L’assurance juridique : une option intéressante pour les victimes de violences intrafamiliales

L'assurance juridique : une option intéressante pour les victimes de violences intrafamiliales

Les victimes de violences intrafamiliales sont souvent confrontées à des démarches juridiques longues et coûteuses pour obtenir justice, protection, réparation. Les frais d’avocat, d’enquête, de procédure peuvent rapidement s’accumuler et peser lourdement sur le budget des victimes. Pour les personnes qui ont quitté leur agresseur, ces problèmes financiers se rajoutent aux traumatismes liés à la violence déjà subie.

L’assurance juridique est une option intéressante pour les personnes qui souhaitent se soulager des frais d’avocat.

Les victimes de violences intrafamiliales devraient le savoir pour en bénéficier si elles en ont besoin. Cette assurance permet de bénéficier d’une assistance juridique en cas de litige et de prise en charge +/- limitée des frais de procédure et d’enquête.

Elle peut être souscrite dès le mariage ou à tout moment ultérieur et peut être incluse dans une assurance habitation ou automobile ou souscrite de manière autonome.

Quand contracter une assurance juridique ?

Il est conseillé de souscrire une assurance juridique dès que possible, notamment dès le mariage. L’amour n’empêche en rien la prudence et le bon sens.

Si vous êtes déjà en situation de violence intrafamiliale et que vous envisagez de quitter votre conjoint, il est important de souscrire rapidement une assurance juridique pour vous protéger des éventuelles conséquences financières de la procédure de divorce ou de séparation. Les sommes montent très vite, les frais de justice (d’avocat) sont très élevés !

Combien coûte une assurance juridique ?

Le coût varie en fonction de plusieurs critères, tels que l’étendue de la couverture, le type de contrat, le montant de la franchise, etc. Le coût est souvent de moins de 10€ par mois.

Il est important de comparer les différentes offres proposées par les compagnies d’assurance pour trouver celle qui convient le mieux à vos besoins et à votre budget. Il est également possible de bénéficier de tarifs préférentiels en souscrivant plusieurs contrats d’assurance auprès de la même compagnie. Il est important de noter que les termes et les conditions de chaque contrat d’assurance juridique peuvent varier considérablement, il est donc essentiel de bien comprendre les clauses du contrat avant de souscrire. En gros, il faut lire les petites lignes…

Quels sont les bénéfices de l’assurance juridique pour les victimes ?

Les assureurs proposent en général les trois prestations suivantes :

  • Des informations juridiques délivrées par des juristes de la compagnie d’assurance, si on a quelques questions à poser.
  • L’accompagnement de l’assuré(e) dans un cadre amiable ou judiciaire : rédaction de mises en demeure, expertises, conciliation, si la procédure reste légère.
  • La prise en charge des frais de procédure : honoraires d’avocat, frais d’expertise en fonction des barèmes. Un avocat peut ainsi vous conseiller sur vos droits et vous représenter devant les tribunaux.

En somme l’assurance juridique permet de bénéficier d’une assistance juridique assez large en cas de litige tout en vous évitant de supporter totalement les coûts importants d’une procédure judiciaire.

Attention, souvent l’assurance ne couvre pas toujours les premières démarches de séparation mais peut fonctionner dans le cas d’une révision des droits de visite ou de garde d’enfant par le JAF et fonctionne pour le pénal si plainte ou si plainte classée avec constitution de partie civile. Il faut la voir comme une prise en charge qui allège les frais de procédure et d’enquête mais qui ne les annule pas.

Quelles autres options existent pour recevoir une aide juridique moins coûteuse ?

Les frais liés aux démarches juridiques peuvent être pris en charge par l’État dans certaines situations, notamment lorsque la victime n’a pas les moyens financiers de faire face à ces frais. Les victimes de violences intrafamiliales peuvent ainsi bénéficier de l’aide juridictionnelle pour être assistées d’un avocat et pour que les frais de procédure soient pris en charge.

Il existe également la possibilité de faire fonctionner son assurance habitation pour payer partiellement les frais d’avocat, en cas de violence intrafamiliale lorsque la personne n’est pas partie de son domicile. N’hésitez pas à vous tourner vers la vôtre.


Vous trouverez de nombreuses autres ressources ici , par exemple « Le gaslighting, vous connaissez ? » ou encore « Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes« , et « La coparentalité avec un pervers : 6 conseils pour vous aider à naviguer dans les eaux troubles sans faire naufrage« ,…

Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage

En 2013, Sophie, maman solo d’une petite fille issue d’une première union, rencontre Vincent dans le cadre de son travail. Expatrié, il communique avec la jeune fille via la messagerie interne et rapidement un jeu de séduction s’installe. Chaque fois qu’il rentre en France, il en profite pour voir Sophie et leur relation s’installe. Vincent reconnait rapidement être en souffrance car il est sous l’emprise d’une mère toxique. C’est d’ailleurs une des raisons à son éloignement géographique car sinon, à 40 ans il vivait encore chez ses parents.

Sophie s’en rend compte quand ils partent en vacances ensemble. Sa mère le contacte toutes les 5mn en Facetime et il se fait insulter s’il ne répond pas. Quand Sophie rencontre cette femme pour la première fois, elle est très agressive, comme si elle voyait une maitresse qui fichait le bazar dans son couple.

Sophie soupçonne une relation très toxique aux relents incestueux mais elle pense pouvoir aider Vincent, le réparer.

Quand elle tombe enceinte, Vincent est heureux. Mais sa mère est horrifiée. A l’annonce, elle dit qu’elle a envie de vomir et quitte la pièce. Elle n’a alors de cesse que de monter son fils contre sa belle-fille.

L’arrivée du petit garçon ne change rien. Des propos racistes s’ajoutent à un quotidien éprouvant car Vincent est toujours en expat. Et pendant les deux premières années du petit garçon, Sophie l’élèvera seule ou presque. En 2016, Vincent peut enfin revenir en France et ils cherchent un appartement plus grand. La mère intervient sur tous leurs choix de vie

et n’est jamais d’accord. Elle débarque à tout bout de champ et il faut toujours céder à ses désirs. Téléphone, email, matin et soir, le harcèlement ne s’arrête jamais.

Vincent est complètement sous l’emprise de sa mère et jamais il n’intervient pour poser des limites.

Au contraire, il se cache de Sophie pour la joindre car comme tous les reproches tournent autour de sa femme, c’est sa façon de gérer. Malgré une vie de couple très perturbée, ils continuent de faire des projets. Un mariage est prévu, l’achat d’une maison et un second enfant arrive en 2016. A cette annonce, la grand-mère rentre dans une colère noire. Ce sera pareil pour leur 3ème enfant. Et quand ils se décident à parler du mariage, elle réagit très violemment et affirme qu’elle ne viendra pas. Vincent réagit enfin pour dire qu’il s’en fiche. Un malaise durable s’installe et Vincent devient à la fois absent et violent. C’est un papa qui s’énerve vite, qui peut punir violemment par des frappes. Un jour il part au marché avec son fils ainé et il lui luxe le coude en le secouant.

Pour Sophie, ce n’est plus tenable, entre la belle-mère qui lui fait vivre l’enfer et un mari violent, elle annonce qu’elle ne va pas pouvoir continuer ainsi. L’été 2018, elle souhaite partir à l’étranger dire au-revoir à sa grand-mère mourante. Vincent confisque son passeport et celui de ses enfants. Sophie prévient la police qui les récupère au travail de Vincent.

Elle engage une procédure de divorce car elle a perdu toute confiance en lui.

Vincent fait une énorme crise de violence à cette annonce devant les enfants. Sophie contacte les gendarmes qui interviennent pour demander à Vincent de partir. Il s’installe chez sa mère, qui continue d’alimenter la haine.

Une plainte est déposée avec des photos en mai 2021. En juillet, quand elle rentre de vacances, Vincent est revenu au domicile. La cohabitation est très difficile.

En septembre, ils passent devant la Juge aux affaires familiales (JAF) après assignation divorce. Vincent reconnait les faits de violence mais il dit qu’il regrette et qu’il s’est remis en question. La JAF lui accorde un droit de garde classique et demande une expertise des parents.

Sophie déménage (avec son accord) et Vincent débarque quand même quand il veut, les violences continent ainsi que les viols conjugaux. Elle tombe enceinte une quatrième fois.

En novembre, le jugement est rendu. Vincent a un simple rappel à la loi et doit faire un stage de responsabilité parentale de 48h… Alors il fanfaronne et dit que ce qu’il fait n’est pas grave. Les enfants eux refusent d’aller chez leur père. Sophie tente de les rassurer mais à chaque fois, ils reviennent cernés, pâles, déclarant qu’ils ont été frappés, qu’ils ont été menacés et privés de repas.

L’avocat de Sophie lui conseille de porter plainte ET de confier les enfants au père pour que ça ne se retourne pas contre elle.

Vincent nie et prétend qu’elle instrumentalise leurs enfants.

Sophie garde en photo les bleus et porte plainte. En janvier 22, sa fille lui confie que son père lui touche le sexe. Elle enregistre ses révélations et porte plainte immédiatement. Les policiers auditionnent les 3 ainés de Sophie qui témoignent également que leur père les masturbe, demande des fellations. « Papa veut bien qu’on crache « son pipi » après« .

Ils restent constants dans leur récit et refusent de retourner chez leur père.

Sophie porte plainte.

Grace à une astuce, elle réussit à obtenir un enregistrement du quotidien de ses enfants chez leur père. On entend les cris, les coups, les insultes (« vous êtres des anormaux« ).

Elle entend sa fille dormir et se faire réveiller par son père. Elle l’entend hurler « je ne veux pas, j’ai mal« .

Sophie fait un complément de plainte. Les gendarmes retranscrivent les enregistrements et les transfèrent au parquet. Sa fille est également vue par un médecin des unités médico judiciaires (UMJ) qui constate une vulvite.

Une expertise psy est mandatée par le procureur mais à cette époque Sophie est dans une situation financière difficile, elle n’a plus de voiture, son propriétaire veut récupérer l’appartement. Alors elle demande à l’experte de faire l’entretien par visio. Cette dernière refuse (alors qu’elle l’accepte pour le père) et sans jamais la recevoir dresse un rapport à charge : « Au vu des éléments du père, la mère est potentiellement instable, trop fusionnelle, instrumentalise les enfants et ne laisse pas la place au père. La maman me parait d’un niveau de dangerosité élevé« … Et elle préconise au JAF un transfert de la garde au père.

Sophie, par nécessité, pour protéger ses enfants, fait de la non-représentation d’enfant (NRE).

Quand elle repasse devant la JAF en novembre, celle-ci a le rapport d’expertise en main et refuse de prendre en compte les preuves enregistrées. Sophie demande des visites en lieux neutres. La JAF dit qu’elle va investiguer (mais ne fera aucune démarche).

En janvier, le verdict tombe. La JAF ordonne le transfert immédiat de la garde des 4 enfants chez le père et « accorde » à la mère des visites en lieux neutres d’une heure par mois.

Sophie fait un malaise, ses enfants une crise de panique. Quelle décision incompréhensible.

Alors elle rassemble ses forces et fait une déposition à la gendarmerie avec le formulaire de la CIIVISE (Commission Inceste) parlant du principe de précaution et bien sûr continue la NRE.

Le 13 février, c’est presque un guet-apens.

Sophie est convoquée avec ses enfants. Elle se rend à l’audience avec les 3 ainés. Elle réexplique l’affaire mais la juge n’entend rien, balaye aussi la parole des enfants. A la sortie de l’audience, elle fait blocus physiquement pour contraindre Sophie à laisser ses enfants au père.

Sophie filme le moment où on lui arrache ses enfants et où ces derniers pleurent en s’accrochant à elle, disant qu’ils ne veulent pas aller chez leur père. Personne ne les écoute. On les voit être pris de force par la police. Et ils sont fourrés, hurlant, dans la voiture du père.

Depuis ce jour horrible, Sophie n’a plus de nouvelles de ses enfants. Vincent dit qu’ils ne demandent pas après elle.

Quant à l’espace rencontre, il est surchargé et ne prévoit pas de visite avant des mois.


Pour en savoir plus sur les violences sexuelles, nous vous conseillons la lectures des articles « Qui sont les incesteurs ? Tentative de portrait type« , « Inceste : les mécanismes du silence« , et « Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez également télécharger notre flyer :

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Livre "Mauvais père" : l'importance de la plaidoirie de Caroline Bréhat

de Caroline Bréhat

La publication de cet extrait tiré de Mauvais Père, mon témoignage sur le faux syndrome appelé « SAP » publié par Les Arènes en 2016, vise à démontrer qu’une plaidoirie qui intègre des éléments « psy » (en présentant le fonctionnement pathologique et les mécanismes de défense propres à ces personnalités) peut aussi porter ses fruits en sensibilisant les juges à la dangerosité du parent aliénant/agresseur.

C’est en effet grâce à cette plaidoirie que la Cour d’appel de Rennes a très exceptionnellement décidé qu’il fallait protéger ma fille Gwendolyn du parent agresseur (le vrai parent aliénant) en empêchant son retour aux Etats-Unis.


Extrait de Mauvais père de Caroline Bréhat

Nous avions, après de longs débats, décidé d’un changement radical de tactique. Quand le combat est manifestement perdu, il faut changer 3 choses : le terrain, c’est ce que j’avais fait en quittant New York ; mais aussi, les règles du jeu, et les armes. Les juges aux affaires familiales détestent les accusations trop virulentes, mais nous possédions la matière pour les appuyer. Nous étions bien décidés à dessiller leurs yeux et leur démontrer que la personnalité psychotique de Julian interdisait absolument tout retour de Gwendolyn auprès de lui.

Palais des ducs de Bretagne, Rennes, 17 mars. Les trois juges d’appel, le président, et ses deux conseillers, étaient assis en face de moi sur une estrade. Derrière eux, des boiseries somptueuses représentaient des scènes du VIIème siècle. Les magistrats attendaient impassibles que tout le monde prenne place. Deux étudiantes en droit prirent place aussi silencieusement que possible dans notre dos. Les trois juges en robe de velours, capés de leurs mantilles d’hermine si solennelles, ne quittaient pas les protagonistes des yeux, ils semblaient étudier chacune de nos expressions. Le président se démarquait par sa prestance et ses traits aristocratiques. Il m’impressionnait : tremblante, sans doute recroquevillée, j’étais écrasée d’anxiété devant ce demi-dieu qui tenait ma vie et celle de Gwendolyn entre ses mains.
[..]

Je connaissais la plaidoirie de Maître Tollides par cœur. Nous avions passé des jours, des nuits à peser chaque phrase, chaque terme, chaque concept. Nous avions tiré les leçons de la première instance et, cette fois-ci, nous étions bien plus préparés, plus offensifs. Nous y avions intégré le fruit de nos analyses « psy » sur Julian : sa violence, ses projections, sa folie, sa paranoïa. Tout s’était soudain éclairci dans mon esprit, et la plaidoirie de maître Tollides avait été rédigée pour sensibiliser les juges d’appel à la dangerosité de Julian.
Tarnec écoutait l’argumentation de mon avocat, tête baissée. A ses côtés, Julian, dont le coude était posé sur le dossier de sa chaise, était fébrile. Il ne cessait de s’agiter. Maître Tollides continuait de rappeler l’historique de l’affaire. Sa voix portait et sa déclamation spontanée et élégante captait l’attention de l’audience.

Madame Bréhat a toujours eu le souhait que son enfant s’épanouisse lors des périodes passées en son domicile, mais également lors des séjours chez son père. Elle n’a toutefois pu que constater que sa fille manifestait de plus en plus de troubles lorsqu’elle devait se rendre chez M. Jones, exprimant des craintes de plus en plus fortes, ce sentiment de peur s’accompagnant notamment de crises de tremblements. L’enfant faisait part à sa mère d’épisodes de plus en plus violents à son retour. Malgré cela, Mme Bréhat a toujours respecté les termes des décisions rendues, tentant d’apaiser l’enfant, de la convaincre. Les craintes de Mme Bréhat ont redoublé lorsque la thérapeute de l’enfant lui a fait part des pensées suicidaires de Gwendolyn, provoquées par les périodes passées en compagnie de son père et de la seconde épouse de celui-ci. Lors de son séjour en France, en été, elle a décidé de suivre les conseils du docteur Richt, et de consulter une psychologue, afin d’avoir un second avis. Madame Roufignac, dont les conclusions seront également évoquées ci-dessous, a confirmé le bien fondé des craintes éprouvées par la concluante. L’experte a considéré devoir également faire immédiatement un signalement au Parquet. Rappelons que les experts, psychologues et médecins français sont soumis à un code de déontologie strict, et qu’ils peuvent être sanctionnés, professionnellement et pénalement, en cas de faux signalement ou de certificat de complaisance. M. Jones n’hésite pourtant pas à mettre systématiquement en doute les rapports et certificats produits ainsi que la compétence de leurs auteurs…

C’est ainsi que le retour de Gwendolyn a été ordonné, mais au domicile de sa mère. Cette décision ne peut être exécutée, Mme Bréhat n’ayant plus de domicile à New York. Le premier juge, lorsqu’elle évoque une « réalité souvent plus contrastée » quant au parent désigné comme seul responsable par l’autre, et inversement, s’appuie sans aucun doute sur sa longue expérience des conflits parentaux. Mme Bréhat entend pourtant démontrer que le cas d’espèce est extrêmement complexe, qu’il sort du commun et doit être jugé comme tel.
L’auditoire de maître Tollides était manifestement captivé, et Julian, que je ne cessais d’observer, semblait progressivement perdre contrôle de lui-même. Ses yeux brillants s’agitaient frénétiquement et je remarquais que les doigts de sa main droite ne cessaient de pianoter sur sa cuisse.

Monsieur Jones choisit, adopte et impose la réalité qui lui convient. Il est alors profondément convaincu et certainement très convaincant. Mais il peut en changer tout aussi rapidement et peut se montrer particulièrement irascible envers qui veut s’opposer à lui…
Tollides respira, il se tut, ferma les yeux et grimaça. Il y avait dans cette grimace de la douleur.

Irrascible envers qui s’oppose à SA vision de la réalité… notamment sa fille, hélas, qui a ce talent, malgré son jeune âge, de discerner le vrai du faux !
J’observai toujours Julian et je me demandai si je n’étais pas victime d’une hallucination. Sa mâchoire se crispait, son sourire vainqueur se muait en un rictus agressif, son œil devenait effrayant. Julian, le « surdoué », qui maîtrisait toujours tout et montrait un visage parfait devant tous les intervenants de New York, semblait prêt à exploser à tout moment. Les juges le fixaient et je crus lire du dégoût dans le regard du président. Je retins ma respiration.
Maître Tollides poursuivait sa plaidoirie. Là où Tarnec serrait et écrasait sur sa table un poing vengeur, Tollides tournait vers tous une main ouverte, bienveillante. Là où Tarnec dressait et faisait tournoyer un doigt accusateur, Tollides joignait ses paumes dans une prière humble. Tarnec, c’était Mussolini. Tollides, c’était Gandhi, Luther King, Mandela.
Soudain, les yeux de maître Tollides se firent durs.

Par ailleurs, l’argumentation de M. Jones devant la Cour laisse transparaître, en de multiples points, une violence et une haine larvée très inquiétantes. Le harcèlement judiciaire incessant, les menaces, le chantage envers le docteur Richt en sont des signes éloquents. Rappelons qu’au mépris des intérêts de l’enfant, il a cherché à suspendre le travail du docteur Richt qu’il accuse de complicité à un enlèvement d’enfant. Il a récemment poursuivi ce harcèlement par voie judiciaire puisque le docteur Richt a dû répondre à de fausses allégations devant le tribunal disciplinaire de l’Etat de New-York. Elle vient d’en être totalement blanchie faute d’accusations et d’argumentation sérieuse. Il convient de rappeler qu’un nouveau signalement a été fait par le chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital de Quimper expliquant que l’enfant a été « admise pour idées noires, pensées suicidaires » et qu’elle présentait « un état de détresse psychique important » provoquant une « crise d’angoisse avec tremblements, polypnée » Comment M. Jones peut-il négliger, comme il le fait, la douleur de son enfant ? L’enfant a déclaré au juge « j’aime un petit peu mon père, presque pas. » Elle a dit à son père depuis, lors de leur dernier contact téléphonique : « je veux bien que tu sois mon père, si tu arrêtes de mentir et de dire que je mens. » Une enfant entièrement sous l’emprise de sa mère, comme il est allégué, serait incapable d’une telle nuance. L’absence totale d’ambivalence de l’enfant aurait été le principal signe du prétendu « syndrome d’aliénation parentale » allégué par le père, et lui seul, sans pièce à l’appui. Ce n’est donc manifestement pas le cas !
Je fixai toujours Julian, de plus en plus incrédule. L’agitation nerveuse de sa jambe droite, le rictus qui déformait son visage et sa mâchoire serrée composaient un tableau de plus en plus terrifiant. Les juges ne le quittaient pas des yeux. Julian se tourna alors vers moi. Ses yeux exorbités reflétaient toute sa haine. Je frissonnai. Effarée, je me retournai vers les étudiantes assis derrière moi. Les deux jeunes filles me sourirent simultanément. Il y avait dans leur regard de la compassion.

La personnalité de M. Jones est particulièrement inquiétante. Monsieur Jones montre deux visages très différents selon les interlocuteurs et les circonstances : le tyran domestique se cache derrière une façade sociale particulièrement altruiste et pacifique de militant humaniste. Mais cette construction elle-même devient caricaturale, grossièrement mensongère, et vire même au délire prophétique : la lecture des sites mis en ligne par M. Jones pourrait faire rire en dehors du présent contexte : vous verrez par vous-mêmes, messieurs les juges. M. Jones a une vision, une mission : il va maintenant « illuminer le monde » pour l’unifier.
L’expression sur le visage de Julian me bouleversa soudain. Je la reconnus. Je m’attendais presque à ce qu’il hurle en ma direction la phrase qui m’avait alertée sur sa folie lorsque je lui avais jeté un bonnet sur l’épaule : « Tu m’as blessé ! J’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête ! » Julian dévoilait sa face sombre, celle qu’il prenait généralement bien soin de cacher et je ne pouvais m’empêcher de trembler. Je claquai des dents, conditionnée sans doute. Mais les yeux du président du tribunal, posés sur moi, reflétaient un mélange d’empathie et de pitié à mon égard. Il me croyait ! Tarnec secoua la tête faiblement, mais le cœur n’y était plus. Il semble avoir jeté les gants.

Brusquement, le discours de Tollides s’accéléra, sa voix se fit forte. Il lança l’assaut, et, soudain, les mots claquèrent, les répliques assassines fusèrent, les phrases sifflèrent, les arguments explosèrent. La violence et la peur avaient envahi la salle, palpables, incarnées. La violence de Julian, notre terreur. Le chaos de Julian. Sa folie aussi. Mes yeux s’emplirent de larmes et ma vue se brouilla.

Par ailleurs, comme on l’observe souvent dans ce type de personnalité, M. Jones prête facilement aux autres (il projette sur eux) ses sentiments les plus agressifs, ses travers les moins acceptables. On a vu ainsi qu’il attribue d’abord des troubles psychiques à Mme Bréhat. On a vu qu’il accuse Mme Bréhat d’entretenir des rapports asphyxiants, aliénants et d’emprise avec son enfant alors que c’est lui qui a une dépendance malsaine vis-à-vis de sa fille qu’il a tentée de mettre sous son emprise. On a vu qu’il a initié toutes les dernières procédures, y compris en utilisant des méthodes condamnables en France (enregistrement caché) et les fausses déclarations, mais c’est Mme Bréhat qui est pour lui « procédurière. » On a vu dans plusieurs témoignages et signalements qu’il tente régulièrement d’imposer sa réalité propre à sa fille, mais c’est Mme Bréhat qu’il accuse d’implanter des idées dans le cerveau de Gwendolyn ! On a de multiples exemples (pièces à l’appui) de ses mensonges qui deviennent un style de vie, mais c’est Mme Bréhat qui est qualifiée de « professionnelle de la manipulation. Encore une fois, M. Jones est profondément convaincu de ce qu’il avance, et donc souvent très convaincant. Mais il ne fait qu’alléguer : c’est Mme Bréhat seule qui produit des témoignages et signalements concordants des professionnels et experts qui ne peuvent être ignorés.

Le regard que lança Julian à mon avocat me stupéfia et fit frémir bruyamment les deux étudiantes en droit : son agressivité manifeste n’avait pas échappé aux trois juges, qui ne le lâchaient plus, froids, glaciaux, glaçants, eux qui voyaient devant eux, sur le visage de Julian, se dessiner la folie, la violence, le mensonge, le portrait exact qu’était en train de dresser, mot après mot, phrase après phrase, un époustouflant Tollides.
Le masque était tombé. Julian affichait désormais un rictus haineux permanent, ses yeux étaient écarquillés, perdus, paniqués. C’était maintenant lui la bête traquée. Il savait qu’il avait perdu, mais, pour une fois, il était totalement impuissant. Il ne pouvait même plus soutenir le regard des juges, et cherchait désespérément une expression rassurante, un signe de confiance chez son avocat. Or Tarnec avait posé un coude sur son pupitre, et de deux doigts, il soutenait un front devenu trop lourd, il hochait ostensiblement la tête. Le ténor des ténors semblait accablé. Je n’y croyais pas. Tout cela semblait irréel.

A la lumière de tout ceci, il n’est tout simplement pas concevable, sans avoir au moins pris la précaution d’une expertise d’envisager le simple retour de Gwendolyn au domicile paternel.
Maître Tollides était immobile. Il respira longuement, puis se retourna vers moi. Il avait l’air épuisé. Mais son visage, pourtant grave, dégageait une impressionnante sérénité. Les deux étudiantes trépignaient, elles me souriaient, elles paraissaient folles d’enthousiasme. Tout cela semblait chimérique. Se pouvait-il vraiment… ?

Les mots violents employés par Tarnec me firent soudain comprendre qu’il avait entamé sa plaidoirie. « Madame Bréhat… une manipulatrice hors pair… mère pathologique et dangereuse qui n’hésite pas à laver le cerveau de sa fille pour en découdre avec le père… » Sa voix emportée, son ton coléreux et son argumentation désordonnée, quelle contraste avec la musique, la partition jouée par maître Tollides ! J’observai Julian. C’était lui qui maintenant s’agitait sur sa chaise comme un insecte dans une toile d’araignée. Je ne savais que trop bien ce qu’il ressentait, ce besoin irrépressible de réagir ou de fuir, tout en ayant pleinement conscience que ses propres réactions resserrent inexorablement le piège, que l’on provoque sa propre perte et que la peur que l’on ressent stimule notre tortionnaire. Le plus diabolique dans cette situation, le plus pervers, c’est la lucidité de la victime. A le voir si pitoyable, j’avais presque pitié de Julian… Presque. Quel retournement ! Il me semblait que les mouches avaient changé d’âne. J’étais perdue dans mes émotions, dans un délicieux brouillard, et je n’entendais plus rien de la plaidoirie de Tarnec. J’étais déjà loin.


Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. 

Livre les mal aimées de Caroline Bréhat

Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs.

Son dernier livre s’intitule « Les mal aimées » . Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, ce sujet que cette psychanalyste maitrise si bien à titre personnel et professionnel. Vous pouvez retrouver son interview dans notre article « Rencontre avec Caroline Bréhat ».