La différence cruciale entre lien et contact face à un parent agresseur

La différence cruciale entre lien et contact face à un parent agresseur

Maintenir le lien ou le contact entre un enfant et son parent dangereux ?

Ces deux mots ont l’air voisin mais dans le cadre de violences intrafamiliales, ils ne signifient pas la même chose et ne portent pas aux mêmes conséquences…

  • Le lien fait référence à la connexion biologique, légale ou émotionnelle réciproque qui existe entre un enfant et ses parents ou autres membres de la famille. Ce lien est souvent perçu comme inaliénable et fondamental pour le développement de l’identité de l’enfant. Il est associé à des notions de patrimoine, d’héritage culturel et familial, et d’une continuité à travers les générations.
  • Le contact, en revanche, se réfère à l’interaction physique ou communicationnelle entre un enfant et un membre de sa famille. Il est possible de réglementer, limiter ou superviser ces interactions en fonction de ce qui est considéré comme étant dans le meilleur intérêt de l’enfant.

La distinction entre « lien » et « contact » est fondamentale lorsqu’on aborde la question de la nécessité ou non de maintenir des relations familiales en présence de violences intrafamiliales, entre des enfants victimes et des parents potentiellement dangereux. Cette différence prend une importance cruciale dans le contexte judiciaire et social, où les acteurs de la protection de l’enfance ne sont pas toujours assez formés sur ces notions.

La chercheuse canadienne Suzanne Zaccour explique :

« Les juges et les expert·es vont souvent considérer qu’il faut maintenir le lien père-enfant à tout prix, même en cas de violence familiale. Pourtant, le mythe selon lequel un enfant a absolument besoin de contacts avec ses deux parents, même en cas de violence, a été démenti par les sciences sociales, qui montrent plutôt que l’enfant a besoin d’une relation solide et sécuritaire avec la principale figure parentale.« 

Derrière le choix de maintenir un lien ou stopper le contact, se cache les gros pavés de l’autorité parentale et des droits de visite.

La société a tendance à penser que dès qu’il y a la filiation, il faut qu’il y ait absolument l’autorité parentale + le lien + la rencontre (le contact).

L’argument pour préserver le lien entre l’enfant et l’agresseur repose sur la fausse croyance que chaque parent a un rôle essentiel à jouer dans la vie de l’enfant, indépendamment de son comportement. Cette vision passéiste masque l’impact des violences subies par l’enfant, voire les renforce. Les professionnels devraient savoir que perpétuer un contact parent agresseur/enfant est très nocif, très traumatisant pour les victimes.

On le sait, on le voit, les espaces rencontres ne transforment pas un parent violent en bon parent. De même, le maintien d’un droit de visite est pour l’agresseur la preuve que finalement ce qu’il a fait n’est pas si grave, qu’il n’y a pas de danger, vu qu’il peut continuer le contact avec ses victimes…

Soutenir un parent violent dans sa parentalité au prétexte erroné qu’un enfant a besoin de ses 2 parents pour se développer, c’est faire preuve d’une grande méconnaissance de l’impact des violences faites aux enfants. Un enfant a besoin d’amour et de sécurité. Peu importe le nombre ou l’identité des personnes qui répondent à ces urgences vitales.

Et on revient alors à la différence entre le lien et le contact. Jean Louis Nouvel, pédopsychiatre, précise :

Le lien c’est psychique, le contact, c’est physique”.

Couper le contact est la seule option pour qu’un jour, peut-être, il existe à nouveau un lien en bonne santé.

Si on veut aider les victimes, il faut savoir couper le contact, pendant une période suffisamment longue. L’enfant a besoin du temps de la cicatrisation, de la prise en compte de ses traumatismes, du phénomène d’emprise. Il faut que la peur recule, que la confiance gagne du terrain. Et cela, seul l’éloignement total avec l’agresseur peut le permettre. On n’avance pas dans sa guérison en côtoyant son bourreau. Et les bourreaux ne doivent pas se servir des enfants comme médicaments.

Un jour, si l’enfant est protégé, s’il se sent assez fort, s’il en a envie, il pourra reprendre le lien avec le parent qui le maltraitait.  A son rythme.

D’ici-là, maintenir le contact ne rend service à personne. Ni à l’agresseur qui en retire un sentiment d’impunité et qui peut perpétuer les violences en accusant l’autre parent d’aliénation. Ni aux victimes qui ressortent de ces rencontres avec de la peur, un traumatisme renforcé et une perte de confiance vis-à-vis des professionnels qui ne prennent pas leur parole au sérieux.

La question finale est qui voulons nous protéger ?

Si on veut vraiment aider l’enfant à se « délier » de l’emprise psychologique de l’agresseur, cela passe par une rupture avec l’agresseur.

Les contacts doivent cesser pour préserver le bien-être psychologique de la victime.

Stopper le contact pour garantir que les enfants puissent vivre une vie sans être constamment hantés par les traumatismes passés.

Cela inclut de pouvoir dormir paisiblement, apprendre efficacement à l’école et interagir avec leurs pairs sans être submergés par les souvenirs traumatiques.

La Justice doit comprendre l’importance d’une approche centrée sur l’enfant, où les décisions concernant l’autorité parentale, le lien, le contact, sont prises en tenant compte de leur impact sur la santé mentale et physique de l’enfant, et non pas uniquement sur la préservation des structures familiales traditionnelles ou des droits parentaux.

Pourquoi la Justice favorise-t-elle le lien avec le père, au dépend des victimes ?

Pourquoi la Justice favorise-t-elle le lien avec le père, au dépend des victimes ?

Parmi les incompréhensions les plus fréquentes rapportées par les victimes de violences intrafamiliales, il y a celle où la Justice favorise le lien entre le père et l’enfant, même dans les cas d’inceste.

Pendant le temps des procédures, les enfants sont tenus d’aller vivre chez leur père ou de le voir dans des lieux prétendus neutres. Cela donne lieu à des scènes traumatisantes d’enfants terrorisés à l’idée d’être confrontés à leur agresseur, fut-il leur papa.

Du côté des mamans protectrices, c’est une aberration. L’image souvent invoquée est celle-ci : si un voisin était soupçonné de violences sur les enfants de la maison d’à-côté, personne ne demanderait que ces derniers continuent de le voir, au nom du maintien des bonnes relations de voisinage ou de la présomption d’innocence…

Parce qu’effectivement, quand une affaire n’est pas encore statuée, c’est souvent le principe de présomption d’innocence qui est invoqué. En France, chaque individu est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. En conséquence, la Justice accepte de remettre un enfant à son père, pourtant accusé par sa progéniture du pire, tant qu’elle n’a pas rendu son verdict au nom du principe de la présomption d’innocence.

Or la présomption d’innocence n’est pas incompatible avec le principe de précaution : on peut vouloir protéger un enfant de son potentiel agresseur, sans pour autant que la condamnation ait eu lieu.

C’est exactement ce qui se passe pour les femmes avec l’ordonnance de protection : la femme est éloignée de son potentiel agresseur, même s’il n’a pas été condamné. Mais les enfants ?

Quand bien même ils n’auraient pas subis directement de violences mais auraient été témoins, et donc victimes, des violences faites à leur mère, dans tous les cas les enfants doivent être protégés.

Pourquoi ne pourrait-on pas appliquer une ordonnance de protection pour les enfants ?

Le Collectif pour l’enfance, qui regroupe 45 associations dont la nôtre, porte ce projet (voir proposition d’amendement législatif).

La CIIVISE également, elle préconise dans son rapport final (préconisation no 26) :

« Créer une Ordonnance de Sûreté de l’Enfant (OSE) permettant au juge aux affaires familiales de statuer en urgence sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas d’inceste parental vraisemblable. »

La Justice aime « donner une chance » au père, sur l’argument de favoriser le lien père/enfant. Pourtant, on le sait, maintenir un lien entre l’enfant et le parent toxique peut être totalement contre-productif pour l’enfant. A quel moment, un humain accusé de violences peut-il jouer un rôle positif dans la vie de la personne qu’il maltraite ?

Quand la Justice “donne une chance” à un parent violent, elle oublie que la chance lui a déjà été accordée trop souvent par la mère et que ça suffit ! Il s’agit d’un biais de genre qui favorise les pères aux dépens des mères.

Et si on essayait des critères validés par des experts formés aux violences intrafamiliales ?

  • La gravité et la fréquence de la violence sont des facteurs cruciaux. Dans les cas de violence grave, qui mettent en danger la sécurité physique ou émotionnelle de l’enfant, il est généralement peu probable qu’un parent violent puisse être jamais considéré comme un bon parent.
  • La sécurité de l’enfant est la priorité absolue. S’il y a risque, des mesures devront être prises pour protéger l’enfant, en interdisant son droit de visite.
  • La violence peut entraîner des conséquences graves sur le développement émotionnel et psychologique de l’enfant. Les professionnels de la santé mentale recommandent un éloignement total de l’agresseur pour permettre à la victime de s’apaiser et guérir doucement.
  • Pour être un bon parent, il faut avoir la capacité de prendre soin de l’enfant, de répondre à ses besoins émotionnels et physiques, en lui fournissant un environnement stable et aimant. Un parent violent en est dépourvu. Tout comme sa capacité à changer est faible. Peu de pères agresseurs sont disposés à chercher de l’aide, à suivre un traitement et à travailler sur leurs problèmes pour changer leur comportement.

En presque 2024, favoriser le lien père/enfant aux dépens des victimes n’a plus de sens. La diversité des modèles familiaux a démontré que l’important est de prioriser le bien-être de l’enfant dans TOUTES les situations. Ce dernier doit pouvoir grandir dans un environnement sûr et affectueux, et tant pis si cela implique de le séparer de son père violent. Les droits de l’agresseur ne devraient jamais être placés au-dessus de la sécurité et du bien-être de l’enfant.

Quand on perpétue des violences, est-ce qu’on est vraiment un parent ?

« C’est clair que l’agression physique est quelque chose qui abime les liens, ce qui est encore plus intolérable et scandaleux quand on est un parent, avec un devoir de responsabilité et de protection.
Et quand on violente un enfant, on casse plus que toute autre personne l’estime de lui. On lui envoie un message selon lequel il ne mérite pas le respect. Il ne mérite pas d’être préservé dans son intégrité physique. Il peut être détruit.

Et surtout, il peut être détruit par la personne qui apparemment désirait sa venue, qui avait l’air de l’accueillir et lui donner des repères.
Quand un parent blesse et frappe, il indique à son enfant que le monde entier est contre lui et ne l’accueille plus. Et il abime son estime. »

Sophie Galabru, Agrégée et docteure en philosophie
au micro de Grégory Pouy dans l’épisode 287 du Podcast Vlan

Vous trouverez l’ensemble des préconisation de la Ciivise (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) dans notre article  » Les 82 recommandations de la CIIVISE « .

L’authenticité perdue : L’impact des violences intrafamiliales sur l’identité des enfants

L'authenticité perdue : L'impact des violences intrafamiliales sur l'identité des enfants

L’authenticité, un besoin fondamental

Le docteur Gabor Mate est un médecin canadien expert en matière d’addiction, de trauma, de développement de l’enfant et de la relation entre le stress et la maladie. Selon lui, un des besoins fondamentaux de l’être humain, c’est de pouvoir être soi-même, être authentique avec qui on est, être connecté à son corps et à ses sentiments, ses émotions. C’est un besoin fondamental parce que quand nous sommes correctement connectés à ce qu’on ressent, nous discernons intuitivement ce qui est bénéfique pour nous, apprenant à affirmer nos désirs et nos limites avec assurance. On peut suivre les messages de notre être qui nous indiquent ce qui est bien pour nous. On comprend ce qu’on veut et ce que l’on ne veut pas. On sait comment dire non (ou oui).

C’est la clé de notre équilibre psychologique et émotionnel. Ainsi, on peut vivre et survivre. En revanche, lorsqu’on prive un enfant de cette authenticité, lorsqu’on le contraint à se conformer aux exigences des adultes par crainte ou pression, sa souffrance devient double : il endure la douleur de ne pas vivre sa vérité et devient vulnérable aux manipulateurs. Il se perd dans une existence où il ne se reconnait plus, habitué à répondre aux attentes d’autrui plutôt qu’aux siennes. Car si on n’est pas autorisé à être authentique, si on est contraint à suivre des règles extérieures par peur, on devient une personne incapable de comprendre qui elle est vraiment et on accepte trop souvent d’être la personne que les autres veulent que l’on soit.

Les victimes de maltraitance sont souvent dépossédées de cette authenticité essentielle. Cela influe sur les liens d’attachements, qui sont un autre besoin fondamental des êtres humains. Ces derniers construisent une prison. Dans un monde idéal, les liens d’attachements et le besoin d’authenticité ne sont pas en conflit. Il est possible de créer des relations d’attachement où tout le monde peut être soi-même. Mais dans un cadre de violences intrafamiliales, les liens d’attachement deviennent toxiques au lieu d’être une source de sécurité et d’acceptation. Car si un jeune enfant n’est pas accepté dans son authenticité, si ses émotions ne sont pas prises en compte, si sa parole n’a pas de valeur, s’il est puni pour qui il est, alors pour plaire à ses parents, à cause du lien d’attachement, il opèrera un repli.

Le message envoyé est : »tu n’es pas acceptable tel que tu es, tu dois changer pour pouvoir me plaire« . C’est un message d’amour conditionnel qui menace le lien, forçant l’enfant à choisir entre être soi ou être aimé. « Est-ce que je reste attaché à mon père si celui-ci me violente ? Est-ce que la seule façon pour être accepté ou pour survivre, c’est de taire qui je suis et ce que j’éprouve ? Est-ce que si je décide de montrer ma tristesse et ma peur, je menace la relation ?

En réalité, c’est un faux choix. L’enfant choisira l’attachement et renoncera à son identité pour préserver un lien, aussi nocif soit-il. La première violence qu’on inflige à un enfant est donc de nier sa réalité intérieure, non pas pour le protéger des dangers réels, mais pour lui imposer un moule qui ne lui correspond pas, parfois sous des formes extrêmement nocives.

Un des pires aspects du traumatisme est la déconnexion de soi. Ces enfants le font pour maintenir les conditions d’attachement mais cela signifie que pour le reste de leurs vies, ils pourront avoir peur d’être eux-mêmes. Ce déni de soi, initié dans l’enfance, s’implante profondément et peut conduire à une vie marquée par la disposition à trop vouloir plaire et un risque accru de se retrouver dans des situations de vulnérabilité.

Nous invitons chacun à réfléchir à l’importance de l’authenticité et à la façon dont nous pouvons tous contribuer à un environnement où les enfants peuvent grandir en se sentant aimés pour ce qu’ils sont vraiment.

Les personnes qui cherchent constamment à plaire sont les personnes qui ont abandonné, non pas par choix conscient, mais par nécessité de survie, leur authenticité afin de rester aimées et acceptées. Elles sont à risque. Il faut s’inquiéter pour les gens très gentils.

Gabor Mate

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Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

En mars 2015, une collecte nationale de données sur le parcours de soin des victimes de violences sexuelles a lieu, à l’initiative de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Celle-ci a mené une enquête auprès de 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans pour évaluer l’impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge.

Les données ont été collectées à partir d’un questionnaire anonyme auto-administré par ordinateur, composé de 184 questions diffusées via des sites web, des réseaux sociaux et des médias. Les données ont été analysées par une équipe de professionnels de la santé et de la victimologie.

L’objectif était d’améliorer l’identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Voici ce que raconte l’enquête et qui est toujours actuel.

Les violences sexuelles ont des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes, à court, moyen ET long terme. Sans soins adaptés, elles vont détériorer le psychisme ainsi que le corps de la victime tout au long de leur vie. Les symptômes peuvent se manifester dès l’agression ou être des bombes à retardement qui risquent d’exploser des années plus tard parfois, via un détail qui rappelle les violences.

Avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance est considéré comme l’un des facteurs délétères les plus importants de la santé, même après cinquante ans. Les conséquences (décès prématuré par accidents, maladies et suicides, maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète, obésité, épilepsie, de troubles du système immunitaire et de troubles psychiatriques) sont proportionnelles à la gravité et à la fréquence des violences subies ainsi qu’aux circonstances aggravantes.

1/ Les traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont l’un des risques les plus courants associés à ces violences, avec un taux d’état de stress post-traumatique pouvant atteindre 80% chez les victimes de viol et 87% chez celles ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance. Les troubles dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires et les conduites addictives sont également plus courants chez les victimes de violences sexuelles. Le fait que celles-ci soient subies dans l’enfance augmente considérablement le risque de personnalité borderline et les diagnostics de trouble limite de la personnalité.

La plupart des victimes de violences sexuelles présentent une variété de symptômes qui créent une situation de détresse psychique insoutenable. Parmi les symptômes les plus courants, on trouve une perte d’estime de soi, des troubles anxieux, des troubles du sommeil, l’impression d’être différent des autres, le stress et l’irritabilité.

D’autres troubles plus handicapants comprennent les troubles phobiques, les symptômes intrusifs, les troubles de l’humeur, la fatigue chronique, les symptômes dissociatifs, l’hypervigilance et les troubles sexuels. Dans l’enquête, les répondants sont 58% à évaluer leur souffrance mentale actuelle comme importante et 64% à l’avoir estimée comme maximale au moment où elle a été la plus importante.

2/ Les traumatismes physiques

Les conséquences sur la santé sont également physiques. Les victimes de violences sexuelles sont plus susceptibles de présenter de nombreuses pathologies, notamment cardio-vasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et neurologiques, ainsi que des douleurs chroniques et des troubles du sommeil. Ces violences peuvent également causer des atteintes des circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress. Les atteintes cérébrales sont visibles par IRM, avec une diminution de l’activité et du volume de certaines structures, une hyperactivité pour d’autres, ainsi qu’une altération du fonctionnement des circuits de la mémoire et des réponses émotionnelles.

Des altérations épigénétiques avec la modification du gène NR3C1, impliqué dans le contrôle des réponses au stress et de la sécrétion des hormones de stress, ont également été mises en évidence chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et bien-sûr, si les violences sexuelles entraînent une grossesse, l’impact est décuplé à tous les niveaux. Entre les interruptions volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées, les grossesses menées à terme, parfois par des mineures, les conséquences physiques, psychologiques, économiques, sociales, etc. sont très nombreuses pour les victimes.

3/ Un rapport à la santé altéré

Les victimes de violences sexuelles ont une consommation médicale plus importante, avec davantage de consultations en médecine générale, aux urgences et plus d’interventions chirurgicales rapportées, souvent inutiles car liées à la mauvaise image de soi. Paradoxalement, les victimes ont un seuil élevé de résistance à la douleur, ce qui peut les conduire à négliger des pathologies avant de consulter un médecin. Enfin, des conduites addictives, auto-agressives, des conduites sexuelles à risques, des troubles alimentaires de type anorexique et/ou boulimiques sont également fréquents et peuvent entrainer des conséquences dramatiques.

4/ Urgence d’installer des soins adaptés

Les intervenants doivent être conscients que plus les violences ont eu lieu dans l’enfance, plus les répercussions sont durables et profondes sur leur vie. Il faut à la fois agir vite, de manière adaptée et également mettre en place un vrai suivi dans le temps des victimes. En général, plus la prise en charge médicale est précoce et moins les victimes de violences sexuelles seront susceptibles de développer un état de stress post-traumatique et d’autres complications par la suite. Il est donc crucial que le personnel médical pose systématiquement la question des violences afin d’améliorer la prise en charge et la signalisation les situations de violence, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs ou de personnes vulnérables.

5/ Propositions d’améliorations

Voici des propositions à la fin de l’enquête pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Idéalement, il faudrait faciliter les démarches des victimes, mieux les informer via des professionnels de santé, des administrations, des plateformes web et téléphoniques. Des centres spécialisés pluridisciplinaires pourraient offrir une prise en charge globale et anonyme. La formation de tous les professionnels impliqués au dépistage les violences est urgente, ce qui inclut de croire les victimes et de reconnaître leur souffrance. Organiser des groupes de parole, donner du temps et un espace dédié au repos des victimes sont également des recommandations importantes. Enfin, l’éducation de la population est essentielle pour rompre le silence.


Sur l’impact sur la santé des violences sexuelles vous pouvez également consulter l’article « Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime« .

Vous pouvez également télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

L’EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L'EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L’EMDR est une thérapie cognitive spécialisée dans le traitement des traumatismes.

Ses initiales correspondent à Eye movement desensitization and reprocessing, ce qui se traduit par Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

Comme souvent en science, la découverte de l’EMDR a été faite par hasard. En 1987, une psychologue américaine, Francine Shapiro, observe que ses «petites pensées négatives obsédantes» disparaissent quand elle fait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite.

Elle creuse alors le sujet et met au point une méthode qui consiste «à faire effectuer une série de mouvements oculaires à un patient souffrant d’un traumatisme afin de le déconnecter de souvenirs et d’émotions négatives qui en résultent».

Elle en conclut que ça aide le patient à gérer son syndrome lié à ce choc traumatique, voire à le «guérir».

Méthode largement utilisée aux USA, elle peine à être déployée en France. Son efficacité a été pourtant validée par la Haute Autorité de Santé en 2007, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2013, puis par l’Inserm en 2015.

Des survivants des attentats du Bataclan, patients emblématiques traités par EMDR, témoignent aussi de ses bienfaits. Sur la page Facebook de l’association de victimes Life for Paris, certains n’hésitent pas à la recommander.

Comment ça fonctionne ?

  • Les mouvements oculaires activent le travail de cicatrisation psychique.
  • L’EMDR exploite les facultés du cerveau à transformer les informations à l’origine d’un traumatisme.
  • Le souvenir traumatisant est dissocié de l’émotion négative. En gros, le souvenir reste, mais pas la souffrance associée.
  • Le patient prend de la distance avec le traumatisme.

Les points positifs de cette méthode :

  • Méthode peu contraignante pour le patient. Pas besoin d’un « lâcher-prise » pour agir.
  • La thérapie EMDR est envisageable à tout âge.
  • Effets souvent spectaculaires pour les traumatismes psychiques (mais pas chez tous les patients).
  • L’EMDR peut aussi être utilisée dans des cas de dépression, d’angoisse et d’anxiété par exemple.
  • C’est une thérapie courte vers une psychanalyse. Quelques séances peuvent suffire.

Les points négatifs de l’EMDR :

  • Pendant la séance, le patient peut éprouver des moments de gêne, suite à la libération de souvenirs.
  • Après la séance, le « re-traitement » de l’information émotionnelle peut continuer de se faire par lui-même (rêves, fortes émotions, nausées, vertiges), signe qu’un travail en profondeur est en train de s’opérer.
  • Une personne ayant des problématiques enfouies n’a pas d’intérêt à aller « les réveiller » si elles ne sont pas douloureuses.
  • On déconseille la méthode aux personnes ayant des problèmes psychiatriques et psychotiques (psychose, schizophrénie) à cause d’une possible décompensation.
  • Pas d’étude sur son efficacité en préventif.

Pas de conclusion de notre part sur la science toute jeune de l’EMDR.

On constate simplement que les victimes de violences intrafamiliales utilisent de plus en plus cette thérapie contre leur psycho-traumas et la présentent comme accélérée et efficace.

A l’heure où les victimes sont trop souvent abandonnées par la société, cette piste et ses résultats semblent encourageants.

Il reste néanmoins essentiel de bien choisir son thérapeute pour s’assurer de la qualité des soins.

Nous vous conseillons cet article : https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sante-du-quotidien/2598946-emdr-methode-signification-risques-tarif-technique/

Nous vous conseillons également la lecture de l’article « Les psycho-traumas des victimes de violences« .