Archives dans 23 juin 2024

Maman protectrice, Lettre à mon magnifique garçon Wael

Maman protectrice, Lettre à mon magnifique garçon Wael
Maman protectrice, Lettre à mon magnifique garçon Wael

Cette lettre poignante d’une maman protectrice à son fils nous permet d’effleurer son indicible souffrance.

A chaque fois que je regarde tes photos de toi, bébé, je revis ce moment merveilleux de ton arrivée dans ma vie et de ce jour d’été où tu es né, il y a maintenant 9 ans.

Tu es né sans aucun cri, sans larme, avec les yeux grands ouverts et une jolie tache de naissance sur ton front en forme de cœur.

Quel magnifique cadeau de la vie !

Je t’ai appelé « mon merveilleux bébé zen » ! En devenant maman, j’ai appris le vrai sens du mot amour inconditionnel, qui transcende le temps, le lieu, le chagrin, l’épreuve de séparation et les violences que nous subissons.

Mais, il y a 2 ans, le 1er janvier, un tsunami est venu frapper à notre porte !

Ce père que tu tentes désespérément de fuir, cet homme sans cœur, qui te terrorise, se tient devant le seuil de notre porte, venant te chercher tel un trophée qu’il a gagné. Sans émotion, sans aucune empathie, il est venu t’arracher de la maison.

Mon cœur saigne au souvenir de cette scène. Et j’entends encore cette porte de salle de bain que tu claques de toutes tes forces et fermes à clés, refusant de sortir en hurlant ta terreur.

Et moi, je suis là, impuissante, sous le choc de cette séparation que la juge nous impose malgré la vérité. Comment te contraindre à partir avec ton bourreau ? Ce sadique qui tire tes paupières, te réveille la nuit, t’interdit de pleurer, écrase ton ventre, te menace de mort et hurle « comme un ours ».

Comment en tant que maman, je peux avouer que je ne peux pas te protéger. La justice musèle ta parole et me gomme de ta vie. Matin et soir, je passe devant ta chambre fantôme, que je n’ose pas ouvrir.

Elle est restée comme tu l’as laissé, avec ton pyjama au sol, tes légos éparpillés, ton lit défait, j’ai voulu garder une empreinte. Et lorsqu’on se retrouve à l’espace rencontre, tu te blottis contre mon cœur en me disant “Maman je croyais que tu étais morte”.

Quel supplice !

Chaque jour qui passe, tu étouffes petit à petit ta personnalité et tu tentes de naviguer dans ta nouvelle vie. Obligé de jouer dans la pièce de théâtre que ton père organise en public, ta parole est méthodiquement muselée et instrumentalisée !

Pour survivre, tu évites tout ce qui peut réveiller ta souffrance et ta peur : « je ne dois pas parler, si non maman tu vas disparaitre », « j’ai peur que papa va me faire comme avant ». Ton père vole ton enfance, comme le sien lui a fait en tuant sa mère.

Aujourd’hui, je ne peux pas t’accompagner en sortie scolaire ni t’aider dans tes devoirs comme avant. Je ne peux pas venir t’encourager lors de tes matchs de foot. Je ne peux pas te câliner quand tu es triste ou malade. Je ne peux pas t’embrasser le jour de ton anniversaire.

Je n’entends plus tes mots du matin « bonjour maman chérie d’amour ». Nos fous rires, nos discussions, nos querelles, nos séances de yoga, nos parties de pendus au petit déjeuner me manquent tellement.

LA JUSTICE NOUS TUE PSYCHOLOGIQUEMENT PETIT A PETIT.

Et elle me demande de faire le deuil d’un enfant vivant !

IMPOSSIBLE ! Tu es et resteras à jamais mon enfant, bien en vie et merveilleux.

Alors, continuons à profiter de ces brefs moments et à nourrir l’espoir d’un retour. Mon fils, mon petit cœur, je suis fière de toi ! Merci pour la force que tu me donnes ! Je t’aime avec tout mon amour et de façon inconditionnelle !

Ta maman


Vous pouvez lire d’autres témoignages de mères protectrices publiées sur notre site. Nous croulons hélas sous les appels à l’aide. Vous pouvez également visualiser les préconisation de la CIIVISE. Il faut appliquer le principe de précaution « je t’écoute, je te crois, je te protège ». Les politiques doivent placer les droits de l’enfant comme une politique publique prioritaire, il y a urgence, tant d’enfants sont en grande souffrance. Et il faut protéger leur parent protecteur.

Lutter dans la joie

Lutter dans la joie

En cette période politique troublée, à l’heure où toutes les actions en cours se retrouvent gelées, les espoirs amaigris et les progrès parfois invisibles, il semble difficile de trouver des raisons de se réjouir. On a vite fait de se perdre dans la gravité du désespoir.

Pourtant, nous disposons toujours d’une arme puissante et sous-estimée : la joie.

La joie n’est pas qu’une simple émotion passagère ; elle peut être une posture, une révolte, un acte de résistance face à l’oppression et à la douleur.

Sans ressortir tous les livres d’histoire, on peut citer Diogène le cynique, qui riait des normes sociales et du pouvoir, ou Rabelais, Molière, qui utilisaient la dérision pour critiquer les puissants… Le rire a toujours été une stratégie subversive et une précieuse affirmation de soi.

Pas d’angélisme ici. Nous sommes bien conscients de ce que subissent les victimes et qu’il n’y a rien de joyeux derrière tout cela. Pourtant, il y a du pouvoir à (re)gagner derrière une posture de joie.

Appliquer cette philosophie à notre lutte contre les violences intrafamiliales, c’est embrasser la résilience avec un sourire. « Même pas mal, » cette expression enfantine familière peut devenir un cri de guerre et se transformer en stratégie de combat.

Face à l’agresseur, elle sera une déclaration puissante : « Tu as tenté de me diminuer, mais regarde, je suis toujours debout, plus forte, et capable d’en rire et de me moquer de toi. » Ce rire n’est pas un déni de la douleur subie, mais une manière de la transcender, de la sublimer. En riant, nous refusons de nous positionner uniquement en victime.

Nous montrons à l’agresseur, et peut-être plus important encore, à nous-mêmes, qu’il demeure de l’indomptable en nous. Cette gaieté dans l’adversité peut désorienter l’agresseur, car il est plus difficile de contrôler quelqu’un qui trouve la force de sourire malgré les épreuves.

En se reconstruisant avec humour, une victime témoigne non seulement de sa résilience mais aussi de sa capacité à renverser la violence coercitive que l’agresseur tente toujours d’exercer. Rire de la « pauvreté humaine » de l’agresseur, c’est minimiser l’impact de ses actions et maximiser notre propre force intérieure.

Au-delà de l’individuel, cette joie devient contagieuse. Elle inspire et se diffuse parmi nos alliés, apportant énergie, adelphité et espoir dans les moments les plus sombres de nos luttes.

La joie rappelle à tous que, malgré les horreurs, il existe un chemin où on peut se relever, ne pas se laisser envahir et soutenir le regard de l’autre. Si on le peut psychologiquement, adoptons cette force joyeuse, non comme une fuite de la réalité, mais comme un pilier de notre résistance. Dans nos actions, nos campagnes, nos soutiens, laissons transparaître notre Joie. Elle n’est pas un masque pour cacher la douleur, mais un signal fort envoyé à l’agresseur : “Malgré tout, malgré toi, je suis heureuse. »

Dans cet esprit, voici quelques films ou spectacle inspirants, fruits du courage et de la créativité de personnes qui ont choisi de sublimer leurs expériences douloureuses en transformant l’obscurité en lumière. Ces récits de survie sont aussi des explosions de joie et de libération qui résonnent bien au-delà des mots.

Les chatouilles

Film de Andréa Bescond et Eric Métayer

Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie…

Et pendant ce temps, Simone veille

Pièce de Hélène Serres, Bonbon, Corinne Berron, Vanina Sicurani et Trinidad

Quatre générations de femmes se succèdent dans ce voyage dans le temps qui s’étend de la lutte pour l’avortement à la procréation médicalement assistée. 60 ans de féminisme revisité avec beaucoup d’humour !

Renversée

Pièce de Amandine Lourdel

Sans oeillères, pied au plancher, Amandine Lourdel roule sur nos certitudes. Insolente et tendre, en alerte, s’emparant du matrimoine , elle dissèque mœurs et appartenances.

Son humour frontal oscille entre le sarcasme et ironie. Merci pour cette réelle satire sociale.

La Pérille mortelle

Pièce de Typhaine D

Une lecture féministe et humoristique de l’actualité ! Évidemmente pour cela, Typhaine D vous emmènera en Matriarcate, où on y parle la fameuse Féminine Universelle qui rend dingue les mascouillinistes, puisque la féminine l’emporte… sur la masculine

Notre association recueille tous les jours de nombreux témoignages douloureux. Notre mission est d’aider ces personnes à tenir autant que possible. Et la joie, pourquoi pas, peut faire fait partie du processus.

Dans cette énergie qu’on espère joyeuse, Protéger l’enfant continue de se battre pour chaque victime, pour chaque histoire, pour chaque reconstruction.

Rejoignez-nous dans cette lutte qui est immensément sérieuse, mais où la joie, l’entraide, l’humour et l’amour de la vie restent nos plus belles armes.

Des violences coercitives aux violences institutionnelles, Liza témoigne

Des violences coercitives aux violences institutionnelles, Liza témoigne.

En 2014, Liza et Tom se rencontrent dans le cadre professionnel. Liza est infirmière en santé au travail et Tom est pompier industriel dans la même entreprise.

Au début, Tom est charmant, attentif et à l’écoute, partageant des intérêts communs avec Liza tels que le jazz, la philo et la politique.

Cependant, ni l’un ni l’autre ne sont libres à cette époque. Tom qui se plaint tout le temps de sa femme, décide de la quitter au bout de 11 mois de mariage, entamant une procédure de divorce compliquée. Liza quitte aussi la personne avec qui elle était en couple. Ils se mettent ensemble, débutant une relation idyllique comme souvent les lunes de miel. C’est l’entente parfaite. Trois mois plus tard, Tom s’installe chez Liza. Les choses évoluent doucement. Ils dénichent ensuite une maison et emménagent ensemble.

Étrangement Liza se sent fragilisée, elle ne se sent pas bien et ne réussit pas à défaire ses cartons. Pourtant à ce stade, leur relation est toujours fusionnelle même si Tom se montre contrôlant (il ne supporte pas l’ex de Liza). Ils voyagent beaucoup, assistent à des concerts de jazz… Tom développe beaucoup cette fusion de couple. Tellement que Liza s’éloigne de ses amis et de sa famille, tandis que Tom lui cache la sienne. Il la décrit comme marquée par des non-dits, des dépressions et des troubles bipolaires, dysfonctionnelle. Il lui confie qu’il a été maltraité enfant par un père tyrannique et violent.

En 2016, Liza tombe enceinte, ils sont ravis. Ils se pacsent et partent à New-York en voyage. La grossesse se passe bien.

Trois mois avant l’accouchement, Tom perd son portefeuille et s’énerve violemment.

C’est la première crise où Liza le voit exprimer sa violence verbale. Il s’excuse et puis l’arrivée de leur fille balaye cette crise, en février 2017.

Tom est présent et soutenant, mais assez vite, sa famille s’immisce dans leur vie, générant rivalités et jalousies.

Ils décident d’avoir un nouvel enfant. Mais quand Liza tombe enceinte, Tom est dépassé et commence à lui faire des reproches, se sentant frustré et contraint. Des conflits éclatent au sein de sa famille. Le frère jumeau de Tom reproche à sa famille des maltraitances subies dans l’enfance envers eux. Celui-ci décide de faire bloc avec son frère, et étrangement, ça retombe sur Liza, accusée d’être à l’origine du conflit familial. Cette situation perturbe la grossesse. En juillet 2018, leur fils naît. Liza allaite mais ne se sent pas soutenue et en souffre.

Tom devient distant, nerveux.

Il revoit ses amis et accuse Liza de tous leurs problèmes, dont son manque de libido (“tu es comblée par ton fils qui te bouffe les seins”). Tout est prétexte à crise, à dénigrements (dirigés même contre les enfants), parfois suivis d’excuses peu convaincantes et d’un retour à la normalité (par ex : elle offre des cadeaux à Tom, mais il l’accuse violemment de surconsommation, puis s’excuse, etc.).

Liza justifie encore souvent ses comportements délétères jusqu’en 2019, où elle commence à consulter un psy. Elle s’avoue enfin son envie de partir, bien qu’elle soit financièrement dépendante car en congé parental. La situation s’aggrave avec la pandémie. Les négligences s’accumulent, accompagnées de violences verbales qui génèrent l’effondrement de Liza.

Elle découvre de nombreux défauts de surveillance vis à vis des enfants. Elle perd 14 kilos en 3 mois, fait des insomnies, de la tachycardie. En sortie de confinement, Liza révèle tout à sa famille, et sa mère lui suggère que Tom est un pervers narcissique, ce qui résonne en elle.

En juin 2020, elle dépose une main courante pour les défauts de surveillance et envisage une séparation, ce qui déclenche des violences physiques.

Elle porte plainte en septembre, et son avocate lui conseille d’obtenir une ordonnance de protection. Liza découvre que Tom la trompe depuis des mois et obtient 7 jours d’ITT après une visite aux UMJ. L’ordonnance de protection est refusée malgré l’avis favorable du procureur. La magistrate accorde la garde principale à Liza et un week end sur deux à Tom malgré les éléments prouvant sa dangerosité.

Son avocate et l’OPJ conseillent de ne pas lui confier les enfants. En février 2021, la Cour d’appel reconnaît l’erreur judiciaire et retire les droits de visite à Tom. Cependant, il continue de miner le terrain en se rapprochant de la directrice de crèche, qui prend son parti et tente de discréditer Liza en l’accusant même de maltraitance.

Une enquête de l’ASE est lancée chez Liza, mais pas chez Tom. Il l’accuse d’aliénation parentale et cherche à récupérer la garde pour la détruire. Liza se retrouve devant le juge 15 jours plus tard, qui ne comprend pas la situation. L’audience se passe plutôt bien. Liza est mutée dans le sud ce qui provoque une réaction violente de Tom qui l’assigne en référé. En octobre, la juge accorde la garde à Tom, imputant à Liza les conséquences de sa mutation et réduisant ses droits à un week end par mois et la moitié des vacances.

Liza, effondrée, fait appel. Tom, dans sa toute-puissance, exige de prendre les enfants le week-end suivant. Liza temporise, estimant qu’il faut d’abord préparer les enfants à cette décision ultra violente, ce qui conduit Tom à l’accuser de soustraction d’enfant.

Convoquée en vue d’une garde à vue, un accord est trouvé pour que Tom revienne chercher les enfants dans quinze jours. Les enfants vont chez leur père et Tom en profite pour remplacer le psy de leur fille par un autre, pro-père. Il dit aux enfants que leur mère les a abandonnés, qu’elle ne les aime pas, fait de la rétention d’infos et leur demande de mentir.

En février 2022, la fille de Liza lui révèle que « papa m’a mis un doigt dans les fesses pendant la douche« . Une psy fait un signalement au procureur.

Cependant, le commissariat minimise la situation et l’audition de la fille est mal conduite (l’OPJ dit que sa fille veut rentrer le soir chez son père pour prendre sa douche). La consultation à l’UMJ accuse Liza de fausses déclarations.

La petite, obligée de retourner chez son père, s’effondre.

Pour ses 5 ans, Tom refuse que Liza la voie et demande à l’école d’éviter tout contact. Puis il invoque un état de nécessité (folie) pour ne plus rendre les enfants. Liza, épuisée et en burn-out, se retrouve en arrêt maladie, privée de ses enfants pendant quatre mois. Tom saisit le JAF pour demander le retrait de l’autorité parentale de Liza, une expertise psy, des visites médiatisées et une pension alimentaire, l’accusant de manipulation.

Le JAF le déboute heureusement de toutes ses demandes. En juin 2022, Liza récupère le droit de garde et met fin à l’impunité de Tom.

Tom exerce alors une violence financière, gardant l’argent de la vente de leur appartement sous séquestre.

Plus tard, lors d’une audience, une JDE rencontre les enfants seuls et conclut qu’il est indispensable de rééquilibrer les droits parentaux…

Liza obtient finalement la garde alternée, mais doit céder sur des tas de critères imposés par Tom (convention parentale à son avantage, le choix de l’école et des thérapeutes, pas de pension alimentaire…). La garde alternée ne fonctionne pas bien pour les enfants, qu’elle récupère toujours en détresse. En septembre 2023, Liza est convoquée à la suite de la plainte de Tom pour violence conjugale (déposée en 2022, quand il est accusé d’inceste).

Ça n’en finit jamais. Après 4 ans de cauchemars, de violence institutionnelle et d’impunité pour Tom, Liza attend toujours une véritable justice pour protéger au mieux ses enfants.


Vous pouvez trouver d’autres témoignages sur le site à la rubrique  » Articles et témoignages « .

Pourquoi se former au Contrôle Coercitif pourrait changer la donne

Pourquoi se former au Contrôle Coercitif pourrait changer la donne

Le contrôle coercitif est un concept qui nous vient de l’américain Evan Stark, ancien travailleur social et sociologue. En 2007, il publie Coercive Control : The Entrapment of Women in Personal Life, dans lequel il s’attaque aux idées préconçues autour des violences dites domestiques. Selon lui, il est rare que la violence physique soit une impulsion sortie de nulle part. Au contraire, la plupart du temps, les coups ne sont que l’aboutissement d’un « motif récurrent de comportements contrôlants, relevant du terrorisme ou de la prise d’otage ».

Cette compréhension plus large et plus juste des mécanismes de violences intrafamiliales a déjà été intégrée dans plusieurs codes pénaux (d’abord l’Angleterre en 2015, puis l’Écosse, plusieurs États australiens, le Canada…). Nous espérons que la France sera la suivante.

Le contrôle coercitif englobe toutes les formes de violences intrafamiliales sans se focaliser sur la violence physique.

Il désigne un schéma plus large de domination et de contrôle systématique qui vise à contrôler et assujettir la victime.

  • Isolement : Séparation de la victime de ses amis, sa famille et d’autres réseaux de soutien.
  • Intimidation : Utilisation de menaces, de regards, de gestes ou de destructions de biens pour créer un climat de peur.
  • Dégradation : Attaques verbales ou comportement humiliant pour diminuer l’estime de soi de la victime.
  • Contrôle des ressources : Surveillance ou restriction de l’accès aux ressources, par ex financières, éducatives ou professionnelles.
  • Surveillance : Utilisation de moyens de surveillance pour contrôler les mouvements et les communications de la victime.

Andreea Gruev-Vintilla a écrit un livre en français qui présente en détail ce concept. On souhaiterait voir cet ouvrage dans les mains de tous les intervenants dans la gestion des violences intrafamiliales.

Selon la chercheuse, le concept de contrôle coercitif remplace la sempiternelle question “Pourquoi la victime n’est-elle pas partie ? “ par “Comment l’agresseur s’y est-il pris pour l’empêcher de partir ?”. Et ça change tout.

Pourquoi ? Parce que la focale est enfin dirigée vers la source du problème, l’agresseur, et non sur les conséquences de ses actes (dont l’emprise qu’il exerce sur les victimes et leur incapacité à s’extirper de cette situation).

Le contrôle coercitif propose une meilleure définition du mécanisme de la violence, en mettant en valeur que l’essence de l’oppression, c’est d’être définie de l’extérieur, par un tiers qui lui-même s’auto-proclame supérieur.

La seule émancipation possible est alors de pouvoir se définir soi-même, ce qui n’est pas une mince affaire dans un cadre de violences intrafamiliales, d’oppression, de manipulation.

Pour autant, les proches ou les tiers témoins ont un rôle décisif à jouer dans la poursuite ou l’arrêt de ces processus. Au pire, leur indifférence ou leur neutralité servent l’agresseur. Au mieux, ils peuvent remarquer quelques actes. Mais s’ils ne sont pas formés au contrôle coercitif, le processus fragmenté mais continu de cette violence passe totalement sous leur radar.

Depuis 2023, au Royaume-Uni, la police est tenue de traiter la violence intrafamiliale comme une “menace nationale”, au même titre que la criminalité organisée, le terrorisme et la maltraitance des enfants.

En France, la cour d’appel de Poitiers vient de faire entrer le contrôle coercitif dans les tribunaux avec une série de cinq arrêts rendus le 31 janvier 2024.

Ces derniers mettent en lumière comment les faits s’inscrivent « dans un mécanisme historique et collectif d’inégalités structurelles entre les femmes et les hommes », et affirment que la violence intrafamiliale est une « forme de violence sociale » basée sur la domination.

La Cour d’appel a précisé que le contrôle coercitif est une atteinte aux droits humains en ce qu’il empêche la victime de jouir de ses droits fondamentaux.

C’est la première fois en France que des décisions judiciaires abordent les violences conjugales non plus juste sous l’angle de la protection de la famille, mais comme une atteinte aux droits fondamentaux des victimes. La cour a ainsi condamné un prévenu qui dénigrait sa compagne, contrôlait ses ressources alimentaires, l’isolait, la menaçait de mort…

L’arrêt indique : « Cette forme structurelle de privation contraint à l’obéissance par la monopolisation des ressources vitales ». La victime résume : « Il voulait avoir le contrôle sur tout ce que je faisais. » Dans une autre affaire, le prévenu interroge sans cesse sa compagne sur ses déplacements et « fait régner un climat de terreur au domicile ». Il la traite de pute, connasse, salope, lui crache dessus, profère des menaces de mort. Sa compagne « ne compte plus » les coups car « me frapper était la seule façon de me faire taire. »

Le contrôle coercitif est identifié comme un problème systémique. Il serait urgent de changer la loi pour qu’il soit érigé en infraction pénale.

De plus une formation obligatoire devrait être dispensée aux forces de l’ordre, aux magistrats, et à tous les intervenants concernés par la lutte contre les violences intrafamiliales.

Un suivi de la mise en œuvre de cette loi serait important au début pour qu’elle ne reste pas lettre morte. Tout comme le lancement de campagnes nationales d’information et de sensibilisation permettraient à cette notion de contrôle coercitif d’infuser plus vite et donc de mieux aider les victimes.

La société et ses forces représentantes doivent entamer un processus de transformation profond, aussi urgent que vital dans la gestion des violences structurelles actuelles.


Pour approfondir ce sujet, nous vous conseillons la lecture des articles « Pourquoi on devrait s’inspirer de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales« , « Violences conjugales : le « contrôle coercitif », nouvelle arme des juges » et « Violences intra-familiales : « les magistrats doivent partager des connaissances conceptuelles »« .