Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage

En 2013, Sophie, maman solo d’une petite fille issue d’une première union, rencontre Vincent dans le cadre de son travail. Expatrié, il communique avec la jeune fille via la messagerie interne et rapidement un jeu de séduction s’installe. Chaque fois qu’il rentre en France, il en profite pour voir Sophie et leur relation s’installe. Vincent reconnait rapidement être en souffrance car il est sous l’emprise d’une mère toxique. C’est d’ailleurs une des raisons à son éloignement géographique car sinon, à 40 ans il vivait encore chez ses parents.

Sophie s’en rend compte quand ils partent en vacances ensemble. Sa mère le contacte toutes les 5mn en Facetime et il se fait insulter s’il ne répond pas. Quand Sophie rencontre cette femme pour la première fois, elle est très agressive, comme si elle voyait une maitresse qui fichait le bazar dans son couple.

Sophie soupçonne une relation très toxique aux relents incestueux mais elle pense pouvoir aider Vincent, le réparer.

Quand elle tombe enceinte, Vincent est heureux. Mais sa mère est horrifiée. A l’annonce, elle dit qu’elle a envie de vomir et quitte la pièce. Elle n’a alors de cesse que de monter son fils contre sa belle-fille.

L’arrivée du petit garçon ne change rien. Des propos racistes s’ajoutent à un quotidien éprouvant car Vincent est toujours en expat. Et pendant les deux premières années du petit garçon, Sophie l’élèvera seule ou presque. En 2016, Vincent peut enfin revenir en France et ils cherchent un appartement plus grand. La mère intervient sur tous leurs choix de vie

et n’est jamais d’accord. Elle débarque à tout bout de champ et il faut toujours céder à ses désirs. Téléphone, email, matin et soir, le harcèlement ne s’arrête jamais.

Vincent est complètement sous l’emprise de sa mère et jamais il n’intervient pour poser des limites.

Au contraire, il se cache de Sophie pour la joindre car comme tous les reproches tournent autour de sa femme, c’est sa façon de gérer. Malgré une vie de couple très perturbée, ils continuent de faire des projets. Un mariage est prévu, l’achat d’une maison et un second enfant arrive en 2016. A cette annonce, la grand-mère rentre dans une colère noire. Ce sera pareil pour leur 3ème enfant. Et quand ils se décident à parler du mariage, elle réagit très violemment et affirme qu’elle ne viendra pas. Vincent réagit enfin pour dire qu’il s’en fiche. Un malaise durable s’installe et Vincent devient à la fois absent et violent. C’est un papa qui s’énerve vite, qui peut punir violemment par des frappes. Un jour il part au marché avec son fils ainé et il lui luxe le coude en le secouant.

Pour Sophie, ce n’est plus tenable, entre la belle-mère qui lui fait vivre l’enfer et un mari violent, elle annonce qu’elle ne va pas pouvoir continuer ainsi. L’été 2018, elle souhaite partir à l’étranger dire au-revoir à sa grand-mère mourante. Vincent confisque son passeport et celui de ses enfants. Sophie prévient la police qui les récupère au travail de Vincent.

Elle engage une procédure de divorce car elle a perdu toute confiance en lui.

Vincent fait une énorme crise de violence à cette annonce devant les enfants. Sophie contacte les gendarmes qui interviennent pour demander à Vincent de partir. Il s’installe chez sa mère, qui continue d’alimenter la haine.

Une plainte est déposée avec des photos en mai 2021. En juillet, quand elle rentre de vacances, Vincent est revenu au domicile. La cohabitation est très difficile.

En septembre, ils passent devant la Juge aux affaires familiales (JAF) après assignation divorce. Vincent reconnait les faits de violence mais il dit qu’il regrette et qu’il s’est remis en question. La JAF lui accorde un droit de garde classique et demande une expertise des parents.

Sophie déménage (avec son accord) et Vincent débarque quand même quand il veut, les violences continent ainsi que les viols conjugaux. Elle tombe enceinte une quatrième fois.

En novembre, le jugement est rendu. Vincent a un simple rappel à la loi et doit faire un stage de responsabilité parentale de 48h… Alors il fanfaronne et dit que ce qu’il fait n’est pas grave. Les enfants eux refusent d’aller chez leur père. Sophie tente de les rassurer mais à chaque fois, ils reviennent cernés, pâles, déclarant qu’ils ont été frappés, qu’ils ont été menacés et privés de repas.

L’avocat de Sophie lui conseille de porter plainte ET de confier les enfants au père pour que ça ne se retourne pas contre elle.

Vincent nie et prétend qu’elle instrumentalise leurs enfants.

Sophie garde en photo les bleus et porte plainte. En janvier 22, sa fille lui confie que son père lui touche le sexe. Elle enregistre ses révélations et porte plainte immédiatement. Les policiers auditionnent les 3 ainés de Sophie qui témoignent également que leur père les masturbe, demande des fellations. « Papa veut bien qu’on crache « son pipi » après« .

Ils restent constants dans leur récit et refusent de retourner chez leur père.

Sophie porte plainte.

Grace à une astuce, elle réussit à obtenir un enregistrement du quotidien de ses enfants chez leur père. On entend les cris, les coups, les insultes (« vous êtres des anormaux« ).

Elle entend sa fille dormir et se faire réveiller par son père. Elle l’entend hurler « je ne veux pas, j’ai mal« .

Sophie fait un complément de plainte. Les gendarmes retranscrivent les enregistrements et les transfèrent au parquet. Sa fille est également vue par un médecin des unités médico judiciaires (UMJ) qui constate une vulvite.

Une expertise psy est mandatée par le procureur mais à cette époque Sophie est dans une situation financière difficile, elle n’a plus de voiture, son propriétaire veut récupérer l’appartement. Alors elle demande à l’experte de faire l’entretien par visio. Cette dernière refuse (alors qu’elle l’accepte pour le père) et sans jamais la recevoir dresse un rapport à charge : « Au vu des éléments du père, la mère est potentiellement instable, trop fusionnelle, instrumentalise les enfants et ne laisse pas la place au père. La maman me parait d’un niveau de dangerosité élevé« … Et elle préconise au JAF un transfert de la garde au père.

Sophie, par nécessité, pour protéger ses enfants, fait de la non-représentation d’enfant (NRE).

Quand elle repasse devant la JAF en novembre, celle-ci a le rapport d’expertise en main et refuse de prendre en compte les preuves enregistrées. Sophie demande des visites en lieux neutres. La JAF dit qu’elle va investiguer (mais ne fera aucune démarche).

En janvier, le verdict tombe. La JAF ordonne le transfert immédiat de la garde des 4 enfants chez le père et « accorde » à la mère des visites en lieux neutres d’une heure par mois.

Sophie fait un malaise, ses enfants une crise de panique. Quelle décision incompréhensible.

Alors elle rassemble ses forces et fait une déposition à la gendarmerie avec le formulaire de la CIIVISE (Commission Inceste) parlant du principe de précaution et bien sûr continue la NRE.

Le 13 février, c’est presque un guet-apens.

Sophie est convoquée avec ses enfants. Elle se rend à l’audience avec les 3 ainés. Elle réexplique l’affaire mais la juge n’entend rien, balaye aussi la parole des enfants. A la sortie de l’audience, elle fait blocus physiquement pour contraindre Sophie à laisser ses enfants au père.

Sophie filme le moment où on lui arrache ses enfants et où ces derniers pleurent en s’accrochant à elle, disant qu’ils ne veulent pas aller chez leur père. Personne ne les écoute. On les voit être pris de force par la police. Et ils sont fourrés, hurlant, dans la voiture du père.

Depuis ce jour horrible, Sophie n’a plus de nouvelles de ses enfants. Vincent dit qu’ils ne demandent pas après elle.

Quant à l’espace rencontre, il est surchargé et ne prévoit pas de visite avant des mois.


Pour en savoir plus sur les violences sexuelles, nous vous conseillons la lectures des articles « Qui sont les incesteurs ? Tentative de portrait type« , « Inceste : les mécanismes du silence« , et « Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez également télécharger notre flyer :

Témoignage d’Anne dont la fille est victime de violences intrafamiliales et d’inceste

Témoignage d'Anne dont la fille est victime de violences intrafamiliales et d'inceste

Dysfonctionnement judiciaire

Anne rencontre Greg au travail en 2011.

Elle le trouve gentil et prévenant. Il a déjà 2 enfants et prétend être séparé. Anne comprend que ce n’est pas vraiment le cas quand sa femme la contacte et l’accuse de briser leur couple. Greg convainc Anne que sa femme est folle, qu’il l’a bien quittée mais qu’elle s’accroche à lui. Anne a hélas confiance dans la parole de son collègue qui finit par se séparer réellement.

Ils se mettent ensemble un peu plus tard. Leur couple est aussi problématique auprès de la belle famille qui voit Anne comme la source de tous les problèmes. Elle n’est donc pas invitée à chaque fois ou délibérément mise de côté. Un week-end sur deux, Greg a ses enfants en garde. Dans ces moments, il fait beaucoup de reproches à Anne, il est très nerveux. Inversement, Anne, de nature très douce, recherche l’apaisement. Elle réalise en même temps l’alcoolisme familial.

En effet, Greg et les membres de sa famille se retrouvent en état d’ébriété avancé à chaque réunion de famille. En dehors de ce cercle, Greg ne boit presque pas. Souvent, il fait part à Anne de son malaise. Il consulte un psy et explique que l’alcool l’aide. En 2014, la naissance de leur fille Marie est suivie de la mort de la maman de Greg.

Cela amplifie son mal-être, pourtant les relations avec sa mère étaient très compliquées. Sur un coup de tête, il décide d’aller au château de Fougeret (lieu de croyances médium) car il veut parler avec sa mère. Il rentre métamorphosé, convaincu d’avoir effectivement réussi à converser avec elle. Il achète une table de ouija et se lance dans des séances de spiritisme en famille, avec sa sœur, son père et ses 2 ados, des enfants très réservés, très apeurés. Rien ne change. La vie continue remplie de conflits, d’agressivité quotidienne, d’alcoolisme, de frustration.

Anne est malheureuse mais encaisse car elle croit qu’ainsi va la vie.

Leur fille rentre en maternelle, elle a souvent des bleus sur les jambes mais Anne ne s’inquiète pas, c’est propre à l’enfance. Ils déménagent en 2017, Anne revend son appart et cette fois, ils achètent ensemble. Sauf que quand les remboursements entrent en jeu, Anne découvre une autre facette de son conjoint : il ne ne veut pas payer sa part.

Il s’énerve dès qu’elle aborde le sujet, il crie, devient agressif. Alors Anne prend tout en charge. Fin 2018, elle se rend compte qu’il voit une autre femme. Quand elle le confronte, il nie, devient verbalement violent et recommence à boire. Et puis à Noël, une preuve arrive qu’il ne peut pas réfuter. Mais même là, il s’énerve et refuse de se séparer pendant des mois. Puis il reproduit le même schéma qu’avec sa 1ère compagne : il lui annonce qu’il la quitte du jour au lendemain.

On est en juillet 2019. En partant, il l’accuse de tous les maux : elle ne s’est pas occupée de ses enfants, elle ne voulait pas payer la maison… Anne prend un avocat pour que la garde soit statuée car Greg fait ce qu’il veut, il débarque quand il le sent, tambourine à la porte, les insulte toutes les deux…

De son côté, il demande un report d’audience et en profite pour fabriquer des faux papiers disant qu’il a lancé l’assignation avant elle. Mais Anne n’est pas concentrée sur ses stratagèmes car depuis quelques temps, sa fille a changé. Quand elle rentre de chez son père, à chaque fois elle est terne, éteinte. Au retour des vacances, elle pleure, crie, hurle, elle a des bleus, elle a des vulvites à répétitions, elle fait des cauchemars. Hélas, l’enfant ne dit rien, Anne ne comprend pas ce qu’il se passe. Elle s’adresse à une pédopsychiatre où la parole de l’enfant se libère enfin.

Marie raconte que quand elle est chez son père, celui-ci la frappe sur les jambes, il lui met la main dans la culotte, il lui montre son zizi…

Anne se rend illico à la gendarmerie pour faire une déposition et recueillir les propos de sa fille. Elle est anéantie mais son avocate lui conseille de laisser Marie aller chez son père pendant les vacances. Quand elle rentre, l’enfant est prostrée. Anne l’emmène aux urgences qui font un signalement et lui demandent d’aller aux UMJ (Unité Médico-judiciaire).

Une étrange audition est organisée à la gendarmerie, loin du protocole Mélanie. Sans surprise, le dépôt de plainte est classé sans suite. En octobre, ils passent devant la Juge aux Affaires Familiales (JAF), pour une nouvelle audition en référé, qui soupire aux propos de la mère et écoute religieusement le père qui dénigre Anne et la fait passer pour folle (comme il le faisait avec sa première femme). Une expertise est demandée.

Anne prend la décision de ne pas laisser sa fille retourner chez son père, en prévenant les gendarmes. Ces derniers la recontactent pour l’injurier et l’accuser. Elle cède. Puis Anne apprend que sa fille dort sur un matelas gonflable, n’a pas de vêtements et demande l’intervention de la CRIP (Cellule départementale de Recueil des Informations Préoccupantes).

Grosse erreur. Le temps qu’ils se mobilisent, avec leurs gros sabots, Greg a tout réaménagé. Sur leur rapport est écrit qu’Anne propose bien trop de jouets et d’activités à sa fille et que l’enquêtrice a vu une araignée. Tout va bien côté paternel. Sans surprise, le rapport est donc à charge contre Anne. En parallèle, la psychiatre de l’enfant ainsi qu’un autre pédopsy font des signalements. Le lendemain d’un retour catastrophique de vacances, Anne dépose à nouveau plainte. Une seconde audition, vraiment aux normes Mélanie cette fois, permet à l’enfant d’expliquer que son père la frappe et l’étrangle.

Fin 2021, devant la juge des enfants, Marie déclare : « je veux vivre chez ma maman car mon papa est méchant« .

La juge intervient en disant « tu mens, c’est ta maman qui te dit de dire cela« . Elle menace Anne : « Maintenant vous arrêtez les dépôts de plainte, vous arrêtez d’emmener votre fille chez le médecin« . Le centre d’AEMOH (Action Éducative en Milieu Ouvert Hébergement) oblige Marie à voir LEUR psy. Par chance, celle-ci confirme les propos de Marie et contacte la pédopsy du CMP (Centre Médico Psychiatrique) qui fait une information préoccupante.

Mais la psy de l’AEMOH quitte brusquement le centre et cette information préoccupante est classée sans suite. Pour la troisième fois, Greg quitte sa compagne et déménage. L’AEMOH met en place un système de nuitée. En avril, une éducatrice vient chercher Marie qui refuse de la suivre, s’arrache les cheveux, se mord, se cache… La directrice contacte Anne pour la menacer de placement.

L’éducatrice revient le lendemain, elle embarque Marie en lui faisant la promesse de revenir vite. C’est un mensonge et l’enfant est coincée chez son père. La directrice convoque Anne le 21 avril mais celle-ci est tellement traumatisée qu’elle ne peut pas s’y rendre seule. Elle y va le 22 avec son avocat mais la directrice refuse de la recevoir accompagnée.

Anne y va seule mais enregistre tout. La directrice (qui est finalement une chef de service) propose de co-écrire une lettre mais n’accepte aucun changement. Anne comprendra que c’est juste pour se couvrir car le courrier (mensonger) est déjà parti, sans respecter la procédure. Dans le mois qui vient, l’expertise demandée a lieu. Devant la mère, la psy est élogieuse. Mais étrangement le rapport demande la garde chez le père, avec qui la psy s’est entretenue 30mn en visio. Le fait que Marie soit suivie par une pédopsy est vu comme de l’instrumentalisation…

On demande à Anne d’arrêter le suivi en la menaçant comme toujours.

Elle accepte. Dès lors une seule séance aura lieu et à charge bien sûr. Mi-2022, lors des audiences où l’avocate d’Anne démontre les dysfonctionnements, la Juge Des Enfants (JDE) déclare s’en remettre au jugement de la JAF. Celle-ci déclare que la relation mère enfant est trop fusionnelle et confie Marie à son père.

Dans le dossier, on peut lire un échange entre la JDE et l’AEMOH : « Avez-vous assez d’éléments pour placer l’enfant ?« . Anne réalise que tout ce petit monde se connait et n’a aucune formation sur l’emprise et les violences intrafamiliales. Marie part donc chez son père. Une visio (enregistrée) la montre avec un œil au beurre noir. Anne porte plainte et perd à nouveau. L’appel, qui a eu lieu il y a quelques jours, est aussi infructueux. Anne est en train de perdre sa fille parce que la Justice dysfonctionne complètement.


Vous pouvez lire notre article « En France protéger l’enfant est puni de prison et de menaces de placement de l’enfant » et télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Témoignage d’Heidi qui risque la prison pour protéger sa fille de son père incestueux

Témoignage d'Heidi qui risque la prison pour protéger sa fille de son père incestueux.

Un père parfait en apparence

Heidi rencontre Lucas en 2014 et c’est le coup de foudre. Tous les deux ont déjà un premier enfant d’une précédente union.

Un an plus tard, ils emménagent ensemble. Heidi démissionne de son travail, change sa fille d’école et s’éloigne de ses amis pour s’installer chez Lucas. C’est à ce moment-là que la lune de miel se termine. Une fois Heidi avec lui, Lucas change de comportement. Sa violence explose, il enchaine les crises de colère, les cris, il est humiliant, il casse des objets et instaure un climat de peur. Dès la première semaine, Heidi comprend qu’elle a fait une erreur mais elle se sent coincée. Sans argent, sans travail, sans logement, avec sa fille à scolariser, elle n’arrive pas à s’extraire de cette dépendance. A cette violence psychologique, se rajoute la violence sexuelle de viols conjugaux.

Un mois après son arrivée, elle tombe enceinte. A l’annonce de cette grossesse, elle s’effondre, encore plus coincée. Lucas dit « on va l’assumer » et il lui fait acheter une maison. Alors dépitée, résignée, elle suit un petit espoir de fonder une famille normale. Mais pas de miracle. Heidi passe une grossesse seule et voit sa vie se compliquer davantage : Lucas contrôle tout, les finances, sa vie sociale…

Les crises augmentent en puissance jusqu’à ce qu’un jour, voyant Lucas trouer un mur en frappant dedans, la fille ainée d’Heidi interroge sa mère : « et si un jour il fait un trou dans ma tête ? « . Cette phrase fait comme un électrochoc à Heidi, surtout avec la naissance de leur fille Rose. Et puis, un jour d’avril 2018, Lucas rentre dans une rage terrible. Ce qu’il se passe ? Heidi ne s’en souvient pas. Amnésie traumatique. Quand elle reprend conscience, elle devine qu’un truc grave s’est produit.

Elle a visiblement confié Rose à sa grande fille en lui demandant de s’enfermer, elle comprend aussi qu’elle a téléphoné à ses parents. Lucas, lui, est prostré sur le canapé et il marmonne « Je ne le referai plus… ». Le lendemain, il quitte la maison définitivement. Heidi profite de son départ pour reprendre un peu pied. Ils revendent la maison.

Mais Lucas ne change pas. Dans une volonté de maintenir son emprise, il lui annonce qu’il fera ce qu’il faut pour garder Rose. Au début, Heidi est conciliante pour la garde. Lucas récupère Rose quand il le souhaite. Mais il refuse de payer une pension alimentaire alors elle saisit le Juge aux Affaires Familiales (JAF). Lucas réplique en demandant la garde alternée. Elle lui est refusée car Heidi allaite mais il obtient 1 WE sur 2 + la moitié des vacances + 1 mercredi sur 2. De plus le JAF décide que « l’enfant est assez grande pour mettre fin à l’allaitement« .

Cette injonction est faite pour que le père puisse avoir les nuits.

Donc à partir de l’été 2019, Rose passe des nuits chez son père. Fin aout 2019, l’enfant explique à sa mère que son papa lui a mis un doigt dans la minette et que ça lui a fait mal. Heidi pense que c’est un geste brusque de Lucas et rassure sa fille. Mais celle-ci continue de se plaindre. Heidi contacte la Protection maternelle et infantile (PMI) pour avoir leur avis. Ils lui prennent un rdv aux Unités Médico-judiciaire (UMJ).

Là-bas le médecin examine l’enfant et dit qu’il n’y a pas de problème. Heidi ressort soulagée et continue de confier sa fille à son papa. L’enfant persiste dans ses plaintes mais Heidi croit le médecin. Novembre 2020, le comportement de Rose change radicalement. L’enfant refuse de dormir seule, fait des cauchemars, a de l’eczéma sur tout le corps, refait de l’énurésie nocturne et diurne, régresse et reste collée à sa maman.

Elle dit « tu ne comprends pas que papa est méchant ? ». La PMI conseille de consulter à nouveau. Le médecin traitant reçoit l’enfant seule et fait un signalement à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Il recommande à Heidi de porter plainte. Pour la jeune femme, le monde s’écroule.

Elle contacte le 119 qui, entre 2 leçons de morale culpabilisante, fait aussi un signalement. Le 4 décembre 2020, Heidi porte plainte pour violence par ascendant et prévient le père qu’elle ne lui remettra pas Rose (à ce stade, la police aurait déjà pu requalifier sa plainte pour violences sexuelles). Quelques jours plus tard, sa fille ne se sent pas bien. Les urgences les redirigent aux UMJ. Là-bas, dans la salle d’attente, Rose dessine le comportement explicite de ton père. Mais le médecin refuse de les recevoir car elles ne sont pas adressées directement par la police.

Heidi saisit le JAF en référé mais hélas celui-ci la somme de remettre l’enfant à son père car « c’est monnaie courante les mères qui saisissent la justice à noël pour ne pas remettre les enfants« .

Heidi obéit pour les vacances de Noël et voit Rose partir dans un silence de plomb. En janvier, Rose est auditionnée 3 jours de suite à la police, puis à la CRIP puis aux UMJ. A chaque fois, malgré des conditions d’écoute exécrables, la petite fille refait les mêmes révélations et raconte d’autres maltraitances : enfermements, coups, menaces.

Elle remet son dessins en disant : « c’est moi avec le doigt de papa tout au fond de moi avec les larmes qui coulent jusqu’au sol« . La CRIP fait un signalement au procureur. Janvier 21, le JAF ordonne des visites médiatisées chaque samedi + une enquête sociale et une expertise psy pour les parents. L’enquête sera à charge de la mère, trop fusionnelle…

Une garde alternée est demandée. Avril 2021 : Heidi repasse au JAF pour demander un report car l’expertise psy n’a toujours pas eu lieu. C’est là qu’elle apprend via le père que sa première plainte a été classée… En mai, Heidi décide de faire sa propre expertise psy puisqu’il ne se passe rien. L’expert conclut : « Présente un tableau clinique spécifique d’un état de stress post traumatique compatible avec les violences sexuelles incestueuses alléguées » .

Le JAF décide d’arrêter les visites médiatisées et met en place un passage de bras en lieu neutre. Cela protège la mère mais pas l’enfant alors Heidi décide de refaire de la non représentation d’enfant (NRE). Rose revit, elle consulte une psy (qui atteste d’un vécu traumatique impliquant son père) et reprend confiance en elle. En octobre l’expertise psy a enfin lieu et ne tire pas de conclusion alarmante !

Pourtant, elle reporte dans son rapport des phrases dites par l’enfant : « papa met un doigt dans la minette« . Elle indique en revanche ne pas avoir de doute sur la qualité du lien mère enfant. Fin décembre, la plainte est de nouveau classée sans suite (sans aucune enquête) ! En mars 2022, Heidi re-porte plainte avec constitution de partie civile pour viol incestueux. La JAF en même temps ordonne la mise en place d’une garde alternée. Heidi fait appel.

Le jugement de l’appel passe à un mode de garde classique : un WE sur 2 etc… + condamnation d’Heidi à verser 800€ (article 700) + une astreinte de 50€ par jour à compter de maintenant !! Tant pis, Heidi continue les NRE car elle estime que sa fille n’est pas à vendre. Sa vie vaut plus que 50€ par jour ! Le 10 octobre, Heidi est placée en garde à vue puis déférée menottée au tribunal en comparution immédiate. Puis le 14 novembre, elle est condamnée à 6 mois de prison avec sursis.

Elle a aussi une interdiction de déménager, une obligation de soin, une obligation de suivre un stage en parentalité + 5000€ au père + 800€ pour frais de justice. Elle fait appel. Le même mois, l’école de Rose fait une information préoccupante.

Le 6 janvier à 7h du matin, la juge d’instruction ordonne une perquisition et confisque des livres sur l’inceste, les violences conjugales et un carnet. Fin janvier 2023, Rose explique au Juge Des Enfants (JDE) convoqué par le procureur que « son papa lui a fait du mal, qu’elle ne veut pas aller chez lui, juste dans une maison protégée« . Pourtant le JDE laisse la garde au père et ordonne une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE). Et le juge d’instruction rajoute 2 expertises (psychologique et psychiatrique) à Rose qui en aura subi 4…

Alors Heidi, actuellement, continue de protéger seule sa fille. Comme si la Justice préférait voir un simple conflit parental au lieu de vérifier la sécurité d’une enfant mineure.


Si comme nous vous souhaitez comprendre et aider, vous pouvez lire notre Manifeste et signer notre pétition.

Pour en savoir plus sur les violences sexuelles vous pouvez consulter notre article Prévenir et agir contre les violences sexuelles.

Ana Madet, victime d’inceste de la part de son père de ses 5 ans à ses 17 ans

Ana Madet Victime d'inceste de la part de son père de ses 5 ans à ses 17 ans, Attention contenu très sensible

*** Attention contenu très sensible ***

Les premiers souvenirs d’Ana remontent à ses 5 ans.

Pour elle, c’est à partir de là que son enfance est devenue une torture au quotidien, traversant toutes les formes de violences, physiques, psychologiques, sexuelles et même économiques. Elle se souvient des coups, des douches froides, des tirages de cheveux, des humiliations, des menaces… Et bien sûr de l’inceste. Quand son père rencontre sa mère, il a déjà un enfant d’un premier mariage. Mais il a abandonné cette famille sans se soucier de leur avenir. La maman d’Ana est une femme brillante, qui a réussi à s’extraire d’un milieu modeste, qui reste fragile, pleine de doutes, manquant de confiance en elle. Elle tombe enceinte rapidement d’Ana.

La petite fille grandit avec une maman travailleuse, un père très absent. Elle est couvée par des grands-parents aimants.

Son père manifeste toujours un comportement violent et sa maman finit par vivre sans lui.

Il s’agit d’une séparation un peu floue où il réapparait de temps à autre. Sa maman tombe à nouveau enceinte. Parallèlement, elle se retrouve mutée en Creuse et c’est à cette période que son père décide de revenir au foyer et de les suivre dans cette nouvelle région. Il culpabilise sa mère : « je quitte tout pour toi donc tu vas tout gérer« . Effectivement, il ne travaillera plus. Son rôle sera donc uniquement de s’occuper des enfants. C’est cela qui lui donnera les pleins pouvoirs pour se conduire de manière abjecte sous couvert de père modèle.

Comme souvent avec les manipulateurs, il commence par isoler la maman et la retourne contre sa famille.

Quant à Ana, l’arrivée de son père dans son quotidien transforme sa vie en cauchemar.

En plus des nombreuses maltraitances psychologiques, les violences sexuelles font leur apparition.

L’inceste s’installe progressivement. Son père commence par s’occuper de sa toilette intime, il va lui mettre des doigts dans l’anus pour « bien nettoyer« . Il lui montre son pénis et a des questions manipulatrices :  » tu regardes, ça te plait ? « .

Ana a conscience que ce n’est pas normal car aucun autre adulte n’agit ainsi. Mais il lui fait du chantage : « c’est notre petit secret« , ou la manipule pour l’inclure dans la responsabilité de ce qu’il se passe : « Faut qu’on arrête nos bêtises, ça ne se fait pas, faut que ça s’arrête, je compte sur toi.« 

Il est donc très conscient du mal qu’il fait. Et il continue en passant à des gestes masturbatoires. La petite fille ne comprend pas ce qui lui arrive.

A côté de cette violence sexuelle, il tient des propos très toxiques sur le corps : « tu devrais moins manger pour être belle« .

Un peu avant l’adolescence, il impose les premières fellations. Il la « complimente » : « tu fais ça mieux que maman« , ce qui a pour conséquence de verrouiller encore plus la parole, par un effet de culpabilisation malsaine.

L’inceste quotidien ne cesse jamais de s’empirer. Il finit par sodomiser Ana, sans précaution aucune, de manière douloureuse et régulière. Et là encore, il rajoute : « Maman, elle n’aime pas ça« . Quand l’adolescente se plaint de blessures anales, il l’emmène chez un médecin. Il reste toujours présent pendant les consultations.

Le médecin ne voit que ce papa attentionné qui oriente le diagnostic vers des soucis de constipation et il lui dit qu’ « il faudrait qu’elle mange mieux« .

Vers les 15 ans de la jeune fille, son père finit par lui imposer des pénétrations vaginales (sans protection). Il se pose alors en professeur de sa sexualité « pour rendre son futur mari heureux« .

Il est possessif, parano, il cherche à tout contrôler et lui fait écrire une lettre où elle doit s’engager à ne parler à personne au lycée… Il va jusqu’à la surveiller pour vérifier. Et bien-sûr, les violences physiques ne sont jamais loin, toutes les semaines, Ana se fait taper dessus.

Vers 16 ans, Ana trouve le courage de s’opposer.

Un jour où ils se rendent ensemble au Maroc voir la famille de son père, il réclame des relations, parce qu’il se sent « nerveux » de retourner dans son pays. Elle lui dit « je n’ai pas envie, ça me dégoute, ce n’est pas bien ». Il rétorque : « Mais ce n’est pas le problème, j’en ai besoin là « .

Jusqu’à présent, Ana s’était protégée en se construisant une certaine logique de survie :

« Si j’accepte, il ne va pas me frapper.  Il continue parce que je ne dis pas non… »

Elle réalise qu’il se fiche complètement de son « consentement » et que les rares gentilles phrases auxquelles elle se raccrochait pour supporter cet enfer n’étaient que des mensonges.

A la même époque, sa mère qui subissait également cette violence commence à se rebeller également.

Les humiliations constantes deviennent insupportables. Elle aimerait partir.

Pour Ana, ce sont les études qui la sauvent car en quittant le foyer pour la Fac, l’inceste cesse.

Mais elle tombe dans une forme d’hypersexualisation, elle tombe « amoureuse » facilement, elle est dans une performance sexuelle maladive et perturbante.

Son rapport à l’alimentation est aussi compulsif. Ana fait face au surpoids, aux cauchemars, à une maladie de la thyroïde…

Elle constate que ça ne va pas.

En 2013, sur une impulsion, elle en parle à un amoureux, qui la croit immédiatement et qui lui apporte son soutien.

Elle en parle ensuite à sa mère, qui tombe des nues devant l’indicible horreur. Sa mère la croit aussi. Entourée de gens aimants, en juillet 2013, Ana décide alors de porter plainte. Elle a besoin que ça se sache, besoin de réparation aussi.

Au commissariat, elle est entendue et crue (au bout de 8 heures d’audition, avec des policiers pas franchement aimables au début et désolés à la fin). Pourtant ils conseillent à Ana et à sa mère de faire comme si rien n’avait changé.

Ainsi la maman est incitée à rester chez elle et à protéger au mieux la sœur d’Ana pendant que les policiers montent un dossier.

Les délais judiciaires étant hyper longs, cette situation dure des mois. Puis en février 2014, le père est convoqué au commissariat où il est confronté à toute la famille. Ana et son frère témoignent, ainsi que la mère. C’est une épreuve pour tous car le phénomène d’emprise est toujours actif. Même la petite sœur se retrouve auditionnée, elle que sa famille avait tenté d’épargner. Elle sortira en disant : « on a mis papa en prison« . Effectivement, il est incarcéré dans la foulée pendant 2 ans. Et même si l’emprise continue sur la mère et la petite sœur de la prison, c’est une étape symbolique.

Hélas, il sort au bout de 2 ans, en liberté surveillée en février 2016.

Il doit pointer et ne jamais se rendre dans le département d’Ana.

Rapidement après, il tombe malade et meurt en aout 2017. Ana ressent des émotions complexes, avec une forme de tristesse, un grand soulagement mais aussi l’horrible frustration d’une absence de procès et par conséquent d’une terrible impunité.

Ana témoigne à visage découvert parce qu’elle souhaite passer des messages importants aux victimes :

  • Gardez espoir. Si vous vivez l’enfer, ce ne sera pas toute la vie. Survivre pour lutter plus tard est possible ;
  • Autant que possible, libérez votre parole.

Quant à l’entourage, croyez les victimes.

Acceptez leur parole et entrez en vigilance pour les aider. Soyez courageux pour ne pas rajouter de la violence à ce que ces personnes subissent déjà.

Ne détournez pas le regard.


Vous pouvez consulter notre guide « prévenir et agir contre les violences sexuelles« .

Si vous êtes un professionnel vous pouvez télécharger l’outil de formation de la Ciivise (Violences sexuelles faites aux enfants : repérer et signaler. » Livret de formation des professionnels « Mélissa et les autres »).

Violences intrafamiliales : Vanessa a besoin d’aide pour protéger sa fille victime d’inceste

Violences Intrafamiliales : Vanessa a besoin d'aide pour protéger sa fille victime d'inceste

Violences intrafamiliales : d’abord les violences conjugales…

Vanessa est une jeune femme hyper sensible, avec un grand imaginaire. Élève modèle, enfant sans souci, elle devient avocate par idéalisme. Ses rêves de princesse chutent une première fois à la suite d’une relation néfaste qui dure 6 ans. Elle réussit à quitter cette personne malaisante mais se retrouve fragilisée.

C’est dans ce contexte qu’elle rencontre Raphaël.

Celui-ci la poursuit de ses assiduités pendant 18 mois où il s’arrange pour lui offrir du rêve. Rapidement, il lui explique que son regard sur le monde n’est pas le bon et qu’il est là pour lui permettre de mieux le juger. Cela fonctionne. Vanessa passe désormais par son filtre pour savoir quoi penser. Parce qu’elle gagne plus que lui, elle le prend financièrement en charge : restaus, billets de train, etc. Elle se sent au fond d’un seau et Raphaël lui semble si attentionné… Avril 2010, il la convainc de quitter son bureau d’avocat pour le rejoindre à Béziers.

Le jour de son arrivée a lieu la première scène de violence.

Dans la voiture, il la frappe et lui dit : « Maintenant ça suffit, tu te tais, c’est moi qui décide« . Sous le choc, Vanessa est tétanisée. Elle vient de quitter un super emploi, de dépenser 10.000€ pour déménager, elle ne connait personne à Bézier. Dans sa tête, elle est coincée et elle a honte de comprendre qu’elle s’est trompée.

C’est le début du silence et des violences intrafamiliales. Pendant 6 ans, elle va cacher à sa famille et à ses amis la violence morale, psychologique qu’elle subit tous les jours. Quand Raphaël souffre, c’est de la faute de Vanessa.

Elle quémande son amour, elle cherche son approbation, paye tout, de la nourriture à sa société et son redressement judiciaire. Toujours dans la culpabilisation extrême, il est infect sauf devant ses amis. Chaque engueulade dure 3 jours et même quand elle essaye d’aller dans son sens, il lui dit qu’elle le prend pour un con.

Au fil du temps, elle apprend qu’il a grandi dans une secte, où avaient lieu des pratiques libertines, voire des orgies sexuelles devant les enfants. Il a vu son père imposer des relations sexuelles tous les jours à sa mère et trouve normal de faire pareil.

Ce qu’il aime, c’est sa dévotion, il ne veut la partager avec personne.

Il cherche même à devenir le meilleur ami de ses meilleurs amis et manipule tout le monde, avec brio. Pour cette raison d’exclusivité, il ne veut pas d’enfant, ce qui rend Vanessa malheureuse. Et puis un jour, elle a un accident de voiture et elle réalise qu’elle se désintéresse de sa propre vie. Elle entame une psychanalyse qui la réveille. Elle se réaffirme doucement ce qui rend Raphaël fou !

En 2015, elle est prête à le quitter. Alors Raphaël se rend chez ses parents et leur demande la main de Vanessa, sans la consulter. Vanessa ne parvient pas à sortir de son emprise.

Ils se marient en 2016. Il déclare devant tout le monde :  » Maintenant tu m’appartiens, je fais ce que je veux de toi « , sans que personne ne réagisse. Le calvaire de Vanessa continue. Elle est violée tous les jours, la violence explose. Il la menace et lui explique que si elle meurt, personne ne la pleurera.

Vanessa s’étiole, elle n’a plus de travail, plus de sous, ne veut plus d’enfants. Novembre 2017, en rentrant de chez des amis, elle lui fait « l’affront » de le laisser attendre 10mn. Dans la voiture, il explose de violence. Il l’attrape par la gorge. Vanessa voit son regard de haine, il n’arrive pas à desserrer ses mains de son cou et la plaque au sol dès qu’elle se débat. Vanessa part à Paris le lendemain. Il lui dit  » casse toi « .

Sa famille et ses amis enfin au courant l’enjoignent de le quitter. 15 jours après elle apprend qu’elle est enceinte.

On lui conseille d’avorter ou de ne rien dire au père.

Vanessa décide de le prévenir et de rester dans le sud dans un logement séparé. Elle propose une séance de médiation qui se passe mal. Vanessa fait une crise de panique. Raphaël reconnait ses actes mais pas de réaction de la médiatrice. Il lui dit  » je vais te laisser bien seule dans ta merde et comme ça tu vas perdre le bébé  » et ainsi s’achève la médiation.

Pendant la grossesse, Vanessa compartimente, pour pouvoir travailler. Elle fait ce qu’on appelle de l’amnésie traumatique. A la naissance de sa fille, Raphaël s’est déjà remis en couple. Mais il tente immédiatement de reprendre son emprise. Il veut la contrôler. Pendant 4 mois, Vanessa accepte qu’il vienne tous les jours, sans prévenir. Il surveille ses faits et gestes. Elle retourne au travail au bout de 4 mois, en 2018. Jusqu’à mars 2020, il est sensé avoir la garde de sa fille de 14h à 17h le vendredi. Vanessa continue de subir sa violence, il vient chez elle, l’injurie.

Violences intrafamiliales : puis les violences sur l’enfant…

Dès mars 2019, le comportement de leur fille change brusquement. Elle revient énervée de chez son père, elle hurle, elle tape, jusqu’à réussir à s’apaiser. Pendant le confinement, Vanessa s’installe à Paris chez sa sœur. Raphaël s’en fiche et la contacte peu. Leur fille va mieux.

Vanessa décide alors de se réinstaller à Paris. En juillet, la petite fille part une journée chez son père. Quand elle revient, elle est dans un état effroyable : crise de rage, énurésie, elle se griffe, elle se mord, elle ne sait plus parler. L’enfant refuse d’aller voir son père le lendemain. Quand Vanessa demande des explications, Raphaël répond :  » Moi j’ai passé un excellent moment avec ma fille « .

Elle emmène sa fille voir une pédopsy qui lui explique que l’enfant a besoin de connaitre les concepts de bien et de mal, alors qu’elle témoigne :  » Papa est méchant, papa m’a tapé très fort sur la couche et enfermée dans le noir« .

Vanessa se rend aux UMJ en septembre 2020 où on la met en garde contre une violence incestueuse. Vanessa ne veut pas y croire.

En mars 2021, un juge aux affaires familiales refuse une expertise mais ordonne des visites médiatisées pour le père.

L’enfant revoit alors son père en médiation où les intervenants ne brillent pas par leur formation dans la gestion des violences intrafamiliales. Et bien sûr, ils adorent Raphaël… Vanessa fait alors appel pour obtenir une expertise car sa fille est toujours perturbée par les visites.

La Cour prononce l’expertise et les droits évoluent mais pas l’état de sa fille à chaque fois qu’elle revient de chez son père. Sa fille lui explique :  » Tu sais maman, j’ai fait une bêtise. Moi je me caresse la nénette quand je suis stressée. Quand j’étais chez papa, je me suis caressée car j’avais peur et papa, il est venu me voir et il s’est caressé aussi le zizi « . Elle refuse alors par la suite d’appeler son père « papa ».

Quand l’expertise arrive, Raphaël ment avec aisance. La psy conclut que Vanessa manipule sa fille. Il n’y a pas de contradictoire. La petite fille raconte tout pourtant, mais la psy dit que ce sont les paroles de la maman. Lors de l’audience en juin 22, la juge est tellement agressive que l’avocate de Vanessa repart en pleurs et démissionnera ensuite. Les violences intrafamiliales sont niées.

Vanessa refuse néanmoins de laisser sa fille retourner chez son père. Elle est alors convoquée pour non représentation d’enfant. Le même jour, elle apprend que Raphaël est venu chercher leur fille à l’école et qu’elle est partie sans affaire à Bézier. Quand Vanessa parle à sa fille, celle-ci lui redit que son père la tape sans explication et qu’il la caresse car  » il a le droit « . Son avocat et le juge des enfants lui conseillent d’exécuter l’arrêt d’appel. En octobre, une médiation est mise en place pour  » rétablir le contact avec monsieur « . Et la psy de l’enfant fait un 2nd signalement et envoie Vanessa aux urgences à Necker.

Pour la première fois, elle est crue. Le viol de sa fille est aussi confirmé aux UMJ.

Elle porte plainte avec ces deux rapports et continue la non représentation d’enfant. Hélas, avant l’audience, l’avocate découvre que l’ASE a rendu un rapport préconisant le placement, même s’ils n’ont vu Vanessa qu’une heure et jamais l’enfant. Pendant l’audience, c’est le procès de la mère qui est fait. La juge refuse d’entendre l’enfant et demande un placement immédiat.

Quand Vanessa dit au-revoir à sa fille en larmes et lui déclare :  » Personne ne peut nous séparer « , la juge rétorque :  » Ah si, moi « . Vanessa s’insurge : « Ce n’est pas la Justice, c’est de la maltraitance, vous n’avez rien à me reprocher « , la juge lui assène :  » Si, vous êtes un danger à son développement psychologique. »

Depuis, la « Justice » a tranché.

Vanessa a le droit de voir sa fille une fois par mois à cause de ses « débordements émotionnels ». Mais pour Raphaël, il y a présomption d’innocence…


Pour comprendre ces problématiques lors de violences intrafamiliales nous vous conseillons la lectures de l’article « Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ? » et de notre Manifeste. Enfin si vous souhaitez en savoir plus sur un type particulier de violences intrafamiliales que sont les violences sexuelles n’hésitez pas à consulter notre article « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Inceste, l’impossible combat de Virginie

Inceste, l'impossible combat de Virginie

Virginie a 17 ans quand elle rencontre Marcel pour la première fois.

Elle est encore loin de son futur combat contre l’inceste.

Elle garde en mémoire son attirance pour ce jeune homme un peu mystérieux, qui raconte des tas d’histoires très étonnantes qui lui arrivent.

Quand elle retombe sur lui à 23 ans, elle est en confiance et prête à tenter l’aventure avec lui. Mais elle n’apprécie pas son insistance pour avoir des rapports sexuels. Marcel veut avoir des relations avec elle sans s’engager affectivement. Virginie est sensée accepter la situation jusqu’à ce qu’il change d’avis. C’est d’ailleurs ce qui arrive un mois plus tard, le jour où les relations de Marcel se dégradent une nouvelle fois avec sa famille. Celui-ci a des relations conflictuelles avec sa mère et sa sœur, pleines de non-dits et hélas, aux relents incestuels.

Soudainement, Virginie est « la femme de sa vie » et il s’installe avec elle. Parallèlement, il lui annonce que son nouveau travail comprend de nombreux déplacements. Quand sa sœur accouche, alors qu’il revendiquait ne pas vouloir d’enfant, Marcel devient insistant auprès de Virginie pour qu’ils fondent une famille.

A cette époque, Virginie ne va pas bien, elle développe des troubles anxieux depuis ses 20 ans.

Suite à une crise, elle demande à être hospitalisée en maison de santé. C’est là-bas, à l’aide d’un travail avec un psychiatre, que le souvenir d’un viol à l’âge de 19 ans ressurgit. Très choquée, elle porte plainte. Mais entre la plainte classée sans suite et le désintérêt de Marcel pour son traumatisme, la santé mentale de Virginie ne s’améliore pas.

Virginie tombe enceinte très rapidement.

Heureuse de cette bonne nouvelle, elle l’annonce à Marcel qui, lui, balaye le test du revers de la main, signifiant son absence d’intérêt. Suite à ce malaise réalisé devant témoin, il tente de faire un peu illusion. Mais en vain. Virginie se retrouve seule toute sa grossesse. Marcel ne s’investit pas.

Lily vient au monde en septembre 2018, mais l’accouchement est compliqué. Virginie frôlera la mort dans les jours et semaines suivantes. En effet, elle fait de l’atonie utérine qui déclenchera 3 dangereuses hémorragies. En plus des opérations et des grosses souffrances, les séquelles sont importantes : aménorrhée, perte de sommeil, vertiges, incohérence cardiaque, sans parler des séquelles neurologiques.

Mais Marcel ne se sent pas concerné et lui dit « qu’elle fait chier ». Son attitude est si choquante que la mère de Virginie commence à prendre des notes sur son comportement. C’est elle qui observe la première fois des gestes déplacés de Marcel sur sa fille.

L’enfant a moins d’un an et il lui masse les tétons, il l’embrasse étrangement, il la sexualise.

Virginie est trop exténuée pour intervenir. Il faut dire qu’il la manipule jour et nuit, il l’empêche de dormir, lui parle mal, la pousse à bout… Ces violences psychologiques sont relatées par des spécialistes que Virginie consulte. Elle décide de stopper leur relation. C’est alors que les choses s’aggravent.

Un mois après leur séparation, Virginie récupère sa fille avec une vulvite. Quand elle en informe le père, il répond : « je n’ai rien fait »…

Un jour, la petite fille revient tellement crispée qu’elle hurle dès que sa mère cherche à la soigner. Cette nouvelle vulvite suinte et l’enfant déclare à 16 mois : « papa bobo kiki ».

Virginie ne doute plus. Il s’agit d’inceste et c’est grave.

Virginie consulte immédiatement en PMI qui constate un sexe malmené et prévient Enfance en danger. Marcel refuse de se rendre au rdv, il crie et menace de mort Virginie. Une semaine plus tard, leur fille se fait réexaminer et on constate en plus une fissure anale. Marcel est furieux de ce nouvel examen. Le lendemain, il appelle Virginie pour lui demander de vivre ensemble à nouveau. Elle refuse et il passe aussitôt aux menaces. Le jour même, preuve de son anticipation, elle reçoit un courrier qui                    l’assigne et l’accuse d’être une mère droguée. Elle porte aussitôt plainte pour diffamation.

Virginie porte également plainte pour faux et usage de faux, même si elle a très peur de la violence de la réaction de Marcel. Celui-ci est auditionné, il reconnait les faits ainsi que la diffamation. Les plaintes sont pourtant classées sans suite !

Pendant le confinement, c’est Virginie qui garde leur fille. Celle-ci guérit, s’apaise et retrouve le sommeil.

Mais dès que son père la récupère, les vulvites recommencent ainsi que des anites. A Noël 2020, elle baisse sa culotte devant tout le monde et déclare que son père lui fait des trucs au sexe et à l’anus. L’inceste est indéniable.

Le pédiatre fait un signalement de violence sexuelle.

En revanche, l’assistante sociale qui connait le père refuse de recevoir Virginie. L’enfant finit par se confier à l’école qui fait un signalement.

Marcel est furieux. Il est convoqué par l’Unité hospitalière de l’enfance en danger (UHED) qui lui demande de se calmer. Pourtant malgré toutes ces éléments, et la forte probabilité d’inceste, le JAF lui accorde une garde classique. Leur petit fille change de comportement, elle se désinhibe, elle explique à sa maman que son  » papa en a besoin pour dormir, tu comprends, il faut fermer les yeux, c’est tout « .

En aout 2020, Virginie demande de l’aide dans sa coparentalité et la juge des enfants intime à Marcel de s’éduquer.

Pourtant, un an plus tard, cette même juge change totalement d’attitude. Alors que Virginie insiste sur le mal-être de sa fille et sur ses soupçons, dès que la juge entend parler de pédocriminalité, elle incrimine la mère : trop angoissée, qui fait de l’acharnement médical…

La juge n’écoute pas l’éducatrice de l’AEMO (Assistance éducative en milieu ouvert) qui pourtant témoigne en faveur de la mère et ordonne des expertises médicales des parents.

Pendant ce temps, la petite fille continue ses dénonciations, elle accuse à la fois son père et aussi le fils de sa nouvelle compagne. La mère porte plainte à nouveau. L’état de sidération de l’enfant est confirmé par un pédopsy et un médecin légiste observe à nouveau une vulvite et un hymen perforé. Les gendarmes conseillent à Virginie de ne pas remettre sa fille au papa. 

Quand la juge apprend que Virginie fait de la non représentation d’enfant, elle s’énerve et fait accélérer les expertises, qui sans surprise, sont du côté du père.

Virginie est accusée d’avoir le Syndrome de Münchhausen…

Dans la foulée, la petite fille est désormais confiée à son père. Le 8 mars, elle est directement récupérée à l’école sans que la mère soit prévenue. La mamans ne reverra sa fille que trois mois plus tard. Une expertise psy est ordonnée sur la mère pour savoir si il faut maintenir le lien mère/enfant !

Depuis mars 2022, Virginie n’a pu revoir sa fille que 3 fois une heure ! Non seulement elle vit dans la peur pour son enfant, non seulement elle dépérit de ne plus la voir, mais des menaces sont faites sur la garde de son second enfant né d’une autre relation !

Voilà où le combat de Virginie contre l’inceste l’a menée.

Cette situation cruelle, dangereuse, ubuesque, incompréhensible, grotesque plonge Virginie dans un désarroi sans nom.


A propos de l’inceste nous vous conseillons la lecture des articles « Qui sont les incesteurs« , « Inceste, les mécanismes du silences » et « Inceste, le profil des agresseurs« 

Le choix possible de la fin de l’inceste : la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Le choix possible de la fin de l’inceste : (1) la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Par Edith

  1. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse
  2. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.
  3. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question
  4. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.
  5. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?
  6. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret
  7. Qui voulons-nous vraiment protéger ?
  8. La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

I. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse

Dans l’Europe entière, le phénomène des violences sexuelles faites aux enfants est massif. Un adulte sur cinq aurait été victime de violences sexuelles pendant l’enfance, dont l’inceste, selon des études menées par le Conseil de l’Europe (voir campagne du Conseil de l’Europe lancé en 2010  « 1 sur 5 ») [1].

67 millions d’habitant en France, cela représenterait donc 20% de la population, soit plus de 13 millions d’habitants.

Selon la Fondation nationale solidarité femmes (FNSF), en France, ce sont 4 millions d’enfants estimés victimes de violences conjugales en 2014 [2].

Le rapport du 31 mars 2022 de la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants faisant l’analyse des 14.000 témoignages : « 8 sur 10 sont des victimes d’inceste et pour une victime d’inceste sur trois, c’est le père qui est l’agresseur. » Par extrapolation, rapportés aux chiffres du Conseil de l’Europe, sur 13 millions, 8/10e ferait monter le nombre de victimes sexuelles d’inceste dans l’enfance à plus de 10 millions dont un tiers, soit 3,5 millions d’enfants incestés par leur père.

Patric Jean confirme en 2019 ce chiffre dans son livre « La Loi des pères »[3]. Il indique que « 27% des personnes interrogées connaissent au moins une victime dans leur entourage et 6%  des personnes (10% de femmes) déclarent elles-mêmes avoir été victimes d’inceste. Ce qui représente 4 millions de personnes en France. » . Il indique également qu’« en 2006, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) confirmait les mêmes proportions avec une particularité que seuls 17% indiquaient ne pas connaitre leur agresseur, la majorité des cas se situe au sein des familles ou de l’entourage proche par des personnes connues. ».

En France, l’Association Protéger l’enfant indique que la dernière enquête de victimologie conduite par IPSOS en 2019, estime à 165.000 enfants victimes d’inceste par an, pour moins de 1000 condamnations. Pour les viols aggravés fait sur les enfants, il y a seulement 400 condamnations. Selon le docteur Emmanuel Piet, membre du Haut Conseil à l’Egalité, indique que « les viols sur mineurs sont probablement le crime le plus impuni qui soit ».

En 2015, l’étude « Impacts des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » indique que « Plus  les violences sont assorties de circonstances aggravantes (viol, inceste) et moins les victimes ont été protégées par la police, la justice ou leurs proches. Ainsi, 83% des victimes de viol et 88% des victimes d’agression sexuelle en situation d’inceste déclarent qu’elles n’ont pu bénéficier d’aucune protection. Et 56% des répondant-e-s rapportent n’avoir pu parler à personne de ce qu’ils ou elles subissaient au moment des violences»[4]

Dernier chiffre, une étude réalisée par l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise fait état dans son rapport que «14,5% des femmes et 6,4% des hommes de 18 ans et plus ont été sexuellement agressés pendant leur minorité, ce qui signifie que plus de 3.900.000 femmes et de 1.560.000 hommes, soit environ 5.500.000 personnes majeures vivant dans notre pays ont subi des agressions sexuelles pendant leur minorité».

Les sources citées font donc état de chiffres allant de 165.000 viols par an, à 4 millions, 5,5 millions d’enfants en cumulés, jusqu’à donc 10 millions de personnes ayant été victimes d’agression sexuelles dont la majorité relèvent de l’inceste (83%). Dans tous les cas, y compris les 165.000, c’est insupportable et surtout cela ne s’arrête pas.

Alors, pourquoi, les politiques et journalistes semblent souvent manquer de chiffres [5]?  Pourquoi tous les travaux produits par des instances sérieuses de tout type n’ont concrètement aucune conséquence sur les pratiques ? Pourquoi en matière de protection des enfants, les choses changent-elles si lentement ?

Plusieurs questions s’imposent aujourd’hui.

II. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.

Pourquoi l’inceste est-il resté tout ce temps un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrits dans la loi ?

L’inceste n’a intégré le code pénal qu’en 2016[6] en tant que qualification du viol dit « incestueux » lorsqu’il est perpétré par un ascendant. Il devient un crime à part entière seulement en 2018 et ce n’est qu’en avril 2021 que la présomption de non consentement pour les violences sexuelles faites sur des mineurs de moins de 15 ans est consacrée dans la loi. Elle est portée à 18 ans en cas d’inceste.

Le hiatus entre théorie et pratique s’explique historiquement, psychologiquement et institutionnellement. Finalement les raisons sont pourtant assez simples.

C’est d’abord psychiquement insoutenable, car inimaginable. Le tabou du viol intrafamilial sur les enfants (inceste) instaure par sa nature le silence. La famille est sensée être le lieu de la protection par définition. Ce silence empêche de le nommer, et ne pas nommer revient à indiquer au monde que cela ne peut pas exister, autorisant ainsi les agresseurs à continuer d’œuvrer en toute tranquillité (et selon des modèles qu’ils ont pu aussi connaître dans leur propre enfance), aucune désignation et donc aucune condamnation ne pouvant être formulée sur ce silence.

La société, en tant que groupe, ne peut donc pas reconnaitre ce crime et donc décide de ne pas le traiter[7]. Par ce silence, s’instaure une loyauté tacite de l’enfant envers ses parents et les adultes qui l’entourent qui permet de faire tenir la notion de famille. L’enfant évolue dans le cadre de repères dysfonctionnels qui affecteront sa vie.

C’est la même logique à l’œuvre en matière de « violence conjugale » soumise également à un autre tabou. La réalité de ces violences au sein des couples est un héritage séculaire de violences dites « ordinaires ». Elles sont la résultante du fait que l’« on apprend à intérioriser dès l’enfance la justification de la violence » selon les mots de Dorothée Dussy. La docteure Catherine Gueguen, dans son livre « Pour une enfance heureuse », décrit sur la base d’un travail scientifique, conduit avec une équipe de chercheurs en neurosciences, comment certaines parties du cerveau d’un enfant sont détruites lorsqu’il est soumis à de la maltraitance, y compris la maltraitance éducative ordinaire.

Alice Miller, chercheuse et psychanalyste  décrit très précisemment les processus à l’œuvre au sein du huis-clos des familles dans « La connaissance interdite – affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie ». Elle explique comment les parents, sous couvert d’éducation, perpétuent des abus dans le silence et l’isolement de la famille, sans que l’enfant puisse avoir un témoin « secourable » à qui il pourrait demander des explications sur ces « abus de pouvoir ». Notre prise de conscience collective, sociétale et individuelle sur ces violences a fait un bond en avant grâce à la paix instaurée en Europe depuis 70 ans. Les nouvelles connaissances en neuro-sciences ont permis de prouver qu’une éducation « positive », soit une éducation où le moteur ne serait plus celui de la violence, est possible et bénéfique pour tous, individuellement et collectivement.

Pour autant, la gageure est de taille car c’est tout un héritage séculaire qu’il faut remettre en question. Mais cela est possible. Carl Rogers et Marshall Rosenberg, fondateurs de la « communication non violente » ont permis, sur la base de l’observation et de l’écoute, de mettre en avant un autre type de relation basée sur l’empathie. Cette relation est basée sur la réapropriation par chacun de sa capacité à ressentir des émotions. Il ne s’agit pas de faire disparaitre la violence. En revanche, il s’agit d’avoir conscience de ses actes pour en prendre toute la responsabilité, pouvoir les nommer et donc les changer. Nous avons été élevés dans des croyances ayant donné lieu à des comportements acquis se basant sur la peur, l’obligation, le devoir, la punition, la récompense et la culpabilité. Ce sont ces croyances qu’il faut remplacer par d’autres, à savoir que l’entraide et la coopération sont beaucoup plus satisfaisantes et agréables que la violence.

L’éducation fondée sur la non-violence est aussi plus bénéfique sur du long terme. Des études ont été menées en 1983 par l’American Psychological Association, qui concluent selon A. Miller  à « une indiscutable correlation entre la détresse et les mauvais traitements subis par un individu dans son enfance et la violence dont il peut se rendre coupable par la suite »[8]. Nous avons désormais les outils pour faire différemment. Ils sont à disposition de ceux qui s’en saisissent individuellement. Or, ils ne sont pas collectivement utilisés et les individus qui y recourent, sont peu encouragés, peu aidés, peu reconnus.

Enfin, A. Miller attribue « l’ignorance d’une société aux statistiques de ces violences incontestables au fait que cela permet d’éviter la résurgence de souffrances refoulées dans le passé, et empêche ainsi que se dévoile la vérité ».

En effet, psychiquement pour les individus comme pour la société, ces violences sont impensables car inaceptables, donc impensées car la souffrance qu’elle provoque est insoutenable, et alors refoulée. Il faut énormement de courage et de stabilité pour se lancer dans la dénonciation de cette réalité qui touchent toutes les familles de près ou de plus loin. Et parfois, au-delà du courage, il faut avoir retrouvé la mémoire. La mémoire dite traumatique qui permet au psychisme d’un individu de surmonter la douleur, empêche souvent les personnes ayant été victimes de violences sexuelles simplement de se souvenir. Le traumatisme entraine un état de sidération tel, qu’il abouti à un phénomène de dissociation psychique faisant que l’individu ne s’appartient plus à lui-même et souvent se retrouve dans une incapacité d’agir, voire de vivre.

Pour comprendre l’impunité actuelle, Céline Piques [9]nous rappelle que « moins de 1% des violeurs mis en cause ont été condamnés en 2018 (1269 condamnation pour 94 000 femmes et 165 000 enfants qui s’en déclarent victimes). Le viol est bien un crime, mais impuni. »

III. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question

Ainsi, si la loi est bien l’expression de l’état d’une société, comment cela se fait-il qu’il y est aussi peu de condamnation ? Pourquoi l’impunité des agresseurs peut parfois apparaitre comme désespéremment organisée? La question de la volonté politique réelle doit être posée.

La spécificité du viol intrafamilial sur enfant, ou inceste, est qu’il ne faisait plus l’objet d’une interdiction légale en tant que telle depuis 1791. Or l’inceste était bien inscrit dans la loi sous l’Ancien régime accompagnée d’une présomption de non consentement pour tous les mineurs à l’époque de moins de 21 ans. Depuis 1792, avec le nouveau code pénal, il n’est plus nommé en tant que tel. Il ne le sera à nouveau qu’en 2018 (cf.. Emission France culture du 7 janvier 2021 « L’inceste au fil du droit : circonstance aggravante mais crime en soi »[10]). Jusqu’en 2018, lorsqu’il n’est pas purement nié, il est un viol comme les autres ; or ce n’est pas le cas dans une réalité constituée par un « rapport de force ou de domination ». La relation d’asymétrie et d’engagement à la protection que suppose la famille, socle institutionnel de base de nos sociétés, empêche de penser que cela est tout simplement possible et en réalité assez courant. D. Dussy parle de « viol d’opportunité » dans son ouvrage « Le berceau des dominations : anthropologie de l’inceste »[11].  

Patric Jean dans son livre « la Loi des Père », conclut qu’il s’agit d’un phénomène doublement caractérisé comme « phénomène de masse et invisibilisé. »  Il faut également souligner qu’il est systémique. Si 13 millions de personnes sont victimes, le nombre d’agresseurs ne doit pas être bien loin. Or, nos institutions semblent organisées pour le couvrir. Il est assez simple de comprendre pourquoi notre société est édifiée pour que cela continue. Il suffit en réalité de regarder en face à qui cela profite ? et le nombre de personnes qui en bénéficient. La chaine des bénéficiaires parle d’elle-même. Elle nous montre à quel point cela profite à une majorité de personnes, en situation de pouvoir ou de privilèges, par l’intérêt qu’elle tire des conséquences de ce fléau.

Alors si Céline Piques indique dans son livre « Déviriliser le monde »[12] que « l’égalité est une pratique. C’est une action. C’est une manière de vivre. C’est une pratique sociale. C’est une pratique économique. C’est une pratique sexuelle. Elle ne peut pas exister dans le vide ».

La Justice est aussi une pratique, une action, sociale et économique, et ne peut pas non plus exister dans le vide.

En matière de justice, Céline Piques, reprenant les chiffres du ministre de l’Egalité entre les hommes et les femmes de 2020[13], écrit que « les viols et agressions sexuelles sont les crimes et délits les plus instruits dans les tribunaux d’assises et correctionnels, mais aussi les moins dénoncés et les moins condamnés. »

Le constat est là. Les enfants ne sont pas protégés ; ils ne sont pas entendus, ou entendus puis muselés. Les adultes protecteurs qui ont décidé d’agir le seront également. Pour cela, les mères le plus souvent qui dénoncent finissent par être accusées, conduisant à une inversion de la responsabilité. De même, les médecins qui dénoncent se voient sanctionnés disciplinairement jusqu’à aller à la suspension de leur activité.

En effet, la principale victime colatérale de la dénonciation est la maman : pour mémoire, « pour près d’1 victime d’inceste sur 3, l’agresseur est le père », selon le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites sur les enfants (CIVIISE)[14]. Les autres agresseurs sont d’autres parents comme le frère, l’oncle, le grand-père, le cousin etc. Or, beaucoup de ces mamans sont accusées de syndrôme d’aliénation parentale de manière abusive. L’intérêt est de permettre l’inversion de la responsabilité en cas de dénonciation de violences et en particulier d’inceste.

L’illustration la plus criante de ces abus aujourd’hui est le nombre de condamnations de mères sur la base de rapports effectués par le docteur Bensussan. Une action en justice vient d’être intentée le 8 avril 2022[15] par quatre structures spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles Cette action se base sur l’absence de fondement scientifique de cette notion ainsi qu’une pratique déviante du praticien sur cette base. Le ministère de la Justice s’est pourtant engagé dans son 5e plan de  « Lutte contre toutes les violences faites aux femmes (article 58)[16], à assurer une diffusion au sein des instances judicaires une information propre à proscrire ce concept. Il faut rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[17] a elle-même procédé au retrait de cette notion pour le même motif d’absence de base scientifique.

Quant aux médecins ayant signalé des violences sur enfants, ils font l’objet de sanctions disciplinaires suite à la plainte auprès de l’ordre des médecins, portée par le parent accusé de violences sur l’enfant. Soignants et éducateurs sont en première ligne pour témoigner des faits et pourtant moins de 5% des informations préoccupantes transmises au Parquet émanent de médecins. Récemment une pédopsychiatre s’est vue condamnée à deux reprises  par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pour « immixion dans les affaires de famille » après qu’elle a signalé des cas de violences sur mineurs. (exemples des Docteurs Izard et Fericelli[18] ). Pourquoi le Conseil National de l‘Ordre des Médecins ne soutient-il pas davantage les médecins qui dénoncent ces crimes[19] ?

IV. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.

Voici donc comment cette impunité est organisée de manière systémique et structurelle au sein des six institutions fondatrices de notre République que sont la police, la justice, la fonction publique, l’armée,  la médecine, l’Eglise et enfin la famille. Une méthode, un moyen puissant : le secret. L’institutionnalisation du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle. Que permet donc le secret en matière d’inceste ?

Pour la victime : le secret maintient la confusion mentale, détruit les repères internes jusqu’à leur perte totale, instaure la peur et l’incompréhension. Cela permet de rester sans force car faible et brisé devant l’incohérence entre les actes et les paroles de l’adulte agresseur, le visible et l’invisible. Or, sans force, l’isolement et le mutisme perdurent. Se taire n’est pas une option, c’est une fatalité. La mémoire traumatique – perte de mémoire transitoire qui peut durer pendant 40, 50, 60 ans, en tant que mécanique de survie devant l’indicible et la blessure, renforce le maintien du silence des mots alors que les maux du corps et de l’âme prolifèrent, les symptômes continuent. Pire : lorsque l’enfant ou l’adulte protecteur tentent de sortir du secret en osant parler, ils sont immediatement réduits au silence. Ils le sont par peur des représailles, par peur des conséquences de l’atteinte à la loyauté familiale, ou par peur tout simplement de ne pas être crus.

Parler, engendre alors une série de violences supplémentaires qui s’ajoutent à la violence du traumatisme dont la dépossession de la victime de ce qu’elle a vécu. Cette dépossession engage durablement le processus de confiance en soi et en les autres. Le traumatisme est là. A vie.

Muriel Salmona, indique dans un article publié en 2018 que certains auteurs avancent que la violence subie dans l’enfance, au sens large, est la première cause de mortalité précoce et de morbidité à l’âge adulte[20].

Pour l’agresseur : le secret permet de garder le contrôle, d’entretenir son sentiment de toute puissance par l’impunité, de jouissance illimitée à défier la société par le déni de ses interdits. La conservation du pouvoir de dominer devient aussi la garantie de son impunité. Le secret est donc la condition pour que l’inceste continue. La domination est devenue à la fois la cause et, par son maintien, la conséquence de l’inceste afin qu’il puisse rester impuni. Cette domination de l’adulte sur l’enfant est d’autant plus puissante que la vie de l’enfant dépend de cet adulte  censé l’aimer, le protéger et respecter son intégrité physique et psychique. La loyauté tacite envers la famille joue aussi pour l’agresseur. Celle-ci lui enjoint le maintien du secret pour ne pas abimer l’image sociale de cette dernière. La puissance du tabou est agissante ordonnant tacitement le secret.

La pratique de la justice, malgré elle certainement, telle qu’elle est exercée permet à l’agresseur, en toute impunité de ne pas respecter la loi : l’injonction au silence faite par l’agresseur à l’enfant brisé se heurte à la difficulté de la preuve à apporter, par nature impossible dans une relation asymétrique de domination.

Mais revenons au secret. C’est lui qui permet que la violence perdure.

Le secret est organisé pour être pratiqué au quotidien au sein de nos institutions sociales et institutionnelles. Sous couvert de protection, il permet surtout la perpétuation de la violence à partir de l’organisation de cette dernière. Le secret est au cœur des institutions ayant à traiter la question des violences et de l’inceste.

Le secret, imposant le silence, assure la protection « préventive » des agresseurs déjà couverts par « la présomption d’innocence » au lieu de « présomption de culpabilité » qui pourrait être aménagée, encadrée, assumée pour des crimes ou délits commis sur des enfants. En France, c’est ainsi.

Mais il pourrait en être autrement très simplement comme par exemple changer notre système de valeurs mettant au centre l’enfant. Il suffit de parirt du simple constat objectif qu’un enfant n’a pas les mêmes moyens qu’un adulte à sa disposition pour assurer sa propre protection à commencer par la parole. Ainsi, au lieu de « presomption d’innocence », ou de « culpabilité » toutes deux centrées sur la personne de l’agresseur présumé, nous pourrions simplement penser notre Justice autour de la « présomption d’innocence de l’enfant » en consacrant légalement ou même simplement dans la pratique des juges « la présomption de protection pour l’enfant ». Il faut insister ici qu’un simple changement dans la pratique des juges, demande t aucun changement législtatif. Il est donc possible d’ores et déjà culturellement et socialement de changer les habitudes des juges pour cette culture de la protection de l’enfant advienne, et cela dès aujourd’hui, dès demain.

La culture de la protection des violeurs est en vigueur de fait. Comment se fait-il qu’une société ne voie pas l’abus de pouvoir de la justice lorsqu’elle applique ce principe de droit générique qu’est la « présomption d’innocence » , garant d’une certaine vision légitime des rapports entre êtres humains, dans le cas d’une relation qui par nature est déséquilibrée, abusive, et en particulier lorsqu’un crime ou délit met en cause l’intégrité d’un enfant ? Il s’agit donc d’un choix de société que de créer une vraie culture de la protection en appliquant un principe certes utile en droit, mais qui ne tient pas compte une fois encore de la réalité, à savoir que dans le cas d’une relation de « domination », ce principe joue en faveur du dominant agresseur et en défaveur du dominé victime. Rien n’empêche par la suite de prévoir des dispositifs de prises en compte plus satisfaisants pour que les mis en cause ne le restent pas plus longtemps que nécessaire suite à la décision de justice.

Desmond Tutu disait qu’ « En cas d’oppression, la neutralité veut dire être du côté de l’oppresseur ». Edouard Durand a décliné une version de cette neutralité en matière d’inceste : « La loi n’est pas neutre : entre le loup et l’agneau, être neutre c’est être du côté du loup ».

V. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?

Le secret est donc le moyen le plus efficace pour continuer à faire exister des institutions qui abusent tout simplement de leur pouvoir,  ne pas vouloir voir, prouve que le problème est bien systémique pour ne pas dire institutionnalisé. Dans le désordre, les sept structures institutionnelles précitées sont organisées autour du secret de la manière suivante :

La police d’abord est régie par le « secret de l’enquête », qui fait que même lorsqu’il y a des accusations au dossier, les parties ne peuvent pas avoir connaissance des éléments. Soit. Il faut bien du temps et de la tranquillité lorsque les valeurs humaines sont touchées de plein fouet pour mener à bien les investigations. Le secret peut être compréhensible.

Les banques sont aussi régies par le « secret bancaire ». Les relations sociales qui se tissent autour de cette institution s’organisent aussi par rapport à ce principe qui, sous couvert de « protection », permet évidemment d’entretenir les abus de pouvoir alors cachés au yeux de tous. La question du « à qui cela profite ? » peut être simplement poser ici.

L’armée est aussi appelée « la Grande Muette », et pour cause. L’ordre public a été instauré au prix du silence de ses serviteurs. En effet, sous la IIIème République, les militaires étaient privés de leurs droits civiques pour éviter toute contestation. Le silence et le secret sont encore de mise même si leurs droits ont été rétablis en 1945. Même si les choses ont évolué, le rapport au silence et au secret est encore au cœur des traditions de l’armée. Il s’agit donc d’une institution de plus façonnée par ce principe.

La Justice est régie par le principe de la publicité des débats contenu à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et dans les codes de procédures Français, mais ils souffrent de nombreuses exceptions. Un des motifs par exemple précise notamment « s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice », selon l’ art. 435 du Code de procédure civile. La loi de novembre 1982 relative à « l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » envisage expréssement les débats à huis-clos. Le secret garantit dans ce cas que les rapports de domination soient soigneusement cachés.

Il faudrait pouvoir regarder en pratique les choix fait en matière de procès pour inceste. Ceci étant, d’un point de vue systémique, il est intéressant de noter également qu’il existe depuis la loi du 9 mars 2004, une procédure du « plaider-coupable » avec l’introduction de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cette procédure instaure le huis-clos comme première phase obligatoire entre l’agresseur et le procureur de la République, sans la victime. Le secret est encore au cœur du processus.  

La fonction publique, de manière générale, obéit à ce que l’on appelle « le devoir de réserve ». La culture du secret est un des éléments fondateurs des devoirs d’un fonctionnaire. Il s’agit d’une pratique généralisée de la « discrétion professionnelle ». Les fonctionnaires doivent se soumettre à cette obligation qui a donné lieu une construction jurisprudentielle qui varie en fonction de la position du fonctionnaire dans la hiérarchie. Plus il est haut placé dans la fonction publique d’Etat et donc proche de l’exécution de la politique gouvernementale, plus l’exigence est forte vis-à-vis de l’exercice de cette obligation. Un fonctionnaire ayant un mandat local ou syndical dispose d’une plus grande liberté d’expression. Toujours est-il que la « discrétion » n’est jamais très loin, en terme de culture, de celle du « secret ». La culture du secret irradie donc par définition tout l’appareil d’Etat porté par les fonctionnaires.

Les médecins adhèrent de leur côté au serment d’Hippocrate qui, en conscience, propose de garder le silence et d’observer. Cela s’appelle aujourd’hui « le secret médical ». Le secret professionnel n’a pas toujours eu force de loi. Il a été introduit pour la première fois en 1810 en matière médicale[21]. Aujourd’hui, il figure à l’article 226-13 et 226-14 du Code pénal qui consacre le « secret professionnel » pour toutes les professions.  

Or, un autre principe vient percuter ce dernier en cas de crime et de délit commis sur une autre personne et à plus forte raison sur un enfant : « le principe de non-assistance à personne en danger ». Il figure dans le Code de la santé publique (article R.4127-9) : « Tout médecin, qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

Au-delà de la controverse théorique légale entre ces deux principes, la pratique est beaucoup plus parlante. Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violence sexuelles faites aux enfants (Ciivise) , seuls 5% des viols constatés sur enfants sont signalés par des médecins (cf. chiffres Hautre autorité de santé[22]). Outre cette faible part de signalements, nombre de medecins ayant signalé des enfants victimes de violences sexuelles ont été suspendus par l’Ordre des médecins. En mars 2022, la docteure Eugénie Izard, pédopsychiatre, a été condamnée à trois mois d’interdiction d’exercice de la médecine pour avoir signalé des violences sexuelles sur un enfant. La docteure Françoise Fericelli, également pédopsychiatre, a été suspendue deux fois au motif « d’immixion dans les affaires de famille » (émission sur France culture du 24 janvier 2022 «enfants maltraités : les pédopsys sous pression »[23]).

Toujours en pratique, suite au rapport de la CIVIISE du 31 mars 2022, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’est dit « pas favorable » à une « obligation de signalement » concernant les médecins qui soupçonneraient les violences sexuelles chez un enfant. Cette position fait une distinction entre signalement et protection  : « Il n’y a pas d’obligation de signalement, mais nous sommes tenus à une obligation de protection. Quand un médecin est sûr qu’il y a des violences sexuelles, il se doit de faire un signalement au procureur de la République. Quand il a des soupçons, il peut faire une information préoccupante auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger. En revanche, il ne peut venir en aide à la mère de l’enfant (si le père est en cause) ou signaler ces soupçons au juge des enfants. C’est la loi« , précise la vice-présidente Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi[24]. Cette position donne à voir les réticences à permettre la circulation fluide d’informations vis-à-vis du juge pour enfants.

Une fois encore, à quoi ou à qui cela peut servir ?

Selon un pédopsychiatre qui a souhaité garger l’anonymat, la culture du viol est historiquement ancrée au sein des études médicales. Il en reste quelques reliquats sous forme de bizutage[25] dont on ne perçoit que la partie émergée, marquée par des excès de consommation d’alcool et des chansons paillardes glorifiant le viol[26], sous les regards grivois des fresques obcènes des salles de garde.

Dans le domaine médical, une enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (l’ANEMEF), publiée le 18 mars 2021, a montré qu’un tiers des étudiants en médecine aurait été victimes de harcèlements sexistes ou sexuels lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac. A l’université, 93% des agressions sexuelles sont perpétrées par des étudiants. En stage, au sein des hôpitaux, neuf actes sur dix sont perpétrés par un supérieur hiérarchique. Enfin, moins d’une agression sexuelle sur cinq serait signalée.

Alors première hypothèse d’explication systémique : si cette culture du viol est aussi massivement répandue pendant toute la période d’études des futurs médecins, cela explique non seulement le faible taux de signalements par les médecins par rapport aux autres professionnels (5%) et, dans le même temps, interroge aussi directement les pratiques des dits médecins une fois en fonction.

Même si l’Eglise fait figure de précurseur dans sa dénonciation des violences sexuelles sur les enfants en son sein, c’est bien un fléau qui est mis au jour par l’INSERM. Depuis 2018, l’installation de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) montre une volonté de donner à voir l’étendue des violences sexuelles depuis 1950. A sa tête, Jean-Marc Sauvé a conduit la rédaction d’un rapport publié le 5 octobre 2021[27] qui a montré pour la première fois que « le secret de la confession ne pouvait pas permettre de déroger à l’obligation prévue par le code pénal de signalement en cas de violences sexuelles  sur un mineur ou une personne vulnérable ». De manière structurelle et systémique, le prêtre chaque dimanche répète : « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise. » Tout montre ici la déresponsabilisation des membres de cette institution, qui entendent tous les dimanches que personne ne va regarder leurs exactions, mais juste leur bonne intention. Le secret passe aussi par le fait de ne pas voir, tout à fait consciemment en l’espèce.

Toujours dans ce même rapport Sauvé, « La culture du secret, du silence et de la solidarité » au sein de l’Eglise a permis que de nombreuses exactions soient sciemment couvertes au nom du secret de la confession.

Enfin, la famille, comme institution, fonctionne comme un groupe social « primaire ». C’est en son sein que s’apprennent les codes sociaux les plus élémentaires, les valeurs et les normes qui aideront ensuite l’enfant à développer des relations sociales. Sans aller beaucoup plus loin, l’inceste comme les violences conjugales sont des violences caractérisées car elles sont cachées, dans le secret des familles. Le secret est dans les deux cas institués de fait par le tabou de ces violences. La famille étant le lieu qui, par sa fonction, doit apporter « protection », la violence en son sein est inimaginable. Ce sont donc bien les tabous de la violence et en particulier de l’inceste qui instaurent la culture du secret. La banalité de cette culture introjectée et admise inconsciemment et collectivement par tous s’illustre tout simplement par l’expression « secrets de famille ».

Or, ces violences introduisent de facto une distorsion immense pour les enfants victimes de violences conjugales et plus encore d’inceste. La dissonance entre paroles et actes apprend à l’enfant à évoluer de manière dysfonctionnelle dans l’apprentissage du lien à l’autre et, de manière générale, aura des répercussions sur sa vie. Sa socialisation sera impactée de plein fouet. C’est pourquoi, l’inceste, comme les violences conjugales, est d’abord et avant tout un fléau qui touche toute la société. Il est une atteinte à ses valeurs  les plus fondamentales déclarées comme telles, dont celle de la protection des uns par les autres, et en particulier des enfants par les adultes. La protection attendue ne peut commencer que par l’écoute et l’accueil respecteuse de la parole quels que soient l’âge et le niveau de moyens d’expression.

Une dernière question – encore plus simple – pourrait être posée à chacun : en quoi le secret pourrait réellement aider à protéger la personne qui se confie lorsqu’elle subie des violences ? Cela ressemble fort à un non-sens. Cela ne sert que les agresseurs et/ou les personnes et institutions dont le rôle est de garantir le maintien de l’ordre public et la protection effective que tout un chacun attend de la société à laquelle il appartient, a fortiori au pays de la Déclaration des droits de la Personne (de l’Homme). Lever ce secret revient à dévoiler au grand jour des défaillances, des manquements volontaires ou non, jusqu’à des volontés de nuire.

Notre société est aujourd’hui face à de vrais choix sur comment vivre ensemble. La levée de tous les secrets en est un. Apparement plus loin du sujet qui nous occupe, le « secret bancaire » est aussi au nombre des secrets qui structurent les rapports sociaux. Sans rentrer dans ce sujet, il participe avec tous les autres secrets d’une culture de l’opacité dont l’intêrét profite souvent aux plus aisés, donc à ceux qui ont les moyens de dominer.

Le juge Edouard Durand appelle de ses vœux une société qui endosse la culture de la protection[28] et il a raison. Mais cela ne pourra pas se faire sans la levée du secret, de tous les secrets, à tous les niveaux tant qu’il profite potentiellement à l’agresseur.  

VI. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret

Une nouvelle organisation est possible mais pour cela il faut également s’attaquer à tous les mécanismes connexes au secret également institutionnalisés qui permettent la complicité active ou passive, volontaire ou contrainte, consciente ou non, de l’entourage et des institutions elles-mêmes.

La justice s’appuie sur la notion de « prescriptibilité des peines » interdisant l’imprescriptibilité. Ceci en regard d’une croyance qui vise à préserver le « droit à l’oubli » pour l’agresseur. Or, ce faisant, la société indique que le droit à l’oubli pour l’agresseur est plus important que le droit à la justice pour une victime dont la mémoire lui aurait fait défaut pendant plus de 30/40 ans[29] (la mémoire traumatique occulte les violences, ce qui permet à la personne de continuer à « vivre » ou « survivre » malgré le trauma) . Ce choix est un vrai choix de société sans compter sur l’effet dissuasif pour les agresseurs de l’imprescriptibilité qui permettrait, pour des enfants, de rétablir une sorte d’équilibre dans l’atteinte à leur intégrité et à leur vie à un moment ou le rapport de domination joue en leur défaveur. Ceci mérite d’être a minima posé dans le débat même si ici il n’est pas questin de viser le « tout sanction » bien au contraire. L’objectif est d’aboutir à ce que la vie prenne le pas sur la violence au sein de nos institutions et c’est en ce sens qu’une proposition pourra être faite.

La présomption d’innocence versus le principe de non-assistance à personne en danger a été exposée plus haut. Comme autre mécanisme visant à maintenir l’impunité, ou la banalisation de cette violence, c’est la pratique des tribunaux les conduisant à une déqualification matérielles des faits de crime en délit. Le motif généralement invoqué est celui de l’engorgement des tribunaux d’assises : or cela prive clairement les victimes d’une reconnaissance des violences subies à la hauteur de ce qu’elles sont à condition de vouloir une vraie société du soin et de la protection. Un rappel des chiffres de 2020 donnés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)[30] :  « Le nombre moyen de procureurs pour 100.000 habitants est quatre fois inférieur en France à la moyenne constatée au sein des 47 Etats du Conseil de l’Europe » et le nombre de juges est environ deux fois moins important que la médiane : 10,9 pour 100.000 habitants en France avec pour médiane 21,4. Il  y a un vrai manque de moyens en France.

S’il y a condamnation, le coupable purgera une peine qui le désignera à son tour comme seul responsable, sans inclure la responsabilité systémique de la société qui a « permis » ce crime. La société punit et se dédouane de sa part de responsabilité. Le coupable pourra avoir la tentation de se sentir à son tour « victime », et l’enfant victime n’aura pas l’occasion d’entendre les causes profondes qui ont engendrées le passage à l’acte de son agresseur. La justice est passée mais la réparation ne s’est pas opérée. C‘est ici que la question d’une Justice alternative qui offre à la victime d’être pleinement entendue et à l’agresseur de mesurer les conséquences de ses actes doit se poser.

L’Eglise s’appuie sur le pardon qui agit comme une absolution sans générer de prise en charge collective, ni de réflexion sur les causes, ou d’éradication du fléau. Cela reste une démarche individuelle. Le secret sera préservé.  

Une grande partie du milieu médical, pour ne pas voir les causes des violences et ne pas traiter la question à la hauteur de la gravité de ces violences, s’appuie sur le concept de résilience. Ce concept a permis de mettre un mot sur un mécanisme qui permet aux victimes d’entrevoir la possibilité de se reconstruire. Le processus permet de se dire victime, de se le dire à soi-même, de l’accepter pour ensuite le dépasser. Malgré tous les bénéfices de la description de la resilience, il est important de remarquer que les personnes qui l’utilisent, la promeuvent, ou en vivent professionnellement, ne relèvent jamais explicitement les causes des  maux ou les traumas qui en sont l’origine.

Ce qui est ici interrogé est de savoir pourquoi une grande partie du milieu médical met en place tout un système de discours et de parcours autour de la résilience de manière déconnectée des causes des traumatismes des personnes concernées. Au lieu de résoudre les problèmes à la racine et de se demander pourquoi les enfants, les adolescents ou les adultes souffrent, on leur apprend à faire face. Le secret peut se maintenir en l’état. La résilience prise sans la mise en lumière des causes du trauma est un outil instrumentalisé pour que le secret puisse perdurer.

Enfin dans la famille, c’est le mythe de l’amour inconditionnel qui opère comme un mécanisme de renforcement du secret. En effet,  il n’est pas concevable qu’il puisse y avoir autre chose que de l’amour dans cette cellule de base de notre société. Or, c’est la force de cette croyance qui ne permet pas que l’idée de la violence, et encore plus quand elle est cachée, pour toutes les raisons évoquées ci-avant, puisse être envisagée. D’ailleurs, Alice Miller dans son livre « La connaissance interdite » met en avant les mécanismes et croyances autour de la famille qui empêchent que la question des violences soient vraiment considérées très sérieusement.

Nommer ces violences risquent de faire exploser la famille au sens large et représentent un coût exorbitant avec de nombreuses conséquences allant de l’atteinte à l’image sociale, à la précarité du logement, précarité financière et à la peur de l’exclusion du groupe social. La peur de l’abandon est aussi un des moteurs les plus forts pour les enfants comme pour les parents protecteurs qui les empêchent de dire : que vais-je devenir si je suis mis au ban de la famille ou si je mets un référent au ban de la famille ? Les tensions sont trop fortes pour permettre de briser le secret.

En conclusion, que se passe-t-il quand un enfant parle et /ou qu’un adulte protecteur dénonce les faits de violences intrafamiliales et de l’inceste en particulier ? Ils enfreignent la loi du secret, la loi de tous les secrets liés au tabou de ces violences intrafamiliales dont l’inceste. C’est un peu comme si le fait de désigner, de dire, de nommer ces violences constituait finalement l’infraction « de violation des secrets » car elle bouscule les équilibres institutionnels tacites, existants au profit des agresseurs et couvrant les responsabilités de l’ensemble des institutions composant notre société. Briser le silence revient à remettre l’ensemble de la société face à ses valeurs, à ses croyances jusqu’à son organisation institutionnelle en faveur ou non d’une culture réelle de la protection.

Pour mémoire, les principaux chiffres ont les suivants :

  •  225.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du couple par an[31] ;
  • 165.000 enfants victimes de violences par an estimés selon l’enquête IPSOS[32] de 2019 ;
  • 80% des violences sexuelles sont des violences intrafamiliales ;
  • 95% des agresseurs pour violences sexuelles et incestes sont des hommes ;
  • 1 inceste sur 3 est perpétré par le père selon le rapport de la CIVIISE ;
  • 400.000 enfants sont victimes de violences intrafamiliales, pour seulement 1.480 condamnations et à peine 58 retraits d’autorité parentale selon le livre blanc des « enfants exposés aux violences conjugales »[33] de février 2022 remis au gouvernement par la députée de l’Eure, Marie Tamarelle-Verhaeghe

VII. Qui voulons-nous vraiment protéger ?

Le juge Edouard Durand a posé le constat dans le livre blanc précité de manière très claire sur l’inceste : Qui voulons-nous protéger ? L’inceste est :

  • « Un crime contre l’Humanité du sujet ;
  • Un vol et une atteinte d’une violence extrême de l’intégrité, de la dignité et de la liberté de la personne ;
  • Une perversion du besoin affectif et de sécurité de l’enfant, dans une asymétrie qui agresse l’enfant victime ;
  • Une trahison par la jouissance contrainte du corps de l’enfant, une rupture de la relation et une destruction du langage ;
  • Une manipulation car l’enfant est tenu par l’interdication de parler pour que l’impunité de l’agresseur soit assurée ; Il est isolé et enfermé ;
  • Une œuvre de mort tout au long de sa vie : souffrance somatiques, psychiques psychotraumatiques, attaque de l’estime de soi, de la vie affectives et sexuelles, de la confiance dans l’autre et dans la société ;
  • Un problème politique faisant de l’inceste un problème de sécurité publique et de santé publique.

VIII.  La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

La réponse est que nous voulons protéger les enfants, futurs adultes et citoyens.

Nous voulons aussi que notre société fasse que la famille soit vraiment le lieu de la vraie protection.

Au vu de l’ampleur du phénomène, il sera impossible de judiciariser le règlement de tous les crimes et délits intrafamiliaux. Au regard du nombre de personnes concernées, la mise en œuvre matérielle de la fin des violences intrafamiliales est socialement impossible pour des raisons financières, psychologiques et culturelles (Cf.la loi des Pères de Patric Jean[34]). Il faut également penser sur le long terme, penser l’« après » qui prendrait en compte la question de rendre possible la fin de l’inceste, tout simplement son éradication en tant que fléau de masse.

Nous ne pourrons pas utiliser notre justice pour traiter les 165.000 cas par an, ni les 4 millions, 5,5 millions voir 10 millions de cas. Les coûts culturel, psychique, financier et donc social sont exhorbitants.

Plusieurs guerres civiles, fratricides et sororicides, ont permis de penser à l’après : s’il a été possible de mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud grâce aux Commissions Vérité et réconciliation, si le Rwanda a réussi à dépasser un génocide ayant fait plus de 800.000 morts en quatre mois grâce à des instances de Justice « transitionnelle »[35], nous savons d’ores et déjà que nous avons des outils à notre disposition pour envisager l’éradication d’un fléau qui attaquent nos relations au sein de nos familles et notre communauté humaine. Beaucoup d’autres pays notamment en Amérique latine ou d’Afrique ont expérimenté des modes d’organisation tournés vers l’éradication et la prévention à venir des violences. Le fondement est l’envie profonde d’une reconstruction d’un lien social et d’une capacité à vivre ensemble pour que les horreurs perpétrées ne puissent plus jamais recommencer.

Il suffit simplement d’en faire le choix, reconnaissant que l’inceste et toutes les violences sexuelles sur mineurs sont des crimes d’ampleur intra-sociétaux, leur prévention et éradication doivent être pour tous une priorité. La fin du secret, doit être enfin pensée.

Nous sommes prêts. Des solutions sont prêtes.

Et la plus simple est sous nos yeux : Il suffit  qu’en matière de relations intrafamilliales,  ou relations par nature asymétriques entre un enfant et un adulte, que le principe de « présomption d’innocence » ne soit plus compris comme étant au profit de l’agresseur, mais bien comme celle de la protection de l’enfant. Devant l’évidence, cette inversion de la responsabilité doit cesser non seulement en droit français mais aussi dans tous les esprits pour une société d’humanité.

Edith A., Juriste.


Relecteurs et contributeurs tous précieux,  de tous horizons familiaux, sociaux et professionnels confondus (journaliste, pédiatre en CHU, psychologue, gémologue, fonctionnaire cour des comptes, fonctionnaire ministère du travail, emploi et solidarités, lobbyiste européenne, juriste, professeure, enseignante, éducatrice spécialisée, directrice de théatre…) :

  • Hélène R.
  • Bénédicte L.
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  • Maïna
  • Maylis B.
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  • Anthony B.
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  • Bruno C.

APPEL A ACTIONS DANS LE TEMPS : Pour tous les professionnels (médecins, psychologues, psychiatres, éducateurs, avocats, magistrats etc…) et/ou citoyens qui souhaitent participer activement à ce changement de société, vous pouvez écrire aux deux adresses suivantes pour plus d’informations :

Vous trouverez ici notre Manifeste.


[1] A noter : le journal Libération (article de Jacques Pezet Novembre 2021)-a vérifié les données mises en avant par Karl Zéro dans son manifeste « 1/5 » directement auprès du Conseil de l’Europe. Ces données sont une compilation d’analyses et d’études nationales diverses. Les taux de prévalence peuvent donc varier d’un pays à l’autre.

https://www.liberation.fr/checknews/dou-vient-lestimation-selon-laquelle-un-enfant-sur-cinq-a-ete-victime-de-violences-sexuelles-20211109_S633ZAV6ZJEGXNR3RGX4GI7RF4

[2] Chantal Zaouche Gaudron, dans Exposés aux violences conjugales, les enfants de l’oubli (2016), pages 15 à 18. Severac N. Les enfants exposés à la violence conjugale. Recherches et pratiques. ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger). 2012.

[3] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[4] https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/memoire-traumatiquevictimologie_impact_violences_sexuelles.pdf (p.279)

[5] Encore des chiffres de 2018 –  https://www.cairn.info/revue-rhizome-2018-3-page-4.htm

[6] Loi  n°2016-297 du 14 mars 016 relative à la protection de l’enfant (cf.https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032205423)

[7] Dorothée Dussy, le Berceau des dominations, 2013, ed. La Discussion

[8]  Alice Miller, «La connaissance interdite. Affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie », ed. Flammarion 1980.

[9] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[10] https://www.franceculture.fr/droit-justice/linceste-au-fil-du-droit-circonstance-aggravante-mais-pas-crime-en-soi

[11] « Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste », Dorothée DUSSY, ed. La Discussion, 2013

[12] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[13] Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°16, novembre 2020

[14] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/

[15] https://www.cdpenfance.fr/communique-de-cdp-enfance/) et (https://www.mediapart.fr/journal/france/080422/violences-intrafamiliales-quatre-associations-a

[16] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/5e-plan-de-lutte-contre-toutes-les-violences-faites-aux-femmes.pdf

[17] https://www.scienceshumaines.com/syndrome-d-alienation-parentale-trente-ans-de-controverses_fr_41770.html ; https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/inceste-en-finir-avec-le-mythe-du-syndrome-d-alienation-parentale

[18] https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html

[19]( https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html)

[20] Felitti, V. J., Anda, R. F., Nordenberg, D., Williamson, D. F., Spitz, A. M., Edwards, V., et al. (1998). The relationship of adult health status to childhood abuse and household dysfunction. American Journal of Preventive Medicine, 14, 245-58. Dans l’article de Muriel Salmona paru dans Rhizome 2018/3-4 (N°69-70), p.4 à 6. « Les traumas des enfants victimes de violences : un problème de santé publique majeur »,

[21] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2012-11/specialmedecin_secretmedical_web.pdf, p.5/32

[22] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : (https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/)

https://www.liberation.fr/societe/police-justice/inceste-lordre-des-medecins-pas-favorable-a-une-obligation-de-signalement-des-medecins-20220331_HDEF4Y25EZHELBQF5QFYQF4P7Y/

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.htm

[23] https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/enfants-maltraites-les-pedopsys-sous-pression

[24] https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.html

[25] https://www.20minutes.fr/societe/3108235-20210824-nord-combat-pere-contre-bizutage-apres-mort-fils

[26] http://www.chansons-paillardes.net/chansons_paillardes/Breviaire-paillardes/Les_Paroles/DigueDuCul.html

(La digue du cul je rencontre une belle(bis), Qui dormait le cul nu la digue la digue, La digue du cul je bande mon arbalète (bis), Et lui fous droit dans l’cul la digue la digue)

[27] Rapport du 5 octobre 2021,  de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. (https://www.ciase.fr/rapport-final/)

[28] https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/03/edouard-durand-la-parole-des-victimes-sera-la-base-de-nos-travaux_6093274_3224.html

[29] Muriel Salmona, 2028, « chapitre 7 : Amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ? » dans Victimologie de Carole Damiani et Roland Coutanceau.  https://www.cairn.info/victimologie–9782100784660-page-71.htm

[30] Conseil de l’Europe Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), 8ème rapport « Systèmes judiciaires européens – Rapport d’évaluation de la CEPEJ – Cycle d’évaluation 2020 (données 2018) ». https://www.coe.int/fr/web/cepej/home/-/asset_publisher/CO8SnxIjXPeD/content/the-cepej-report-containing-the-figures-on-the-efficiency-of-the-functioning-of-judicial-systems-in-europe-has-been-published?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fcepej%2Fhome%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_CO8SnxIjXPeD%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D9

[31] Chiffres du Ministère de l’intérieur de novembre 2021. 

https://mobile.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-infos-pratiques/2022-Infos-pratiques/Signalement-des-violences-sexuelles-et-sexistes/Violences-sexuelles-et-sexistes-les-chiffres-cles

[32] https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-06/2019-rapport_d_enquete_ipsos-web.pdf

[33] https://www.enfantsetviolencesconjugales.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livre-blanc-Enfants-exposes-aux-violences-conjugales.pdf

[34] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[35] ATTENTION : Il ne s’agit pas de Justice restaurative, où la victime se retrouverait en face de son agresseur pour envisager une réparation. Cela est à proscrire car dévastateur pour la victime. Aucune justice ne pourra réparer le traumatisme lié à la violence  faite sur les enfants et encore moins lorsqu’il s’agit d’inceste. Il s’agit d’un autre modèle de Justice qui doit être proposé pour que les violences cessent définitivement. Une Justice collective, une société qui dit ce qui est, pour que cela s’arrête. Une société qui décide vraiment de protéger les enfants.  La Cour d’Assise est le seul endroit aujourd’hui où les victimes peuvent être entendues mais au regard du fléau que représente les violences sur les enfants dont les violences sexuelles avec au premier chef, l’inceste, notre modèle de société ne permet pas que tous les cas y soient traités. Pour preuve, la correctionnalisation des viols sur enfants (et en général) fait partie de la stratégie de nos institutions judiciaires pour qu’un refus réel des violences sur les enfants puisse être considéré comme sérieux. Notre société autorise donc toujours, y compris institutionnellement les viols sur enfants. (cf.

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf: .

« La correctionnalisation des viols (40% des agressions sexuelles jugées au Tribunal Correctionnel sont en fait des
viols) aboutit à des condamnations avec des peines souvent peu importantes, avec du sursis, et des réparations souvent minimes (Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny) »

Témoignage de Tamara, maman en cavale depuis 3 ans et demi pour protéger sa fille victime d’inceste

Témoignage de Tamara, maman en cavale depuis 3 ans et demi pour protéger sa fille victime d'inceste

L’histoire de Tamara et de sa fille Ana est extrême, mais ressemble, hélas à bien d’autres dossiers de victimes d’inceste où la mère protectrice devient l’accusée…

Tamara a 37 ans lorsqu’elle rencontre Paul. Elle est architecte, peintre, et mène une vie sociale épanouie. Le coup de foudre est immédiat, et pourtant l’instinct de Tamara lui indique que quelque chose ne va pas…
A plusieurs reprises, elle tente de quitter Paul, ne se sentant pas libre dans leur relation.
Mais il insiste, lourdement, et trouve, à chaque fois, les mots pour la convaincre de l’importance de leur histoire…

Un an plus tard, Tamara est enceinte et les violences psychologiques se font sentir. Paul lui explique qu’il veut que leur relation continue mais qu’il préférerait que l’enfant ne sache pas qu’il est le père… Puis, au vu du refus de Tamara, il la harcèle pour qu’elle aille avorter, sinon « il va devenir fou » et « se suicider »… Tamara ne cède pas, prend des distances, et se prépare à accueillir l’enfant seule. Mais Paul revient, s’excuse, explique que « la paternité c’est compliqué pour lui », se montrant, à nouveau sous son meilleur jour. La naissance d’Ana se passe dans un bonheur trompeur.

Alors que leur fille a 15 jours, Paul est en proie à la 1ère d’une série de crises délirantes, où son rejet de l’enfant va littéralement exploser. Ses crises sont terrifiantes et il reconnaîtra par écrit avoir « terrorisé, montrant l’effrayant portrait d’un autre »… Paul séquestre Tamara et Ana, profère des centaines de menaces à leur encontre, et jette une chaise visant Ana qui aurait pu la tuer… Le 18 mars 2014, il force Tamara à se réfugier dans la réserve d’un magasin, alors qu’il exige de se rendre chez elle pour « exploser sa tête et celle du bébé »… Les vendeurs appellent la police, mais le traitement de la plainte est lamentable : celle-ci est classée sans suite en moins de 2 heures, alors même que Tamara et Ana sont placées en chambre d’urgence le soir-même…

Incohérence totale, dont Paul va jouer pour retourner la situation contre la mère auprès du Juge aux Affaires familiales… En effet, en dépit des preuves, c’est elle qui est accusée, par deux experts judiciaires de « fantasmer » les faits, et de vouloir nuire au lien père/enfant. Comme souvent, la Justice occulte les violences et parle d’un « conflit », faute de poursuites pénales du mis en cause…. C’est de justesse que Tamara conserve la garde d’Ana, en travaillant d’arrache-pied à construire un dossier pour démentir les experts. Mais, si elle évite le pire, la Justice établit qu’elle aurait « privé le père d’Ana » alors qu’elle fuyait pour protéger leurs vies… Paul obtient un droit de garde élargi, mais surtout, la mise en cause de Tamara dans deux expertises judiciaires, ce qui lui permettra de perpétuer d’autres violences, impunément…

Ainsi, lorsque Ana, à 2 ans et demi, révèle avoir subi des violences sexuelles chez lui, rien ne va se dérouler normalement…

Les associations sont formelles : Tamara doit confier Ana au père, faute de quoi, elle perdra tous ses droits… Tamara attend donc la réaction du parquet, qui ne saurait tarder, car les dires d’Ana sont criants de vérité. L’enfant mime les faits qu’elle rapporte et revient de chez son père avec les traces sur son corps des violences dénoncées… MAIS LA JUSTICE NE FAIT RIEN… si ce n’est permettre à nouveau à Paul de retourner la situation contre la mère… Et en dépit de 6 signalements judiciaires alertant le Procureur sur la crédibilité des dires d’Ana, aucune enquête sérieuse n’aura lieu…

Le procureur met plus d’un an à auditionner Paul qui entre temps peut arguer auprès du Juge des enfants que les faits sont « irréels » puisqu’il n’a même pas été entendu ! Et c’est avec cet argument ainsi que les deux expertises judiciaires à charge contre Tamara qu’il obtient que des investigations soient menées, visant Tamara ! Celle-ci, sur les conseils de deux psychologues et les dires d’Ana ne laissant plus de place au doute, a cessé de la confier à Paul. L’enfant, dès qu’elle ne séjourne plus chez son père, va mieux, retrouve son sommeil, sa joie de vivre, tandis que les maladies qu’elle faisait à répétition cessent… Mais l’enquête du Juge des Enfants est à charge contre la mère et les associations lui conseillent alors d’enregistrer ses entretiens, ce qui va révéler de graves fautes commises par la Justice.

En effet, lorsque Ana est entendue, on lui demande 26 fois en 15 minutes si « c’est maman qui raconte ça ? », puis, alors qu’elle dénonce les faits (« papa, il me met le zizi dans la zézette. Tous les jours il fait ça, ça fait très très mal, tu sais »), c’est le contraire qui est indiqué dans le rapport. Son « c’est la vérité que je dis », se transforme en « c’est maman qui raconte la vérité » ! C’est à l’appui de ce rapport truqué que Paul obtient la garde d’Ana, le 18 mars 2018, tandis qu’en juridiction pénale, des vidéos « Mélanie » disparaissent, des prélèvements sont détruits, et le Juge d’Instruction s’abstient de toute instruction…Tamara a alors le choix entre accepter qu’Ana aille vivre chez Paul, ou fuir avec elle… ce qu’elle fait, ne pouvant se résoudre à livrer Ana à celui dont elle n’a cessé de dénoncer les viols.

Depuis, les décisions civiles se succèdent, qui affirment la culpabilité pénale de Tamara, avant même son procès…

Tous ses arguments se heurtent à un mur. Ainsi, la Loi en France ordonne à une mère de protéger son enfant, et ôte tout caractère délictueux aux actes nécessaires à la sauvegarde d’une personne (art 122-7 du Code pénal). Néanmoins, la Justice, pour l’instant, refuse de reconnaître les erreurs commises dans ce dossier, pourtant dangereuses pour Ana et d’avoir passé sous silence les preuves de l’inceste dénoncé… Le combat judiciaire de Tamara n’est pas fini, même s’il dure depuis 7 ans et lui a déjà couté 150 000 euros. Depuis 3 ans, elle est en cavale et mène de front une autre bataille : vivre et vivre bien avec Ana, en dépit de la clandestinité, pour que sa fille grandisse sans violence…


Nous vous conseillons de lire notre Manifeste afin de mieux comprendre les mécanismes de dysfonctionnement.

Et signez notre pétition pour mieux protéger les enfants ! Ensemble nous sommes plus forts !

Pour protéger ses filles, victimes d’inceste paternel, Léonie refuse qu’elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Témoignage NRE Pour protéger ses filles, victimes d'inceste paternel, Léonie refuse qu'elles retournent chez leur père. Elle risque la prison.

Léonie a 22 ans quand elle rencontre Kévin en 2013.

Indépendante, elle ne souhaite pas se mettre en couple. Kévin insiste longuement et après un an de messages pressants, Léonie finit par se mettre en couple avec lui. 15 jours plus tard, il emménage chez elle et avec lui, sa famille qui s’installe à proximité. Rapidement, il étend son emprise en cherchant à éloigner Léonie de ses amis, de sa famille, il lui dit que son travail d’aide soignante n’est pas fait pour elle et qu’il souhaite un enfant dont elle pourrait s’occuper. Léonie tombe enceinte et accouche d’une petite fille en 2015. Au lieu d’être épanoui en famille, Kévin déserte le foyer de plus en plus et ne s’occupe pas de son enfant car c’est une fille et qu’il voulait un garçon. Quand Léonie tombe à nouveau enceinte d’une seconde petite fille, c’est la descente aux enfers qui commence.

Kevin ne fait plus rien du tout, il est dépressif et agressif.

En plus, on annonce une trisomie possible et Léonie se retrouve seule, sans soutien face à cette nouvelle. Épuisée physiquement et psychologiquement, la maman accouche prématurément à 30 semaines d’une fille non trisomique en 2017. Elles resteront 2 mois à l’hôpital. Kevin ne vient les voir que tous les 15 jours. A son retour de la maternité, il annonce à Léonie qu’il a quitté son travail. Sa dépression s’accélère et il passe son temps devant des jeux vidéos, laissant Léonie tout gérer, les enfants, la maison, les finances. Justement, financièrement, c’est la catastrophe. Ils vendent leur maison en 2018 et Léonie lui annonce qu’elle stoppe leur relation. Elle n’en peut plus ! Kevin passe de dépressif à harceleur dans la seconde suivante. Il ne supporte pas que Léonie ait décidé de le quitter.

Il devient menaçant, violent verbalement et physiquement.

Léonie lui propose une garde alternée de 2 jours mais il a beaucoup de difficultés à gérer ses filles. Léonie met cela sur le compte de la rentrée scolaire et de la séparation. Mais en fin d’année, leur nourrice l’alerte du comportement de leur fille ainée, qui s’éteint et devient terne. Quand elle revient de chez son père, elle est souvent habillée en mini jupe, avec des talons, alors qu’elle a 3 ans. Et puis un soir, au moment du bain, la petite fille raconte à sa maman que son papa lui donne des tapes au niveau du sexe. Léonie va porter plainte à la gendarmerie où on la rassure et on lui dit qu’elle va être entendue. La réalité est toute autre. Sa fille est auditionnée par 3 gendarmes qui ne suivent pas le protocole Mélanie. L’enfant ne voit ni psy, ni médecin. Et l’affaire est classée en moins d’un mois.

La violence du père explose suite à cette impunité.

Prétextant qu’il doit lui rendre des affaires, Kévin pousse Léonie dans le coffre de sa voiture et lui referme la porte sur le dos plusieurs fois devant les enfants. Quand Léonie porte plainte, la même gendarmerie refuse de l’enregistrer en lui expliquant que c’est normal ces altercations en cas de séparation et que ça va se tasser… Sans surprise, Kévin continue de maltraiter Léonie et ses filles. Le JAF est saisi pour statuer sur la garde des enfants en 2019. Léonie explique que sa fille ainée refuse nettement d’aller chez son père. Le JAF ordonne donc que l’enfant s’y rende 1 samedi sur 2, de 10h à 18h et la moitié des vacances scolaires. En revanche, la petite sœur, elle, doit y retourner en garde alternée classique… L’ainée ne comprend pas pourquoi elle doit retourner chez son père. A chaque fois, elle refuse, elle hurle…

A partir de sept.2019, Léonie décide de la soutenir et ne la force plus.

Son père ne cherche pas à la revoir mais il dépose plainte pour non représentation d’enfant (NRE) à chacune de ses absences. Rapidement hélas, la nourrice alerte à nouveau Léonie que la cadette change de comportement à son tour. Elle devient agressive, incontinente, refuse de manger… Léonie note aussi de gros problèmes d’hygiène et de santé : l’enfant tombe tout le temps malade et se plaint que son père la force à se mettre à 4 pattes pour lui mettre des suppositoires. En janvier 2020, elle hurle parce qu’elle a mal au « zouzou ». Léonie file aux urgences où les médecins la préviennent que non seulement son sexe est rouge et tuméfié mais que l’enfant dénonce son père. Elle dit que papa lui met des doigts dans le sexe et l’anus. Léonie porte plainte illico dans une autre gendarmerie où elle est enfin considérée.

Sa fille est auditionnée selon le protocole Mélanie.

Les gendarmes lui conseillent de protéger ses filles en les éloignant de leur père et demandent à celui-ci de ne plus rentrer en contact avec elles trois. Une heure plus tard, Kévin est chez Léonie, tout sourire, pour lui dire « vous ne prouverez rien et je vais encore être blanchi « . L’enquête continue auprès de l’entourage mais hélas, l’enfant ne pourra être vu médicalement que 4 semaines plus tard et les traces auront disparues. En mai 2020, la gendarmerie annonce une garde à vue mais le lendemain, elle est dé-saisie du dossier qui retourne à la première brigade. Kévin est alors entendu en audition libre et entre 2 fausses déclarations, il accuse Léonie du grand classique SAP… Le dossier part chez le procureur en juillet 2020. Le JAF est ressaisi mais Léonie se le met à dos car elle ose refuser l’expertise familiale.

Celle-ci devrait se faire à 4, en présence du père, ce qui est inenvisageable pour elles trois. Malgré toutes les preuves, le JAF lui reproche ses NRE et lui ordonne de déposer sa fille ainée à son père un WE sur deux et accorde à Kevin la possibilité d’aller chercher ses enfants à l’école pour éviter les NRE. Léonie refuse et déscolarise ses filles tous les vendredis après midi. Kévin continue de porter plainte. En décembre, il agresse physiquement Léonie et ses filles devant l’école. Léonie dépose plainte mais toujours la même gendarmerie, malgré les 10 jours d’ITT, classe l’affaire en prétextant que ce n’était qu’une tentative d’agression… Après un rappel à la loi, Léonie explique au délégué du procureur pourquoi elle fait des NRE. Une enquête de la protecteur des mineures s’ouvre mais la gendarmerie reprend encore la main sur le dossier. Le lendemain, Léonie est convoquée.

Elle enregistre secrètement les gendarmes qui lui disent : « Quand est-ce que vous allez arrêter de porter plainte contre monsieur pour l’accuser de violences sexuelles ? Nous avons classé l ‘affaire. Vous remettez les enfants à monsieur. »

Léonie refuse. En mars 2021, on la place en garde à vue. Il y en aura 2 autres ensuite (du grand banditisme sans doute…). Son avocat dépose une plainte pour attouchement sur mineurs avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction. Kevin, lui, envoie les travailleurs sociaux chez Léonie car il pense que les enfants sont en danger chez elle. L’enquête dure 2 mois et conclut à un un conflit parental. Et puis le juge des enfants la convoque. Il ordonne une mesure d’investigation judiciaire et une expertise psy en individuel des membres de la famille. Leur rapport accable Léonie car Kévin ment en disant que Léonie a été violée enfant, ce qui fausse tout.

Inversement, la mesure d’investigation brosse un portrait à charge du père, alcoolique, agressif, dépressif, impulsif… Mais ce rapport sera écarté délibérément par le JAF. Léonie est condamnée à 10 mois de sursis, 2 ans de mise à l’épreuve, 3.500€ de dommages, une injonction de soin et l’obligation de laisser ses filles à Kevin. En parallèle, le juge des enfants interdit à Kevin de rentrer en contact avec ses enfants et impose des visites en AEMO. Kevin demande alors le placement de ses filles ! Le juge refuse et Kévin reprend encore plus fort son harcèlement quotidien. Les mesures d’AEMO commencent mais ne respectent pas la recommandation du juge, car Kevin fait pression.

Il sait ses filles terrorisées et leur a déjà dit : « Ca ne me dérange pas de vous vous faire peur ».

Coincée entre des décisions contradictoires, Léonie attend que ses filles soient enfin entendues et protégées de leur agresseur.


Nous vous conseillons de lire notre article Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants

Profil agresseur dans les violences faites aux enfants

Y-a-t-il un profil type d’agresseur d’enfant ?

Non, car les agressions d’enfants touchent toutes les couches sociales, ainsi que tous les milieux et institutions où vivent les enfants (famille, école, associations sportives, religieuses..)

Mais certains traits peuvent être mis en avant :

Quel est l’âge préféré des agresseurs d’enfants ?

Agressions sexuelles

  • 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans : 8 victimes sur 10 ont moins de 18 ans
  • 51% des violences sexuelles sont subies avant 11 ans : 1 victime sur 2 a moins de 11ans
  • 21% des violences sexuelles sont subies avant 6 ans   : 1 victime sur 5 a moins de 6 ans

(D’après l’enquête de Mémoire Traumatique et Victimologie (IVSEA 2015))

Viols et tentative de viols

  • Près de 60% des viols et tentatives de viols pour les femmes ont été subis avant 18 ans
  • Plus de 70% des viols et tentatives de viols pour les hommes ont été subis avant 18 ans

(Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017)

Les agresseurs d’enfants s’en prennent à des proies très jeune !

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

Les agresseurs étant peu dénoncés ou peu poursuivis, on se basera sur le nombre de victimes.

Suivant les différentes études :

La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) estime que les agressions sexuelles concernent 160.000 enfants par an.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie (enquête IPSOS 2019), les viols et tentatives de viols concerneraient 130.000 filles et 35.000 garçons chaque année.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2014) : 1 filles sur 5, et 1 garçon sur 13, ont subi des viols et agressions sexuelles.

Donc oui beaucoup d’enfants se font agresser sexuellement en France !

Il y a donc un grand nombre d’agresseurs d’enfants en France.

Y a-t-il autant de femmes que d’hommes qui agressent ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 96% des agresseurs sont des hommes.

L’agresseur est-il proche de ses victimes ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 94% des agresseurs sont des proches.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.23) :

  • L’agresseur est un membre de la famille dans 84% des cas pour les femmes, et 64% des cas pour les hommes.
  • L’agresseur vient d’une institution pour 27% des cas pour les hommes.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie et IPSOS 2019 :

  • 44% de ces violences sont incestueuses => près de 1 victime sur 2 d’agression sexuelle et viol dans l’enfance, vit un inceste.

Que savons-nous des agresseurs incestueux ?

D’après la loi, l’agresseur incestueux peut être : l’un des parents, beaux-parents, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes. Le cas des cousin/cousine est particulier car on le retrouve également comme agresseur incestueux mais l’inceste ne sera pas reconnu par la loi car il n’est pas interdit de se marier entre cousins !

Que disent les anciennes victimes devenues adultes ?

Dans l’enquête VIRAGE : les adultes ayant déclarés avoir subi des violences dans l’entourage familial avant 18 ans représentent :

  • 1 femme sur 5, et 1 homme sur 8.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.24), le classement des agresseurs incestueux par ordre décroissant est :

  • Pour les filles : Père, grand-frère/demi-frère, oncle, grand-père, cousin, beau-père.
  • Pour les garçons : grand-frère/demi-frère, père, cousin, oncle, grand-père.

De manière générale, le père est plutôt en bonne position !

Est-ce que des pères de familles peuvent agresser leurs enfants ?

La CIIVISE estime que chaque année, 22000 enfants sont victimes de violences sexuelles commises par le père.

Mes calculs :

Violence sexuelle : 160.000 enfants par an. Violences sexuelles incestueuses : 44% des cas soit 160.000 x 0,44 = 70.400 enfants par an.

Inceste paternel : 22.000 enfants par an.

  • % d’incestes paternels /le total d’incestes : 22 000 x 100 / 70 400 = 31,25% donc environ 1 sur 3
  •  % d’incestes paternels/le total des violences sexuelles sur enfants : 22000×100/160000=13,75% donc environ 1 sur 7

On peut donc conclure que :

  • 1 enfant victime d’agression sexuelle sur 7 subira un inceste paternel
  • 1 enfant victime d’inceste sur 3 subira un inceste paternel

Quand on rencontre ou que l’on vit avec un agresseur, qu’est-ce qu’on risque ?

D’après mémoire Traumatique et Victimologie, avoir subi des violences dans l’enfance (qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles) peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie. On risque beaucoup plus de se suicider, d’avoir des addictions, de faire des dépressions, de subir une grossesse précoce (10% de grossesse en cas de viol de filles), d’avoir une amnésie traumatique, d’avoir des maladies graves.

Seulement 8% des enfants qui ont osé parler ont été éloignés de leur agresseur et donc protégés.

On risque de mourir : d’après Arnaud Gallais (Collectif « Prévenir et Protéger »), un enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents. D’après l’association « mémoire traumatique et victimologie », les violences faites aux enfants représentent le principal risque de suicide et de tentatives de suicide. D’après Dorothée Dussy (anthropologue, directrice de recherche au CNRS) dans son livre Le Berceau des Dominations p.272 273, « Mon enquête permet d’établir que la mort précoce sous toutes ses formes est surreprésentée dans les familles incestueuses ..et (notamment) des morts violentes ».

Les agresseurs ont-ils des stratégies ?

L’agresseur va effectivement utiliser des ressources qui sont maintenant bien connues :

Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) et Aliénation Parentale

Le SAP utilisée comme stratégie de défense

Le  père incestueux, acculé par une révélation publique, va chercher à décrédibiliser la parole de l’enfant et celle du parent protecteur en se faisant passer pour la victime. Il accusera l’enfant de mentir sous l’influence et la suggestion du parent protecteur. L’exemple le plus courant est celui de la mère accusée par le père d’avoir mis en tête de l’enfant une histoire d’abus sexuel pour obtenir sa garde exclusive.

Cette stratégie de contre-attaque s’avère encore malheureusement très efficace.  

L’idée de la mère menteuse et manipulatrice a été théorisée par un pseudo scientifique sous le terme « Syndrôme d’Aliénation Parentale » (SAP) et elle a trouvé depuis beaucoup d’écho dans les salles d’audience. Ce procédé de défense de l’agresseur étant, par ailleurs, largement exploité par les avocats avec succès.

Le SAP est devenu une parade infernale pour museler la parole de la victime et du protecteur, nier les faits et échapper aux sanctions. Pire, elle va permettre à l’agresseur de retourner la situation. Il y aura inversion de la culpabilité !

Aux yeux de la justice, le parent protecteur va devenir fragile et toxique et le parent agresseur va apparaitre équilibré, de confiance, à qui on va souvent finir par donner la garde exclusive de l’enfant !

Étrangement, l’aliénation parentale est pourtant presque toujours infondée.

L’origine du SAP

On parle d’aliénation parentale lorsqu’un des parents influence l’enfant afin de favoriser chez lui son rejet ou sa désaffection à l’égard de l’autre parent. C’est un phénomène marginal dans les affaires de violences intrafamiliales (voir les chiffres dans : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/).

Le pseudo «  Syndrôme d’ Aliénation Parentale » ou SAP,  a été inventé par Gardner, un psychologue américain qui soutenait ouvertement la pédocriminalité, dans ce but : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/

Il gagnait sa vie comme expert psychologue, soutenu par des avocats qui défendaient principalement des pères accusés d’abus sexuels sur leurs enfants. Il était grassement payé à chaque victoire.

Le SAP a longtemps été enseigné à l’Ecole Nationale de la Magistrature par des psychologues disciples de Gardner, d’où sa large diffusion et son influence dans le monde de la justice et du social. Le SAP n’est reconnu par aucune instance scientifique sérieuse (ni le DSM5 aux Etats-Unis, ni l’OMS, ni aucun état, ni le monde de la recherche internationale) et n’a jamais été édité dans une revue scientifique sérieuse (uniquement à compte d’auteur).

Il est donc infondé et souvent utilisé pour décrédibiliser les parents protecteurs d’enfants incestés, au même titre que le syndrome de Münchhausen, le syndrome des faux souvenirs, le complexe d’Œdipe, le référentiel « Outreau », parents souvent injustement accusés d’être manipulateur, toxique, menteur…Il semble qu’il y ait une corrélation très fréquente entre accusation de SAP et les révélations d’inceste ou de violences en général, car sinon, dans les affaires portées à la connaissance des associations de protection des enfants, cette accusation serait utilisée beaucoup plus tôt dans les procédures notamment en matière de violences conjugales.

La Projection

Selon la psychothérapeute et psychanalyste Caroline Bréhat, lorsqu’un homme violent accuse son ex-conjointe « d’aliénation parentale », il importe d’investiguer la situation car les personnalités violentes ont souvent développé des mécanismes de défense archaïques tels que l’identification projective appelée projection. La projection est, selon la psychanalyse, un mécanisme de défense inconscient qui permet de rejeter la faute (craintes ou désirs vécus comme interdits) sur l’autre. Les pères violents, adeptes de ces mécanismes de défense, accusent les femmes d’être fusionnelles et aliénantes parce qu’ils ne peuvent reconnaître consciemment que ce sont eux qui ont un comportement fusionnel et aliénant. Selon   l’American Psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes. »  (http://www.lenfantdabord.org/wp-content/uploads/2011/06/SAP-CRISES-AU-TRIBUNAL-DE-LA-FAMILLE-SILBERG-2013.pdf)

L’emprise

D’après le juge Durand, Ce que cherche l’agresseur (intrafamilial), c’est le pouvoir sur l’autre, c’est créer une emprise. Il ne supporte pas l’autonomie de sa conjointe ou de ses enfants. (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.71)

La psychiatre Marie-France Hirigoyen parle de l’emprise en ces termes :

« L’emprise est un phénomène de violences psychologiques qui s’installent dans le temps… Un brouillage s’opère (car) des choses agréables sont dites, suivies par des choses déplaisantes…La personne sous emprise qui reçoit ces dénigrements va les intégrer, se dire « c’est vrai ». Sur le registre cognitif, ces messages contradictoires ont un effet paralysant sur le cerveau. Ce brouillage entraine la perte de l’esprit critique. Les personnes sous emprise ne savent plus à quel moment réagir. Vulnérables, ça les amène à se laisser soumettre. »

L’Obs 24/11/2017

Une stratégie courante de l’agresseur intrafamilial

(L’agresseur) recherche sa proie. Il l’isole, il crée un climat de tension et de peur. Il inverse la culpabilité. Il impose le silence. Il recherche des alliés. Et finalement il assure son impunité.

Juge Edouard Durand (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.98)

Les agresseurs familiaux font généralement preuve d’une grande habileté à impressionner les administrations, ils sont souvent charmants, et difficiles à démasquer (Faller, 1998)

Le parent maltraitant présumé est (considéré comme) le plus stable et la mère comme la cause des troubles plutôt que comme une femme qui réagit à la détresse de ses enfants. (Phyllis Chesler, 2013)

Le pouvoir de l’agresseur et la possibilité de passage à l’acte criminel sont accentués par la proximité avec l’enfant (Conclusions Intermédiaires de la CIIVISE de mars 2022, p.24). Ce qui explique le fort taux d’inceste.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Muriel Salmona (reprenant les enquêtes : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017), moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

70% des plaintes sont classées sans suite.

Nous pouvons estimer que près de 22.000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles commises par le père. Pourtant en 2020, seules 1697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux ou agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime. En 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. » (le ministère de la justice n’a pas de statistique sur les incestes paternels). « Ces données nous permettent de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très inférieur au nombre de victimes.

CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.5)

D’après une étude américaine (Meier 2019) relayée par la CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.4), transposable en France car nous rencontrons les mêmes problématiques : « Lorsque des accusations de violences sexuelles sur les enfants sont (rap)portées par les mères, elles ne sont reconnues par le juge que dans 15% des cas (Dans 85% des cas, elles ne sont pas reconnues par le juge), et presque jamais quand le père accuse la mère de manipulation (2%). (Dans 98% des cas, elles ne sont pas reconnues si la mère est accusée de manipulation) ». Toutes les études faites sur les potentielles fausses allégations de mères dénonçant des violences sexuelles de la part du père sur leur enfant, montrent qu’elles sont marginales.

Selon Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Pourtant les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares. Une étude conduite aux États-Unis en 2010 les estime à moins de 6 %, une autre de Rumney en 2006 13 les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évalue à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant. »

Enquête Ipsos, 2015

D’après ces chiffres, on peut en conclure que les agresseurs d’enfants sont peu inquiétés en France et encore moins dans le cas d’un inceste.

Est-ce que les enfants sont bien protégés en France ?

Je vous laisse répondre !

Je vous laisse le choix de voir ou de ne pas voir !

Si vous voulez agir : contacter l’association Protéger l’enfant


Autrice : Fleur Delaunay pour Protéger l’enfant en partenariat avec Sous le Regard d’Hestia.

Relecture bienveillante de mes chères fées Caroline Bréhat, Edith, Céline et Aline.


Sources

Agressions sexuelles : (IVSEA 2015) : Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte réalisé par Mémoire traumatique

Viols et tentative de viols : (Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017) :

VIRAGE 2017 : enquête VIolence et RApport de GEnre réalisée par l’INED (Institut National d’Etude Démographique)

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.fr.pdf

p.35 : 53% des femmes et 75,5% des hommes

CSF : Contexte de la sexualité en France

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19113/pop_soc445.fr.pdf

p.1 : 59% des femmes et 67% des hommes

=> en moyenne : 56% des femmes et 71% des hommes

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html

OMS 2014 : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment

L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est un organisme français ayant existé entre 2004 et 2020. Il est chargé de rendre compte des évolutions des phénomènes délinquants et criminels en France ainsi que des réponses pénales qui y sont apportées.

2020 : l’Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont supprimés. Les activités de l’observatoire sont transférées en partie au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI du ministère de l’Intérieur, dépendant de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur – IHEMI, créé en septembre 2020).

Les enquêtes « Cade de Vie et sécurité » étaient produites par le partenariat Insee-ONDRP-SSMSI.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Murielle Salmona qui cite : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017, moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Etat_des_lieux_des_mineurs_victimes_de_violences_sexuelles.pdf p.7