Vies maternelles entravées

Vies maternelles entravées

Vies maternelles entravées, protéger l'enfant

Merci à Philomène V. pour ce touchant et délicat témoignage : le parcours semé d’embûches d’une mère qui cherche à se protéger et à protéger son enfant.


Vous savez que la violence qui s’est insinuée dans votre couple devrait vous faire prendre la fuite. Mais il y a un bébé, qui, vous répète-t-on, « a besoin de ses deux parents ». Donc pas de départ.

La violence s’amplifie, « partez Madame, vous avez un petit, partez pour lui ! Mettez-le à l’abri », vous enjoint-on. Mais « si tu pars, tu vas voir ce que tu vas voir », vous susurre-t-on. Donc pas de sécurité.

Vous avez bravé la défense de quitter le territoire domestique, déclenchant l’ire conjugale ; vous savez qu’il vous faudrait partir sans laisser d’adresse pour vous évaporer enfin, légère et hors d’atteinte, vers la liberté. Mais ce conjoint, qui tait ses devoirs, hurle ses droits. Alors vous devez rester à sa portée. Donc pas de libération.

Vous devriez vous « protéger pour vous relever, couper les liens de cette relation maltraitante ». Mais vous avez l’obligation de tout faire pour favoriser « le dialogue coparental ». Donc pas de solution.

Vous devez être « une mère dans le compromis avec le père de l’enfant ». Mais vous devez vous montrer « une femme qui ne se laisse plus dominer par son ex-conjoint ». Donc pas de répit.

Vous suffoquez sous la chape des écrits menaçants et humiliants ; il vous faudrait suivre les préconisations du médecin et accepter les arrêts de travail. Mais pour le dossier concernant la garde de votre enfant, une mère en dépression, ce n’est pas bon. Donc pas d’arrêt.

Vous voudriez porter plainte contre le harcèlement que vous fait subir votre ex-conjoint mais sans arrêts de travail, pas de preuve suffisante de harcèlement : donc pas de plainte.

Vous êtes exsangue. Mais une mère triste, ce n’est pas bon pour les enfants, alors vous faites semblant : pas de repos.

Vous devez veiller au bien-être de votre enfant et déroger au jugement s’il est en danger physique ou psychologique avec son père. « Soyez une mère protectrice. C’est ça que fait une bonne mère ». Donc non représentation d’enfant.

Vous devez appliquer le jugement. Ne soyez pas une « mère toute-puissante ». « Une mère qui respecte les droits du père, c’est ça une bonne mère ». Donc pas de légitimité à préserver l’enfant.

Prise entre les coups réguliers du marteau de la violence psychologique et l’enclume institutionnelle, vous en venez quelques fois à souhaiter que ce marteau vous explose une bonne fois pour toutes le cerveau – fin du supplice.

Et quand vous parvenez parfois à vous endormir, vous rêvez de cette déflagration de votre chaire endolorie par toutes ces années de survie – d’asphyxie. Une déflagration qui mettrait fin à la torture des injonctions contradictoires. Vous n’auriez plus à assister, impuissante, à l’impunité de la violence qui abime votre enfant. Et, en mille morceaux, vous vous évaporeriez enfin, loin du bourreau – avec l’espoir que la moindre brisure de votre être s’en ira trouver les instants de légèreté partagés avec votre enfant, que tant d’années de tourment vous ont volés.

Mais pour protéger votre enfant, il vous faut rester. Donc vous restez, entre le marteau et l’enclume.

Philomèle V.


Vous pouvez retrouver de nombreux autres témoignages sur notre site.

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Protéger l'enfant

3 commentaires

Nathalie Masourenok Publié le10h28 - 20 mars 2024

Superbe témoignage qui résonne avec nombre d’entretiens que je peux avoir avec des mères d’enfants maltraités.

Jade Publié le12h56 - 8 avril 2024

C’est exactement ce que je ressens… Couper le lien avec l’agresseur pour se reconstruire mais en même temps obligation de rester en contact pour le bien de l’enfant… Être fermé et ne pas déroger du jugement car ce serait la porte ouverte à toute les dérives de l’agresseur mais faire preuve de souplesse sinon c’est « madame ne fait aucune effort », « madame entretien le conflit » C’est usant et tant que la justice, surtout les JAF refuseront de comprendre et de prendre les mesures adaptées, ce seront nos enfants qui en pâtiront au nom du « maintien du lien avec l’agresseur » (statistiquement plus souvent le père).

MARIE TALLET Publié le21h29 - 1 juin 2024

Bonsoir c’est ce que je vis actuellement c’est horrible.
Séparé depuis un peu plus de 3 ans et l’autre parent a fait des procédures contre moi pour qu’on m’enlève les enfants.
Placés un peu plus d’un an en famille d’accueille.
Je me suis retrouvée un mois sans les voir parce qu’ils ont changés de service, ce nouveau service les a suivis d’octobre à fin juillet.
Depuis début Août ils sont retournés vivre chez le parent toxique et rebelote, un mois sans voir mes enfants.
Ce même service m’a réduit mon temps avec mes enfants, de 3h je suis passé à 2H résultat les enfants souffrent et leurs difficultés scolaires ce sont accentuées.
Ils demandent à dormir chez moi et leur souffrances n’est pas entendues.

Heureusement j’ai réussi à sortir de l’eau malgré qu’il y est des moments difficiles grâce à l’obtention d’un travail en février 2023.
Je participe aussi à des formations sur le développement de l’enfant.
J’ai un suivi avec une psychologue tous les quinze jours et une kinésiologue depuis juillet tous les deux mois sur mes traumatismes parce que j’ai vécues différentes formes de violences enfants pendant 10 ans avant d’être placée, vécues du harcèlement scolaires, puis j’ai eu des périodes vraiment difficiles plusieurs fois avec des ruptures destructrices dans ma vie.
Cette relation toxique de 7ans avec la personne avec qui j’ai eu 2 enfants m’a profondément blessée et réveillées des blessures.
J’ai eu quelques autres relations toxiques , heureusement moins longues que j’ai réussi à stopper.

Maintenant avec le travail que je fais et ma stabilité je vie mieux toute cette souffrance qui a malgré tout parfois des répercussions sur toutes les sphères de ma vie.
J’ai du changer d’avocate et j’ai pris aussi une curatelle renforcée aménagée pour surtout défendre mes intérêt plus que pour la gestion de mon argent.

Je me souhaite beaucoup de courage

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