Archives dans 26 décembre 2020

Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d’enfant

Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d'enfant

Qu’est qu’une QPC ?

QPC Conseil constitutionnel justice


La QPC ou Question Prioritaire de Constitutionnalité permet à tout justiciable de contester la conformité à la Constitution d’une loi. En effet, la QPC permet au justiciable de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
La QPC a été instaurée le 23 juillet 2008.
La question peut être posée à tout moment de la procédure tant en première instance, qu’en appel ou en cassation.
La QPC est tout d’abord examinée par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ; si ces derniers jugent la question recevable ils renvoient au Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer dans les trois mois de la saisine:

  • Soit le Conseil déclare la disposition législative conforme à la Constitution : dans ce cas la juridiction doit l’appliquer.
  • Soit le Conseil déclare la disposition législative contraire à la Constitution et abroge cette disposition. La déclaration d’inconstitutionnalité bénéficie à la partie qui a présenté la QPC, et à toutes les parties qui avaient des instances en cours mettant en jeu cette disposition législative.

Il n’est pas possible de faire appel d’une décision du Conseil constitutionnel.
Vous trouverez tous les textes législatifs de la QPC sur le site du Conseil constitutionnel, notamment les articles 61-1 et 62 de la Constitution :

ARTICLE 61-1.
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.

QPC Conseil constitutionnel

ARTICLE 62.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Les trois conditions pour juger une QPC recevable:

  1. La disposition législative en cause doit être applicable à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites.
  2. La disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Pour savoir si la disposition a déjà été déclarée conforme, un tableau sur le site Internet du Conseil constitutionnel présente, à titre informatif, la liste de ces dispositions.
  3. Enfin le juge de première instance ou d’appel examine si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Une QPC a été déposée en 2019

QPC pour non représentation d'enfant non renvoi de la Cour de cassation

Maitre Philippe Losappio a soulevé une QPC en novembre 2019 afin de réformer le délit de non représentation d’enfant, mais cette dernière a été rejetée pour défaut de caractère sérieux car les magistrats ont considéré qu’on ne pouvait écarter la présomption d’aliénation de la mère:

la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, d’une part, la non-représentation d’enfant incrimine le non-respect d’une décision d’un juge aux affaires familiales qui préserve justement l’intérêt de l’enfant et l’équilibre familial, d’autre part, les circonstances de la commission de l’infraction relèvent de l’appréciation du juge correctionnel et qu’il n’y a pas de disproportion manifeste entre la gravité de l’infraction et la peine encourue d’un an d’emprisonnement, au regard des impératifs de maintien des liens parentaux et, enfin, la démonstration, lors de la résistance de l’enfant, de l’existence d’une circonstance d’exonération est légitime, chaque parent devant faciliter l’exercice des droits de l’autre parent, sans instrumentalisation de l’enfant.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 novembre 2019, 19-83.357


Or c’est exactement cette vision qu’il faut modifier car elle est erronée. Pourquoi avoir présumé une instrumentalisation de l’enfant par la mère ? Pourquoi présumer sans preuve ? Lorsqu’il y a résistance de l’enfant il y peut y avoir de nombreuses explications: des violences, de la maltraitance, ou bien un ado qui ne veut plus aller chez le père.

L’analyse complète de cette décision se trouve dans l’article de Maitre Philippe Losappio « Le délit de non représentation d’enfant : l’urgence d’une réforme pour protéger l’enfant et la mère» dont nous vous conseillons la lecture.

La chambre criminelle de la Cour de cassation décide que la question prioritaire de constitutionnalité selon laquelle le délit de non représentation d’enfant (c.pen.227-5) porte atteinte à l’intérêt de l’enfant, au principe de légalité, au principe de nécessité des peines et aux droits de la défense est dépourvue de caractère sérieux (cass. crim. 27 novembre 2019 , n° Y 19-83.357 F-D), confisquant le débat devant le Conseil constitutionnel.
Cette décision consternante, pose à nouveau la question du rôle du juge du filtre et apparaît peu compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Philippe Losappio, Avocat, Docteur en droit


Un autre article sur cette QPC de 2019 a été rédigé par Marie-Christine Gryson, psychologue clinicienne, au moment où la QPC a été soulevée : « SAP: trois QPC et un cas lourd pour en dénoncer les conséquences ».

Délit de non représentation d'enfant

Deux avocates et un avocat se mobilisent avec courage, pour trouver des solutions face au déni de la plainte de l’enfant maltraité lors des séparations, et ce en lien direct avec le sexisme de la loi alimenté par les théories antivictimaires. La médiatisation des cas aberrants et les QPC semblent être aujourd’hui les deux pistes d’action pour lutter contre ce blocage de civilisation.

Marie-Christine Gryson, Psychologue Clinicienne, Experte judiciaire (1989-2015)


Pourquoi faut il déposer déposer des QPC pour réformer le délit de non représentation ?


Si la Cour de cassation est saisie de plusieurs QPC elle ne pourra durablement faire valoir le caractère non sérieux de la question.


Les conclusions du groupe de travail commun au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité (mai 2018) expliquent qu’il faut renvoyer au Conseil constitutionnel les questions qui font débat, or si beaucoup de QPC sont déposées il faudra bien que la Cour de cassation admette que cette question fait débat dans la société française :

il apparait clairement que le Conseil d’Etat comme la cour de cassation considèrent que doivent être tranchées par le conseil constitutionnel certaines questions de constitutionnalité, parce que portant sur des sujets politiquement sensibles et débattus … ou posant la question de savoir si telle atteinte à une liberté constitutionnellement protégée est proportionnée à l’objectif poursuivi..

Groupe de travail commun au conseil d’état et a la cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité – Mai 2018
Page 9


Il faut que les magistrats comprennent qu’un parent violent aura toujours intérêt à faire valoir l’aliénation parentale pour réfuter les violences, il sait que les magistrats y prêtent une oreille attentive. Mais est ce l’intérêt de l’enfant de voir un parent violent ? Et pourquoi condamner le parent protecteur ? On sait bien que malheureusement beaucoup de plaintes sont classées sans suite sans que cela signifie nécessairement que les violences n’existent pas, sur le même schéma que les violences conjugales. Vous pouvez lire à ce sujet notre article « Violences conjugales: 80% des plaintes sont classées sans suite ».

Gendarmerie 3 gendarmes tués décembre 2020 homme violent violences conjugales

On l’a vu avec le drame de décembre 2020 où trois gendarmes ont malheureusement perdus la vie : l’auteur de ces violences avait déposé 2 plaintes pour non représentation d’enfant contre son ex épouse en juin et en août 2020 ; était il dans l’intérêt de l’enfant de voir un père violent, instable, qui possédait un stock d’armes important ? On peut comprendre que l’ex-conjointe ne souhaitait pas représenter sa fille de 7 ans à cet homme.


Par ailleurs lorsqu’un ado ne veut plus aller chez un parent, pourquoi condamner l’autre parent ? Que peut l’autre parent ? le contraindre psychologiquement ou physiquement ? Les ados savent ce qu’ils veulent, il ne faut pas penser qu’ils sont systématiquement aliénés par leurs parents, il existe de nombreux cas où les ados.. sont des ados… et ne veulent plus voir l’un de leur parent.. parfois d’ailleurs ce parent s’est mal comporté.. et parfois pas.. en tout cas la solution ne sera jamais de condamner l’autre parent à de la prison, cela risque même d’envenimer les choses ; la solution serait plutôt que le parent rejeté tente de renouer petit à petit.

Pour comprendre de façon plus complète pourquoi il faut réformer le délit de non représentation nous vous invitons à lire notre article

Et pour une vision juridique plus complète nous vous conseillons l’article de Maitre Philippe Losappio : « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant. »

Violences conjugales: 80% des plaintes sont classées sans suite

….et 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères…

Le Haut Conseil à l’Egalité a publié en octobre 2020 un rapport intitulé « violences conjugales, garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours ». Le Haut Conseil à l’Egalité recommande que dans une situation de violences conjugales la femme victime des violences soit, seule, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale.

Qu’est que le Haut Conseil à l’ Egalité ?

Haut Conseil à l'Egalité

Le HCE est un organisme gouvernemental, il a été créé en janvier 2013. Le HCE a pour mission « d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité  ».

Le Haut Conseil à l’Egalité évalue les politiques publiques qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes, réalisé des études d’impact des lois étudiées au prisme de l’égalité; enfin le HCE formule des recommandations.

Le Haut Conseil à l’Egalité est paritaire et il est présidé par Brigitte Grésy.

Edouard Durand, juge des enfants à Bobigny est co-président de la commission Violences du HCE, avec Ernestine Ronai. Ernestine Ronai a créé le téléphone grave danger ainsi que le premier Observatoire départemental des violences faites aux femmes.

Pour la première fois un organisme institutionnel fait état de la difficulté du parcours pour les victimes de violences conjugales, non seulement au moment où elles sont confrontées au conjoint violent mais aussi plus tard, lorsqu’elles ont réussi à se séparer de leur agresseur mais qu’il faut organiser la coparentalité, le rapport explique que la violence continue sous une forme différente.

Violences conjugales et parentalité

Haut Conseil à l'Egalité - Violences conjugales: garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours

Le HCE appelle à lutter contre l’impunité des agresseurs et à renforcer la protection des victimes. Le Haut Conseil à l’Egalité fait un lien entre les violences conjugales et la question de la parentalité.


Parmi les recommandations formulées dans le rapport :
◗ Une culture de la protection judiciaire des femmes
◗ Un traitement adapté de la parentalité́ car 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères.

44 recommandations formulées dans ce rapport

Ces recommandations se structurent en 4 axes majeurs:

1. Lorsque les femmes révèlent des violences conjugales, elles ont besoin d’être crues ..

…et que leur signalement soit traité en priorité par les forces de sécurité intérieure et l’autorité judiciaire.

2. Elles ont besoin d’être protégées sans délai.

Le HCE recommande de parvenir à 20 000 places d’hébergement dans des centres non-mixtes, suffisamment sécurisés; et que les professionnels de ces centre soient spécialement formés. Les victimes doivent aussi bénéficier plus facilement de mesures de protection judiciaires.

Violences conjugales

3. Les femmes victimes de violences conjugales ont besoin d’être accompagnées..

.. pour reprendre leurs vies en main et pour guérir les impacts physiques et psychiques des violences, retrouver un logement et accéder à l’autonomie financière.

4. Un homme violent est un père dangereux

Ce principe doit être traduit sans ambigüité dans la loi pour protéger les mères et leurs enfants. Nous avions déjà évoqué ce sujet lors de notre article sur Edouard Durand, juge des enfants au Tribunal de Bobigny : « Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité ».

Un mari violent est un père dangereux. Cela doit se traduire dans la loi et les pratiques professionnelles. 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères. Dès lors le traitement de la parentalité doit tenir compte de la dangerosité des violents conjugaux, faute de quoi, l’agresseur continue d’exercer ses violences sur la famille.

HCE Communiqué de presse du 9 octobre 2020

Le HCE recommande que soit tracé un parcours pour que les victimes soient réellement accompagnées en France.

Ce qu’il manque aussi aujourd’hui est une véritable coordination de l’ensemble des dispositifs existants.

Nous sommes arrivé.es, au fil de nos auditions et de nos recherches, à la conclusion que ce n’était pas un problème de mesures ou de dispositifs. Ils existent mais c’est le chaînage qui fait défaut. Les dispositifs mis en œuvre sans concaténation, juxtaposés sans passerelles, sans passage de témoin et vue d’ensemble, ne sont pas aussi efficaces qu’ils le devraient. Ils laissent parfois des trous béants dans le filet de protection. Les agresseurs s’y engouffrent, trop souvent impunément, trop souvent invisibles. Les ministères ont trop longtemps travaillé en tuyaux d’orgue.

Discours de Brigitte GRESY, Présidente du Haut Conseil à l’Egalité
9 octobre 2020

Violences conjugales: garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours

Le parcours des victimes de violences conjugales
HCE Parcours des victimes de violences conjugales


Les violences conjugales ont un très grave impact traumatique sur les enfants et nuisent à leur santé, leur bien-être et leur développement.
Si des rencontres père-enfant sont maintenues, elles doivent donc être organisées dans un cadre protecteur pour l’enfant et pour la mère.

Violences conjugales

S’agissant de l’autorité parentale, les violences conjugales doivent faire exception au principe de la coparentalité, d’abord parce qu’elles sont une grave transgression de l’autorité parentale, ensuite parce que l’exercice conjoint de l’autorité parentale permet au père violent de continuer à exercer son emprise, voire des violences psychologiques ou physiques, contre la mère et l’enfant.

Le HCE recommande donc l’élaboration d’une législation plus impérative posant le principe que, dans une situation de violences conjugales :
◗ la femme victime des violences soit, seule, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale,
◗ les rencontres père-enfant soient organisées dans un cadre protecteur.

Pour approfondir ce sujet nous vous recommandons d’écouter ce podcast de France Culture de Johanna Bedeau et Anna Szmuc, du 16 mai 2016: « Edouard Durand, la parole du juge« .

Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité

Juge Edouard Durand violences conjugales et parentalité

Édouard Durand s’intéresse de près aux violences conjugales, aux violences familiales et à la question du droit de l’enfants dans un cadre de violence familiale. Il considère que la protection de l’enfant passe nécessairement au préalable par la protection de la mère.
Edouard Durand défend le fait qu’il n’est pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant de garder un lien avec un parent violent.


Qui est Edouard Durand ?

Edouard Durand Livre Violences conjugales et parentalité, protéger la mère c'est protéger l'enfant

Edouard Durand est Juge des enfants au tribunal judiciaire de Bobigny. Il est membre du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Il est également membre du conseil scientifique de l’Observatoire national de l’enfance en danger.

Edouard Durand est l’auteur du livre  » Violences conjugales et parentalité : protéger la mère c’est protéger l’enfant  » que nous vous conseillons fortement de lire, ce livre permet de mieux cerner les mécanismes qui sous tendent les violences conjugales, les maltraitances sur l’enfant, et la nécessaire évolution de la justice sur ces sujets.


Nous vous invitons à écouter Edouard Durand présenter son livre « Violences conjugales et parentalité ».

Que dit Edouard Durand ?

Les violences conjugales ont de graves conséquences sur le développement des enfants. Selon Edouard Durand, il n’y a pas de protection possible de l’enfant sans protection de la mère ; donc la protection de la mère victime des violences conjugales est le point de départ de la protection de l’enfant.
En fait il considère qu’il revient à la société de protéger la mère ; et ensuite seulement la mère peut protéger son enfant.

D’après Edouard Durand, le parent agresseur, le violent conjugal, présente plusieurs caractéristiques :

  • il est intolérant à la frustration ;
  • il n’a aucune empathie ;
  • il ne distingue pas l’intérêt et les besoins de son enfant de ses besoins et intérêts à lui, il fusionne les deux ;
  • il cherche à garder le contrôle sur l’autre, son conjoint et son enfant, en créant un phénomène d’emprise ;
  • il est imprévisible, il alterne des moments où il peut être très gentil avec des moments de colère et de violence.

Un parent imprévisible peut encourager ou féliciter et puis ensuite humilier, il peut désorganiser des plans au dernier moment, ce qui amène un sentiment de grande insécurité mentale pour l’enfant.

Violences conjugales

Edouard Durand défend le fait qu’il n’est pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant de garder un lien avec un parent violent conjugal, un parent toxique, un parent maltraitant.

« On a tendance à séparer ce qu’il se passe dans le conjugal et dans le parental. Comme si la violence dans le couple n’avait pas d’incidence sur la famille, ce qui est irréaliste. On met l’enfant en danger puisqu’on le confronte à un sujet violent et on permet ainsi à cet homme de maintenir l’emprise sur sa famille. On sait très bien que lorsqu’il est seul avec l’enfant, il va utiliser sa relation pour nuire à la mère, la décrédibiliser, avoir des informations sur elle et faire peur. Mais nous ne voulons pas voir ça. »

Interview Le Monde du 23 novembre 2019
Enfant témoin de violences conjugales

Or malheureusement, selon Edouard Durand, l’enfant n’est pas un témoin passif des violences conjugales, il faut le considérer comme une victime à part entière : 40% à 60% des enfants victimes de violences conjugales sont directement victimes de violences exercées contre eux de la part du parent agresseur. Donc si on maintient des droits de visite et d’hébergement avec le parent violent, on permet au parent agresseur de maintenir l’emprise et la violence sur la famille après la séparation.

Lorsque la justice ou les travailleurs sociaux demandent aux parents de s’entendre pour l’intérêt de leur enfant, et de ce fait de négocier ensemble, de dialoguer ensemble, et que l’on demande au parent protecteur de représenter l’enfant au parent agresseur, on demande l’impossible; et on n’est plus dans la protection de l’enfant. Vous pouvez lire à ce sujet notre article « Pourquoi réformer le délit de non représentation d’enfant ? ».

La justice devrait toujours garder à l’esprit qu’on est en présence d’un agresseur, certes il est le parent de l’enfant mais il est aussi un agresseur, et cet agresseur fonctionne dans un registre de pouvoir et de violence, y compris envers l’enfant.

Enfin Edouard Durand explique que 80% des femmes victimes de violence conjugale sont des mères ; protéger les mères victimes de violences conjugales c’est protéger la société. Ainsi les violences conjugales représentent en fait massivement les violences de l’homme sur la femme ; Edouard Durand s’interroge sur la domination masculine en liaison avec les travaux de Françoise Héritier.

Si l’on revient un peu en arrière dans l’histoire du droit de la famille, on s’aperçoit qu’il a été gouverné selon le principe de la puissance maritale et paternelle ; ça n’est qu’en 1938 que la puissance maritale a été abolie. Et puis en 1970 , donc il n’y a pas si longtemps, la puissance paternelle a été abolie pour faire place à un régime d’autorité parentale.

Violence familiale, violence domestique, violence intra-familiale, violences faites aux femmes, violences faites aux enfants

Il faut absolument faire une distinction entre l’autorité et le pouvoir ; contrairement au pouvoir, l’autorité exclut tout usage de la violence, tout moyen de coercition. La violence dans un couple sont des rapports de domination, le conjoint violent, souvent l’homme, cherche à établir un rapport de force sur sa femme et sur son enfant.

A partir du moment où l’on réalise cela, on comprend pourquoi la justice ne peut pas demander au parent non-violent, protecteur vis-à-vis de son enfant, de s’entendre avec le parent violent. Ce dernier tentera toujours d’exercer ce rapport de force, il utilise d’ailleurs la justice, qu’il instrumentalise, pour maintenir ce rapport de force, même longtemps après la séparation.

« Le principe de coparentalité est très bien lorsque les parents sont capables de se respecter. Mais il faut pouvoir penser des exceptions à ce principe : lorsqu’on a un agresseur qui est dans l’emprise et dans le pouvoir, il ne peut pas y avoir de coparentalité.
Cela ne sert à rien de mettre en place des mesures de protection de l’enfance et un suivi pédopsychiatrique si la protection de l’enfant n’est pas assurée sur le plan de la parentalité, c’est à dire si on laisse le violent conjugal maintenir sur la mère et l’enfant l’emprise par l’exercice de l’autorité parentale.»

Interview le Nouvel Observateur du 26 janvier 2018

Une avancée récente grâce à un arrêt de la Cour d’Appel du 21 septembre 2020

Cour d'appel

Dans cette affaire le père a été condamné à huit ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire, en décembre 2019, pour avoir essayé de tuer la mère, sous les yeux de leur fille. De ce fait la mère avait demandé la déchéance des droits parentaux du père, mais la justice le lui a refusé en expliquant qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant de rompre le lien avec le père.

Cette mère a fait appel et le 21 septembre 2020 la Cour d’appel de Versailles lui a donné raison et a déchu le père de ses droits parentaux. Les magistrats ont ainsi reconnu qu’un homme qui a essayé de tuer sa compagne sous les yeux de leur fille n’était pas un bon père.

Il faut savoir que malheureusement l’autorité parentale permet souvent aux hommes violents, après la séparation, de continuer à garder une emprise sur leur ex compagne, de les dénigrer, de les persécuter, et l’enfant est instrumentalisé par le parent violent pour essayer d’atteindre et de faire du mal à la mère.

Cet arrêt de la Cour d’Appel de Versailles est donc une bonne nouvelle ! Espérons maintenant qu’il fasse jurisprudence.

Pour connaitre tous les détails de cette affaire nous vous conseillons la lecture de l’article de Vanessa Boy-Landry dans Paris Match le 25 septembre 2020.

Enfin pour aller plus loin et mieux connaitre les idée du juge Edouard Durand nous vous conseillons d’écouter cette interview d’Edouard Durand sur RMC le 16 juin 2020 et de lire cet article dans la Croix du 17 septembre 2020.

Documentaire « Bouche cousue » le 18 novembre 2020 sur France 2

documentaire Bouche cousue sur la protection des droits de l'enfant à 22h30 sur les violences faites aux enfants et les violences familiales.
documentaire Bouche cousue sur la protection des droits de l'enfant à 22h30 sur les violences faites aux enfants et les violences familiales.

Documentaire Bouche cousue sur la protection des droits de l’enfant

Nous vous conseillons vivement de regarder mercredi 18 novembre sur France 2 le documentaire Bouche cousue sur la protection des droits de l’enfant à 22h30 sur les violences faites aux enfants et les violences familiales.

Karine Dusfour a filmé les audiences du juge des enfants Edouard Durand au Tribunal de Bobigny. Il y aura également un témoignage de Thierry Beccaro qui parlera de son passé d’enfant battu.

Ce documentaire produit par Melissa Theuriau interroge sur le maintien à tout prix du lien familial, même lorsque le parent est violent ou maltraitant. Et cette interrogation explique pourquoi nous souhaitons réformer le délit de non représentation d’enfant.


Ce documentaire sera précédé du téléfilm La maladroite, au sujet de la Marina Sabatier tuée à l’âge de 8 ans par ses parents, en 2009: l’état français a été condamné par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) parce qu’il n’a pas pris de mesures suffisantes afin de protéger la petite Marina.

documentaire Bouche cousue sur la protection des droits de l'enfant à 22h30 sur les violences faites aux enfants et les violences familiales.

Soirée spéciale protection droits de l’enfant

Il s’agit d’une soirée spéciale sur la protection des droits de l’enfant dans le cadre de la Journée de l’abolition des abus sexuels contre les enfants mercredi 18 novembre et le 31ème anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant vendredi 20 novembre.

Cette Convention contient quatre principes importants : l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre et de se développer, le droit à la non discrimination et enfin le droit au respect des opinions de l’enfant.

Les différents chapitres des 54 articles énoncés sont :

  • le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité
  • le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée
  • le droit d’aller à l’école
  • le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation
  • le droit d’être protégé contre toutes les formes de discrimination
  • le droit de ne pas faire la guerre, ni la subir
  • le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes
  • le droit de jouer et d’avoir des loisirs
  • le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation
  • le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé

Vous trouverez le texte complet de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) sur le site de l’Unicef.

Selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), en 2018, 122 mineurs victimes d’infanticides ont été enregistrés par les forces de sécurité, l’auteur pouvant être un membre de la famille ou une personne extérieure à la famille; parmi ces mineurs, 80 sont décédés dans le cadre intrafamilial.

L’ONU dénonce la silenciation des victimes en France

ONU

Le silence et l’inaction de la justice française face à la protection des enfants a été dénoncé par deux rapports de l’ONU en 2003.. mais rien n’a changé depuis… hélas…

L’ONU y dénonce la suspicion des tribunaux et estime que l’on assiste en France à une silenciation des victimes.

ONU

M. Juan Miguel Petit, Rapporteur spécial de l’ONU sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants se rend à Paris et produit deux rapports:

Le rapporteur spécial du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme y dénonce les dysfonctionnements de la justice française, notamment la parole de l’enfant niée et la sous-estimation des réseaux pédophiles.

Il dénonce le fait qu’un enfant peut être contraint de rester avec le parent mis en examen pour l’avoir maltraité.

Juan Miguel Petit demande que soit respecté l’article 12 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant qui énonce que l’enfant doit pouvoir faire valoir son avis, en particulier dans toute procédure administrative ou judiciaire le concernant.

Enfin les personnes qui suspectent et signalent des maltraitances ne sont ni crues ni protégées. 

Voici des extraits de ces rapports de l’ONU, nous pourrions les réécrire mots pour mots encore aujourd’hui, en 2020… hélas..

ONU

1er rapport ONU

Rapport préliminaire E/CN.4/2003/79/Add.2, du 27 janvier 2003

  1. Le Rapporteur spécial ONU ne considère pas que les sévices sexuels contre des enfants constituent un phénomène plus courant en France que dans d’autres pays européens. On constate toutefois que de nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l’enfant, en particulier dans le système judiciaire, continuent de nier l’existence et l’ampleur de ce phénomène.
  2. Les personnes qui soupçonnent et signalent des cas de sévices à enfant peuvent se voir accuser de mentir ou de manipuler les enfants concernés et risquent des poursuites ou des sanctions administratives pour diffamation si leurs allégations n’aboutissent pas à des poursuites suivies de la condamnation de l’auteur présumé des sévices.
  3. Dans un nombre croissant de cas, un parent séparé, habituellement la mère, choisit d’amener l’enfant ou les enfants à l’étranger plutôt que de se conformer aux décisions d’un tribunal accordant des droits de visite ou attribuant la garde à l’auteur présumé des sévices, ce qui, à son tour, pourrait exposer l’enfant à de nouveaux sévices sexuels. Il est même arrivé que des juges et des avocats au courant des faiblesses du système judiciaire conseillent, officieusement, à certains parents d’agir de la sorte. Ces parents se trouvent donc sous la menace de poursuites criminelles pour leurs actes aussi bien en France que dans le pays où ils se rendent.
  4. Le manque de ressources, de formation et de spécialisation dont souffrent les juges et les avocats s’occupant d’affaires de sévices sexuels contre des enfants fait que les droits de l’enfant impliqué dans des poursuites judiciaires ne sont parfois pas suffisamment protégés. Il s’ensuit que les enfants concernés risquent souvent de continuer à subir des sévices.
  5. Il est certes possible que de fausses allégations de sévices sexuels contre des enfants aient été faites dans le cadre de procédures visant à attribuer la garde de l’enfant. Toutefois, le Rapporteur spécial, après avoir examiné les preuves concernant les affaires portées à son attention, a pu conclure que ces allégations étaient sérieuses et fondées et que la suite qui leur avait été donnée ne correspondait pas à l’intérêt supérieur de l’enfant.
  6. Dans les affaires civiles visant à attribuer la garde de l’enfant, celui-ci ne bénéficie pas d’un droit automatique d’être entendu. Bien que les tribunaux civils puissent entendre l’enfant à la discrétion du président du tribunal, l’enfant n’est quasiment jamais entendu.
  7. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne sont pas supposés prendre de décisions quant à la garde ou aux droits de visite jusqu’à ce que la procédure pénale soit menée à son terme. Dans la pratique, toutefois, cette disposition n’est pas respectée, ce qui donne lieu à une situation où l’enfant est obligé de rester, souvent sans surveillance, avec une personne faisant l’objet d’une enquête pénale pour des sévices infligés à ce même enfant.
  8. Étant donné le nombre de cas laissant apparaître un grave déni de justice pour les enfants victimes de sévices sexuels et les personnes qui tentent de les protéger, il serait bon qu’un organe indépendant, de préférence la Commission nationale consultative des droits de l’homme, mène de toute urgence une enquête sur la situation actuelle.
  9. Les services de la Défenseure des enfants devraient être dotés de moyens humains et matériels suffisants, qui leur permettront de recevoir des plaintes et de mener des enquêtes lorsqu’il y a des signes d’un déni de justice concernant les droits de l’enfant.
  10. Le système judiciaire devrait se voir allouer des ressources suffisantes pour être en mesure de dispenser une formation en matière de droits de l’enfant et de suivre convenablement les affaires s’y rapportant.
  11. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne doivent pas statuer sur la garde ou les droits de visite tant que la procédure pénale n’a pas été menée à son terme. Dans l’intervalle, l’auteur présumé des sévices ne devrait avoir accès à l’enfant que sous une supervision constante.
ONU

2ème rapport ONU

Rapport final E/CN.4/2004/9/Add.1 , du 14 octobre 2003

  1. Dans sa lettre du 6 mai 2003 et dans les 13 nouveaux cas soumis à cette date, le Rapporteur spécial ONU a évoqué les énormes difficultés auxquelles sont confrontées les personnes, en particulier les mères, qui portent plainte contre ceux qu’elles soupçonnent d’abuser de leurs enfants sachant qu’elles s’exposent à des mesures éventuelles pour accusations fallacieuses, mesures qui, dans certains cas, peuvent conduire à la perte de la garde de leur(s) enfant(s). Certaines de ces mères utilisent les voies de recours légales jusqu’à ce qu’elles n’aient plus les moyens de payer les frais d’assistance juridique; il leur reste alors seulement le choix entre continuer de remettre l’enfant à celui qui, selon elles, abuse d’elle ou de lui, ou de chercher refuge avec l’enfant à l’étranger.
    Il semblerait même que certains juges et avocats, conscients des faiblesses du système judiciaire, ont conseillé officieusement à certains parents d’agir de la sorte. Ces parents s’exposent à des poursuites pénales pour de tels actes en France et, souvent, dans le pays où elles se rendent.
  2. Il a été signalé au Rapporteur spécial que la crédibilité des allégations faites par les mères concernant les abus sexuels commis contre leurs enfants était contestable du fait qu’elles étaient invariablement émises au cours de procédures de divorce. Cela laisse entendre que de telles allégations seraient un moyen d’obtenir que la garde de l’enfant soit confiée à la mère.
    Le Rapporteur spécial est conscient de cette possibilité et a été informé que, dans certains cas, des avocats auraient conseillé à leurs clients de faire de telles fausses allégations. Toutefois, dans au moins plusieurs cas qui ont été présentés au Rapporteur spécial, un examen particulièrement approfondi de certaines des raisons pour lesquelles les parents divorçaient a révélé l’existence d’abus systématiques au sein de la famille, y compris des violences contre la mère. En conséquence, peut-être serait-il plus exact d’envisager la question des abus sexuels sur l’enfant comme étant l’une des raisons, sinon la principale raison du divorce. Il importe également de noter que dans certains cas portés à l’attention du Rapporteur spécial, des accords concernant la garde avaient déjà été conclus d’un commun accord et qu’aucune des parties n’avait un motif apparent de porter de fausses accusations contre l’autre.
  3. Le Rapporteur spécial de l’ONU recommande d’appliquer «le principe de précaution» pour toutes les procédures judiciaires dans le cadre desquelles sont formulées des allégations d’abus sexuels sur enfant, la charge de la preuve devant reposer sur la partie qui entend démontrer que l’enfant n’est pas exposé à un risque d’abus. Le droit de visite de l’auteur présumé d’abus devrait s’exercer sous supervision jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la véracité des allégations et lorsqu’un enfant a clairement exprimé le souhait, en présence de professionnels des droits de l’enfant compétents et qualifiés, de ne pas passer de temps avec l’auteur présumé d’abus, ce souhait devrait être respecté.
ONU

Rappelons que l’intérêt de l’enfant est censé être protégé en France par la Convention relative droits de l’enfant, ratifiée par la France, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (art.8), et par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (al.10).

Alors… Pourquoi la justice française n’applique-t-elle pas les recommandations de l’ONU ?

Et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) ? Et la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ? Et la Convention d’Istanbul ? Et les recommandations du GREVIO issues du Conseil de l’Europe ? Et les recommandations issues du Haut Conseil à l’Egalité, organisme qui dépend du gouvernement français ?

Combien de temps encore ? Il est urgent de réformer le délit de non représentation d’enfant.

La citation directe: qu’est-ce que c’est ?

La citation directe: qu'est ce que c'est ?
Qu'est ce que la citation directe?

La citation directe est une procédure judiciaire sans enquête.

La procédure pénale classique se déroule en trois étapes distinctes: tout d’abord la victime dépose une plainte. Ensuite c’est la phase de l’instruction, appelée aussi information judiciaire, durant cette période un juge d’instruction est nommé. Enfin la troisième étape est l’audience devant le tribunal.

La citation directe permet à la victime d’une infraction ou au procureur de la République de saisir directement le tribunal pénal. Dans ce cas il y aura un procès sans avoir une enquête approfondie de la police ou de la gendarmerie.

L’auteur des faits peut être condamné à une peine de prison et/ou d’amende, ainsi qu’à l’indemnisation de la victime.

La citation est énoncée dans les articles 389 à 392-1 du Code de procédure pénale ainsi que dans les articles 550 à 566 concernant la délivrance de la citation.

La citation est délivrée à la requête du ministère public, de la partie civile, et de toute administration qui y est légalement habilitée. L’huissier doit déférer sans délai à leur réquisition.

Article 551 du code de procedure penale

Pourquoi faut-il supprimer la citation directe pour le délit de non représentation d’enfant ?

Pourquoi faut il supprimer la citation directe pour le délit de non représentation d'enfant

Lorsque la poursuite emprunte la voie de la citation directe à l’initiative d’un des parents… cela parait suspect… si le parent était vraiment attaché à l’intérêt de l’enfant, il privilégierait le dialogue et les mesures éducatives pour renouer avec son enfant… et pas la citation directe contre l’autre parent… où l’instruction se fait à l’audience…

Le père veut faire condamner la mère à une peine d’emprisonnement parce que l’enfant ne veut pas le voir… parce que le père se comporte mal… et comme l’enfant ne veut pas le voir parce qu’il se comporte mal… la mère est condamnée à une peine d’emprisonnement.

Enfin dans les procédures de citation directe l’ado n’est jamais entendu ce qui est un non sens. Car si la décision de justice qui organise le droit de visite et d’hébergement est prise dans l’intérêt de l’enfant au moment où elle est rendue elle ne traduit pas nécessairement l’intérêt de l’enfant au moment des faits poursuivis, car l’enfant a nécessairement beaucoup évolué et le contexte avec lui. Un enfant de 6 ans n’est plus vraiment le même à 12 puis 15 puis 17 ans… et on doit les respecter, et respecter leur opinion… et que doit faire le parent ? Le contraindre ? Pourtant l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ni psychologiques (article 371-1 du code civil).

L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.

article 371-1 du code civil

Qu’il y ait des enfants et des ados manipulés c’est certain. Mais alors ce doit être prouvé et pas présumé comme c’est le cas actuellement. De surcroit le syndrome d’aliénation parentale n’est pas scientifiquement prouvé. En fait quand un(e) adolescent(e) ne veut pas voir son parent, le parent concerné a souvent sa part de responsabilité… et la voie pénale est suspecte.. surtout par citation directe; cela peut s’assimiler parfois à de la vengeance, la justice est ainsi instrumentalisée par le parent, au détriment de l’intérêt de l’enfant.

C’est pourquoi la voie pénale surtout par citation directe nous semble socialement inacceptable tant en cas de crainte d’un danger pour l’enfant que d’un adolescent résistant. L’enfant peut se passer de rencontrer un parent toxique – que ce soit son père ou sa mère.. on a besoin de ses deux parents bien sûr si ls sont aimants et affectueux.. mais s’ils sont toxiques , maltraitants ou violents, alors autant ne pas voir le parent toxique pour mieux se construire dans la vie.

L’intérêt supérieur de l’enfant est d’être élevé par des parents non violents, qui le protègent; un parent qui maltraite son enfant n’est pas un bon parent. L’aliénation parentale ne doit plus pouvoir être utilisée de mauvaise fois par les parents violents.

Si vous souhaitez connaitre l’ensemble des points que nous souhaitons réformer concernant le délit de non représentation vous pouvez lire notre article Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Le délit de non représentation d’enfant: qu’est-ce que c’est ?

citation directe qu'est ce que c'est

L’article 227-5 du code pénal définit le délit de non représentation d’enfant

« Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

article 227-5 du code pénal
délit de non représentation d'enfant

Lors de la séparation des parents, le juge fixe à quelle période l’enfant mineur verra l’autre parent.

Lorsque le parent chez lequel réside l’enfant ne remet pas l’enfant à l’autre parent à la date prévue, il se rend coupable du délit de non représentation d’enfant.

Lorsqu’un parent garde son enfant alors qu’il aurait dû être sous la garde de l’autre parent, on parle de non représentation d’enfant. Les cas habituels de non représentation d’enfant sont:

  • le refus de ramener l’enfant à son domicile habituel après un droit de visite;
  • le refus, pour le parent ayant la garde de l’enfant, de laisser l’enfant au parent possédant un droit de visite et d’hébergement;
  • le refus de laisser l’enfant au parent devant héberger l’enfant dans le cadre d’une résidence alternée;
  • le déménagement avec l’enfant sans l’accord de l’autre parent et sans le prévenir;
  • l’enlèvement: c’est à dire lorsque le parent emmène avec lui son enfant sans en avoir le droit.

Ce délit de non représentation d’enfant est utile en cas d’enlèvement d’enfant ou de séquestration d’enfant. Nous trouvons que ce délit est une bonne chose car tout parent aimant et affectueux doit avoir la possibilité de voir son enfant en cas de séparation. Dans ce cas faire obstacle au droit de visite de l’autre parent est un réel délit de non représentation d’enfant.

Ce délit se conçoit en cas de séquestration, d’enlèvement d’enfant et, plus généralement comme « le fait de refuser indument de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ». Ce délit se comprend dans des cas de conflits entre les parents, dans des cas de mauvaise foi, de colère, de jalousie, de désir de vengeance… Chaque parent aimant, bienveillant et respectueux de son enfant doit avoir le droit de voir son enfant, et l’enfant doit pouvoir voit chacun de ses parents. Lorsque les parents apportent amour, réconfort, aide et affection, il n’y a aucune raison de vouloir priver l’enfant de ce parent, quelque soit les mésententes qui se sont produites entre les parents.

Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Le délit de non représentation d’enfant est donc utile. Nous ne remettons pas en cause cette partie de la loi.

Cependant dans deux cas précis cette loi pose des problèmes, et ce délit ne devrait pas s’appliquer :

délit de non représentation d'enfant

1. Lorsqu’un parent craint un danger plausible pour l’enfant – maltraitance, attouchements, viols –, il faudrait dans ce cas et dans l’intérêt de l’enfant appliquer le principe de précaution et la protection de l’enfant;

2. Lorsque l’ado refuse de se rendre chez le parent qui a un droit de visite et d’hébergement. Que peut faire la mère ? dans ce cas pour ne pas être condamnée il faudrait que la mère violente l’enfant ou exerce sur lui des pressions psychologiques pour aller chez le père ? Faut-il que la mère commette un délit (violences sur l’enfant) pour en éviter un autre (non représentation d’enfant) ?

Il n’est pas normal d’être condamné à des peines d’emprisonnement parce que l’on craint un danger plausible encouru par l’enfant et que l’on refuse de le représenter en raison de ce danger.
Le parent protecteur n’est généralement pas cru, parce que toute dénonciation durant une procédure de séparation est jugée suspecte, et pire il peut être est considéré comme aliénant et à ce titre dangereux pour son enfant: le juge peut aller jusqu’à lui retirer l’enfant pour le placer chez le parent agresseur.

Il faut mesurer la détresse du parent protecteur empêché de protéger son enfant ou puni pour avoir essayé de le faire.

Dans le cas de l’ado qui ne veut pas voir son autre parent, il est choquant de faire condamner le parent qui n’y est pour rien, et parfois qui a bien tenté de le persuader mais en vain. Le parent ne peut pas contraindre son enfant à aller chez parent 2, sauf à exercer sur lui une violence physique ou morale ce qui est interdit par la loi.

Selon l’article 371-1 du Code Civil :

« L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »

Lorsqu’un ado de 16 ans ne veut plus voir le père, cela ne signifie pas forcément que le père est violent ou toxique, l’ado a ses raisons, c’est un ado; ce qui est choquant est la condamnation systématique de la mère à qui on fait porter la décision de son ado.

Vous trouverez sur le site de l’association Protéger l’enfant des articles, des témoignages et des ressources qui vous permettront de comprendre de façon détaillée pourquoi il faut réformer le délit de non représentation d’enfant. Nous vous conseillons en tout premier lieu la lecture de cet article: Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant?

Pourquoi faut-il réformer le délit de non représentation d’enfant ?

Pourquoi faut-il réformer délit de non représentation d'enfant ?

Si vous souhaitez avoir des précisions au préalable sur la définition exacte du délit de non représentation d’enfant nous vous conseillons la lecture de cet article: « Le délit de non représentation d’enfant: qu’est-ce-que c’est ? ».

Cet article est basé sur l’article de Philippe Losappio, avocat au barreau de Paris, sur le site Village Justice, dont nous vous recommandons vivement la lecture pour une vision juridique complète et documentée: « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant.« 

Le délit de non représentation d’enfant ne devrait pas s’appliquer dans deux cas précis

  1. Lorsqu’un parent craint un danger plausible pour l’enfant – maltraitance, attouchements , viols – il faudrait dans ce cas et dans l’intérêt de l’enfant appliquer le principe de précaution et la protection de l’enfant;
  2. Lorsque l’ado refuse de se rendre chez le parent qui a un droit de visite et d’hébergement. Que peut faire la mère ? dans ce cas pour ne pas être condamnée il faudrait que la mère violente l’enfant ou exerce sur lui des pressions psychologiques pour aller chez le père ? Faut-il que la mère commette un délit (violences sur l’enfant) pour en éviter un autre (non représentation d’enfant) ?

Pourquoi le délit de non représentation d’enfant ne devrait-il pas s’appliquer dans ces deux cas?

1. Il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de rencontrer un parent toxique ou violent.

Pourquoi réformer le délit de non représentation d'enfant?
  • Craindre un danger plausible pour l’enfant n’est pas refuser indument de représenter l’enfant ;
  • et respecter les peurs, les craintes et la vie privée de l’enfant – de l’adolescent(e) résistant(e) n’est pas refuser indument de représenter l’enfant.

2. On exige du parent protecteur de prendre le risque qu’un délit soit commis (violence sur l’enfant) pour en éviter un autre (non représentation d’enfant)

Il est insensé de se retrouver avec un casier judiciaire pour avoir voulu protéger l’enfant ou parce que l’adolescent(e) ne veut pas rencontrer son parent. Il est intolérable que la justice force un parent à contraindre psychologiquement ou physiquement son enfant. La jurisprudence exige ainsi du parent d’un enfant résistant d’aller jusqu’à user de contraintes psychologiques – voire physiques – sur l’enfant résistant, c’est-à-dire prendre le risque de commettre un délit – violence sur l’enfant- pour en éviter un autre- non représentation d’enfant.

3. Actuellement les droits de l’enfant (le droit d’être protégé) passent après les droits des parents (le droit de voir son enfant)

Droits de l'enfant

On a du mal à dissocier l’autorité parentale des besoins fondamentaux des enfants et de la nécessité de protéger le développement de l’enfant. L’exercice des droits de visite après la séparation devient pour le violent conjugal le moyen de perpétuer la violence et l’emprise sur son ex-femme et sur les enfants. Pourtant les violences conjugales sont une transgression majeure de l’autorité parentale : un mari violent est un père dangereux.

« Il faut être davantage dans une culture de la protection. Tant que l’on n’a pas traité de façon adaptée la parentalité, on ne peut protéger ni les femmes victimes de violences conjugales ni les enfants. »

Edouard Durand, Juge des enfants au tribunal de Bobigny

De plus aujourd’hui, quand il est difficile voire impossible de prouver la maltraitance, on est dans un principe de précaution inversé : actuellement le principe de précaution profite au parent soupçonné d’agression ( dans le doute il garde ses droits de visite) au lieu de profiter à l’enfant ( dans le doute il ne voit pas le père). Le principe de précaution profite au parent alors qu’il devrait profiter au plus faible, l’enfant.


4. Lorsque la mère souhaite légitimement protéger son enfant, elle peut être soupçonnée d’aliénation parentale…

…et condamnée pour non représentation d’enfant… or justement l’aliénation parentale peut être instrumentalisée par le parent violent.

Le syndrome d’aliénation parentale (SAP) n’a pas de fondement scientifique. Le 16 février 2020 L’Organisation Mondiale de la Santé a supprimé l’aliénation parentale de l’index de sa classification. Et non seulement le syndrome d’aliénation parentale ne repose sur aucun fondement scientifique mais il permet par une inversion accusatoire habile de condamner… le parent protecteur.

En substance donc le parent protecteur est présumé instrumentaliser l’enfant ou l’adolescent(e) résistant(e), et donc présumé toxique pour l’enfant lorsqu’il refuse de voir son parent.

La mère veut protéger l'enfant

On retrouve dans la jurisprudence les thèses sexistes de la mère menteuse, manipulatrice qui aliène l’enfant – mauvaise femme, mauvaise épouse, mauvaise mère. Le SAP est une arme qui conduit à maintenir et à prolonger l’emprise sur des mères qui cherchent légitimement à protéger leurs enfants; alors qu’au contraire il faudrait protéger ces mères… pour protéger leurs enfants.

Il faudrait cesser l’usage abusif et inapproprié du syndrome d’aliénation parentale.

Un exemple : la décision de la Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 2019, 19-83.357

La chambre criminelle de la Cour de cassation considère que la résistance de l’enfant, de l’adolescent (e) est présumée trouver sa cause dans l’aliénation de l’enfant par le parent qui est en charge de le représenter : «chaque parent devant faciliter l’exercice des droits de l’autre parent, sans instrumentalisation de l’enfant »

En fait la cour de cassation adopte le doute au bénéficie du père, elle suppose par principe que ce que dit l’enfant est faux, elle suppose par principe que l’enfant est sous aliénation parentale de la part de la mère. La jurisprudence va dans ce sens: lorsque les enfants ne veulent pas aller chez le père (ou lorsque la mère ne veut pas qu’il y aille parce qu’elle soupçonne une maltraitance) sont des aliénations parentales de la part de la mère.

Mais il y a un angle mort dans ce raisonnement: quid de tous les enfants qui sont réellement maltraités ou dont le père se comporte réellement mal? Tous ces cas-là sont balayés d’un revers de la main : ces enfants sont dans l’angle mort de la justice.


5. Le délit de non représentation d’enfant n’est pas compatible avec les recommandations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)

Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)

Selon la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) , la décision de justice organisant le droit de visite et d’hébergement donne une appréciation de l’intérêt de l’enfant qui n’est plus d’actualité au moment des faits incriminés ; alors que l’intérêt actuel de l’enfant doit être qualifié par le juge pénal au moment des faits poursuivis.

Pourquoi la justice française ne s’inspire-t-elle pas de la jurisprudence de la CEDH ?

Un exemple : la décision de la CEDH du 3 octobre 2013

« La Cour estime que concernant les enfants très jeunes il est essentiel que les tribunaux évaluent avec objectivité si le contact avec le parent devrait être encouragé ou maintenu ou non. Cependant, au fur et à mesure que les enfants gagnent en maturité et deviennent le temps passant capables de formuler leur propre opinion quant au contact avec les parents, il convient que les tribunaux accordent tout le crédit nécessaire à leur avis et leurs sentiments ainsi qu’à leur droit au respect de leur vie privée. »

Gobec v. Slovenia, 3 octobre 2013 7233/04 not. 133 (traduction)

Voici la version originale en anglais:

 » While in respect of very young children it is essentially for the authorities to assess whether contact with the parent should be encouraged and maintained or not, as children mature and become, with the passage of time, able to formulate their own opinion on their contact with the parents, the courts should also give due weight to their views and feelings and to their right to respect for their private life. « 

Gobec v. Slovenia, 3 octobre 2013 7233/04 not. 133

Et il y a eu d’autres décisions du même type:

6. Le délit de non représentation d’enfant n’est pas compatible avec la Convention d’Istanbul

Qu’est ce que la Convention d’Istanbul ?

Convention d'Istanbul

La Convention d’Istanbul est issue du Conseil de l’Europe et porte sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
La France a ratifié la Convention d’Istanbul qui a été adoptée le 11 mai 2011 et est entrée en vigueur 1er août 2014.

Que dit la Convention d’Istanbul à propos des enfants ?

« La violence à l’égard des femmes et la violence domestique, sous leurs formes directes ou indirectes, peuvent avoir des conséquences dangereuses pour leur santé et leur vie. »

« Dans le cas de la violence domestique, il est reconnu que les enfants n’ont pas besoin d’être directement touchés pour être considérés comme des victimes car le fait d’être témoin de violences est tout aussi traumatisant.
La Convention demande aux Etats de veiller à ce que les épisodes très violents contre les femmes et de violence domestique soient pris en compte pour décider de la garde et des droits de visite.
»

Convention d’Istanbul

Si la justice française appliquait cette Convention, le parent protecteur aurait le droit de protéger son enfant sans risquer d’être condamné pour le délit de non représentation d’enfant.

Pourquoi la France n’ applique-t-elle pas la Convention d’Istanbul ?
Il faudrait la transposition intégrale et l’application en droit français de la Convention d’Istanbul.

Et justement la France a été rappelée à l’ordre en novembre 2019 dans le rapport du Grevio.

Qu’est-ce que le GREVIO ?

Le GREVIO signifie « Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique « , c’est un organisme issu du Conseil de l’Europe. Il a évalué́ chaque pays d’Europe sur la qualité d’application de la Convention d’Istanbul ratifiée par l’ensemble des pays Européen, dont la France.

Que dit le GREVIO à propos du traitement des enfants par la justice française ?

En novembre 2019 le GREVIO a publié un rapport d’évaluation de la France; ce rapport a mis en évidences les lacunes de la France, notamment judiciaires, quand à la gestion des violences domestiques:

« Le GREVIO estime par ailleurs que les juges devraient pouvoir refuser l’exercice du droit de visite au parent violent en invoquant les motifs graves prévus dans la loi (Article 373-2-1 du Code civil). »

« En effet, si le GREVIO soutient pleinement le droit de l’enfant de maintenir ses liens avec ses deux parents, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, l’exposition à la violence domestique – en tant que victime ou témoin – nécessite que des exceptions soient faites dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

« Le GREVIO insiste à ce propos sur la nécessité de chercher à déterminer les raisons d’une non-représentation d’enfant, de manière à ce que les indices de violence domestique puissent être pris en compte à tous les stades de la procédure. »

Pourquoi la France n’applique-t-elle pas les recommandations du GREVIO issues du Conseil de l’Europe ? Les magistrats devraient être mieux sensibilisés et formés.


Il faut supprimer la citation directe pour le délit de non représentation d’enfant

Pour en savoir plus au préalable sur la citation directe, vous pouvez lire notre article « La citation directe: qu’est-ce que c’est ? « .

Lorsque la poursuite emprunte la voie de la citation directe à l’initiative d’un des parents… cela paraît suspect.. si le parent était vraiment attaché à l’intérêt de l’enfant, il privilégierait le dialogue et les mesures éducatives pour renouer avec son enfant… et pas la citation directe contre l’autre parent… où l’instruction se fait à l’audience…

Le père veut faire condamner la mère à une peine d’emprisonnement bien souvent parce que l’enfant ne veut pas le voir… parce que le père se comporte mal… et comme l’enfant ne veut pas le voir parce qu’il se comporte mal… la mère est condamnée à une peine d’emprisonnement… cherchez l’erreur…

Il faudrait tout simplement interdire de poursuivre le délit de non représentation d’enfant par voie de citation directe.


Il faut réformer le délit de non représentation d’enfant, et c’est urgent

Il ne s’agit pas du cas d’un enfant isolé, tous les professionnels de l’enfance reçoivent en moyenne une dizaine d’appels au secours chaque mois, sur les réseaux sociaux il ne se passe pas un jour sans voir un appel à l’aide d’un parent concerné, inquiet pour son enfant, il s’agit en réalité de milliers de cas. Des enfants sont en grande souffrance.

Ce n’est pas l’existence de ce délit qui pose problème mais la façon dont il est interprété par les magistrats, alors que:

  1. Craindre un danger plausible pour l’enfant n’est pas refuser indument de représenter l’enfant.
  2. Respecter les peurs, les craintes et la vie privée de l’enfant – de l’adolescent(e) résistant(e) n’est pas refuser indument de représenter l’enfant.

Aujourd’hui l’interprétation du texte du délit de non représentation d’enfant par la chambre criminelle de la cour de cassation va au-delà̀ de la lettre : « le fait de refuser indument de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer.» (Code pénal article 227-5) ; alors que la loi pénale est d’interprétation stricte (Code pénal article 111-4).


Il faut réformer le délit de non représentation d’enfant en considérant que constituent des refus légitimes qui évitent au parent protecteur d’être condamné :

  • la crainte d’un danger plausible pour l’enfant
  • le refus de l’ado d’aller chez l’autre parent

Enfin il faut supprimer la possibilité de citation directe pour obliger le parquet à rechercher si le refus de confier l’enfant est légitime.

Des enfants victimes de la loi

Des enfants victimes de la loi

Il existe des cas où la justice rend des enfants victimes de la loi.

Le témoignage éclairant de Sylvie

J’ai divorcé en 2017. Le jugement énonçait que mon ex-mari pouvait s’occuper de Thomas, notre fils de 10 ans un week-end sur deux…Bien sûr, il n’était pas question de me soustraire à la justice, et j’ai organisé mon planning en conséquence. Mais souvent, lorsque je récupérais Thomas, après deux jours chez son père, je le trouvais bizarre.

Au début, je ne me suis pas inquiétée, mais petit à petit, mon instinct de mère me disait bien que quelque chose n’allait pas. Surtout quand je préparais ses affaires pour aller chez son père. Thomas devenait triste et anxieux alors que c’est un petit garçon joyeux d’habitude. Il traînait les pieds, cherchait des prétextes divers pour éviter la visite. Petit à petit, j’ai remarqué qu’il mangeait de moins en moins bien.

Un soir il s’est mis à pleurer et m’a confié que la perspective d’aller chez son père l’angoissait. Quand j’ai cherché à savoir pourquoi, il m’a expliqué qu’il recevait des gifles régulièrement, qu’il passait son temps seul dans une chambre, et que dès qu’il s’opposait à son père sur des détails de la vie quotidienne, celui-ci le frappait ou lui hurlait dessus. Bien entendu, cela m’a tordu le ventre, mais mon avocat m’a expliqué que je ne pouvais me soustraire à cette obligation. Si je refusais d’emmener Thomas chez son père, je risquais la prison, explique Sylvie.

Des enfants victimes de la loi

Le droit Français permet ce qui apparaît pour les spécialistes comme une anomalie juridique totale. D’un point de vue statistique, c’est souvent la mère qui a la garde des enfants. Si jamais elle craint des sévices, des attouchements, ou de la violence de la part de son ex-conjoint, elle n’a aucun moyen de se soustraire au droit de visite ou d’hébergement.

Ce témoignage n’a rien d’unique ou d’anodin. Comme beaucoup d’autres mères, ou pères, (car la maltraitance n’est pas l’apanage des hommes), il est possible de se retrouver derrière les barreaux si on refuse le droit de visite au parent qui n’a pas la garde de l’enfant. Ou si un adolescent refuse de se soumettre à cette obligation. Même si l’enfant court un danger. Des enfants victimes de la loi. Beaucoup de familles vivent cette situation, par exemple cette femme poursuivie pour délit de non représentation d’enfant. Et pour cause.

Les tribunaux correctionnels s’appuient sur l’article 227-5 du code pénal pour condamner. Les tribunaux se contentent de constater que l’ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales n’a pas été respectée et condamne à des peines de prison le parent qui a pourtant simplement souhaité protéger son enfant. Dans ce cas les enfants sont véritablement victimes de la loi; et le parent protecteur également puisqu’il est puni d’une peine d’emprisonnement simplement pour avoir cherché à protéger son enfant. Le parent protecteur est traité comme un délinquant. Il faut mesurer la détresse des enfants et des parents concernés.

Le délit peut se justifier dans certains cas

Bien évidemment, il existe des cas où cette « non représentation » d’enfant constitue un outil de vengeance. Et ce refus totalement injustifié. De la même façon il existe des enlèvements internationaux où l’un des parents n’a que pour seul but de soustraire l’enfant à l’autre parent, sans motif valable, et dans ce cas le délit de non représentation d’enfant doit s’appliquer.

Mais dans tous les cas où le danger pour l’enfant existe bel et bien, la justice se base sur un article du code pénal qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé psychique ou physique de l’enfant, et causer de nombreux dégâts dans les familles.

Comment lutter contre ce phénomène injuste avec tant d’enfants victimes de la loi?

Face à ce vide juridique, l’insurrection reste faible et démunie. D’abord parce que souvent, cette disposition est ignorée. Beaucoup de familles dans ce cas apprennent cela au cours de leur propre procédure de divorce. Et réalisent sur le moment les risques qu’ils encourent après consultation avec leur avocat. Ensuite parce que juridiquement, les possibilités de contester une disposition légale inscrite dans le code pénal sont quasiment nulles, donc difficile pour un particulier d’agir avec efficacité.

Nous avons crée l’association Protéger l’enfant dans ce but, nous souhaitons réformer le délit de non représentation d’enfant afin de diminuer le nombre d’enfants victimes de la loi, ils sont hélas trop nombreux aujourd’hui.

Pour en savoir plus nous vous invitons à lire l’article très documenté de l’avocat Philippe Losappio dans Village Justice « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant« .

Une mère poursuivie pour non représentation d’enfant

«Depuis le 2 janvier 2014, je suis mis à l’écart de la vie de ma fille, sans rien pouvoir faire malgré les décisions de justice. Maintenant, elle a six ans. Il est temps que je la revois, très vite ».

C’est cette injustice qui a décidé un papa à porter plainte pour non représentation d’enfant contre la mère de son enfant qui lui refuse ses droits de gardes et de visites.

Un passé de violences conjugales et familiales

Délit de non représentation d'enfant

On pourrait s’attendrir pour ce monsieur si dans l’article de La Montagne n’étaient pas relayées des informations importantes… On y apprend que le même individu a un passif d’homme violent. Il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir frappé sa femme, giflé, traîné par les cheveux, et tout cela alors qu’elle était enceinte.

De plus, à deux reprises, cette maman a déposé plainte pour violences et agression sexuelle sur sa fille. Deux plaintes classées sans suite, comme elles le sont souvent (70% des plaintes pour agressions sexuelles sont classées sans suite) malgré un dossier en béton :

  • signalement du pédopsychiatre au procureur de la République,
  • certificats médicaux établis par des médecins,
  • éducateurs ayant encouragés cette maman à déposer plainte.

Le problème des plaintes classées sans suite

Or on le sait, quand les plaintes sont rejetées par la police/justice, lorsque les plaintes pour agression sexuelle sur mineur n’aboutissent pas, l’écueil supplémentaire est que la mère est automatiquement suspectée de mentir. La conclusion n’est pas qu’il y a un souci administratif ou un souci de justice. Non, on se dit que la maman est une menteuse, une manipulatrice qui instrumentalise son enfant pour se venger de son innocent ex-compagnon…

Les magistrats qui mettent en doute la parole de la mère

Délit de non représentation d'enfant

La présidente du tribunal ne croit manifestement pas la mère et souligne «la nécessité de restaurer le lien fille-père». Actuellement le juge pénal condamne la mère pour non représentation d’enfant parce que la maltraitance n’est pas totalement prouvée… Au final, la mère qui n’a pas pu prouver la maltraitance mais qui sait qu’il y a eu maltraitance est dans une situation intenable :

  • soit protéger l’enfant et risquer d’être poursuivie pour le délit de non représentation d’enfant ;
  • soit emmener son enfant chez le parent maltraitant.

Il est urgent de réformer le délit de non représentation d’enfant

Cette mère est loin d’être seule dans ce cas, de nombreux parents protecteurs se retrouvent chaque année sur le banc des accusés pour délit de non représentation d’enfant. Vous trouverez (hélas) beaucoup d’autres articles similaires sur le site, par exemple Adriana Sampaïo, condamnée à 7 ans de prison pour avoir poignardé son conjoint violent . Et d’autres articles dans la presse en général, pour n’en citer que quelques uns: « Saint-Malo. Jugée pour non-présentation d’enfant« , « Violences sexuelles : une Héraultaise se bat pour faire entendre la parole de sa fille de 5 ans« , ou encore « Violences conjugales : une tribune pour réclamer la protection des enfants« .

Lorsque la maltraitance ne peut pas être prouvée, les enfants ne sont plus protégés, ils se retrouvent dans l’angle mort de la justice. Le principe de précaution n’est pas appliqué, ou plutôt si il est appliqué mais pas à l’enfant, il est appliqué au parent agresseur et ce principe de précaution lui permet de garder des liens avec son enfant.. mais à quel prix pour l’enfant? N’est-ce pas l’enfant qui devrait bénéficier du principe de précaution? N’est ce pas le plus faible que la justice devrait protéger?

Il n’est pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant de rencontrer un parent toxique qui se comporte mal. Et il parait insensé que le parent protecteur se retrouve avec un casier judiciaire pour délit de non représentation d’enfant pour avoir voulu protéger son enfant.

Et comment se peut-il à notre époque qu’une mère ait à faire un tel choix ? N’est ce pas inhumain ? Et à quel moment pense-t-on à protéger l’enfant ? Au nécessaire principe de précaution? Réformons le délit de non représentation d’enfant! C’est urgent! Plaçons le droit de l’enfant avant le droit à l’enfant, replaçons l’enfant et l’intérêt de l’enfant au centre.