L’Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) est une mesure de Protection de l’Enfant vivant dans son milieu familial. Elle concerne les enfants mineurs et les jeunes majeurs. Chaque mesure est ordonnée par une autorité judiciaire lorsque ces derniers sont en situation d’un grave danger. Ces enfants sont alors placés sous observation des professionnels des services éducatifs, soit à domicile soit dans un lieu tiers agréé ou validé.
Comment fonctionne l’AEMO ?
Depuis 1983, les mesure d’AEMO, qu’elles soient administratives ou judiciaires, sont financées par les Départements qui fixent annuellement le prix de la journée par enfant. L’argent est ensuite versé à des associations privées qui vivent de ces subventions.
Plus elles gèrent d’enfants, plus elles reçoivent de subventions (comme dans les foyers d’accueil). Ce financement, mal accompagné, est la porte ouverte à de la maltraitance institutionnelle, qui est l’écart entre la mission de l’établissement et sa réalisation. Les AEMO ont-elles assez de temps et de personnels pour tous les dossiers acceptés ?
Les entretiens d’AEMO se déroulent le plus souvent dans le cadre de visite à domicile. Les missions des intervenants sont multiples :
- Prévention des situations de danger ou de carences, qu’elles soient matérielles, éducatives, physiques ou psychiques.
- Accompagnement éducatif auprès des enfants en situation de danger ou de risque de danger.
- Soutien aux fonctions parentales. Aide au développement des capacités d’un ou des parents à reconnaitre ses fragilités et à accepter des espaces de socialisation pour son enfant.
Les visites à domicile, annoncées ou surprises, sont la base des interventions des éducateurs des structures d’AEMO. Quand le maintien des enfants au domicile représente une prise de risque trop importante, le service doit informer le juge des enfants, ce qui suppose une excellente capacité à évaluer le danger et l’urgence. Or les éducateurs interviennent un temps très court (1 h par semaine max) et souvent seuls, ce qui peut les empêcher d’avoir un regard complet et juste sur la famille.
Ce biais potentiel est d’autant plus marqué que leur parole tend à devenir la parole principale, pas ou peu remise en cause. L’hypothèse de départ sur la situation familiale n’est pas réinterrogée, elle est simplement confirmée par des éducateurs qui n’ont bien souvent pas le temps de creuser, enchainant les « dossiers ».
Si les éducateurs intervenaient à plusieurs, de nouvelles modalités d’actions se mettraient en place qui favoriseraient le croisement des regards et la qualité des mesures quant à la protection de l’enfant. En soutien aux interventions en binôme, les éducateurs devraient mettre leurs connaissances à jour et ouvrir la palette des expertises et des outils pour lutter efficacement contre les violences rencontrées.
Problématiques et dysfonctionnements de l’AEMO :
- Des financements non homogènes
Le fait que les tarifications soient déterminées par chaque département induit une disparité des moyens selon où l’on habite. Cette responsabilité devrait être donnée à l’État afin que tous les citoyens soient traités équitablement.
- Absence de contrôle et impunité
Une fois les centres d’AEMO habilités, qui surveille leurs actions ? Le personnel surpris en faute est-il sanctionné ? La demande d’évaluation des mesures est fortement critiquée par certains professionnels. En résulte un manque général de lisibilité des pratiques des intervenants.
- Personnel insuffisamment qualifié
L’éducateur devrait être obligatoirement formé à l’écoute des enfants (voire des adultes) y compris de façon infra-verbale. Savoir être vigilants aux signaux que peuvent envoyer les victimes, tous ces indicateurs d’états psychiques malmenés. Malgré ses sourires, un enfant peut envoyer des signes de détresse et de contraintes.
Il est également important que le personnel parvienne à se décaler de ses représentations culturelles personnelles au profit de vraies compétences, en psycho-traumas, en contrôle coercitif, en gestion de l’emprise par exemple…
De plus, les éducateurs pratiquent actuellement beaucoup l’observation mais ils interviennent peu.
Pascale Breugnot et Paul Durning ont analysé différents rapports envoyés aux magistrats au début des années 2000 :
« Près de 80 % des informations de la toute première réunion traduisent un positionnement d’observateur. […] À six mois d’intervention, la place de l’intervention concrète est aussi minime que lors de la première réunion de synthèse ».
Pascale Breugnot et Paul Durning
En résumé, les actions de protection des éducateurs sont difficilement saisissables.
De plus, on l’a vu, le travail individuel des intervenant est encore le socle des rapports des AEMO. Il serait souhaitable qu’il soit remplacé par de nouveaux modes d’action, collectifs et variés, pour un meilleur accompagnement des familles.
- Des actions insuffisantes, trop tardives, trop peu intensives, mal pilotées et coordonnées
L’absence d’obligation de résultat associée à de nombreux dysfonctionnements dûs à des structures protéiformes, non centralisées conduit à une remise en question de l’efficacité des AEMO.
- Rapports
Le rapport écrit remis en fin de mesure établit un bilan de l’intervention. Son poids est énorme dans le jugement car le juge s’en remet énormément à sa conclusion. Or, on l’a vu, les éducateurs interviennent peu de temps, ne sont pas formés correctement. De nouvelles exigences de motivation des décisions et de comptes rendus des interventions devraient leur être imposées.
Les ambiguïtés de l’AEMO
Plusieurs questions relatives à l’AEMO peuvent être soulevées.
- S’agit-il d’une mesure d’aide éducative au sens strict ou contribue-t-elle surtout à l’évaluation juridique des situations ?
- Comment se positionne-t-elle face à l’accueil des enfants ? Souhaite-elle éviter le placement en proposant une alternative ? Ou cherche-t-elle à préparer le placement ?
- Est-elle une mesure d’aide ou une mesure de contrôle ? Est-elle réellement active dans le développement physique, psychologique, affectif, intellectuel et social de l’enfant ?
Plein de questions sans réponse…
Ressources
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