux battue pour protéger votre enfant de cette folie. Car vous passez une grande partie de votre temps à vous disculper aux yeux d’Adam qui, vous le voyez bien, ne sait plus très bien qui croire. Non, vous n’avez pas mis papa à la porte du domicile familial, enfin si, mais vous aviez les meilleures raisons du monde.

Comment expliquer à un enfant de 6 ans que c’est parce que son gentil papa vous maltraitait psychologiquement et que votre survie psychique, et donc la sienne également, étaient en jeu ? Cela atteint des proportions grotesques et vous craignez même que votre ex ne lave carrément le cerveau de votre enfant. Vous n’êtes clairement pas à armes égales puisque votre ex utilise la diffamation et le mensonge, mais vous avez plus d’atouts que vous le pensez. Et vous n’y laisserez pas votre peau, ni celle de votre enfant.

Voici quelques conseils qui devaient vous aider à naviguer dans les eaux troubles de la coparentalité avec un pervers narcissique sans faire naufrage, c’est-à-dire en veillant à ce que les dommages collatéraux (causés à l’enfant) soient minimaux.

1. Faire un travail psychique d’acceptation et de deuil

Entrer dans la coparentalité avec un pervers implique d’abord de réaliser un travail psychique. Cela veut dire accepter de faire le deuil d’une relation normale avec votre ex car sa structure psychique ne lui permet pas une coparentalité saine. Pourquoi ?

Parce que, premièrement, vous êtes son mauvais objet et que vous avez été choisie à votre insu pour être celle avec qui il va régler des comptes anciens, même très anciens. Lesquels ? Ceux qu’il a avec sa mère ! En effet, dans de nombreux cas de figures, la femme de ces hommes, la mère de leur enfant, est fantasmatiquement vécue comme un avatar maternel. Et vous n’avez pas pu ne pas remarquer que votre ex a une relation parfaitement ambivalente avec sa mère, une relation totalement fusionnelle (sur fond abandonnique, il est vrai) qui l’enrage car il a l’impression d’être plus ou moins consciemment captif de sa mère.

Bref, sa vision est irrémédiablement biaisée : vous êtes son bourreau, il est votre victime. C’est écrit dans le marbre de son psychisme. Vous le persécutez, il n’a donc d’autre choix que de vous persécuter à son tour. Et autant se le dire immédiatement, car cela vous fera gagner du temps : votre ex fera tout pour imprimer sa vision biaisée de vous dans le psychisme de votre enfant. Comprenez bien que rien de tout ceci n’est conscient, votre ex rejoue un scénario archaïque inconscient, lié aux maltraitances/négligences qu’il a subies pendant son enfance, mais sa vision actuelle de vous n’en est pas moins opérante.

Il y a autre chose que votre ex ne peut vous pardonner. Vous avez également mis à mal l’image d’homme parfait qu’il se plaisait à promouvoir. Vous n’êtes pas du genre à vous vanter, vous êtes même plutôt humble, prompte à vous effacer, mais reconnaissez-le, vous êtes tout simplement plus intelligente, plus diplômée, plus responsable, plus compétente professionnellement que lui (une sorte de femme trophée) … Et à votre insu, vous ne pouvez vous empêcher de lui renvoyer ses failles, ses faiblesses, ses fêlures même, c’est-à-dire sa veulerie, sa dépendance vis-à-vis de vous, et, cela lui est tout simplement insupportable.  

Selon le degré de pathologie de votre ex, vous devrez donc commencer par faire de nombreux deuils. Non, vous ne jouirez jamais d’une relation de coparentalité saine et normale. Exemples : vous ne pourrez pas compter sur lui pour aider Adam à faire ses devoirs (c’est bien trop barbant pour votre ex qui préfère jouer aux jeux vidéo avec son fils, ou sans lui, d’ailleurs). Vous ne pourrez pas compter sur lui pour administrer religieusement les médicaments nécessaires pour soigner le rhume d’Adam (votre ex est bien trop autocentré pour y penser). Et non, votre petit Adam ne mangera pas correctement ni ne se couchera à heures fixes.

Mieux vaut le savoir maintenant que de consacrer toute votre énergie à éduquer votre ex dont l’immaturité et la rigidité le rendent inéducable…

Que faire lorsque l’enfant est jeune et qu’il est impossible de responsabiliser l’enfant à la place du parent pervers ? Faire entrer en scène une psychologue a parfois des effets positifs. L’ex se sent surveillé, observé, il est sur ses gardes et fait plus attention.

2. Instaurer des limites à votre ex

Le pervers a une fâcheuse tendance à vouloir instaurer SA loi. Il faut le comprendre : fantasmatiquement, la loi c’est lui puisqu’il est Dieu. La loi judiciaire et la protection juridique sont donc indispensables pour faire contrefeu et le faire plier. Et vous ne connaissez que trop bien ses rages lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il veut ou lorsqu’il interprète votre réaction comme du mépris ou du dénigrement.

Il faut absolument éviter que l’ouragan qui sommeille en lui ne se déchaîne devant votre enfant. Pour ce faire, il n’y a qu’une seule solution : instaurer des limites. Communiquez principalement par emails ou SMS ou par l’entremise de votre avocat. Cette méthode a également l’avantage de vous permettre de réfléchir à froid à ce qu’il faut dire. Souvenez vous que vous écrivez également pour le juge car avec votre ex hyper procédurier, vous n’êtes jamais qu’à quelques pas d’un tribunal.

Dans l’accord de garde, délimitez précisément, religieusement même, tous les contacts et les interactions possibles, de même que toutes les imprécisions qui pourraient lui permettre de s’engouffrer dans la brèche et de vous entraîner dans une dispute (heures et lieux exacts de prise en charge et de dépôt de l’enfant, calendrier ultra précis des vacances, nombre d’appels téléphoniques autorisés par jour…) N’oubliez pas que les zones grises représentent une opportunité pour le pervers de vous mettre à mal. Tout doit être écrit noir sur blanc.

Votre meilleur allié sera un avocat spécialiste de ces personnalités toxiques et chevronné. La convention de garde doit être ultra précise (ex) : blindée contre les manœuvres intrusives et explosives de votre ex.

Trop de mères célibataires en butte à ces hommes pervers choisissent des avocats maltraitants ou négligents qui finalement parachèvent à leur insu le travail de leur ex, soit parce qu’ils ne répondent jamais à leurs mails et appels soit parce qu’ils doutent de ce qu’elles racontent et pensent même qu’elles exagèrent. Ces avocats ne peuvent en aucun cas vous aider.

La première pierre consiste à trouver un avocat spécialiste des conflits de garde avec qui vous pouvez faite équipe. Un avocat qui a réellement à cœur de vous protéger ainsi que votre enfant. Ces avocats sont évidemment extrêmement minoritaires, mais ils existent.

3. Se rééduquer au bonheur

La guerre que votre ex livre contre vous est une guerre d’usure, une guerre des nerfs, semblable à celle des tranchées pendant la Première Guerre Mondiale. Le mot d’ordre est donc de prendre soin de vous, c’est-à-dire de votre psychisme et de votre corps car, bien sûr, les deux sont inextricablement liés.

La première démarche est évidemment de consulter régulièrement une psychothérapeute spécialiste des personnalités perverses. Ce psychothérapeute devra avant tout être empathique car aucun psychothérapeute non doté de cette qualité ne pourra vous aider réellement. C’est le minimum : un psy qui accueillera votre douleur avec compassion et ne vous renverra ni insensibilité ni froideur, ces défauts qui sont justement ceux de votre ex, que bien sûr vous n’avez aucunement envie de retrouver chez votre psy.

La mission de votre psy sera de vous aider à évacuer le trop plein de folie que votre ex expulse en vous car, oui, votre ex expulse sa folie en vous et c’est ce qui explique que vous avez si souvent l’impression de devenir folle. Il faut relire Paul-Claude Racamier, psychiatre et psychanalyste, le premier à avoir révélé et décrit, à la fin des années 1980, les perversions narcissiques et leur fonctionnement, pour comprendre ce qui se passe lorsqu’on est en contact avec ce type de personnalités  :

« Le mouvement pervers narcissique est une façon organisée de se défendre de toutes douleur ou contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui et non seulement sans peine mais avec jouissance. L’objet de la perversion narcissique est […] un ustensile. »

C’est dur à entendre, mais vous n’étiez en fin de compte qu’un réceptacle permettant à votre ex d’expulser de lui tout ce qui lui était insupportable et menaçait de le mettre à mal. Il va sans dire que cette intrusion forcée dans votre psychisme ne peut également que vous mettre à mal également.

La simple fréquentation de ces personnes génère une sorte de paralysie traumatique de la pensée. L’impossibilité de se le représenter, c’est-à-dire de l’inscrire dans une chaîne signifiante, est précisément ce qui rend le traumatisme pathogène. Le psychothérapeute vous aidera aussi à déculpabiliser car, bien sûr, inévitablement, vous culpabilisez d’avoir donné un parent pervers à votre petit Adam. Les groupes de soutien où l’identification bat son plein permettent également de rompre l’isolement physique et psychique.

Aller mieux passe par une reconnexion avec son désir, son corps afin de retisser le tissu de votre enveloppe de protection. Ne vous privez pas de la possibilité de faire ce qui vous fait plaisir, qu’il s’agisse d’un sport, de balades, d’un club de lecture, de yoga, de méditation, de cours de cuisine, de la fréquentation d’une association où vous avez l’impression de retrouver des personnes qui vous ressemblent et vous redonnent confiance dans le monde. L’entourage et le cercle d’amis ont évidemment un grand rôle à jouer pour vous empêcher de ressasser et de mariner dans la mélancolie et les regrets et vous aider à retrouver confiance dans le monde et dans la vie car, comme le dit un proverbe africain, l’homme est un médicament pour l’homme.

Et souvenez vous toujours qu’en vous aidant, vous aidez votre enfant car une mère faible ou dépressive risque de donner corps aux fantasmes de l’enfant qui pourrait se sentir responsable et en éprouver une grande culpabilité génératrice d’angoisses, ce qui, évidemment, ne favorisera pas la cohésion de sa personnalité

4. Imposer un cadre cohérent à votre enfant

Votre enfant est indéniablement le maillon faible de cette séparation. Votre ex va donc tenter de le transformer en votre ennemi numéro 2. Comment ? En lui « enseignant » ce qui l’a nourri, lui. Le chaos, le déséquilibre, la confusion, l’instabilité… tout ce qui vous insupporte chez votre ex.

Pour lutter contre ces fléaux, il vous faudra donc instaurer un cadre suffisamment strict propre à structurer la personnalité de votre enfant que votre ex s’emploie justement à déstructurer.

En effet, le pervers se plaît à saper les règles et les bases, à évacuer les interdits que vous vous appliquez à enseigner à votre enfant. Et vous l’avez compris, votre ex met du cœur à l’ouvrage car la guerre contre vous, c’est son Waterloo à lui. Non, vous ne vous faites pas de film, votre ex jouit véritablement de vous imaginer épuisée, en train de pester.

Vous n’aurez donc d’autre choix que celui de rappeler sans cesse les règles à Adam, de rééquilibrer les choses. Ce n’est pas parce qu’Adam a le droit de diner avachi sur le canapé devant l’émission de Cyril Hanouna (comme son père) qu’il peut le faire chez vous également. N’oubliez pas que faire respecter un cadre et établir des limites est sécurisant et structurant pour un enfant. Il ne faut pas y aller trop fort évidemment car un cadre trop rigide ou cadre trop laxiste peuvent avoir les mêmes effets.  

Votre enfant revient de l’école et vous demande : « C’est vrai, maman, que papa n’a pas assisté à ma rentrée de classes parce que tu le lui as interdit ? » Inspirez et expirez profondément et gardez votre sang froid. Réagir au quart de tout ne serait pas constructif. Faites une démonstration accessible à l’âge de votre enfant et répondez calmement : « Absolument pas, mon chéri. Papa est un adulte qui est libre d’assister à ta rentrée des classes. Je n’ai pas à lui interdire quoi que ce soit. » Vous pouvez poursuivre si vous souhaitez faire réfléchir votre enfant : « Je ne sais vraiment pas pourquoi papa dit des choses fausses qui, du reste, ne concernent pas les enfants. Je sais bien que ça te fait de la peine d’entendre ça sur maman, mais je ne veux pas que tu t’inquiètes. »

Votre enfant comprendra ainsi que vous êtes capable de vous identifier à ses ressentis et cela l’incitera à son tour à s’identifier à vous. Vous pouvez, bien sûr, envoyer un message à votre ex pour lui demander des comptes, mais rappelez vous que vous ne parviendrez pas à faire entendre raison à votre car le pervers narcissique (PN) n’admet jamais ses torts et, pire encore, quand il se sent attaqué, il se rigidifie et projette ses torts sur vous.

Adam est revenu de chez lui couvert de boutons de moustiques parce qu’il n’a pas pris soin de le recouvrir de lotion anti-moustiques ? Pas du tout, ces boutons étaient déjà là quand Adam est arrivé chez lui, c’est chez vous que les moustiques ont sévi, certainement pas chez lui. D’ailleurs, il n’a jamais vu de moustiques chez lui.

Vous êtes face à une « projection » ou « projection identificatoire ». La projection est la propension à attribuer aux autres ses propres défauts et désirs inavouables. C’est un mécanisme souvent paranoïaque qui est très « confusionnant », et extrêmement puissant et délabrant pour les psychismes.

5. Développer l’esprit critique de l’enfant

Il faut absolument développer l’esprit critique de votre enfant, l’entraîner à penser par lui-même, car cela permettra de lutter contre l’influence néfaste de votre ex. Votre enfant sera outillé pour analyser individuellement les situations.

Ne dîtes pas : « Ton père est vraiment méchant de dire ça sur moi », demandez plutôt : « Tu as pensé quoi, toi, quand papa a dit ça ? » ; « Qu’est-ce que tu as ressenti en entendant ça ? »

Comme dans la maïeutique socratique, aidez votre enfant à accoucher de ses propres conclusions en l’encourageant à se fier à ses émotions. Permettez à votre enfant d’explorer ses ressentis et discutez en avec lui. Vous lui apprendrez à penser, à aimer le débat, mais également à valider ses émotions, ce qui est toujours un problème pour l’enfant d’un parent pervers qui risque de douter de la fiabilité de ses perceptions. Or c’est justement la fiabilité de nos perceptions qui est à la base de notre capacité à appréhender le réel.

Autant dire que l’entreprise du pervers peut s’apparenter à une véritable mise à mort de l’appareil psychique et donc de l’intégrité psychique de l’enfant.

Trop peu d’enfants aiment penser de nos jours. Il est donc particulièrement important dans ces situations à fort risque de « décervelage » d’encourager l’enfant à penser en lui montrant notamment l’exemple par la lecture. Cependant, toutes les activités de « symbolisation » qui permettent de se représenter la réalité sont aidantes : écriture, dessin, peinture, danse, théâtre. De même que les jeux et les sports de plein air, bien sûr.

6. Etre le meilleur exemple possible pour l’enfant

Vous l’avez compris, l’empathie ne fait évidemment pas partie de cette équation. Pas même l’amour, d’ailleurs. L’enfant est une sorte de pion, un instrument de vengeance qui doit permettre à votre ex de gagner la guerre contre vous.

Sortez votre enfant de ce schéma en montrant à votre enfant ce qu’est un parent mature et en l’aidant à faire la part des choses. Car ce qui se joue ici c’est plutôt une sorte d’attachement toxique par lequel l’enfant est fantasmatiquement vécu comme une sorte de prolongement corporel (dynamique de fusion), ce qui exclut bien sûr toute idée d’individuation.

En tant que parent sain hélas contraint de « co-parenter » avec un pervers, il faut être le meilleur exemple possible pour son enfant. Pourquoi ? Parce que votre victoire ne sera pas de récupérer la garde exclusive. Récupérer la garde exclusive d’un enfant tellement identifié à son parent pervers qu’il en reproduit les comportements déviants serait évidemment une victoire à la Pyrrhus.

Contrairement à votre ex, vous n’utiliserez donc pas votre enfant comme un messager (si vous avez un message à faire passer à votre ex, faites le via un email ou votre avocat car avec un pervers, il est toujours important de garder des traces de vos échanges par écrit), un enquêteur (ce n’est pas à votre enfant de vous aider à assouvir votre curiosité) et surtout pas un défouloir (si vous êtes vraiment à bout, inscrivez vous à la boxe ou au kickboxing, faites du yoga ou de la méditation et consultez une psy spécialiste de la perversion).

Il importe que vous soyez à même de contrôler vos émotions devant votre enfant. N’oubliez jamais que le pervers excelle à vous provoquer et qu’une de ses plus grandes satisfactions est évidemment de vous voir vous mettre en rage et éventuellement perdre la face tandis que lui reste improbablement calme. Cela confirme ce qu’il se plaît à répéter à tout un chacun dans une dynamique on ne peut plus projective : vous êtes folle, il est sain d’esprit. Quelle jouissance pour lui de le voir confirmé dans ses certitudes, a fortiori devant Adam ! Ne lui donnez pas ce plaisir.

Quels sont donc ces comportements sains ? Nous l’avons déjà dit, il faut laisser la toxicité derrière vous. Une routine régulière aidera à assurer la stabilité émotionnelle de votre enfant et le rassurera. Bannissez toute dispute ou conflit devant l’enfant. Si votre ex vous prend à parti devant Adam, quittez immédiatement les lieux et dites que vous préférez qu’il vous envoie un message écrit (mail ou SMS) ou qu’il passe par votre avocat.

Pas de diffamation ou dénigrement derrière le parent pervers non plus. Laissez ces bassesses au parent pervers. Placez vous en contraste total avec la manière de faire de votre ex, votre enfant comprendra par lui-même que c’est vous qu’il doit émuler et il s’identifiera à vous. Comment ? Parce que c’est chez vous qu’il trouvera les ingrédients indispensables à son bon développement, à savoir :

  1. la tendresse, l’ingrédient de base, qui vous différenciera du pervers incapable de tendresse, évidemment, puisque la tendresse lui fait horreur et qu’il a la plus grande difficulté à la feindre ; 
  2. la communication et l’empathie : dites et montrez à votre enfant que chez vous, on ne frappe pas ni avec la main ni avec les mots, on s’explique poliment et respectueusement. Encouragez votre enfant à parler de ses émotions et lorsqu’il le fait, intéressez vous sincèrement à ce qu’il dit, et validez ses émotions. Sur ce terrain, vous allez gagner haut la main car votre ex n’a aucune empathie et tout comme la tendresse, il lui est bien difficile de la feindre. Un enfant qui se sent compris se sent également contenu ;
  3. la disponibilité tout court aussi d’ailleurs car les parents qui jouent et rient avec leur enfant créent une vraie complicité avec celui-ci ; 
  4. une certaine forme d’humilité et une capacité à se remettre en question. Le parent qui s’excuse montre qu’il sait avoir tort. C’est là encore une dynamique en contraste total avec celle du pervers qui a tendance à se gonfler et se faire valoir comme un paon.  Toutes ces qualités vous permettront donc de donner à votre enfant un refuge tant physique que psychique où il pourra s’abriter des intempéries causées par son parent pervers.

Attention, les choses doivent être bien claires dans votre esprit : vous ne luttez pas contre votre ex. Vous luttez pour le bien-être de votre enfant. Cela implique que vous ne fonctionnerez pas en miroir des comportements de votre ex.

L’être immature, c’est lui. Vous devez renvoyer une image de parent mature et solide à votre enfant. Votre grande victoire sera de voir votre enfant émuler vos comportements sains, votre façon de penser et adopter votre vision du monde. Une vision saine et non biaisée de la réalité.

Et franchement, sur ce plan, vous avez plusieurs longueurs d’avance car ce qui définit le mieux un pervers est peut-être son incapacité à s’identifier aux besoins et angoisses des autres, y compris de son enfant. Avouons le, sa personnalité ne lui facilite guère la tâche pour rallier l’enfant dans son camp. Pour que votre enfant s’identifie à vous, il faut absolument être un parent solide qui s’épanouit et jouit de la vie (voir chapitre « se rééduquer au bonheur »).


Cet article, qui a été publié dans France-Soir le 27 février 2023, est tiré des séances de groupe organisées par Protéger l’Enfant.

Si la forme masculine est utilisée («pervers ») dans cet article, c’est parce qu’il est tiré des situations où les mères sont accusées de « SAP » où le parent pervers est généralement le père, mais il va sans dire que les hommes n’ont pas l’apanage de la perversion et que les femmes aussi peuvent être perverses.


Caroline Bréhat

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice


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