Le consentement entre dans la définition légale du viol

Le consentement entre dans la définition légale du viol

Une avancée majeure

Contexte et justification de la réforme

La définition actuelle du viol en France repose sur l’article 222-23 du Code pénal : « tout acte de pénétration sexuelle … commis … par violence, contrainte, menace ou surprise ». Or, de nombreuses études et associations dénoncent l’insuffisance de ce cadre, notamment pour couvrir des faits où la violence physique ou la contrainte manifeste ne sont pas démontrables mais où la victime n’a pas pu ou su exprimer son refus. Une mission d’information de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, présidée par les députées Véronique Riotton (Ensemble pour la République) et Marie‑Charlotte Garin (Écologistes) a remis un rapport le 21 janvier 2025 recommandant d’intégrer explicitement la notion de « non-consentement » dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

L’objectif affiché par ses auteurs et soutenu par le gouvernement est double :

  • d’une part, mieux protéger les victimes et mieux reconnaître leurs situations de vulnérabilité, notamment dans les contextes intrafamiliaux, conjugaux ou d’emprise, en donnant à la justice un outil plus clair
  • d’autre part, faire évoluer la culture judiciaire et sociale vers une logique de respect du consentement plutôt que de seul « refus ou violences visibles »

Inspirée par les législations de pays comme la Suède, l’Espagne ou le Royaume-Uni, cette proposition de loi (PPL) entend placer le consentement au cœur de la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, afin d’affirmer que l’absence de consentement suffit à caractériser le crime, sans qu’il soit nécessaire de prouver la violence.

Contenu de la proposition de loi

La PPL, déposée à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025 par les députés Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, modifie plusieurs articles du Code pénal, principalement les articles 222-22 et 222-23. En première lecture, en commission des lois, les deux députées ont été désignées comme co-rapporteurs. Au Sénat, les rapporteures sont Elsa Schalck et Dominique Vérien.

  • Principales modifications législatives proposées
  • Le texte propose de modifier les articles 222-22 (agressions sexuelles) et 222-23 (viol) du Code pénal pour y introduire la formulation-clé : « tout acte sexuel non consenti » commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur.
  • Il définit le consentement « libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable » et précise que le silence ou l’absence de réaction ne peuvent valoir consentement.
  • Il conserve les quatre critères actuels (violence, contrainte, menace, surprise) en les maintenant comme modalités dans lesquelles il n’y a pas consentement.
  • Il élargit explicitement la définition du viol en y incluent les actes bucco-anaux.

NB : La PPL ne modifie pas les règles spécifiques applicables aux mineurs, déjà renforcées par la loi du 21 avril 2021 qui a établi un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans (et 18 ans en cas d’inceste).

La redéfinition vise donc à clarifier le droit pénal et son application, harmoniser la législation française avec les standards internationaux et réaffirmer le rôle symbolique du droit comme un outil de transformation sociale.

Arguments clés et tendances des débats

Arguments favorables :

  • Le texte est présenté comme une avancée majeure pour les victimes, en comblant une lacune législative
  • Il s’inscrit dans les engagements internationaux de la France (ex. Convention d’Istanbul) qui recommandent la notion de non-consentement
  • Il permet une meilleure cohérence entre réalité vécue des violences sexuelles et qualification pénale

Arguments opposés ou critiques :

  • Certains juristes craignent que l’inscription du « non-consentement » entraîne une charge accrue sur la victime pour prouver l’absence de consentement.
  • D’autres estiment que sans moyens supplémentaires (formation, enquête, prise en charge), la réforme resterait symbolique.
  • Le débat a aussi porté sur la formule « appréciée au regard des circonstances environnantes » vs « contexte » selon la chambre.

Tendance politique : Le texte bénéficie d’un large consensus, notamment majoritaire gauche/droite-centre, ce qui traduit une convergence transpartisane sur ce sujet. Les oppositions se sont cantonnées essentiellement aux rangs de l’extrême droite ou de certains élus très critiques.

Parcours législatif et étapes à venir

  • 21 janvier 2025 : dépôt de la proposition de loi à l’Assemblée nationale
  • 26 mars 2025 : adoption en commission des lois de l’Assemblée nationale
  • 28 mars 2025 : le Gouvernement engage la procédure accélérée, réduisant le nombre de lectures
  • 1er avril 2025 : adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, par 161 voix pour, 56 contre
  • 18 juin 2025 : le Sénat adopte le texte en première lecture à l’unanimité (323 voix pour) sur le fond (avec modifications)
  • 21 octobre 2025 : accord en commission mixte paritaire (CMP) entre les sénateurs et les députés
  • 23 octobre 2025 : l’Assemblée nationale adopte le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire, par 155 voix pour, 31 contre, 5 abstentions
  • Étape suivante : vote définitif du Sénat (prévu 29 octobre 2025) avant promulgation et décrets d’application.

Impacts attendus et enjeux

La question du consentement dans les infractions sexuelles constitue un enjeu juridique et sociétal majeur, qui s’est retrouvé au cœur du débat public à plusieurs reprises ses derniers mois.

  • Un impact juridique majeur : L’inscription explicite du consentement dans la loi permettra aux magistrats et enquêteurs de mieux qualifier les faits lorsque la victime n’a pas pu résister ou exprimer son refus, notamment en cas de sidération, d’empressé psychologique ou d’abus de vulnérabilité. Elle devrait aussi encourager les victimes à porter plainte, en réduisant le sentiment d’injustice ressenti lorsque la violence physique est absente. Cela permettra de contribuer à une meilleure prise en compte des violences, en particulier les violences intrafamiliales et conjugales où la contrainte n’est pas nécessairement visible.

Toutefois, certains juristes et députés soulignent que la réforme devra être accompagnée d’une formation renforcée des magistrats, pour éviter une incertitude jurisprudentielle sur l’interprétation du « non-consentement ».

  • Un impact social et symbolique fort : En inscrivant le consentement comme condition essentielle, le texte envoie un signal fort : « aucun acte sexuel sans consentement ne peut être toléré ». La ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes a qualité ce texte de « pas décisif vers une véritable culture du consentement ». Il s’agit d’un tournant symbolique pour la société, le viol n’est plus seulement une question de violence physique, mais avant tout une atteinte à l’autonomie sexuelle de la personne.

Cette évolution s’inscrit dans la prolongement des mobilisations sociales des dernières années (#MeToo, #NousToutes, campagnes sur le consentement) et renforce la cohérence du cadre législatif français avec les politiques de prévention et d’éducation à la sexualité.

  • Conséquences pratiques. Plusieurs défis demeurent tels que :
    • La formation des professionnels de la justice, des forces de l’ordre (adaptation des formations initiales et continues).
    • La garantie de l’effectivité de cette réforme, en raison des voix critiques qui estiment que cette réforme pourrait, sans accompagnement, faire peser la charge de la preuve sur la victime ou ne pas suffire à changer les pratiques judiciaires.
    • Un travail de sensibilisation auprès du grand public et des jeunes.
    • Une meilleure articulation entre la justice, les services sociaux et les associations d’aide aux victimes.

Conclusion

En intégrant explicitement la notion de non-consentement dans la définition du viol et des agressions sexuelles, elle aligne la France sur les standards européens et affirme un principe fondamental : aucun acte sexuel ne peut être imposé sans un consentement libre, éclairé et réversible. Son impact sera donc à la fois juridique, en clarifiant la qualification des faits ; symbolique, en réaffirmant la dignité et l’autonomie des personnes ; et social, en renforçant la lutte contre les violences sexuelles et intrafamiliales.

En voie d’adoption définitive, cette proposition de loi constitue une évolution majeure du droit pénal français. Hautement symbolique, le texte marque un changement d’époque. L’enjeu dépasse la seule modification du Code pénal : il s’agit d’une transformation culturelle, vers une société fondée sur le respect du consentement et de l’intégrité de chacun.

Sa réussite dépendra toutefois de la formation des professionnels, de la mise en œuvre concrète dans les tribunaux et de la coordination avec les associations de terrain. Il est donc très important que cette réforme ne reste pas lettre morte et il faudra veiller à ce que les modalités d’application soient bien définies.


Vous pouvez ici consulter les autres ressources du site.

[Témoignage Vidéo] Dysfonctionnements judiciaires. Pour avoir tenté de protéger sa fille victime d’inceste, May a perdu la garde de son enfant.

Pour avoir tenté de protéger sa fille victime d'inceste, May a perdu la garde

May a perdu la garde de sa fille, elle partage son expérience :


• Non-représentation d’enfant : les conseilleurs ne sont pas les payeurs…
Brigade des mineurs : encore tellement de personnes non formées aux violences intrafamiliales !


Voici un article qui approfondit la question de la non représentation d’enfant.

Protecteurs experts

Qui sont les protecteurs experts ? Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus... Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu'elles traversent sont vécues par des milliers d'autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts… Ou comment la Justice force les victimes à devenir expertes dans les domaines liés à leur protection / survie

Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus… Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu’elles traversent sont vécues par des milliers d’autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts

Au fil de leurs lectures et autres discussions, elles s’éduquent, emmagasinent des infos, apprennent le nom des lois, la jurisprudence. Elles savent la différence entre le pénal et le civil, entre un juge et un procureur, elles connaissent les acronymes : SAP, JAF, NRE, ITT…

Contraintes et forcées par un système qui ne les protège pas, les victimes emmagasinent des compétences multidirectionnelles qui dépassent souvent celles de leurs interlocuteurs. Elles deviennent ainsi des protecteurs experts.

Cette appellation fait écho à celle des « patients experts« , nom officiel donné par la médecine aux patients détenteurs voire créateurs de savoirs à force de consultations et de documentation. Il s’agit le plus souvent de patients souffrant de maladies chroniques et possédant des connaissances très pointues sur leur maladie ou sur l’affection dont ils souffrent. Ils ont rattrapé leur manque de savoir initial pour échanger en connaissance de cause avec les médecins qui les suivent. Cela les aide à prendre les meilleures décisions.

Ces patients, au lieu de déléguer totalement la gestion de leur maladie, décident de réduire le décalage de compétences pour retrouver du contrôle sur leur vie et mieux apprécier les décisions du médecin. Cette démarche d’autonomisation par rapport à ce dernier peut être individuelle et/ou collective.

Parfois, elle est encouragée par le médecin, parfois elle se déclenche en réaction à un manque d’informations ou à une attitude désagréable. Au final, les patients passifs et ignorants deviennent des patients actifs et sachants.

Un processus similaire existe chez les victimes de violences intrafamiliales qui ne reçoivent pas la protection nécessaire et qui doivent engranger des compétences pour participer à leur défense.

1 – Lutter contre la passivité imposée

Les victimes qui portent plainte dépendent des actions de beaucoup d’individus : la police, l’administratif, la Justice, la médecine, les médiateurs… Or rapidement, des difficultés surgissent au sein de ces différentes relations. La première frustration qui en découle est l’horrible sentiment de devoir subir, d’être dépossédé de son pouvoir d’action à panser ses plaies. Les victimes ont du mal à comprendre où en sont leurs dossiers, à connaître leurs droits, les aides auxquelles elles peuvent prétendre…

Les victimes de violences ont déjà tellement perdu de confiance en elle. Le système de Justice actuel continue d’éroder cette confiance. Alors pour celles qui le peuvent, gagner de l’expertise sur ce qu’elles traversent, c’est une des façons de lutter contre leur passé et reprendre du pouvoir sur la situation.

2 – Lutter contre l’asymétrie d’informations

Contrairement en médecine où la loi Kouchner de 2002 autorise l’accès à l’information pour les malades, en Justice, c’est très loin d’être aussi transparent. On dit que la connaissance, c’est le pouvoir. Inversement, ne pas savoir ce qui se trame, ne pas avoir accès à son dossier, attendre une éternité entre deux décisions, parfois contradictoires, c’est infantilisant et éprouvant. Il faudrait passer d’une connaissance centralisée à une connaissance partagée !

Pour compenser, les victimes se renseignent, cherchent à combler les morceaux qui leur manquent et luttent contre l’asymétrie d’information et de pouvoir. Elles recherchent une aide alternative, elles s’impliquent dans la gestion de leurs affaires autant que possible et surtout, agissent comme elles peuvent pour protéger leur vie et celles de leurs enfants.

Il faut reconnaitre et utiliser le savoir des victimes devenues protectrices expertes !

Redéfinissons ensemble le droit à l’information, partageons mieux les connaissances et les ressources, modernisons les relations entre la Justice et les plaignants de façon à ne plus infantiliser ces derniers, participons à la reprise de pouvoir des victimes car les rendre plus actrices de leurs vies les aident à guérir de leurs traumatismes. Redonnons-leur du pouvoir !

Améliorons le parcours des victimes, du dépôt de plainte aux tribunaux, en passant par la gestion du quotidien, de la santé physique et psychologique ! Et tout cela facilement, en les écoutant, en recueillant le feed-back, pour innover grâce à l’implication de tous : les victimes individuelles, les associations, les alliés…

L’expertise des victimes doit être reconnue mais également leur capacité à créer du savoir. La force de travail et l’implication de ces personnes font avancer la cause. On ne compte plus les fois où les lois ou les mentalités ont changé grâce à la détermination et à la justesse des propositions des protecteurs experts. Les écouter aide à changer le monde, à le rendre plus juste.

A la fin tout le monde y gagne : les victimes, le système judiciaire ou celui de la santé, les finances collectives… Plus que jamais, la Justice a besoin d’un système humaniste, apte à (re)connaître la personne. Les protecteurs experts peuvent faire la différence.



Nous vous conseillons la lecture de nos articles « Conseils à connaitre avant de porter plainte contre des violences intrafamiliales » et « Plainte avec constitution de partie civile (procédure pénale)« .

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

On le sait, on le vit, le droit français est patriarcal. C’est le cas de nombreux autres pays, cependant certains ont entrepris une mutation plus profonde et plus rapide, comme actuellement l’Espagne en matière de gestion des violences intrafamiliales. Les résultats sont là, indéniables.

Grâce à cette loi espagnole, en moins de 20 ans, l’Espagne a fait baisser les féminicides de 24% !

Le mouvement a commencé en 2004 avec la publication d’une loi spécifique contre les violences de genre ainsi qu’avec la création de tribunaux spéciaux, dédiés à ces violences.

Mais ce qui a fait tout accélérer, c’est une histoire sordide. En 2016, un groupe de 5 hommes (dont deux militaires) violent une femme de 18 ans, filment la scène, la publient sur WhatsApp et abandonnent leur victime à moitié nue dans la rue.

En 2018, la justice espagnole rend un verdict incompréhensible et laxiste : le viol en réunion n’est pas retenu et les 5 hommes sont condamnés à  9 ans d’emprisonnement pour « abus sexuels ». Les espagnols hurlent au scandale, manifestent et demandent à la Justice de rendre des comptes.

En 2019, le Tribunal suprême revient sur la décision de ce procès et condamne les auteurs à 15 ans de prison ferme. La plus haute instance judiciaire espagnole devient juste sans inégalité de traitement entre homme et femmes mettant fin ainsi à une pratique exorbitante en faveur des agresseurs plutôt que de celles/ceux qui dénoncent les violences..

A partir de là, tout est requestionné : différence entre abus sexuel et agression sexuelle, montant de l’indemnisation des victimes, obligation de formations des intervenants, semaine de cours théoriques puis pratiques auprès d’associations expertes pour les juges… Les réflexions ont lieu à un niveau national et local… Le système est revu de fond en comble et régulièrement actualisé.

En Espagne la violence domestique englobe toutes les formes de violence :

  • la violence physique,
  • la violence psychologique (dévalorisation, menaces, humiliations, vexations, exigence d’obéissance ou de soumission, insultes, isolement, atteinte à la liberté),
  • la violence sexuelle (tout acte de nature sexuelle non consenti),
  • la violence économique (privation intentionnée de ressources, impossibilité d’accéder à une indépendance financière).

Avoir des tribunaux dédiés à ces formes de violence et des gens formés change tout. Les intervenants sont capables de reconnaitre l’emprise, la sidération, les violences coercitives… Ils savent appréhender les dommages invisibles des victimes. En développant un arsenal complet, le nombre de condamnations est 2 fois plus élevé et le nombre d’ordonnances de protection délivrées à des victimes est 17 fois plus important qu’en France.

L’Espagne s’est dotée de dispositifs spécialisés qui aident à évaluer et prévenir les féminicides. En plus des ordonnances de protection, des bracelets anti-rapprochement et des téléphones d’urgence/grave danger (qui existent aussi en France), l’Espagne dispose du système VioGén. Il s’agit d’une plateforme qui recense tous les cas de violences conjugales rapportés à la police. Un formulaire d’évaluation du danger permet d’enclencher les mesures de protection adaptées et le risque est réévalué régulièrement. La police, la justice et les services d’accompagnement peuvent assurer un suivi continu, partagé et avec des critères communs.

Grâce à la loi espagnole, 56 000 femmes et leurs enfants sont aujourd’hui protégées par le système VioGén, 400 d’entre elles dans une situation à haut risque. Le système VioGén et d’autres dispositifs de protection semblent avoir contribué à un meilleure prévention des féminicides.

Depuis septembre 2021, deux lois majeures sont entrées en vigueur, dont on aimerait vivement que la France s’inspire (rapidement…)

 1 – Suspension automatique des droits de visite dans le cas où un des parents fait l’objet de poursuites ou de condamnations pour violences conjugales ou exercées sur ses enfants.

La nouveauté de cet article tient au caractère systématique de la suppression du droit de visite du parent s’il fait l’objet de poursuites pour violences, mais aussi s’il existe des indices de violence sexistes, même en l’absence de poursuites pénales. Cette solution garantit une meilleure protection pour la victime et ses enfants.

Il est certes toujours possible pour le juge de rétablir le droit de visite pour le parent auteur de violences, mais sa décision doit être motivée par l’intérêt supérieur de l’enfant.

2 – Amélioration de la protection des mineurs  qui doivent être entendus et écoutés au cours de toutes les procédures administratives ou judiciaires. Les informations doivent leur être données de manière compréhensibles par eux.

La loi espagnole prévoit également la mise en place des mesures nécessaires pour empêcher que des approches théoriques ou des critères sans aval scientifique qui présupposent la manipulation d’un adulte sur l’enfant, comme le syndrome d’aliénation parentale, puissent être prises en considération.

L’accord du père auteur de violences sexistes ne sera pas nécessaires pour démarrer un suivi psychologique de l’enfant, si la femme est reconnue victime de violences par une institution accréditée, même en l’absence de procédure pénale engagée.

Pour résumer, grâce à cette loi espagnole, l’Espagne possède actuellement les cadres législatifs, administratifs et budgétaires les plus renforcés au monde.

Pourtant, toujours mobilisée, l’Espagne travaille actuellement à d’autres lois encore plus protectrices comme une loi qui inversera la charge de la preuve.

Il reviendra alors au présumé agresseur de prouver le consentement et non plus à la victime de prouver son refus. Des groupes de travail militent également pour étendre le cadre des violences conjugales aux situations de harcèlement de rue, au travail, aux prostituées, aux femmes trans.

Il ne faudrait pas croire pour autant que ces lois ont été votées facilement. L’Espagne a connu des va-et-vient au niveau de leur mise en œuvre, de la priorisation politique et le budget alloué. Encore aujourd’hui, rien n’est joué. Ces changements juridiques et sociétaux sont très combattus par les partis de droite.

La France est à la traine et les victimes ne sont pas secourues. S’inspirer de cette politique et de cette loi espagnole, efficace, semble la piste la plus intelligente pour leur venir en aide et prévenir d’autres comportements toxiques.

En France, le centre Hubertine Auclert pour l’égalité femmes homme a listé 10 préconisations  pour mieux lutter contre les violences intrafamiliales, que l’on peut regrouper en trois grands domaines :

  1.  Renforcer le cadre législatif, administratif et budgétaire ;
  2. Renforcer les dispositifs de protection des victimes et de prévention des féminicides ;
  3. Renforcer les droits sociaux et une prise en charge des victimes.

Les marges de progrès sont immenses pour lutter contre les risques de reproductions des violences conjugales faites principalement aux femmes et aux enfants.

Développons en France des campagnes gouvernementales digitales via les réseaux sociaux pour s’adresser aux professionnels, aux victimes, aux proches.

Engageons une grande réflexion en France sur l’ensemble des mises en place possibles, sur le modèle de la loi espagnole, pour que cessent enfin ces violences. Nous avons proposé des pistes de réflexion.

« Aujourd’hui, le système capitaliste est poussé à l’extrême. On a une situation sociale toujours plus précarisée, une extrême droite qui banalise les violences : le contexte social ne peut que favoriser les violences envers les femmes. La meilleure formule pour lutter contre elles, c’est une politique sociale globale. Ensuite, on pourra parler de stratégie envers les violences conjugales. »

Laia Serra, avocate pénaliste catalane

Nous rajoutons que l’inverse est également vrai : en traitant le phénomène de violences conjugales, en élaborant une stratégie, on bâtit une politique sociale non pas de manière descendante et prescriptive (gouvernement législateur vers population), mais de manière ascendante : de la population vers nos autorités. Et nous touchons à tout le système social dont droits, libertés fondamentales, précarité économique, place des sans ressources dans ce système, des questions de genre…