La différence cruciale entre lien et contact face à un parent agresseur

La différence cruciale entre lien et contact face à un parent agresseur

Maintenir le lien ou le contact entre un enfant et son parent dangereux ?

Ces deux mots ont l’air voisin mais dans le cadre de violences intrafamiliales, ils ne signifient pas la même chose et ne portent pas aux mêmes conséquences…

  • Le lien fait référence à la connexion biologique, légale ou émotionnelle réciproque qui existe entre un enfant et ses parents ou autres membres de la famille. Ce lien est souvent perçu comme inaliénable et fondamental pour le développement de l’identité de l’enfant. Il est associé à des notions de patrimoine, d’héritage culturel et familial, et d’une continuité à travers les générations.
  • Le contact, en revanche, se réfère à l’interaction physique ou communicationnelle entre un enfant et un membre de sa famille. Il est possible de réglementer, limiter ou superviser ces interactions en fonction de ce qui est considéré comme étant dans le meilleur intérêt de l’enfant.

La distinction entre « lien » et « contact » est fondamentale lorsqu’on aborde la question de la nécessité ou non de maintenir des relations familiales en présence de violences intrafamiliales, entre des enfants victimes et des parents potentiellement dangereux. Cette différence prend une importance cruciale dans le contexte judiciaire et social, où les acteurs de la protection de l’enfance ne sont pas toujours assez formés sur ces notions.

La chercheuse canadienne Suzanne Zaccour explique :

« Les juges et les expert·es vont souvent considérer qu’il faut maintenir le lien père-enfant à tout prix, même en cas de violence familiale. Pourtant, le mythe selon lequel un enfant a absolument besoin de contacts avec ses deux parents, même en cas de violence, a été démenti par les sciences sociales, qui montrent plutôt que l’enfant a besoin d’une relation solide et sécuritaire avec la principale figure parentale.« 

Derrière le choix de maintenir un lien ou stopper le contact, se cache les gros pavés de l’autorité parentale et des droits de visite.

La société a tendance à penser que dès qu’il y a la filiation, il faut qu’il y ait absolument l’autorité parentale + le lien + la rencontre (le contact).

L’argument pour préserver le lien entre l’enfant et l’agresseur repose sur la fausse croyance que chaque parent a un rôle essentiel à jouer dans la vie de l’enfant, indépendamment de son comportement. Cette vision passéiste masque l’impact des violences subies par l’enfant, voire les renforce. Les professionnels devraient savoir que perpétuer un contact parent agresseur/enfant est très nocif, très traumatisant pour les victimes.

On le sait, on le voit, les espaces rencontres ne transforment pas un parent violent en bon parent. De même, le maintien d’un droit de visite est pour l’agresseur la preuve que finalement ce qu’il a fait n’est pas si grave, qu’il n’y a pas de danger, vu qu’il peut continuer le contact avec ses victimes…

Soutenir un parent violent dans sa parentalité au prétexte erroné qu’un enfant a besoin de ses 2 parents pour se développer, c’est faire preuve d’une grande méconnaissance de l’impact des violences faites aux enfants. Un enfant a besoin d’amour et de sécurité. Peu importe le nombre ou l’identité des personnes qui répondent à ces urgences vitales.

Et on revient alors à la différence entre le lien et le contact. Jean Louis Nouvel, pédopsychiatre, précise :

Le lien c’est psychique, le contact, c’est physique”.

Couper le contact est la seule option pour qu’un jour, peut-être, il existe à nouveau un lien en bonne santé.

Si on veut aider les victimes, il faut savoir couper le contact, pendant une période suffisamment longue. L’enfant a besoin du temps de la cicatrisation, de la prise en compte de ses traumatismes, du phénomène d’emprise. Il faut que la peur recule, que la confiance gagne du terrain. Et cela, seul l’éloignement total avec l’agresseur peut le permettre. On n’avance pas dans sa guérison en côtoyant son bourreau. Et les bourreaux ne doivent pas se servir des enfants comme médicaments.

Un jour, si l’enfant est protégé, s’il se sent assez fort, s’il en a envie, il pourra reprendre le lien avec le parent qui le maltraitait.  A son rythme.

D’ici-là, maintenir le contact ne rend service à personne. Ni à l’agresseur qui en retire un sentiment d’impunité et qui peut perpétuer les violences en accusant l’autre parent d’aliénation. Ni aux victimes qui ressortent de ces rencontres avec de la peur, un traumatisme renforcé et une perte de confiance vis-à-vis des professionnels qui ne prennent pas leur parole au sérieux.

La question finale est qui voulons nous protéger ?

Si on veut vraiment aider l’enfant à se « délier » de l’emprise psychologique de l’agresseur, cela passe par une rupture avec l’agresseur.

Les contacts doivent cesser pour préserver le bien-être psychologique de la victime.

Stopper le contact pour garantir que les enfants puissent vivre une vie sans être constamment hantés par les traumatismes passés.

Cela inclut de pouvoir dormir paisiblement, apprendre efficacement à l’école et interagir avec leurs pairs sans être submergés par les souvenirs traumatiques.

La Justice doit comprendre l’importance d’une approche centrée sur l’enfant, où les décisions concernant l’autorité parentale, le lien, le contact, sont prises en tenant compte de leur impact sur la santé mentale et physique de l’enfant, et non pas uniquement sur la préservation des structures familiales traditionnelles ou des droits parentaux.

Pourquoi on devrait s’inspirer de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales

Pourquoi on devrait s’inspirer de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales

Bonjour John Sturgeon. Vous êtes un maitre de conférences écossais, spécialisé sur les questions de violences intrafamiliales.

Vous connaissez aussi très bien le système français et ses dysfonctionnements. Pouvez-vous nous expliquer les méthodes d’intervention pour la protection de l’enfance en Écosse ?

Bien sûr. Déjà, pas d’angélisme, l’Écosse n’échappe pas à son lot de violences physiques, sexuelles, psychologiques. Néanmoins, depuis plus de 20 ans, nous avons privilégié plusieurs politiques de lutte efficaces, d’une manière très différente de la France.

Dès la fin des années 90, la priorité a été mise sur la prévention. L’idée était à la fois d’intervenir le plus rapidement possible pour protéger les victimes et en même temps de limiter les coûts pour la société.

Comment travaillent les autorités locales pour effectuer au mieux ces interventions ?

A l’inverse de la France, l’Écosse a pris le parti de faire travailler ensemble tous les services. Partant du principe que nul ne possède toutes les infos ou les compétences, il faut agir conjointement. La police, la Justice, les assistants sociaux, les soignants, etc. Tous travaillent dans les mêmes lieux, ils peuvent se parler des dossiers, échanger… Ils utilisent également les mêmes outils, faits pour faciliter la communication entre les services.

Effectivement, c’est différent de la France où tout est cloisonné entre les différents magistrats, où on peut condamner un médecin qui fait des signalements et où le secret professionnel est érigé en modèle.

Le secret professionnel existe en Écosse mais il est plutôt géré en circuit fermé. Si vous êtes un pro et avez besoin de savoir, vous saurez.

Nous pensons qu’il y a plus de problèmes liés au non partage des informations que l’inverse. Et beaucoup d’usagers apprécient de ne pas avoir à répéter les mêmes informations sensibles.

L’Ecosse est connue pour être un des pays où on prend le mieux en compte les traumatismes.

C’est vrai. Tous les employés des services publics sont formés aux traumas et à leurs effets. Ils savent repérer les signes, connaissent les marques d’un développement dysfonctionnel du cerveau chez un enfant ou une femme victime de violence… Cette conscience permet des interventions à la fois plus sympathiques pour les victimes mais aussi génère une aide plus adaptée aux genres, à l’âge et au contexte. Même au niveau de la loi, c’est intégré. Ainsi la Justice doit prendre en compte l’âge de l’agresseur jusqu’à ses 26 ans. Depuis 2019, les châtiments corporels sont interdits. Et actuellement, le parlement écossais étudie un projet de loi qui obligerait chaque future loi à respecter la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

En France, hélas, le droit à l’enfant prime sur le droit de l’enfant.

Ici, le droit de l’enfant (ou son intérêt supérieur) passe avant le droit du parent. D’ailleurs, les parents n’ont pas de droits sur leurs enfants, juste des responsabilités. Ils ne doivent pas leur causer du tort et de la souffrance.

Ça fait rêver… Et sinon, concrètement, comment sont gérés les cas de violences intrafamiliales ?

Cela a pas mal changé depuis ces 20 dernières années. Au début de notre siècle, les assistants sociaux étaient formés pour identifier les dangers potentiels. C’était à eux de mettre en place la protection des enfants. Le corolaire de cela, c’est que les assistants sociaux avaient peur d’être accusés de ne pas s’être rendu compte du problème. Ils étaient donc toujours à la recherche de signes de violence. Ce n’était pas sain.

Il y a 5 ans, nous avons rééquilibré cette approche fondée sur la considération du risque pour se tourner vers le pendant, plus positif : les signes de sécurité (“Signs of Safety”). Les assistants sociaux travaillent en partenariat avec les familles et le reste des intervenants, dans des relations plus égalitaires. Tous travaillent pour identifier le problème et se tourner vers la solution : comment créer une famille sûre et saine. Cela a un gros impact sur la motivation des professionnels, la satisfaction des intervenants et surtout, cela améliore grandement la capacité d’identifier les risques et les dangers. La peur de l’erreur d’évaluation perdure, se faire confiance mutuellement (famille et services sociaux) n’est pas aisé pour tout le monde, mais les choses s’améliorent tous les jours.

C’est donc le système actuellement en place ?

Non, il est encore en train d’évoluer. Depuis 2 ans, des régions testent l’approche “Safe & Together”.

“Safe and together” signifie “En sécurité et ensemble” ? Quel est ce nouveau modèle ?

« Safe and Together » est utilisé spécifiquement dans les cas de violences intrafamiliales par la plupart des autorités écossaises. Cela a un effet transformateur sur notre pratique. Il fonctionne sur 3 principes :

  • Il n’y a pas de violence sans agresseur, donc l’attention doit porter sur cette personne, ses responsabilités ; et non pas sur le parent protecteur. En cas de signalement, la police intervient immédiatement. L’accusé sera retiré de la maison et interrogé au commissariat. Les enfants et la victime présumée seront interrogés à domicile. Dans le cadre des processus d’enquête et de suivi, un représentant de l’autorité locale (un assistant social), un employé du National Health Service (généralement une infirmière) effectueront des recherches dans leurs bases de données à la recherche d’informations.

L’enquête pénale est menée uniquement par la police, mais des dispositions sont prises pour obtenir des informations auprès d’autres organismes de l’État. Ces dispositions aident la police dans ses enquêtes et aident les organismes de l’État à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection du public.

Cela facilitera l’enquête, éclairera l’évaluation des risques et guidera les stratégies de protection qui doivent être mises en place. Il s’agit là d’un très bon exemple de la façon dont nous travaillons ensemble en Écosse afin que chaque organisme d’État puisse exercer ses responsabilités légales en matière de protection des enfants et des personnes vulnérables, au motif qu’un seul organisme ne disposera pas de toutes les informations.

Tout le monde est formé au contrôle coercitif. En Écosse, on préfère cette dénomination plutôt que « emprise ». Dans le cas d’emprise – le focus est sur la capacité et réaction de la victime mais dans l’essence du contrôle coercitif, c’est la stratégie de l’agresseur qui est sous la loupe.

Et si la situation n’est pas “grave” ?

Alors l’agresseur pourra rentrer chez lui mais il saura que toutes les structures sont au courant de ses actes et qu’il est surveillé.

Les 2 autres principes du “safe and together” sont :

  • Le parent protecteur et les enfants doivent rester ensemble. C’est la personne problématique qui doit quitter le foyer. Les services sociaux s’engagent à maintenir les victimes ensembles.
  • Les services sociaux travaillent en partenariat avec le parent protecteur. Ils reconnaissent que cette personne prend en charge la sécurité de ses enfants.

Waooo…. Cela démontre combien le contrôle coercitif est un concept intégré chez vous.

L’Écosse est un des rares pays au monde à avoir des lois spécifiques contre le contrôle coercitif.

Depuis 2018, il est illégal de contrôler son partenaire en restreignant ses accès à ses amis, sa famille, ses finances, son travail, peu importe le moyen. La peine maximale prévue est de 14 ans de prison ferme.

Les services sociaux savent que la violence est genrée, ils sont formés à la recherche de ces signes. De plus, ils ont conscience que si une personne est “contrôlée” par son partenaire alors leurs enfants sont aussi victimes de cette stratégie, directement ou indirectement. C’est pourquoi, cette personne n’a pas besoin de porter plainte (ni même de le vouloir). Si elle est repérée comme subissant des violences coercitives, alors on peut porter plainte à sa place, que la personne se reconnaisse comme victime ou non, car c’est le comportement contrôlant qui est illégal.

Merci beaucoup John. Nous espérons que la France saura s’inspirer du meilleur de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.


Vous pouvez également consulter nos articles « Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer » et « Violences sexuelles en Australie : une réalité glaçante révélée« .

L’authenticité perdue : L’impact des violences intrafamiliales sur l’identité des enfants

L'authenticité perdue : L'impact des violences intrafamiliales sur l'identité des enfants

L’authenticité, un besoin fondamental

Le docteur Gabor Mate est un médecin canadien expert en matière d’addiction, de trauma, de développement de l’enfant et de la relation entre le stress et la maladie. Selon lui, un des besoins fondamentaux de l’être humain, c’est de pouvoir être soi-même, être authentique avec qui on est, être connecté à son corps et à ses sentiments, ses émotions. C’est un besoin fondamental parce que quand nous sommes correctement connectés à ce qu’on ressent, nous discernons intuitivement ce qui est bénéfique pour nous, apprenant à affirmer nos désirs et nos limites avec assurance. On peut suivre les messages de notre être qui nous indiquent ce qui est bien pour nous. On comprend ce qu’on veut et ce que l’on ne veut pas. On sait comment dire non (ou oui).

C’est la clé de notre équilibre psychologique et émotionnel. Ainsi, on peut vivre et survivre. En revanche, lorsqu’on prive un enfant de cette authenticité, lorsqu’on le contraint à se conformer aux exigences des adultes par crainte ou pression, sa souffrance devient double : il endure la douleur de ne pas vivre sa vérité et devient vulnérable aux manipulateurs. Il se perd dans une existence où il ne se reconnait plus, habitué à répondre aux attentes d’autrui plutôt qu’aux siennes. Car si on n’est pas autorisé à être authentique, si on est contraint à suivre des règles extérieures par peur, on devient une personne incapable de comprendre qui elle est vraiment et on accepte trop souvent d’être la personne que les autres veulent que l’on soit.

Les victimes de maltraitance sont souvent dépossédées de cette authenticité essentielle. Cela influe sur les liens d’attachements, qui sont un autre besoin fondamental des êtres humains. Ces derniers construisent une prison. Dans un monde idéal, les liens d’attachements et le besoin d’authenticité ne sont pas en conflit. Il est possible de créer des relations d’attachement où tout le monde peut être soi-même. Mais dans un cadre de violences intrafamiliales, les liens d’attachement deviennent toxiques au lieu d’être une source de sécurité et d’acceptation. Car si un jeune enfant n’est pas accepté dans son authenticité, si ses émotions ne sont pas prises en compte, si sa parole n’a pas de valeur, s’il est puni pour qui il est, alors pour plaire à ses parents, à cause du lien d’attachement, il opèrera un repli.

Le message envoyé est : »tu n’es pas acceptable tel que tu es, tu dois changer pour pouvoir me plaire« . C’est un message d’amour conditionnel qui menace le lien, forçant l’enfant à choisir entre être soi ou être aimé. « Est-ce que je reste attaché à mon père si celui-ci me violente ? Est-ce que la seule façon pour être accepté ou pour survivre, c’est de taire qui je suis et ce que j’éprouve ? Est-ce que si je décide de montrer ma tristesse et ma peur, je menace la relation ?

En réalité, c’est un faux choix. L’enfant choisira l’attachement et renoncera à son identité pour préserver un lien, aussi nocif soit-il. La première violence qu’on inflige à un enfant est donc de nier sa réalité intérieure, non pas pour le protéger des dangers réels, mais pour lui imposer un moule qui ne lui correspond pas, parfois sous des formes extrêmement nocives.

Un des pires aspects du traumatisme est la déconnexion de soi. Ces enfants le font pour maintenir les conditions d’attachement mais cela signifie que pour le reste de leurs vies, ils pourront avoir peur d’être eux-mêmes. Ce déni de soi, initié dans l’enfance, s’implante profondément et peut conduire à une vie marquée par la disposition à trop vouloir plaire et un risque accru de se retrouver dans des situations de vulnérabilité.

Nous invitons chacun à réfléchir à l’importance de l’authenticité et à la façon dont nous pouvons tous contribuer à un environnement où les enfants peuvent grandir en se sentant aimés pour ce qu’ils sont vraiment.

Les personnes qui cherchent constamment à plaire sont les personnes qui ont abandonné, non pas par choix conscient, mais par nécessité de survie, leur authenticité afin de rester aimées et acceptées. Elles sont à risque. Il faut s’inquiéter pour les gens très gentils.

Gabor Mate

Nous vous conseillons la lecture d’autres articles susceptibles de vous intéresser :

Violences intrafamiliales et RÉSILIENCE des jeunes victimes

Violences intrafamiliales et RÉSILIENCE des jeunes victimes

Les violences intrafamiliales sont une réalité très préoccupante qui touche de nombreuses personnes en France, dès l’enfance.

Face à ces situations traumatisantes, la résilience apparait souvent comme un objectif salvateur. Elle désigne la capacité à rebondir et à se reconstruire après avoir vécu des expériences traumatiques, une sorte d’évolution cicatrisante, positive malgré les horreurs vécues.

Pour beaucoup de soignants, thérapeutes, scientifiques, travailler la résilience, et cela dès le plus jeune âge, est une solution pour prévenir ou réparer les dégâts psychologiques des violences intrafamiliales.

Voici quelques bénéfices observés :

1. Reconstruire sa vie

La résilience permet aux victimes de violences intrafamiliales de se relever et de reconstruire leur vie après une période difficile. Elle leur offre une lueur d’espoir et la possibilité de se réapproprier leur existence.

2. Trouver un sens à la violence vécue

La résilience peut transformer la souffrance en une force qui pousse les victimes à lutter contre les violences et à aider les autres. Venir en aide à son tour redonne parfois un sens à l’expérience de violence pour la faire vivre autrement.

3. Briser le cycle des violences

La résilience permet de rompre le cycle des violences intrafamiliales en donnant aux victimes la force et les ressources nécessaires pour s’affirmer et protéger leurs enfants. Elle peut favoriser une transmission positive des valeurs et des comportements pour éviter que la violence se reproduise.

4. Préserver l’estime de soi

En développant leur résilience, les survivants peuvent renforcer leur estime personnelle en surmontant les obstacles et en exerçant leur capacité à se reconstruire.

Interrogé dans un podcast, Boris Cyrulnik, médecin neuropsychiatre et psychanalyste ayant vulgarisé le concept de résilience, témoigne :

On sait maintenant qu’un enfant qui acquière un lent développement est un enfant qui acquière confiance en lui.

Au lieu de les stigmatiser ou de les mépriser, on doit augmenter chez les enfants les facteurs de protection, pour mieux les protéger dans la vie. Si le bébé est entouré par une niche familiale affective sécurisante, il acquière des facteurs de projection qui vont faire que chez lui la résilience va être facile. Alors qu’un bébé dont la mère a été traumatisée par la violence conjugale a acquis un facteur de vulnérabilité qui fait que pour lui le processus de nouveau développement sera difficile.

On sait maintenant, en neurobiologie, qu’un être humain seul développe une atrophie cérébrale qu’aujourd’hui on photographie sans aucune difficulté. Or on constate dès qu’on propose un soutien affectif et verbal à ces blessés que ces atrophies se reconstruisent rapidement. Dès qu’on trouve un moyen de sécuriser l’enfant, son électro-encéphalogramme redevient normal en 24h.

Mais si c’est 24h ou 48h chez un bébé, il faut reconnaitre que la plasticité cérébrale est beaucoup moins grande quand on vieillit. Plus on attend, plus la résilience sera difficile à enclencher. Mais si on les aide, on voit qu’un très grand nombre d’enfants reprend un bon développement. Ça ne veut pas dire qu’ils oublient. Ils prennent un autre cadre de vie.

Boris Cyrulnik, médecin neuropsychiatre et psychanalyste

Toutefois, la résilience ne fait pas tout. Il est important d’exprimer certaines limites notamment dans le cadre de violences.

1. Injonction à la résilience

La société a souvent tendance à promouvoir une vision idéalisée de la résilience, plaçant une pression sur les victimes pour qu’elles se relèvent rapidement et surmontent leurs traumatismes. Cela peut créer une forme d’injonction à être « fort » et dissuader les victimes de demander de l’aide.

2. Nier la souffrance

En mettant l’accent sur la résilience, on risque de minimiser la souffrance des victimes. Malgré la résilience, les traumatismes peuvent demeurer et ne doivent pas être niés.

3. La charge émotionnelle

Les victimes de violences intrafamiliales peuvent ressentir une pression supplémentaire lorsqu’elles sont confrontées à des attentes de résilience. Cette charge émotionnelle peut être épuisante et culpabilisante.

4. Les ressources disponibles

Sans un accès adéquat aux services de soutien et aux interventions spécialisées, il peut être difficile pour les victimes de développer leur résilience. Les facteurs sociaux, économiques et culturels jouent un rôle déterminant et souvent injuste dans la capacité d’une personne à se remettre des violences intrafamiliales.

On ne peut que souhaiter aux victimes de violences intrafamiliales d’être résilientes, si cela leur permet de se reconstruire, de préserver leur estime de soi, de briser le cycle des violences et de trouver un sens à leur histoire.

Cependant, ne rajoutons pas de pression au point de nier la souffrance. Une approche équilibrée, adaptée à chacun, serait de valoriser la résilience tout en reconnaissant la nécessité d’un soutien approprié et d’interventions spécialisées pour accompagner les victimes de violences intrafamiliales dans leur processus de guérison.

En fin de compte, la résilience ne doit pas être considérée comme la solution ultime, mais plutôt comme une possibilité pour ceux qui le souhaitent de se reconstruire et de se rétablir à leur propre rythme.


Pour comprendre les conséquences de la violence sur la santé des victimes nous vous conseillons nos articles « Les conséquences des violences conjugales sur les enfants témoins : une reconnaissance officielle en France » et « Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes« . Vous pouvez également consulter notre livret « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

En mars 2015, une collecte nationale de données sur le parcours de soin des victimes de violences sexuelles a lieu, à l’initiative de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Celle-ci a mené une enquête auprès de 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans pour évaluer l’impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge.

Les données ont été collectées à partir d’un questionnaire anonyme auto-administré par ordinateur, composé de 184 questions diffusées via des sites web, des réseaux sociaux et des médias. Les données ont été analysées par une équipe de professionnels de la santé et de la victimologie.

L’objectif était d’améliorer l’identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Voici ce que raconte l’enquête et qui est toujours actuel.

Les violences sexuelles ont des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes, à court, moyen ET long terme. Sans soins adaptés, elles vont détériorer le psychisme ainsi que le corps de la victime tout au long de leur vie. Les symptômes peuvent se manifester dès l’agression ou être des bombes à retardement qui risquent d’exploser des années plus tard parfois, via un détail qui rappelle les violences.

Avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance est considéré comme l’un des facteurs délétères les plus importants de la santé, même après cinquante ans. Les conséquences (décès prématuré par accidents, maladies et suicides, maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète, obésité, épilepsie, de troubles du système immunitaire et de troubles psychiatriques) sont proportionnelles à la gravité et à la fréquence des violences subies ainsi qu’aux circonstances aggravantes.

1/ Les traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont l’un des risques les plus courants associés à ces violences, avec un taux d’état de stress post-traumatique pouvant atteindre 80% chez les victimes de viol et 87% chez celles ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance. Les troubles dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires et les conduites addictives sont également plus courants chez les victimes de violences sexuelles. Le fait que celles-ci soient subies dans l’enfance augmente considérablement le risque de personnalité borderline et les diagnostics de trouble limite de la personnalité.

La plupart des victimes de violences sexuelles présentent une variété de symptômes qui créent une situation de détresse psychique insoutenable. Parmi les symptômes les plus courants, on trouve une perte d’estime de soi, des troubles anxieux, des troubles du sommeil, l’impression d’être différent des autres, le stress et l’irritabilité.

D’autres troubles plus handicapants comprennent les troubles phobiques, les symptômes intrusifs, les troubles de l’humeur, la fatigue chronique, les symptômes dissociatifs, l’hypervigilance et les troubles sexuels. Dans l’enquête, les répondants sont 58% à évaluer leur souffrance mentale actuelle comme importante et 64% à l’avoir estimée comme maximale au moment où elle a été la plus importante.

2/ Les traumatismes physiques

Les conséquences sur la santé sont également physiques. Les victimes de violences sexuelles sont plus susceptibles de présenter de nombreuses pathologies, notamment cardio-vasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et neurologiques, ainsi que des douleurs chroniques et des troubles du sommeil. Ces violences peuvent également causer des atteintes des circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress. Les atteintes cérébrales sont visibles par IRM, avec une diminution de l’activité et du volume de certaines structures, une hyperactivité pour d’autres, ainsi qu’une altération du fonctionnement des circuits de la mémoire et des réponses émotionnelles.

Des altérations épigénétiques avec la modification du gène NR3C1, impliqué dans le contrôle des réponses au stress et de la sécrétion des hormones de stress, ont également été mises en évidence chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et bien-sûr, si les violences sexuelles entraînent une grossesse, l’impact est décuplé à tous les niveaux. Entre les interruptions volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées, les grossesses menées à terme, parfois par des mineures, les conséquences physiques, psychologiques, économiques, sociales, etc. sont très nombreuses pour les victimes.

3/ Un rapport à la santé altéré

Les victimes de violences sexuelles ont une consommation médicale plus importante, avec davantage de consultations en médecine générale, aux urgences et plus d’interventions chirurgicales rapportées, souvent inutiles car liées à la mauvaise image de soi. Paradoxalement, les victimes ont un seuil élevé de résistance à la douleur, ce qui peut les conduire à négliger des pathologies avant de consulter un médecin. Enfin, des conduites addictives, auto-agressives, des conduites sexuelles à risques, des troubles alimentaires de type anorexique et/ou boulimiques sont également fréquents et peuvent entrainer des conséquences dramatiques.

4/ Urgence d’installer des soins adaptés

Les intervenants doivent être conscients que plus les violences ont eu lieu dans l’enfance, plus les répercussions sont durables et profondes sur leur vie. Il faut à la fois agir vite, de manière adaptée et également mettre en place un vrai suivi dans le temps des victimes. En général, plus la prise en charge médicale est précoce et moins les victimes de violences sexuelles seront susceptibles de développer un état de stress post-traumatique et d’autres complications par la suite. Il est donc crucial que le personnel médical pose systématiquement la question des violences afin d’améliorer la prise en charge et la signalisation les situations de violence, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs ou de personnes vulnérables.

5/ Propositions d’améliorations

Voici des propositions à la fin de l’enquête pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Idéalement, il faudrait faciliter les démarches des victimes, mieux les informer via des professionnels de santé, des administrations, des plateformes web et téléphoniques. Des centres spécialisés pluridisciplinaires pourraient offrir une prise en charge globale et anonyme. La formation de tous les professionnels impliqués au dépistage les violences est urgente, ce qui inclut de croire les victimes et de reconnaître leur souffrance. Organiser des groupes de parole, donner du temps et un espace dédié au repos des victimes sont également des recommandations importantes. Enfin, l’éducation de la population est essentielle pour rompre le silence.


Sur l’impact sur la santé des violences sexuelles vous pouvez également consulter l’article « Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime« .

Vous pouvez également télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime

troubles alimentaires et violence sexuelle

En janvier 2022, des chercheurs français ont établi un lien entre les désordres du comportement alimentaire et les violences sexuelles ayant eu lieu dans l’enfance.

Aurore Malet-Karas, Delphine Bernard et Eric Bertin ont analysé 12600 témoignages de personnes agressées sexuellement, recueillis par le Collectif Féministe Contre le Viol. Un nombre important de personnes parmi ces victimes évoquait spontanément des troubles alimentaires, plus exactement 4.3% des témoignages (soit 538 femmes et 8 hommes), pourcentage largement sous-estimé du fait de la spontanéité des témoignages, non orientés sur cette problématique.

Un profil type de la victime a pu être établi suite à ces analyses. Les personnes déclarant des troubles alimentaires liés à des violences avaient souvent :

  • subi des violences sexuelles très jeunes (13 ans en moyenne),
  • été agressées par une personne du cercle familial (inceste).
  • accumulé des troubles supplémentaires : anxiété, TOC, dépressions, tentatives de suicide, mutilations, auto médications, chocs post-traumatiques, alcoolisme…

Violences sexuelles et troubles alimentaires

Cette étude apporte un regard déterminant dans la prise en compte des violences sexuelles et notamment des violences sexuelles faites aux enfants.

En effet, s’il est diffusé et entériné par les professionnels, ce rapport établissant les troubles alimentaires comme conséquence d’un traumatisme sexuel dans l’enfance, peut aider à plusieurs niveaux :

  • Mieux prendre en charge les personnes en proie à ces dysfonctionnements en ayant un angle supplémentaire pour les soigner. Les approches thérapeutiques pourront être adaptées aux besoins des traumatismes.
  • Permettre aux victimes de violences sexuelles d’être davantage dépistées, plus vite et plus tôt.
  • Éviter les erreurs de diagnostiques : dépressif, bipolaire, borderline ? Non, plus probablement victime d’inceste…

Pourquoi ce lien entre les troubles du comportement alimentaire et les violences sexuelles ?

La relation entre les deux est complexe. Néanmoins, les victimes partagent plusieurs schémas psycho-émotionnels :

  • L’apaisement que provoque la nourriture est très puissant. Se sentir « plein » apporte un bien-être immédiat (même si temporaire)
  • Technique d’évitement, la déformation (en plus ou en moins) est une tentative de ne plus attirer le regard de l’agresseur, pour se protéger
  • Se remplir permet de lui boucher symboliquement l’accès, pour qu’il ne puisse plus « rentrer ».
  • Le contrôle alimentaire redonne du pouvoir (= je contrôle ce qui rentre en moi). L’association anorexie et violences sexuelles est très minimisée parce que l’anorexie est socialement mieux acceptée que les autres troubles.
  • Enfin, ces troubles alimentaires entrent dans la grande famille des addictions comportementales telles que l’alcoolisme, la prise de drogues, l’automédication… Même si c’est nocif, le cerveau, grand créateur d’habitudes, préfère rester sur sa route habituelle plutôt que de sortir de ce qu’il connait. Cela explique en partie la totale normalisation des violences intra-familiales et des compulsions alimentaires

Les femmes sont les premières touchées par la corrélation des violences sexuelles et l’existence de troubles alimentaires.

« Les troubles alimentaires concernent l’image corporelle et le rapport à soi. Et il y a beaucoup plus de pression sur l’apparence physique des femmes que sur celle des hommes. Cela va amener chez les femmes plus de volonté de faire des régimes, des dérégulations qui vont entrainer des désordres hormonaux et déclencher des troubles alimentaires. »

Aurore Malet-Karas, doctoresse en neurosciences

La recherche sur la question des violences sexuelles est encore à ses balbutiements en France, alors qu’elle est bien plus avancée dans d’autres pays. Pourtant, l’impact de ces recherches récentes permettrait de mettre à jour les formations des intervenants : médecins, psychologues, diététiciens, magistrats…

Actuellement, les victimes françaises ont rarement la chance d’être suivies par des professionnels formés aux traumatismes polymorphes des violences sexuelles. Pourtant, l’ampleur des besoins est monstrueux.

En France, 9 enfants toutes les 30 minutes sont victimes d’inceste !

Pour faire bouger la société, n’hésitez pas à partager cette publication. Il est urgent que tout le monde change de regard et s’informe, les citoyens comme les professionnels. Car c’est seulement en diffusant largement la diversité des traumatismes générés par les violences sexuelles que l’information infusera la société. Demandons aux politiques de faire leur part, faisons changer les lois, les cursus… Et en tant que particulier, partageons les savoirs récents pour faire bouger les croyances !

*******

Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à consulter les ressources en ligne du site de Delphine Bernard, Le regard du miroir, où vous trouverez un accompagnement bienveillant et éclairé sur les troubles du comportement alimentaire.

Sources :

Instagram : https://www.instagram.com/auroremaletkaras_phd/?hl=fr. et  https://www.instagram.com/d.bernard51/?hl=fr

Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100009730025943
https://www.facebook.com/auroremaletkaras https://www.facebook.com/RegardDuMiroir/

Twitter : https://twitter.com/KarasMalet

Liens : le regard du miroir
https://cfcv.asso.fr/
www.auroremaletkaras.com

Publications : https://www.madmoizelle.com/les-troubles-du-comportement-alimentaire-sont-une-consequence-meconnue-des-violences-sexuelles-ces-chercheurs-tirent-lalarme-1284511
https://www.leparisien.fr/sentinelles/en-maigrissant-je-disparaissais-un-peu-troubles-alimentaires-lautre-consequence-meconnue-des-violences-sexuelles-02-04-2022-LXX5RGSNMNCN5KMHN5CXOKB4YI.php

Cela vous a intéressé ? Alors aidez-nous à diffuser cet article et soutenez notre travail.

1. Partagez cet article sur le lien entre les troubles alimentaires et les violences sexuelles intrafamiliales sur les réseaux sociaux.

2. Utilisez ce visuel si vous en avez besoin pour relayer l’article sur vos réseaux sociaux, Pinterest, Blog…

3. Faites un don à l’Association Protéger l’enfant pour soutenir notre travail d’information et d’aide aux victimes de violences conjugales.

4. Suivez-nous sur nos différents réseaux sociaux
Instagram
Facebook
Twitter
Pinterest

Pourquoi les Centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs

La problématique des centres médiatisés, dans un cadre de violences intrafamiliales est méconnue. Pourtant il faut la comprendre pour protéger les victimes.

La problématique des centres médiatisés, dans un cadre de violences intrafamiliales est méconnue. Pourtant il faut la comprendre pour protéger les victimes.

Qu’est-ce que les centres médiatisés ?

Dans un cadre de relations familiales conflictuelles, les centres médiatisés sont des lieux de rencontres instaurés par la justice où tous les membres d’une famille peuvent se retrouver de manière encadrée. (On les confond avec les lieux neutres mais ce sont 2 procédures différentes). Les objectifs des centres sont de développer les actions de prévention, soutenir la coparentalité, renforcer les coopérations entre les différents acteurs et limiter leurs impacts sur les liens parents-enfants.

Sauf que si ces rencontres sont probablement bénéfiques dans le cadre de conflits simples, elles deviennent très problématiques dans un contexte de violences conjugales. Quand on force des enfants qui dénoncent des faits de violences à revoir régulièrement le parent accusé ou condamné, la justice ne fait que rajouter de la violence dans leur vie.

La problématique des centres médiatisés en cas de violences intrafamiliales

Pourquoi imposer à des enfants qui dénoncent un parent violent (parfois reconnu coupable et condamné) de le revoir ? L’argument de maintenir à tout prix le lien parent-enfant n’est plus recevable quand l’adulte est malveillant. Un parent maltraitant n’est pas un bon parent. Le revoir, c’est perpétuer la torture. Comment peuvent-elles guérir de leurs traumatismes si on oblige les victimes à revoir leur bourreau tous les mois ?

Le droit de l’enfant doit absolument primer sur le droit à l’enfant. Or actuellement, pour les juges français, le droit du parent accusé prime tandis que le témoignage des parents protecteurs est systématiquement remis en question. Il est grand temps de privilégier le principe de précaution à la présomption d’innocence, qui permet au parent violent de perpétrer son emprise. Cela fait donc partie de la problématique des centres médiatisés.

Quelle neutralité ?

Quand il s’agit de protéger les enfants victimes de violence psychologiques, sexuelles, etc, la neutralité n’existe pas. La justice ne doit pas maintenir des liens néfastes mais prendre partie pour les victimes et les éloigner à tout prix de leurs bourreaux. Les centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs actuellement, ils ne font qu’alimenter des traumatismes.

Pire. De par leur mission, ils doivent signaler à la justice les incidents et transmettre une note de fin de mesure. Sauf que le jeu est faussé. Le personnel est rarement formé et se laisse facilement influencer par les parents violents, habitués à faire illusion. Notre association ne compte plus le nombre de rapports remis à la justice inexacts et ne reflétant pas la réalité des victimes. Ce n’est pas cela veiller à la sécurité des enfants et du parent protecteur.

La problématique des centres médiatisés est que cette neutralité affichée incongrue aboutit à de la complicité. Si les intervenants étaient plus présents et formés, ils entendraient les dénigrements, les interrogatoires, les critiques systématiques sur l’autre parent.

Le parent dysfonctionnel l’a bien compris. Si le centre médiatisé ne fait pas de rapport au juge, alors c’est la preuve que tout se passe bien. Et cela amène le juge à lui accorder un droit de visite où la violence pourra se reproduire à nouveau. Les enfants perdent confiance dans les intervenants, ils les sentent alliés de leur bourreau. Ils ne se confient plus. Et ils ne sont pas protégés.

Lutter contre les silences est capital. Il faudrait travailler étroitement avec le parent qui a dénoncé les violences et mieux prendre en compte la parole des enfants, même ceux sous emprise. Et si la parole advient, venir en aide, pour ne pas être complice.

Propositions d’amélioration :

On l’a vu la problématique des centres médiatisés englobe de nombreux domaines. Voici quelques points essentiels à améliorer.

Aucun droit de visite en centre médiatisé pour les parents violents. Les juges doivent prendre en compte tout incident connu de violence et donner la priorité à la sécurité des victimes. Au moindre soupçon, les visites sont stoppées.

Faire des centres médiatisés un lieu de bienveillance pour les victimes. Un lieu sans menace, pour stopper le cycle des violences. Ne pas laisser seuls les enfants avec les parents.

Mieux former les éducateurs sur les mécanismes d’emprise, de manipulation, sur le contrôle coercitif mais également sur les psycho-traumatismes et la variété des comportements possibles chez les victimes. Parfois il suffit d’un regard d’un parent pour réduire au silence un enfant.

Améliorer la circulation des infos vitales. Les centres médiatisés doivent être notifiés des poursuites pour violences et y porter une attention particulière. Inversement, ils doivent remonter les attitudes toxiques des adultes, les craintes des enfants et leurs refus d’interactions avec le parent accusé. Mettre à disposition du juge les vidéos des rencontres au besoin.

Respecter la volonté de l’enfant. Si ce dernier refuse de voir un de ses parents, ne pas accuser l’autre adulte de manipulation. Trop souvent, un enfant qui a envie de voir un de ses parents = bon signe relationnel, alors qu’un refus = enfant manipulé… Soutenons la parole des mineurs, redonnons-lui sa valeur. C’est hyper important dans cette problématique des centres médiatisés mais c’est valable partout !

Lutter contre la loi du silence. Souvent, au nom de la neutralité, la notion de violence n’est pas abordée, renforçant les mécanismes du déni, de la loi du silence et la souffrance.

Interdire l’accusation d’aliénation parentale. La théorie du SAP ne permet pas de protéger la mère et ses enfants contre la violence car son vrai objectif est de permettre à l’agresseur de maintenir le contact avec ses victimes, mère et enfants. Tout espace rencontre qui n’est pas clair sur cette réalité ne peut pas continuer à exercer son activité.

S’alerter des critiques systématiques du parent accusé envers le parent protecteur. Il faut s’interroger si il ne cesse de se victimiser ou de parler avec les intervenants au lieu de se concentrer sur les moments avec les enfants.

Obliger l’embauche d’un psy formé aux violences intrafamiliales et aux abus sexuels sur les enfants. Ses rapports doivent rendre compte de l’état psychique de l’enfant, de celui de ses parents, sans déformations, interprétation ou omission d’informations essentielles.

Respecter la décision des juges. Si ils n’écrivent pas que les sorties en extérieur sont autorisées, cela vaut pour les centres médiatisés. Les enfants restent sous surveillance. Les intervenants n’ont pas à s’allier au parent violent pour convaincre les enfants de suivre les demandes de celui-ci.

Sortir de l’illusion de la repentance sans long suivi psychologique avéré : un parent violent ne va pas frapper ses enfants dans un centre médiatisé, cela va de soi. Le centre n’apporte donc aucune garantie.

– En parallèle à une réforme en profondeur pour que les centres médiatisés deviennent ENFIN des endroits protecteurs, il faut interdire les Lieux neutres où les rencontres décidées par le JAF se font sans surveillance !!!

Les centres médiatisés savent peut-être régler des conflits mais ne sont pas adaptés en cas de violences intrafamiliales. Car la problématique est différente : les victimes ne recherchent pas la construction d’une coparentalité mais la protection. Pour trop d’intervenants, les violences sont du passé et il faut construire la suite. Or l’avenir n’est pas le « vivre ensemble » mais bien le soin des victimes.

Ce soin ne pourra advenir que par la conscience et la reconnaissance des violences à l’œuvre par tous (centre médiatisé inclus). Un problème non nommé ne peut jamais être traité. Les violences intrafamiliales, inceste inclus, ne s’arrêtent pas avec la fin du couple, elles continuent de s’exercer dans le lien forcé maintenu par la justice. Il faut en finir avec la neutralité et s’engager contre, requestionner les postures idéologiques sur la parentalité dans l’intérêt des enfants et de la société entière.

Cela vous a intéressé ? Alors aidez-nous à diffuser cet article et soutenez notre travail.

1. Partagez cet article sur la problématique des centres médiatisés sur les réseaux sociaux.

2. Utilisez ce visuel si vous en avez besoin pour relayer l’article sur vos réseaux sociaux, Pinterest, Blog…

La problématique des centres médiatisés, dans un cadre de violences intrafamiliales est méconnue. Pourtant il faut la comprendre pour protéger les victimes.

3. Faites un don à l’Association Protéger l’enfant pour soutenir notre travail d’information et d’aide aux victimes de violences conjugales.

4. Suivez-nous sur nos différents réseaux sociaux
Instagram
Facebook
Twitter
Pinterest