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Lise, victime de violences conjugales, témoigne de sa difficulté à obtenir justice face à l’influence de son mari

témoignage de victime de violences conjugales

Voici un nouveau témoignage d’une victime de violences conjugales qui peine à être entendue. Pourtant, à Limoges, Lise (tous les prénoms ont été changés) a bénéficié d’une ordonnance de protection. Mais quelques années plus tard, ses enfants ont été confiés à leur père, malgré sa condamnation pour violences conjugales, et alors que leur fils venait de dénoncer des maltraitances paternelles ! Le travail à la préfecture du papa n’y est sans doute pour rien…

L’histoire de Lise : témoignage d’une victime de violences conjugales

Lise connait Paulo depuis longtemps, ils ont des proches en commun. Ils se croisent à nouveau à Paris pour la fête d’anniversaire de ses 31 ans (à elle). Il a 11 ans de plus, apparaît cultivé et attentionné. Ils entament une relation à distance et partagent de très beaux week-ends tantôt à Paris, chez lui, tantôt à Lyon, où elle est en poste. Tout semble idyllique et elle se sent en confiance. Ils ont rapidement le projet de s’installer ensemble et de fonder une famille. Ils ont 33 et 44 ans quand ils se marient en 2009. Leur fils William naît en 2010.


Hélas, le comportement de Paulo a commencé à changer avant la naissance de l’enfant. Il s’énerve pour un rien et devient blessant et agressif à l’égard de Lise. Le jour de la naissance de William, il s’agace que l’accouchement prenne autant de temps et explique à Lise, sidérée et choquée, qu’il aurait mieux à faire ! Lise met cela sur le compte des changements liés à l’arrivée de leur enfant, et de son côté vieux garçon.
Paulo ne supporte pas les pleurs de leur fils, il l’arrache brutalement des bras de sa mère pour le « calmer », et accuse Lise de ne pas « savoir y faire, d’être une mauvaise mère ».


Les dénigrements deviennent systématiques. Devant leurs amis et la famille, Paulo change les couches (ce qu’il ne fait jamais le reste du temps), et se présente comme un père attentif et un mari prévenant. Il est très convaincant quand il leur parle longuement des rendez-vous chez le pédiatre, auxquels pourtant il ne vient jamais !
A la maison, il se comporte en tyran.


Quand il va trop loin, il s’excuse, met cela sur le compte de sa fatigue, des transports, du travail…Il laisse passer quelques jours puis relance la roue de la violence verbale et psychologique. D’un commun accord, Lise et Paulo décident de déménager pour aller en province, avoir plus d’espace et un cadre de vie plus agréable. Lise espère que cela va permettre à Paulo de s’apaiser. Elle obtient sa mutation. Paulo ne la rejoindra qu’un an plus tard. Lorsqu’il vient voir sa femme et leur fils le week-end, il s’alcoolise et « fait ses crises ».


Un samedi de janvier 2013, il agresse physiquement Lise en la serrant au cou et menace de la tuer. Cela se passe devant William, qui a 2 ans et demi et qui crie. Le père lâche prise. Lise a eu très peur. William ne cesse de refaire le geste, en disant « papa colère ».


Lise va se réfugier dans sa famille avec son fils. Avant de partir, elle porte plainte au commissariat de Limoges, où elle est reçue plus que fraichement par la police : on lui explique que Paulo « est de la maison » : il est un ancien du secrétariat général d’administration de la police et travaille désormais au Cabinet du Préfet. « C’est embêtant, il ne vous a même pas frappée » lui explique le policier qui enregistre la plainte (certes… il a « juste » tenté d’étrangler Lise et l’a menacée de mort devant leur fils sic !). On n’envoie pas Lise à l’hôpital, où elle aurait pu faire établir un certificat médical pour les traces qu’elle porte au cou. Et elle est tellement choquée qu’elle n’y pense pas ! La brigadière chargée de l’enquête est embarrassée, elle conseille à Lise de retirer sa plainte : arguant que cette plainte va « gâcher la carrière de son mari » et briser une famille, « leur fils a besoin de son père »…

Paulo s’engage à aller voir un psychologue. Devant cette promesse, Lise retire sa plainte et retourne vivre avec son mari. Il s’apaise quelques temps, elle a l’impression d’avoir retrouvé l’homme dont elle était tombée amoureuse, et elle accepte le projet d’un second enfant. Il est difficile d’imaginer qu’on puisse s’être tant trompée sur l’homme qui partage votre vie et qui est le père de votre enfant. La puissance du déni sans doute…
Gisèle naît au printemps 2014. Contrairement à ses promesses, Paulo n’a pas rencontré de psychologue pour travailler sur ses violences. Désormais, quand il rentre du travail le soir, il s’enferme à l’entresol de la maison avec ses bouteilles d’alcool.


Lorsqu’il en remonte, il lance les objets qui lui tombent sous la main et met la maison à sac. Lise doit tout ranger, s’occuper des enfants bien sûr, et les protéger du mieux qu’elle peut de l’impulsivité de leur père et de ses violences qui sont en train de devenir leur quotidien. Elle n’en fait jamais assez aux yeux de Paulo, qui lui cite sans cesse en exemple sa mère « qui, elle, ne s’asseyait jamais ». Lise ne l’a pas connue : lorsqu’elle a commencé à sortir avec Paulo, il venait juste de déménager du domicile de sa mère, morte quelques temps plus tôt.

Un soir d’octobre 2014, alors qu’elle s’est réfugiée sur son balcon avec les enfants pour échapper à une nouvelle crise de violence de Paulo, Lise prend la décision d’alerter ses voisins, qui contactent la police. Elle croise Paulo en partant, il la bouscule alors qu’elle a leur bébé dans les bras, il l’insulte et lui crache au visage, ainsi qu’à leur fils de 4 ans.
Plus tard, lors des procédures judiciaires pour les droits de garde des enfants, les magistrats expliqueront à Lise que les violences « étaient de l’ordre du conjugal » et n’avaient rien à voir avec les enfants, et qu’il n’y a aucune raison de croire que Paulo ne peut pas être un bon père…

Une police complaisante

Le 17 octobre 2014, quand les policiers arrivent, Paulo leur explique qu’il travaille avec le Préfet. Malgré l’état de la maison, l’ébriété de Paulo, le
témoignage des voisins et celui apeuré du petit garçon les policiers disent qu’ils n’ont pas assez de preuves.
Néanmoins, ils contactent un médecin pour calmer Paulo, qu’ils ne souhaitent pas emmener en cellule de dégrisement au regard de ses fonctions ! Et les policiers conseillent à Lise de partir quelques jours avec ses enfants, « le temps que les choses s’apaisent ».


Lise fait rapidement les valises des enfants, et part chez ses parents, à Angoulême. William, qui a 4 ans, et qui n’a pas pu prendre avec lui les jouets que son père a cassés dans sa « crise », dit à sa maman : « Je suis bien triste de quitter ma maison comme ça ».
A Angoulême, Lise dépose une main courante afin de ne pas être accusée d’abandon de domicile. Cette fois-ci des policiers bien formés la prennent en charge, au sein d’une Brigade de la famille, qui travaille en lien avec le centre hospitalier.


On la convainc de rassembler des preuves et de porter plainte. Lise rassemble des enregistrements audio dans lesquels le père de ses enfant la menace de mort et menace également de la priver de leurs enfants. Il y a également les mails d’insulte, que Paulo lui a envoyés de son adresse de messagerie portant la mention du Cabinet du Préfet avec les symboles républicains. L’ancienne compagne de Paulo accepte aussi de témoigner de sa double personnalité et de ses crises de violence, dont elle a elle aussi été victime (c’était avant qu’il sorte avec Lise). Elle atteste qu’il peut devenir dangereux très brusquement, comme lorsqu’il lui a mis une fourche sous la gorge. Elle conclut qu’elle « craint pour la sécurité des enfants s’ils sont laissés seuls avec lui ». Toutes ces preuves sont analysées et authentifiées.

Lise prend conscience qu’elle s’inscrit bien dans la réalité des femmes victimes de violences conjugales. Suite à sa plainte, elle est envoyée au centre hospitalier, qui établit un certificat médical avec un ITT de 10 jours. Parallèlement Lise s’assure que William soit pris en charge par un pédopsychiatre, qui diagnostique un stress post-traumatique. Il écrit le 27 novembre 2014 que William est « très envahi par les souvenirs traumatiques et la violence ». Quelques années après, les magistrats prendront le parti de considérer que c’est Lise qui projette ses propres souvenirs traumatiques des violences sur son fils, ce qui la rendrait « toxique » et « aliénante » pour ses enfants, selon l’approche que le père réussit à imposer dans les procédures liées à la garde.

Au début pourtant, Lise et ses enfants sont protégés par la justice. L’association SOS violence conjugales la soutient dans ses démarches, lui conseille de prendre un avocat et de demander une ordonnance de protection. C’est une mesure d’urgence, mais Lise – et ses enfants – devront attendre 2 mois cette ordonnance : à Limoges son dossier de plainte et l’intégralité des pièces ont disparu ! Le brigadier chargé de l’enquête doit renvoyer le dossier au Parquet. Pendant ce temps, Paulo met la pression sur Lise, alterne les courriels d’excuses et ceux d’intimidation, lui fait du chantage à la garde des enfants. Il téléphone à son travail et menace l’une de ses collègues, qui ne veut pas lui dire où est Lise. Il menace cette collègue, affirmant « qu’il a le bras long et qu’il peut ruiner sa carrière ». La supérieure hiérarchique de Lise atteste de ces pressions.


L’ordonnance de protection est délivrée le 6 janvier 2015, il y est inscrit que William a été témoin des violences. Lors de l’audience, la magistrate se permet cependant de reprocher à Lise d’avoir déscolarisé William (qui a 4 ans), pendant la période où elle s’est réfugiée chez ses parents dans l’attente de l’ordonnance ! En l’absence d’ordonnance de protection, si Lise avait continué à emmener William à l’école, le père pouvait savoir où ils vivaient, aller chercher l’enfant et l’utiliser comme outil de pression ! Tout au long des procédures qui vont suivre, Lise va se rendre compte que les magistrats auxquels elle a affaire ont bien du mal à comprendre les réalités concrètes que vivent les victimes de violences et leurs enfants après la séparation.

Suite à l’ordonnance de protection, Paulo n’a le droit de voir les enfants qu’en lieu neutre, sans autorisation de les sortir.
Le Procureur porte la plainte au pénal. Paulo est condamné à 3 mois de prison avec sursis le 20 août 2015, mais obtient une exclusion de la mention de sa condamnation sur son casier judiciaire, « en raison de ses fonctions » (selon que vous soyez puissant ou misérable…).
Afin de ne pas être suspectée de faire cela pour obtenir de l’argent, Lise n’a demandé, et obtenu, qu’un euro symbolique de dommages et intérêts pour les violences subies.


Pendant 3 ans, Paulo voit les enfants un samedi sur deux pendant 2h. Il n’entreprend aucun travail sur ses violences et continue à en être dans le déni, envoyant à Lise des courriels dans lesquels il continue à lui reprocher « son abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux » !
Lise demande le divorce. Pour statuer sur les droits de garde, le Juge aux affaires familiales (JAF) ordonne un bilan psycho-social. C’est à partir de là que la situation va connaître un total revirement, au détriment de Lise, de ses enfants, et de leur protection.

Double peine des victimes de violences conjugales

Le psychologue chargé du bilan psycho-social ne connaît manifestement rien aux violences conjugales et explique à Lise que les violences psychologiques ne sont pas graves, et qu’elle n’a « même pas été battue » (juste insultée, étranglée et menacée de mort devant son enfant de 4 ans !). Il lui dit même que « cela n’était pas si grave puisque vous avez eu un deuxième enfant avec cet homme », sans prendre en compte le fait que dans les violences domestiques les cycles de violence alternent avec des périodes dites « de lune de miel ». Durant ces périodes, l’auteur des violences promet de changer et se montre particulièrement charmant, c’est précisément cette alternance qui permet de déstabiliser psychologiquement leur conjointe voire de la culpabiliser (« il fait des efforts pour changer, je dois l’aider ») et de renforcer leur emprise, surtout quand elle est épuisée, en manque de sommeil, et de plus en plus isolée de sa famille et de ses amis.

D’ailleurs Paulo ne supporte pas la famille de Lise, ne supporte pas qu’elle aille voir ses parents avec les enfants. Il dit régulièrement à Lise qu’elle a « une famille de cons », qu’elle ne « peut rien faire sans ses parents » et menace de « faire la peau » à ces derniers, comme en atteste un enregistrement d’une des crises de violence de Paulo. A l’appui de ces éléments, Paulo a eu interdiction d’approcher de ses beaux-parents dans le cadre de l’ordonnance de protection du 6 janvier 2015.

Pour en revenir au psychologue chargé du bilan pour les droits de garde, il décrète dans son rapport que le père ne présente aucune dangerosité avec les enfants – alors qu’il n’a même pas vu Paulo en présence de ses enfants dans le cadre de ce bilan… Il ne tient compte ni du témoignage de l’ex-compagne de Paulo, qui avait attesté de sa personnalité violente et inquiétante, ni de la condamnation pénale qu’il considère comme « des problèmes de couple » n’ayant rien à voir avec les droits de garde. Pire, en mentionnant les événements liés aux violences conjugales et à la personnalité de Paulo, Lise est accusée de « tenir un discours à charge contre le père » (ce sont là les termes du bilan psycho-social).

C’est un tournant : Lise et ses enfants vont faire les frais de la théorie de la « mère aliénante », qui permet une totale inversion des rôles. Paulo va désormais se présenter comme la victime, victime d’une ex-conjointe et de beaux-parents qui « dénigreraient son image et sa place de père auprès de leurs enfants », et il va réussir à imposer cette version auprès des professionnels judiciaires de Limoges.

Lise est effarée par la violence sexiste qui est à l’œuvre dans ce bilan. Pour les protéger, ses enfants et elle, Lise a quitté le domicile conjugal, porté plainte, demandé et obtenu une ordonnance de protection, rassemblé des preuves des violences subies, affronté un procès pénal. Elle n’imaginait pas que ce n’était là que le début du combat, et que le plus dur l’attendait !

En 2017, à l’appui du rapport du psychologue, le père saisit le Juge des enfants en dénonçant une entreprise d’aliénation de ses enfants par leur mère et leurs grands-parents maternels. Le Juge des enfants ne souhaite pas prendre en compte les éléments liés à la condamnation du père pour violences conjugales, ni le fait qu’il avait menacés de mort Lise et ses parents, et qu’il lui avait fait interdiction de les approcher dans le cadre de l’ordonnance de protection du 6 janvier 2015.

Deux après cette ordonnance de protection et la condamnation pénale du père de ses enfants, Lise va découvrir que les magistrats considèrent que «les violences domestiques, c’est de l’histoire ancienne », « des problèmes de couple, qui n’ont rien à voir avec les enfants ». C’est à elle qu’on reproche de ne pas évoluer dans l’image qu’elle a du père de ses enfants. Lui peut impunément lui écrire, de son adresse de messagerie du Préfet, pour lui reprocher « son abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux » ! C’est pourtant la preuve qu’il n’a pas accepté sa condamnation pénale ni travaillé sur ses violences, mais les magistrats ne semblent pas vouloir s’intéresser à ces aspects.


Lise découvre que face au discours du père de ses enfants, sa parole pèse bien peu. Pire même, le fait d’avoir été victime de violences domestiques joue contre elle et contre la protection de ses enfants, puisqu’on va la suspecter d’être trop « imprégnée de ses souvenirs des violences » et « dans un combat contre le père », quand elle va dénoncer les maltraitances dont est victime William, leur fils de 8 ans. La théorie de la mère aliénante va également permettre de disqualifier la parole de l’enfant. Implacable. Pourtant un certificat médical hospitalier atteste des lésions que présente William le 30 octobre 2018, au retour d’un droit de visite des enfants chez leur père : « 9cm x 5cm sur la joue gauche, 3cm x 4 cm au creux susclaviculaire gauche, 4x 1cm au susmamaire droit, 1cm x 0,5 au scapulaire droit et à l’auxiliaire gauche, ainsi que des lésions devant et à l’arrière du cou ».

William et Gisèle ont passé la journée avec leur père. Lorsqu’il les ramène, William a un nouveau T-shirt, il ne parle pas et part directement s’enfermer dans sa chambre. Cela ne lui ressemble pas. Lise est perplexe. Au moment où elle lui demande d’aller se doucher, William s’effondre dans ses bras et lui montre les blessures qu’il a au cou, à la joue et au torse.
L’enfant lui explique que son père a bu des verres d’alcool le midi, qu’après il s’est énervé, l’a poursuivi, empoigné par le T-shirt – qui s’est déchiré, – l’a serré au col, soulevé du sol, fait retomber et giflé. Et tout cela devant la petite sœur, Gisèle (qui a 4 ans). Le père est ensuite aller acheter un nouveau T-shirt à William.


Les blessures que présente son enfant correspondent aux violences qu’il décrit. Lise l’emmène immédiatement aux urgences pédiatriques de l’Hôpital mère-enfant de Limoges. Le médecin établit un certificat médical de 15 lignes avec une ITT de 8 jours, attestant des lésions et de leur envergure.


Dès le lendemain matin, et à l’appui de ce certificat médical, Lise va porter plainte au Commissariat central de Limoges. William est entendu à la Brigade des mineurs. Des photos de ses blessures sont prises.
Ces violences ont eu lieu alors qu’une action éducative, ordonnée par le Juge des enfants, est en cours depuis plusieurs mois, et ce afin de « favoriser les contacts père-enfants ». L’éducatrice chargée de cette mesure a prôné un élargissements des droits de garde du père, qu’elle présente comme structurant envers les enfants. Juste avant les événements du 30 octobre 2018, cette éducatrice écrit dans son rapport que William est « très à l’écoute des consignes de son père et acceptant les limites posées par celui-ci ». Le père lui va reconnaître s’être énervé et avoir empoigné William par le T-shirt ce 30 octobre 2018, « parce qu’il refusait de lui obéir » !

Le père évoquera des « violences involontaires » lorsqu’il a empoigné William par le col et déchiré son T-shirt. C’est la version que retiendront les magistrats. Et la plainte sera classée. Cette plainte va même se retourner contre Lise, qui va être culpabilisée d’avoir osé « dénigrer l’image du père » en dénonçant ses violences. Et on va le lui faire payer très cher ! Jusqu’alors Lise était décrite comme une mère « chaleureuse et investie auprès de ses enfants » dans les rapports du service éducatif, qui va désormais la présenter comme « très engagée dans le conflit et la disqualification du père ».

Lise a informé l’éducatrice des événements du 30 octobre 2018 et de son dépôt de plainte. L’éducatrice les convoque dans les locaux du service éducatif, William et elle. Devant l’enfant, elle explique à Lise que « William s’est sûrement fait cela tout seul » et qu’elle « n’aurait pas dû se précipiter pour aller porter plainte et en parler », qu’elle « aurait dû en parler d’abord avec le père qui a sûrement de bonnes explications » ! William est profondément choqué que l’éducatrice ne le croit pas. L’éducatrice écarte le certificat médical hospitalier qui appuie la parole de William. Lise apprendra que l’éducatrice n’a d’ailleurs pas transmis ce certificat au Juge des enfants. L’éducatrice n’hésite pas à culpabiliser Lise : en emmenant son fils aux urgences et à la Brigade des mineurs, elle contribuerait à le « traumatiser » et à diffuser une image inquiétante de son père !

Lise découvre, sidérée, que l’image paternelle semble compter beaucoup plus pour cette éducatrice que la parole de l’enfant et l’origine des blessures de plusieurs centimètres qu’il présente autour du cou, au torse et à la joue. Le service éducatif, chargé de la sauvegarde de l’enfance, va en réalité œuvrer à la protection des intérêts et de l’image du père violent !
William ne veut plus aller chez son père et supplie Lise de ne pas l’y envoyer dans le cadre des droits de visite qui suivent ces événements. Quel parent aurait continué à confier ses enfants, après avoir vu des blessures de cette envergure sur son fils ? D’autant que, durant cette période où Lise ne présente pas les enfants au père, la pédopsychiatre de William écrit que l’enfant s’apaise et progresse bien.


Le 16 novembre 2018, Lise écrit au Procureur de la République pour l’alerter sur la situation. Elle ne recevra jamais de réponse à ce courrier.
En revanche le Procureur sera présent à l’audience que convoque le Juge des enfants, alerté par l’éducatrice sur la non représentation des enfants à leur père. Il est exceptionnel que le Procureur soit présent à ce type d’audience. Il est là pour tenir un discours de minimisation de la condamnation du père pour violences conjugales, et de leur impact sur les enfants. Il n’hésite pas à affirmer – c’est dans le jugement – que les violences ont eu lieu « hors la présence des enfants » (malgré les témoignages des voisins, le certificat établi par le pédopsychiatre attestant que William est imprégné de souvenirs traumatiques des violences, le courriel que le père lui-même avait envoyé à Lise de son adresse de messagerie du Cabinet du Préfet et dans lequel il reconnaît ses « colères devant William »…).

Quant au certificat médical hospitalier du 30 octobre 2018, le Procureur le fait écarter, considérant que le père est présumé innocent. William est entendu par le Procureur et par le Juge des enfants. La parole de l’enfant, quand il explique que « son père lui a fait mal » n’est pas plus prise en compte que le certificat médical hospitalier.

En revanche, les magistrats considèrent que Lise porte gravement atteinte aux droits et à l’image du père, en dénonçant des violences et en ne lui présentant pas les enfants ! Cela ferait d’elle une mère « toxique » et aliénante ». Dans le jugement, on lui reproche aussi d’avoir « une conception militante de la protection de ses enfants ». On lui reproche même d’avoir « déscolarisé » William pour l’emmener à la Brigade des mineurs, alors que c’était pendant les vacances scolaires d’automne !

Victime du corporatisme de son ex mari violent

Lise fait l’expérience que tous les arguments sont bons pour culpabiliser une mère qui a osé dénoncer des maltraitances paternelles.
William et Gisèle vont être confiés à leur père, et ce malgré sa condamnation pour violences conjugales, malgré le certificat médical attestant des lésions que présentait William au retour d’un droit de visite au domicile paternel, malgré la parole de l’enfant…
La justice opère même une compète inversion des rôles par rapport au temps de l’ordonnance de protection : le Juge des enfants décide que Lise ne pourra voir ses enfants qu’en lieu médiatisé, en présence de l’éducatrice, le temps de bien comprendre que dénoncer les maltraitances du père de ses enfants fait d’elle une mère « toxique et aliénante ».


Peu de cas semble être fait, en revanche, de l’image qui est véhiculée de la mère dans ces décisions judiciaires. Et ni les éducateurs ni les magistrats ne s’intéressent à ce que William et Gisèle ont compris de la situation. Lorsque William voit la campagne d’information sur la lutte contre les violences faites aux enfants, il demande pourquoi les juges ont décidé de les envoyer chez leur père, sa sœur et lui, alors qu’il avait dit ce que son père lui avait fait…
Quelques semaines après avoir été brutalement séparée de sa mère, Gisèle développe un eczéma sévère. A l’école, la dame chargée de surveiller la cantine et les récréations s’inquiète car Gisèle est triste, reste dans son coin, et réclame sa maman. Mais elle refuse d’en témoigner dans une attestation judiciaire, car le père est membre du Cabinet du Préfet, et elle ne veut pas avoir de problème…Dans ses rapports, l’éducatrice affirmera que le transfert de la garde des enfants au père s’est très bien passé.


Dès 2016, le 5ème Plan de lutte contre les violences faites aux femmes soulignait le caractère médicalement infondé de la théorie de l’aliénation parentale, et les graves conséquences de l’utilisation de cette approche. Il était demandé aux professionnels de la proscrire. Mais à Limoges, les professionnels auxquels Lise a affaire lui expliquent que c’est une recommandation trop « militante », qui ne fait pas partie de leurs outils… Cela permet sans doute de comprendre le positionnement qu’ils ont adopté.

Du temps de leur vie commune et au moment où Lise a fuit ses violences, Paulo n’hésitait pas à utiliser les enfants comme moyens de chantage et de pression. Il a désormais obtenu leur garde, et entend « faire payer » à Lise ce qu’il nomme son « abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux ». Lorsqu’il lui envoie ses reproches, c’est de son adresse de messagerie du Cabinet du Préfet, et en mettant en copie les éducateurs.

Mais ni les éducateurs ni les magistrats ne souhaitent, semble-t-il, envisager que le père puisse faire de la garde un outil de vengeance et de poursuite de son emprise, après la séparation. Il est apparemment hautement subversif d’imaginer cela de la part d’un père, de surcroît membre du Cabinet du Préfet. Pourtant de nombreux faits attestent que Paulo œuvre à disqualifier Lise auprès des professionnels du service éducatif. Il écrit aux éducateurs pour se plaindre que Lise aurait « fait une scène » à la fin du cours de judo de William, qu’elle se serait « roulée par terre » devant les autres parents et aurait refuser de lui rendre Gisèle. Il ne joint aucune attestation de témoins.

Lise doit demander au moniteur de judo de démentir ces accusations et de rétablir la vérité, ce qu’il fait dans une attestation judiciaire. Qui ne sera jamais citée ni dans les rapports des éducateurs ni dans les jugements. Dans cette attestation, le moniteur de judo souligne que c’est le père qui s’impatientait et supportait mal les marques d’attachement de Gisèle à sa mère… Suite à cet incident, qu’il a donc créé de toutes pièces, le père n’emmènera plus les enfants à leurs activités extra-scolaires.


Il reproche ensuite à Lise la prise en charge thérapeutique de leur fils et affirme sa volonté de « sortir » William de son suivi pédopsychiatrique. Dans un courriel dont les éducateurs sont en copie, il se présente comme celui « qui guide les enfants vers leur liberté »… Il se vante « d’accorder gracieusement » à Lise « le droit de voir leurs enfants » pour la Fête des mères en 2019, et lui refuse – moins gracieusement – en 2021. A l’hiver 2021, les enfants appellent Lise jusqu’à 12 fois par week-end lorsqu’ils sont chez leur père. Ils réclament leur mère, ils lui demandent aussi où elle est et avec qui. Les éducateurs demandent alors au père de ne plus laisser le téléphone aux enfants, en dehors des rendez-vous téléphoniques mère-enfants.


Et les magistrats, à l’appui des rapports du service éducatif, reprochent à Lise d’être « dans un combat contre le père », lorsqu’elle s’inquiète des comportements de contrôle et d’emprise de Paulo. Le psychologue-référent auprès de la protection de l’enfance, que Lise a demandé à rencontrer, atteste qu’elle n’a pas du tout le profil d’une mère aliénante. Ce courrier, en date du 22 mars 2019 est transmis aux éducateurs et aux magistrats ; il n’est pas cité dans les jugements.

En janvier 2020, lors d’un de ses week-ends de garde, Lise voit que William porte un énorme bleu au bras. William lui explique que le mercredi précédent, son père s’est énervé parce qu’il avait vomi dans sa voiture. D’après les dires de l’enfant, son père lui a serré le bras très fort en le traitant de « salaud ». Mais il demande de ne surtout pas en parler, car « papa serait très en colère ».


Lise fait un signalement auprès de la responsable du service éducatif, en insistant sur la peur exprimée par William. L’éducatrice parle de ce bleu avec l’enfant au domicile du père et en présence de celui-ci ! William se sent trahi, il dit à sa mère qu’il ne parlera plus jamais aux éducateurs de ce qui se passe chez son père !
Lise se plaindra de ne pas avoir de retour du service éducatif concernant son signalement. La cheffe du service éducatif lui expliquera alors que l’énorme bleu et les insultes faits à William sont le « signe d’un père en souffrance ». Toujours cette logique d’inversion des rôles : les professionnel s’intéressent à la « souffrance » de l’auteur des violences, pas à celle de l’enfant maltraité ! Le Juge des enfants, lui, reprochera à Lise de s’inquiéter au moindre bleu.


William et Gisèle, entendus par le Juge des enfants le 8 décembre 2020 se plaignent des « cris et des propos rabaissants » auxquels ils sont exposés au domicile paternel, et de ce que le Juge des enfants nomme pudiquement les « réactions excessives » du père.
Les éducateurs n’avaient pas fait état de ces éléments dans le rapport remis au Juge des enfants quelques jours plus tôt. Ils avaient considéré que les enfants étaient « globalement apaisés au domicile du père ». Avant la remise de leur rapport au Juge, le père avait pris soin d’écrire aux éducateurs, pour affirmer que les enfants étaient avec lui « dans une belle dynamique, apaisés et sereins » (Ce courriel est envoyé de son adresse de messagerie du Préfet, avec les symboles républicains).


Les éducateurs expliqueront ensuite à Lise que les « cris, propos rabaissants et réactions excessives » sont « inclus dans le ‘globalement’, lorsqu’ils écrivent que « les enfants sont globalement apaisés au domicile du père » ! Ils lui expliquent également que « cela fait partie du style éducatif paternel ».
Le Juge des enfants considère d’ailleurs que le père progresse, et que cela justifie de renouveler pour une quatrième année la mesure éducative.

La situation d’Lise et de ses enfants relève de TOUT ce qui a été dénoncé dans le rapport des experts du Conseil de l’Europe (GREVIO) concernant la France : le transfert de résidence des enfants au domicile du père condamné pour des violences conjugales, l’absence de prise en compte de la parole des enfants et des raisons de leur non représentation au père, la disqualification de la mère qui se voit restreindre ses droits de garde
au profit de l’auteur des maltraitances.


Ce rapport est paru en 2019, au moment où Lise a fait appel de l’ordonnance judiciaire qui a confié ses enfants à la garde principale du père. Lise vient juste d’avoir la décision de la Cour d’appel de Limoges, en ce début 2022 (au bout de plus de 2 ans d’attente). William a demandé à être entendu par les magistrats de la Cour d’appel et s’est prononcé en faveur d’un changement du système de garde ( c’était le 24 juin dernier, il avait alors presque 11 ans). Mais la Cour d’appel n’a pas souhaité remettre en cause le système de garde et a même condamné Lise à payer des dommages au père, au titre de la multiplication des procédures à son égard ! Quelle idée aussi de dénoncer ses violences et d’oser chercher à les faire protéger, elle et ses enfants ! La jurisprudence ainsi créée est inquiétante, et profondément contraire aux recommandations visant à mieux protéger les femmes et les enfants victimes de violences !


Pour certains magistrats, il semble qu’une « bonne mère » soit une femme qui se tait. En dénonçant des violences, elle peut être accusée de dénigrer l’image du père et d’alimenter le conflit parental, et se voir durablement restreindre l’accès à ses enfants. Ce jugement de la Cour d’appel de Limoges apparaît comme une douloureuse et choquante illustration de ce que le Parlement européen dénonce dans sa résolution du 6 octobre 2021 : des « décisions prises contre la mère », qui ne tiennent pas compte de la « continuation du pouvoir et du contrôle » sur leur ex-conjointe par des pères auteurs de violences.

Entre temps, l’avocate de Lise a tenté de faire rouvrir la plainte concernant les violences qu’avaient subies William le 30 octobre 2018. La plainte étant classée par le Procureur, elle écrit au Procureur général pour lui demander de réexaminer les faits. On est en juillet 2019. Le Procureur général ne répondra qu’en novembre 2020, expliquant que le dossier s’est perdu (comme cela avait le cas de la plainte qu’avait déposée Lise en 2014 pour violences conjugales). L’avocate de Lise a heureusement gardé une copie du dossier qu’elle renvoie aux services du Procureur général. Il répond au début de l’année 2021 qu’il n’entend pas rouvrir la plainte, considérant qu’il s’agit de « violences involontaires ». C’est donc de nouveau et toujours la version du père, qui est retenue. En effet, ce dernier reconnaît seulement avoir poursuivi William, l’avoir empoigné et lui avoir déchiré son T-shirt. Cela n’explique pas les lésions de plusieurs centimètres que l’enfant présentait autour du cou, au torse et à la joue, lésions constatées dans le certificat médical hospitalier, que les magistrats écartent apparemment volontiers de leur approche de la situation.

Lise est épuisée par ce combat, qui dure depuis 7 années et dans lequel elle a également laissé toutes ses économies : depuis son ordonnance de protection, elle a dépensé plus de 23 000€ en factures d’avocat.
Elle envisage de vendre sa voiture pour se pourvoir en cassation.
Cela fait plus de 6 ans qu’elle a demandé le divorce pour faute, suite à la condamnation pénale de son ex-conjoint et père de ses enfants. Pour l’instant elle n’a eu qu’un euro symbolique de dommages et intérêt pour les violences subies.

Parallèlement, elle a constitué un dossier pour saisir le Défenseur des droits de l’enfant, qui a affirmé des engagements forts concernant la lutte contre les violences sur mineurs et la prise en compte de leur parole.

Lise et ses enfants ont besoin de votre aide !

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