Les failles de l’expertise psychologique judiciaire

Les failles de l’expertise psychologique judiciaire

Avec la participation de Aurore Malet-Karas, Docteure en neuroscience et sexologue

Des expertises psychologiques défaillantes

Les expertises psychologiques mandatées par la justice jouent un rôle crucial dans les affaires de violences intrafamiliales. Elles éclairent les magistrats sur leur prise de décision (classement sans suite ou poursuite pénale, droit de garde, placement…) et sur le retentissement personnel des situations qu’ils doivent étudier.

Ces expertises sont les pierres angulaires des procédures et sont cruciales pour la protection des personnes et la prévention de la récidive. Hélas, elles nous sont fréquemment signalées comme ne reflétant pas la réalité des situations.

Cela aboutit à des conclusions mal ou non motivées et biaisées grandement préjudiciables.

Qu’est-ce qu’une expertise psychologique ?

La personne à expertiser est reçue par un psychologue afin de réaliser un ou plusieurs entretiens comprenant :

  • Un entretien généraliste (vie personnelle, professionnelle, affective…)
  • Un entretien clinique qui permettra de questionner la psychopathologie de la personne (émotions, anxiétés, phobies, sociabilité, affectivité, empathie, notion du bien et du mal, discernement, troubles dépressifs…).
  • Ces entretiens peuvent être complétés par des tests de personnalité, QI…

Ces entretiens permettent de définir un profil psychologique de la personne.

Si la personne est une victime de violence sexuelle, l’expertise pourra montrer d’éventuels troubles psycho traumatiques ou de stress post traumatiques sur le long terme (dissociation, troubles de la mémoire, du sommeil, anxiété…).

Quels sont les points à repérer pour contester une expertise psychologique?

  1. L’expert psy doit être sur la liste des experts agréés près la Cour d’appel.
  2. L’expert doit répondre (uniquement) à la question posée par le juge. Par exemple, l’honnêteté du récit, les séquelles des violences subies, les capacités parentales…
  3. Le psychologue doit être neutre, impartial, il ne doit pas donner des jugements de valeur. Ex : « personnalité manipulatrice, elle exagère, elle n’est pas normale… », qui sont des valeurs morales, ou sociétales. Il doit se limiter à son champ de compétence. Nous ne devrions pas y lire « je conseille un placement chez le père… ». Auquel cas l’expert risque d’influencer le magistrat de manière injustifiée.
  4. L’évaluation de la personne devrait se faire sur des bases scientifiques solides, avec des méthodes fiables, des tests standardisés et des échelles de mesures concrètes. Un entretien clinique n’est souvent pas suffisant. Il existe par exemple des tests cognitifs, des échelles de stress, des échelles de personnalité, comme les tests BDI-II (état émotionnel) et PCL-5 (pour les signes de stress post traumatique). L’expert devrait, quand il le peut, citer des sources scientifiques, articles médicaux ou autre pour appuyer ses propos.

Les psychologues cliniciens uniquement psychanalystes vont utiliser des méthodes de compréhensions de l’individu plus subjectives et cela donnera une expertise moins structurée.

L’expert ne doit pas confondre personnalité dysfonctionnelle, fragile et symptôme de stress post traumatique (comme la sidération, la dissociation…).

Il ne doit pas perdre de vue que l’origine d’un trouble peut être la violence (comme l’hypervigilance…).

Il est donc préférable que les expertises soient basées sur des approches TCC (Thérapie Cognitivo Comportementale) ou psychométriques.

Attention également à certains tests psychologiques décriés par les scientifiques comme le test de Rorschach.

Le test de Rorschach… présente une fidélité inter-juges variable selon les études (entre 0.40 et 0.85), ce qui signifie que différents psychologues peuvent interpréter très différemment les mêmes réponses.

« L’expertise psychologique contredite : enjeux et défis dans le système judiciaire français » du site de avocats-emergence

Comment repérer les biais cognitifs ?

Un expert défaillant est aussi un être humain et aura à souffrir des mêmes biais cognitifs que tout un chacun.

Voici certains biais que la Psychologue Aurore Malet-Karas explique très bien dans son livre « cerveau, sexe et amour » :

Les biais de stéréotype : par exemple, les femmes devraient être douces, les hommes conquérants…Une femme qui s’occupe bien de ses enfants ne sera pas remarquée alors qu’un homme qui s’occupe bien de ses enfants sera encensé.

Les biais de surestimation : les experts peuvent avoir tendance à surévaluer leurs compétences en victimologie même s’ils n’ont suivi aucune formation. Il convient donc de vérifier leur cursus.

– Les biais de confirmation : c’est la tendance à ne prendre en compte que les éléments qui soutiennent notre opinion de départ et à minimiser ou nier les autres. Cela fait écho au raisonnement panglossien que l’on voit régulièrement dans les conclusions d’audiences qui se passent mal. Seules les preuves qui soutiennent les idées préconçues de départ sont prises en compte. (Ex : La mère est instable, ment, est sur-protectrice…). Il est ainsi très facile de prendre pour certain une hypothèse de départ non démontrée par des moyens scientifiques. Autre exemple courant : « la mère souffre peut-être d’un syndrome de Münchhausen par procuration ». Ce syndrome est une pathologie extrêmement rare et difficile à diagnostiquer : si un.e magistrat.e pense en avoir vu beaucoup chez les mères qu’il.elle rencontre en audience, c’est qu’il.elle se trompe.

Les biais des coûts irrécupérables : lorsque l’on prend une décision qui finalement ne nous convient pas, on va avoir tendance à continuer dans la même direction pour ne pas perdre le temps ou l’argent qu’on a déjà mis en jeu. Un expert aura rarement la possibilité cognitive de remettre en question son expertise.

Le site de avocats-emergence nous renseigne sur d’autres biais :

l’effet de halo : étendre une impression générale à l’ensemble des caractéristiques évaluées. Par exemple : La personne est belle ou diplômée, alors elle doit être honnête et morale.

le biais d’ancrage : il concerne l’influence excessive des premières informations reçues.

Par exemple si une mère victime ou protectrice arrive épuisée, on aura tendance à retenir cette image première plutôt que d’aller chercher les faits.

l’effet Barnum : très utilisé en pseudo-sciences, par exemple un profil astrologique est assez vague pour que cela convienne autant aux taureaux qu’aux gémeaux. On le retrouve fréquemment chez les experts qui font trop de copier collés, où la formulation des conclusions est assez vague pour être adaptable au plus grand nombre.

D’où l’importance des protocoles standardisés, avec des mesures concrètes et validées par la science actuelle.

Comment contester une expertise ?

1-Le commentaire d’expertise et la contre-expertise : vous pouvez faire relire l’expertise par un expert compétent qui pourra rédiger des conclusions que vous pourrez utiliser devant un magistrat pour prouver le manque de professionnalisme de la première expertise et éventuellement demander une nouvelle expertise, une contre-expertise avec un autre expert plus approprié.

2-L’expertise privée : vous pouvez réaliser une autre expertise chez un psychologue compétent. La comparaison des méthodes de travail et des conclusions pourront éventuellement vous aider à discriminer la première expertise, si le magistrat est enclin à prendre en compte cette nouvelle pièce.

3- Soulever les nullités en cas de non-respect du contradictoire ou de partialité manifeste.

Les expertises psychologiques ont un impact déterminant sur les décisions de justice. Leur fiabilité doit être garantie par des pratiques fondées sur la science, la neutralité et la rigueur méthodologique. Des contrôles accrus et des recours facilités sont indispensables pour éviter les erreurs judiciaires et mieux protéger les victimes.


Sources :

Le livre « cerveau, sexe et amour » de la psychologue Aurore Malet-Karas (pour les biais cognitifs)

https://www.psychologue.net/articles/lexpertise-psychologique-du-psychologue-judiciaire

https://www.cabinetaci.com/expertise-psychologique-role-cle-en-affaires-sexuelles/

https://www.avocats-emergence.fr/lexpertise-psychologique-contredite-enjeux-et-defis-dans-le-systeme-judiciaire-francais/

Les textes de la psychologue Barbara Para dans village-justice :

https://www.village-justice.com/articles/contester-une-expertise-judiciaire-les-erreurs-les-plus-frequentes-reperer,53926.html

https://www.village-justice.com/articles/expertise-psychologique-privee-arme-decisive-contentieux-travail,53781.html


Vous pouvez trouver d’autres ressources utiles sur notre site.

On vous croit !

On vous croit !

Le film On vous croit , de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys montre la difficulté pour une mère de protéger ses enfants en Justice.

On vous croit met en scène Alice qui se retrouve devant un juge. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père avant qu’il ne soit trop tard ?

Pour nous, il était crucial de montrer à quel point la longueur, la répétition et la multiplication des procédures judiciaires peuvent amplifier les traumatismes. Dans notre histoire, comme souvent dans la réalité, les enfants qui sont contraints de revivre sans cesse ce qu’ils ont subi, tout en voyant leur parole mise en doute, finissent par se dire qu’on ne les protège pas.

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

On vous croit met en lumière les conséquences des violences sexuelles sur les enfants :

  • Conséquences psycho traumatiques
  • Violence envers soi
  • Mauvaise estime de soi
  • Problème de santé physique et mentale…

Et les conséquences sur leurs parents protecteurs (ici la mère, comme dans la majorité des cas de violences intrafamiliales).

Nous voulions rendre compte qu’en plus d’être traumatisées par les agressions sexuelles, de nombreuses victimes le sont aussi par le fait de ne pas être crue ou protégée lors des procédures judiciaires.

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

La Justice n’est pas adaptée aux problématiques des victimes :

  • Les enfants et leur mère sont obligés de croiser le père agresseur dans la salle d’attente.
  • Les enfants doivent encore et encore raconter leur histoire devant la juge aux affaires familiales.
  • Et une épée de Damoclès pèse sur ces enfants qui vont peut-être devoir aller chez le père qu’ils dénoncent, si la justice le décide, alors qu’ils vivent dans un état de peur et de stress intense à son contact et qu’ils subissent encore les conséquences psycho traumatiques des violences paternelles antérieurement subies.

On vous croit met aussi en lumière les tactiques et stratégies des agresseurs intrafamiliaux

  • La séduction. Alice raconte avec le sourire le temps où elle était amoureuse et fière de cet homme charmant et plein d’affection. D’ailleurs il est plutôt sympathique, il présente bien.
  • Le père se victimise. Il ne comprend pas pourquoi il en est là. Il ne comprend pas pourquoi ses enfants ne veulent plus le voir. On a presque envie de le croire.
  • Avec l’appui de son conseil, le père isole la victime en essayant de la dénigrer auprès des professionnels. Il la dévalorise : madame est fragile, souvent malade. Il y a même une allusion au syndrome de Munchhausen par procuration, sans citer le nom. Ce syndrome est un jackpot assez efficace avec le syndrome d’aliénation parentale pour décrédibiliser le parent protecteur auprès de la justice.

La mère protectrice est souvent la première à faire face à la violence du système, tout en portant la souffrance de l’enfant.

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

On pense que les mères mentent, manipulent. Mais on perd de vue que d’abord, elles doivent recevoir la parole des enfants, révélation qui peut être extrêmement violente. Ensuite, elles doivent l’expliquer, et elles ont tellement envie d’être crues, qu’elles ont un discours fort et engagé qui peut les faire passer pour folles. Et puis on peut devenir folle, à penser qu’on ne nous croit pas. L’agresseur utilise ça en justice.

Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

Ce qui est frappant dans la scène majeure de ce film, ce sont les qualités humaine et professionnelle de la juge qui mène l’audition des parents et de leurs conseils. On vous croit nous montre une juge très respectueuse des parties, qui n’est jamais dans le jugement, toujours à l’écoute, qui laisse la place pour s’exprimer de manière bienveillante. Cela est suffisamment rare pour être souligné.

On vous croit mériterait d’être visionné dans toutes les écoles de formation des professionnels voués à traiter d’affaires familiales (magistrats, avocats, travailleurs sociaux, policiers, gendarmes, psys,…).

Ce cas présenté n’est malheureusement pas un cas à part. Ce que vit cette femme et ses enfants, des milliers de familles le vivent encore aujourd’hui. Des milliers d’enfants ne sont pas protégés. 

Que cette juge inspire tous les professionnels de l’enfance qui pourront ainsi (ré)apprendre que le premier pas pour protéger des enfants est de les croire.

On vous croit !


Le film sortira en salle le 19 novembre 2025.

FAMILIA

Familia

Film Familia d’après le livre de Luigi Celeste

Non sarà sempre così

(Il n’en sera pas toujours ainsi)

Familia, c’est l’histoire de deux enfants qui ont vécu leur enfance dans la peur de leur père qui frappait leur mère et les rabaissait.

Familia, c’est l’histoire d’une maman qui a voulu dire stop aux violences, qui a les a dénoncés mais qui a perdu la garde de ses enfants.

Familia, c’est l’histoire d’un papa violent qui voulait tout contrôler et dominer femme et enfants en les insultant et en les rabaissant.

Familia est inspiré de faits réels, basé sur le témoignage écrit de Luigi Celeste, l’un des fils victimes de son père violent.

Récit de la violence, en particulier de la violence psychologique, il montre les blessures les plus profondes qui marquent à jamais une enfance. Par exemple, comment s’instaure une routine du « faire semblant » pour ne pas énerver le père violent…

Le film Familia dénonce également les violences post-séparation auxquelles les victimes peuvent être confrontées et qui sont souvent invisibilisées.

« Le film Familia est aussi un réquisitoire, un appel à l’écoute et à l’action au moindre signe, à chaque demande d’aide ; car les plaintes et les dénonciations finissent souvent sur les étagères de la bureaucratie.

Et l’histoire de la famille Celeste ne fait pas défaut à ce phénomène : une famille abandonnée par les institutions, qui finit par imploser sur elle-même avec les conséquences les plus tragiques. »

Francesco Costabile

Les violences domestiques ne s’arrêtent pas à la séparation. Les victimes vivent souvent dans la peur, leur parole reste minimisée quand elles dénoncent des faits de violences après la séparation.

« Après la sortie du livre puis du film Familia, j’ai été submergé par un nombre incalculable de femmes désespérées qui m’ont contacté via les réseaux sociaux, cherchant de l’aide. Et ce qui m’a le plus choqué, c’est l’incapacité flagrante des institutions à agir, encore aujourd’hui, alors que ce sujet commence enfin à être considéré. La sensibilisation ne suffit pas. Parler ne suffit pas. Nous avons besoin d’actions concrètes. »

Luigi Celeste

Comment pourrait-on protéger les victimes de ces violences post-séparation ?

En cessant de considérer que les violences font partie du passé.

Elles font partie de l’histoire de la famille et souvent inhérentes à son fonctionnement. Elles permettent de comprendre le présent. Chercher à les occulter ne permet pas une réelle protection des victimes.

« Il existe encore une stigmatisation sociale très forte qui empêche tant de personnes de dénoncer les abus dont elles ont été victimes. »

« C’est la raison pour laquelle Licia (une femme qui tente de réagir à la violence qu’elle a subie) finit par retomber dans la même spirale, accablée par la culpabilité, trahie par l’État et les institutions vers lesquelles elle s’est tournée pour obtenir de l’aide. Il existe une violence institutionnelle spécifique qui abandonne ces femmes à leur sort, jusqu’aux conséquences les plus tragiques. »

Francesco Costabile

En permettant aux mères de dire à leurs enfants que le comportement des pères violents n’est pas acceptable. Elles doivent être soutenues dans cette démarche.

Actuellement si un enfant dit que sa maman lui a expliqué que ce n’est pas bien de faire ce que son papa a fait, c’est encore considéré comme du dénigrement par bon nombre de professionnels. Il est primordial de laisser les mères victimes mettre des mots sur ces violences pour réduire le risque de violences transgénérationnelles.

Les enfants ont souvent une image très négative des femmes, à cause de leurs pères (dont la parole est impunie), il faut que les enfants comprennent que leurs mères doivent être respectées.

Licia, la mère de Luigi, se voit retirer la garde de ses enfants après avoir révélé les violences. Ce n’est plus acceptable. Il faut cesser de considérer les mères coupables des violences des pères alors que les mesures de protection sont minimes.

« Le cœur du problème réside dans l’éducation et les valeurs. Nous devons éduquer des hommes meilleurs, des hommes qui apprennent dès leur plus jeune âge à respecter les femmes comme leurs égales, comme la source de la vie, comme ils respecteraient leur propre mère. »

Luigi Celeste

En assurant un vrai suivi psychologique des victimes.

Les violences domestiques ont des répercussions sur l’état psychologique des victimes. Il est donc primordial qu’elles aient un suivi psychologique.

Actuellement les enfants sont contraints de fréquenter leur père agresseur comme si les violences n’avaient jamais existé. Ces rencontres se font généralement dans des espaces de rencontre ou centres médiatisés sans présence constante d’un professionnel. Cela ne permet pas aux enfants d’être protégés et sécurisés, d’autant plus quand leur parole est discréditée. Et cela ravive les traumatismes, sans permettre de cicatriser.

Ils ont donc besoin a minima d’un soutien psychologique par des professionnels formés.

L’Etat finance des espaces de rencontre qui amènent souvent plus de problèmes psychologiques pour les enfants. Cette capacité de financement devrait être attribuée en priorité au financement de suivi psychologique. Ce n’est pas normal que ces frais soient assurés principalement par les mères. Il est urgent de remettre le monde à l’endroit.

« Dans ma propre expérience, les institutions ont ignoré nos innombrables appels à l’aide, y compris quelques jours seulement avant que l’irréparable ne se produise. La plupart du temps, nos supplications ont été balayées d’un revers de main. »

Luigi Celeste

En remettant en question le système de suivi des auteurs de violences, qui reste très hétérogène en France. Certains auteurs en ressortent persuadés qu’ils sont en fait victimes de leurs victimes…

Lorsque les auteurs ont une obligation de soin, les professionnels n’ont pas connaissance de tout le passif et donc peuvent être facilement manipulés sans qu’un vrai travail soit effectué.

Ce suivi ne doit plus permettre de fonctionner comme un permis de repartir à zéro.

« Certains programmes se limitent à une approche plus médicalisée et d’autres peuvent même représenter un espace de socialisation masculine renforçant les stéréotypes de genre. »

1er rapport d’évaluation du GREVIO – 2025

Laissons une chance à ces enfants d’aller mieux en arrêtant de croire que pour bien grandir, ils ont besoin de voir leur père violent.

Laissons les professionnels mettre des mots sur les violences que les enfant ont subies, et poser clairement des interdits sur les violences.

Les contraindre, c’est normaliser les violences.

Les contraindre, c’est culpabiliser les enfants qui finissent par penser qu’ils sont méchants s’ils ne laissent pas une énième chance à leur père (alors que les violences perdurent).

Les contraindre, c’est les forcer à s’adapter à la situation au lieu de les en protéger.

Et si un enfant insiste pour voir son père violent, voire le défend, il faut en discuter avec lui pour qu’il ne grandisse pas en normalisant les violences. Il doit aussi être protégé.

Doit-on utiliser le mot Pédophile ou Pédocriminel ?

Doit-on utiliser le mot Pédophile ou Pédocriminel ?

Les médias et la société parlent de pédophile.

La justice parle de pédocriminel.

Et ce n’est pas la même chose.

Confondre les deux termes brouille la compréhension… et peut freiner la protection des enfants.

Le mot pédophile désigne une attraction sexuelle pour les enfants prépubères.

(Définition psychiatrique, OMS)

Le mot pédocriminel désigne une personne qui commet un crime ou un délit sexuel sur un mineur.

(Définition juridique)

Pédophilie

La pédophilie est avant tout une notion psychiatrique. Elle désigne une attirance sexuelle persistante et préférentielle, parfois exclusive, pour les enfants qui n’ont pas encore atteint la puberté. Cette attirance, décrite par l’OMS dans la classification des troubles mentaux, n’implique pas nécessairement un passage à l’acte.

Certaines (rares) personnes concernées en sont conscientes et cherchent de l’aide. Elles consultent et mettent en place des stratégies pour ne jamais mettre un enfant en danger.

Mais il existe hélas aussi des personnes pédophiles qui peuvent devenir des pédocriminels. Soit en consommant des images pédopornographiques, soit en agressant des enfants.

À l’inverse, un adulte peut abuser sexuellement d’un enfant sans être pédophile. Les violences sont motivées par la domination, le contrôle, dans le cadre de violences intrafamiliales, sans qu’il y ait d’attirance spécifique pour les enfants.

En d’autres termes, la pédophilie décrit une attirance, mais pas un acte. Et c’est justement ce qui la distingue de la pédocriminalité.

Pédocriminalité

La pédocriminalité appartient au domaine du droit. C’est la justice qui emploie ce terme pour désigner l’ensemble des crimes et délits commis à l’encontre de mineurs : viols, agressions sexuelles, corruption ou incitation, mais aussi la production, la diffusion ou la possession de pédopornographie, ou encore l’exploitation sexuelle organisée.

Contrairement à la pédophilie, la pédocriminalité ne renvoie pas à une attirance mais à des actes concrets, répréhensibles et punis par la loi.

Tous les pédocriminels ne sont pas pédophiles.

L’inceste en est un exemple frappant : de nombreux auteurs ne présentent pas d’attirance pédophile au sens psychiatrique, mais utilisent la sexualité comme un instrument de pouvoir et de contrôle.

Parler de pédocriminel permet de replacer le débat sur la responsabilité des auteurs.

Dans les médias, le mot pédophile est encore trop souvent utilisé comme synonyme d’agresseur d’enfant.

Exemple : “Un pédophile arrêté après avoir agressé sa belle-fille”.

Cette formule laisse entendre que l’agresseur aurait une attirance spécifique pour les enfants. Or, bien souvent, ce n’est pas le cas.

Dans de nombreux dossiers, l’auteur n’a jamais manifesté d’intérêt sexuel particulier pour les enfants. L’agression est commise dans un contexte de violence intrafamiliale, d’emprise, ou simplement parce que l’enfant était vulnérable et à portée de main.

L’inceste illustre parfaitement cette dynamique. Ce n’est pas l’existence d’une orientation pédophile qui explique l’abus, mais la logique de domination et de contrôle à l’intérieur de la famille.

Les recherches scientifiques confirment que la réalité est bien plus complexe que l’image véhiculée par les médias.

Entre 25 % et 50 % seulement des personnes condamnées pour abus sexuels sur mineurs présentent un profil de pédophilie au sens clinique (Seto, 2008 * ; Lussier, 2011). Autrement dit, plus de la moitié des auteurs ne sont pas pédophiles : ils ont commis un crime pour d’autres raisons.

On observe aussi des différences selon les contextes. Les auteurs intrafamiliaux, par exemple, présentent beaucoup moins de caractéristiques pédophiles que les auteurs extrafamiliaux. À l’inverse, le taux de pédophilie est plus élevé chez les agresseurs extrafamiliaux, notamment ceux qui ciblent des garçons.

Pourquoi la confusion entre pédophile et pédocriminel est dangereuse pour les victimes ?

La confusion entre pédophile et pédocriminel ne nuit pas seulement à la prévention, elle a aussi un impact direct sur les victimes.

Lorsqu’on réduit un abus sexuel à une “maladie” ou à une “orientation”, on tend à minimiser la responsabilité de l’agresseur. L’acte est alors présenté comme le symptôme d’un trouble, presque inévitable, plutôt que comme un choix criminel.

Pour les victimes, ce discours est destructeur. Il peut faire douter de la gravité de ce qu’elles ont subi, ou donner l’impression que leur agresseur n’est pas pleinement responsable.

En parlant de “pédophile” à tort et à travers, comme de “monstres isolés”, on renforce l’idée que le danger viendrait uniquement de l’extérieur, de prédateurs tapis dans l’ombre.

La réalité est toute autre.

Les chiffres le montrent : 8 victimes sur 10 de violences sexuelles subies durant l’enfance et l’adolescence concernent des faits d’inceste. (Actes de colloque – Regards croisés sur la conduite de recherches sur la maltraitance intrafamiliale envers les enfants et les adolescents – 2023)

Beaucoup de victimes n’osent pas parler parce que leur agresseur ne correspond pas à cette image du “monstre” : c’est leur père, leur beau-père, leur oncle, parfois même leur grand frère.

Résultat : leur témoignage est perçu comme moins crédible, et leur souffrance reste trop souvent dans l’ombre.

Enfin, croire que seules des personnes identifiées comme des pédophiles menacent les enfants détourne la vigilance sur la mécanique réelle des violences intrafamiliales, qui représentent la majorité des situations.

En réduisant les violences sexuelles sur mineurs à un “problème psychiatrique”, on oublie que la plupart des auteurs agissent sans être pédophiles. Ils exploitent une position d’autorité, un climat de silence, ou profitent d’une opportunité.

Tant que l’on confondra pédophilie et pédocriminalité, pédophile et pédocriminel, on passera à côté de ces mécanismes, et on privera les enfants d’une protection efficace.

Ce qu’il faut dire alors ? Pédophile ou Pédocriminel ?

Quand un adulte agresse un enfant, ce n’est pas “un pédophile”.

C’est un pédocriminel.

Et il faut le condamner.


Vous trouverez d’autres ressources utiles dans notre article Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants.


* Seto, M. C. (2008). Pedophilia and Sexual Offending Against Children: Theory, Assessment, and Intervention. Washington, DC: American Psychological Association.

(Dans cet ouvrage, Seto montre que seule une partie des auteurs d’infractions sexuelles contre des enfants répond aux critères cliniques de pédophilie.)

Témoignage de Corinne, mère de 5 enfants, victime de violences conjugales, parentales et institutionnelles

Témoignage de Corinne, mère de 5 enfants, victime de violences conjugales, parentales et institutionnelles

Corinne pensait avoir une vie de famille “normale”.

Et puis un jour, elle a réalisé.

30 ans sous emprise.

Une séparation.

Des plaintes ignorées.

Des enfants enlevés.

Voici le témoignage d’une mère protectrice, effacée par la justice, rattrapée par la violence.

Un récit qui montre à quel point le système, encore aujourd’hui, ne protège pas les enfants.

Et continue de punir celles qui essaient de le faire.

Corinne avait une vingtaine d’années quand elle a rencontré celui qui allait devenir son mari.

Ayant grandie dans un environnement très religieux, presque sectaire, elle a été élevée dans l’idée que l’épouse doit obéissance, que les souffrances sont offertes à Dieu et que le pardon est la plus haute vertu. Elle a porté sa croix, exactement comme on le lui avait appris.

Très tôt, le mari qu’on lui a choisi prend le contrôle. Il décide de tout : l’argent, les fréquentations, le rythme de vie. Il surveille, critique, impose. Les humiliations et les violences physiques sont quotidiennes, sous les yeux des enfants. Comme beaucoup de femmes, Corinne croit que c’est sa faute, qu’elle doit être plus calme, moins « provoquer ». Elle subit pendant des années.

Ensemble, ils ont cinq enfants. Corinne s’efforce d’être une mère attentive, douce, présente. Les enfants sont sa force… mais aussi sa faille. Chaque fois qu’elle évoque l’idée de partir, il la menace de les lui enlever. Il sait qu’elle le croit capable de tout. Il a déjà commencé à distiller l’idée qu’elle est instable, trop émotive, déconnectée de la réalité. Il s’en servira plus tard devant les juges.

Quand elle finit enfin par quitter le domicile conjugal, Corinne pense qu’elle va pouvoir protéger ses enfants.

Mais le cauchemar prend une autre forme, plus institutionnelle et froide : celle des procédures, des jugements, des rapports, des classements sans suite.

Le père se présente en victime, et la présente en mère déséquilibrée.

Le système tranche : il faut « préserver le lien« .

Même au prix de la sécurité.

Elle porte plainte pour violences, menaces, harcèlement, enlèvement d’enfant. Après sept ans de parcours juridique, les plaintes sont classées sans suite, y compris celle, liée à 30 jours d’ITT ordonnés par un médecin légiste. Sept ans d’attente, de relances, d’espoir. Pour rien. Son premier avocat lui avait déconseillé de parler des violences pour « préserver les chances d’une garde partagée« . Corinne, encore sous emprise, pense alors que protéger ses enfants, c’est éviter les conflits. Elle ne sait pas, à ce moment-là, nommer les choses. Et ce silence a biaisé tout le reste.

Une expertise judiciaire est ordonnée.

La psychologue ne voit ni le traumatisme, ni l’emprise.

Elle évoque plutôt une mère confuse, instable, fatiguée.

Cette “experte” ignore les témoignages des enfants, des amis, les certificats médicaux, les écrits de professionnels. La parole de Corinne est toujours suspectée, celle du père crédible.

Pourtant, les enfants parlent. Ils racontent les cris, les coups, les menaces. Ils expliquent pourquoi ils ne veulent pas vivre chez leur père. Ils parlent des scènes de violence. Mais les éducateurs concluent que « des souvenirs ont été induits« , que Corinne aurait manipulé ses enfants. Une manière de renverser la charge. Une stratégie connue qui malheureusement fonctionne toujours.

Pendant ce temps, l’ex-mari exerce une violence économique. Il retire Corinne de sa mutuelle mais garde les enfants.

Elle paie les soins, il touche les remboursements.

Il refuse de participer aux frais de cantine ou d’activités, prétextant que rien n’est validé d’un commun accord. Elle s’endette. Elle passe par la commission de surendettement. Lui continue à jouer le rôle du père stable.

Même l’avocat médiatique de Corinne s’y met : il encaisse un chèque qu’il avait promis d’encaisser plus tard. Elle se retrouve fichée bancaire. Cet avocat ne se déplace pas aux audiences… mais la fait payer. Un harcèlement institutionnel de plus.

Dans sa propre famille, qui ne supporte pas son éloignement religieux, elle ne trouve pas d’appui. Son père, pédiatre respecté, prend parti pour son ex-mari. Sa mère dit préférer voir ses petits-enfants placés plutôt qu’avec Corinne. L’isolement devient total.

Même entourée, elle est seule. Et le sentiment d’injustice s’accumule.

Elle tente pourtant de faire valoir ses droits, d’être entendue. Elle change d’avocat, rejoint des associations, rencontre des professionnels compétents, mais toujours trop tard. Le mal est fait. Le dossier est jugé à travers un prisme biaisé. La parole maternelle, comme celle de tant d’autres, est reléguée au rang de stratégie.

Pendant le confinement, son ex-mari finit par obtenir la garde de deux de leurs enfants. Corinne, en précarité, n’a pas pu s’y opposer. Elle voit ses enfants s’éloigner, happés par la version de leur père, construite patiemment depuis des années. Elle tente de garder le lien, mais le poids du mensonge est lourd.

Et les enfants, pour survivre, finissent parfois par croire leur père, bien plus fort.

Corinne participe à une exposition photographique sur les parents aliénés. Quand il découvre le projet, le père fait pression pour faire retirer le témoignage. Bien qu’il ne soit pas nommé, il comprend que c’est elle. Et il exige le silence. Encore.

Comme si dire la vérité dérangeait plus que la vérité elle-même…

Aujourd’hui, Corinne continue de se battre. Elle forme des travailleurs sociaux aux réalités du contrôle coercitif. Elle milite pour une meilleure reconnaissance de l’emprise. Elle intervient parfois dans des conférences. Elle écrit.

Elle envisage un livre, tiraillée entre la nécessité de témoigner et le souci de protéger ses enfants.

Elle ne sait pas encore si la justice réparera un jour ce qui a été cassé. Mais elle sait que se taire serait une double peine. Alors elle parle. Pour elle. Pour ses enfants. Pour toutes les femmes qui vivent encore dans l’ombre de ce que la société appelle, à tort, un conflit parental.

Ce que Corinne aimerait qu’on comprenne, c’est que les violences ne s’arrêtent pas à la séparation.

Souvent, elles ne font que commencer.

Affaires Pélicot et Le Scouarnec : Le cri de la petite cuillère

Affaires Pélicot et Le Scouarnec : Le cri de la petite cuillère

Fin 2024 / début 2025 : l’actualité bruit des affaires Pélicot et Le Scouarnec. Deux affaires « hors normes » ont dit les médias, comme s’il y avait une norme à l’infâmie, à l’horreur.

Dans l’affaire Pélicot, la bonne conscience, incrédule, effarouchée, s’est dressée devant l’impensable, devant le caractère industriel de cette atrocité. Prise de conscience que la cinquantaine d’accusés étaient des « Monsieur tout le monde ».

Dans cette affaire, la grande discrétion voire le silence de la plupart des responsables politiques ont pu être notés. Le problème du viol (y compris entre époux) est présent dans tous les milieux et il est trop souvent traité avec une circonspection aussi grande que le malaise qu’il provoque. Le dysfonctionnement de certains services a été évoqué. Et puis, plus grand-chose… Les victimes de viol ou de violences sont toujours des pots de terre qui se heurtent à la majorité silencieuse des pots de fer. Et pour les écouter et les aider, quelques personnes, toujours les mêmes, blessées ou indignées.

Dans l’affaire Le Scouarnec, rien que trois centaines de victimes de viols ou d’agressions sexuelles ! Et les hurlements silencieux de toutes ces victimes, enfants devenus adultes et découvrant parfois ce qu’ils ont subi lors des aveux du violeur, hurlements étouffés par une montagne de défaillances, d’aveuglements, de dénis, de lâchetés, à un point tel que cette omerta relève de la complicité passive de la part des responsables et des témoins présents dans toutes les structures impactées par cette affaire monstrueuse.

Et après cela, se passera-t-il enfin quelque chose dans notre société paternaliste ?

En attendant, il y a encore et toujours des personnes, à titre individuel ou au sein d’associations, qui œuvrent pour accompagner et soutenir les victimes mineures et adultes ainsi que les parents protecteurs, eux aussi victimes à part entière. Sans céder au découragement car, face à la multiplicité effrayante des agressions dont la grande majorité est tue ou ignorée, chaque personne qui en aide une autre ressemble à une petite cuillère voulant vider un marécage. Et le marécage est immense, immense et nauséabond…

Et si la petite cuillère criait tout à coup ? Et si toutes les petites cuillères criaient en même temps ? Leur tintamarre ferait-il sortir de leur vase dissimulatrice et protectrice les crocodiles du marigot ?

Michel

3 juin 2025


Merci à Michel d’avoir accepté la publication de son texte très éclairant. Nous sommes persuadé.e.s que des milliers de petites cuillères existent, souvent dans l’ombre, infatigables et motivées, à nous de nous regrouper pour faire nombre, à nous de vider le marécage par notre volonté. Ne jamais rien lâcher.

Nous dédions ce texte à toutes les petites cuillères de cette planète, votre travail n’est pas vain, il est salutaire, vous êtes des modèles et des locomotives, chaque action compte, c’est en se regroupant que nous y arriverons. Force à vous.


Pour mieux comprendre les mécanismes des violences vous pouvez consulter nos articles Les stratégies de l’agresseur et Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants .

Les Chiffres

On estime que 160 000 enfants sont victimes d’agressions sexuelles chaque année en France.

8% seulement des jeunes victimes qui ont osé parler sont protégées et l’agresseur n’est éloigné de la victime que dans 6% des cas !

10% des français déclarent avoir été victime d’inceste.

Moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet d’une plainte . 70% de celles-ci sont classées sans suite selon le ministère de la justice.

En conclusion, la prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles est gravement défaillante en France !

Si les enfants méritent sans conditions respect, bienveillance et protection, de nombreuses études pointent aussi le lien entre les violences subies dans l’enfance, les troubles graves de la personnalité et la criminalité. En conséquence, la protection de l’enfance est donc également un impératif pour prétendre vivre dans une société paisible.

ATTESTATION DE TÉMOIN Un acte de soutien essentiel

ATTESTATION DE TÉMOIN Un acte de soutien essentiel

Quand un proche subit des violences intrafamiliales ou conjuguales, doit-on faire une attestation de témoin pour la Justice ?

Qu’est-ce que cela implique ?

A quoi cela sert-il ?

Les réponses présentées ici sont un condensé d’échanges sur ce sujet avec des victimes de violence conjugale et avec Maître Agathe Morel.

A quoi sert une attestation de témoin ?

  • A soutenir les victimes moralement

Quand on est victime de violence conjugale ou intrafamiliale, la première phase importante est d’être cru. On a besoin d’être cru pour se sentir soutenu et s’éloigner de l’impression d’isolement dans laquelle toute victime se retrouve.

Le soutien moral est d’autant plus important que dans notre société le déni des violences est omniprésent.

  • Aider les victimes pour leur combat juridique

Même si une attestation n’a pas un poids juridique très fort, elle fait partie du faisceau d’indices pour s’approcher de la vérité, et donne une nuance à l’affaire. Une victime dont plusieurs personnes apportent un soutien dans une affaire sensible aura plus de chance d’être prise au sérieuse dans ses dénonciations.

Écrire une attestation est une aide pour la protection des victimes de violence conjugale et donc souvent des enfants.

Pour rappel, ces derniers sont également considérés comme des (co-)victimes.

Qui peut faire une attestation et comment la fait-on ?

Les amis, la famille, les collègues de travail…TOUTES les personnes qui ont eu un contact proche avec la victime et qui peuvent attester de sa bonne moralité, compétence sociale, compétence parentale, humanité, ou de la qualité du lien avec son enfant, en s’aidant de scènes vécues ensemble.

C’est très utile de demander une attestation à un proche car cela oblige ce dernier à réfléchir à la situation, à mobiliser ses souvenirs pour pouvoir apporter des preuves.

Comment écrire une attestation et comment parler de la victime ?

On peut rapporter les paroles et les émotions problématiques de la victime :

Exemple : « Mon amie, à telle date, m’a confié ceci : Mon (ex)conjoint m’a fait subir tel acte de violence et depuis j’ai très peur de lui, surtout quand je lui amène les enfants. J’ai toujours peur qu’il s’en prenne directement à moi devant les enfants… »

La crédibilité d’une série d’attestations sera bonne si elles sont toutes différentes.

C’est pour cela qu’on ne donne pas d’attestation type. Quand on écrit une attestation, il faut toujours garder en tête ce qu’on cible, ce que l’on veut prouver.

Plutôt courte, l’attestation doit décrire avec honnêteté des gestes, des paroles directement vécues. On n’évoque pas quelque chose dont on a juste entendu parler ou alors on utilise le conditionnel.

On peut éventuellement donner son sentiment si cela apporte de la compréhension.

Ex : « Je suppose qu’il a tapé l’enfant, je ne l’ai pas vu faire, mais juste après j’ai vu l’enfant figé, tétanisé, avec une trace rouge sur la joue. »

On ne fait pas de conclusions à caractère professionnel.

Par exemple, on ne dit pas :

« Selon mon point de vue, c’est une personne perverse narcissique… »

Les risques encourus lorsqu’on écrit une attestation de témoin ?

Les risques encourus lorsqu’on écrit une attestation en tant que témoin sont très faibles. On risque une poursuite pénale pour faux (pour celui ou celle qui réalise l’attestation) et usage de faux (pour celui ou celle qui utilise l’attestation). Si l’attestation a été écrite avec authenticité, sincérité, sans en rajouter des tonnes, il n’y a pas de raison de mettre en doute cet écrit.

Les risques encourus lorsqu’on n’écrit PAS une attestation de témoin ?

Au-delà de ne pas exercer son devoir civique et moral, le principal risque est d’empêcher la protection des victimes majeures et mineures. Leurs situations sont déjà très difficiles à vivre. Les possibilités juridiques pour se protéger et prouver leur situation demeurent restreintes et complexes. L’erreur serait de considérer qu’il s’agit d’affaires privées et de détourner le regard. Or ces drames ont des conséquences désastreuses sur la santé mentale et physique des victimes et par ricochet sur notre société. Les enfants victimes ne croient plus en nos institutions, en l’empathie, en la bienveillance. Ils perdent confiance et parfois ne savent que reproduire la violence qu’ils ont vécue.

Ne RIEN faire, c’est TOUJOURS se placer du côté de l’agresseur.

Si vous doutez de votre lecture de la situation, voici une liste non exhaustive de comportements problématiques que l’on peut observer ou entendre chez un agresseur intra-familial :

Violences physiques et menaces directes

  • Coups, bousculades, strangulation, pincements…
  • Casse d’objets pour intimider
  • Menaces verbales explicites (« Tu vas voir », « Tu vas me le payer », etc.)
  • Réactions inadaptées (explosions de colère imprévisibles et disproportionnées)
  • Maltraitance animale (frapper ou menacer un animal domestique)

Violences verbales et psychologiques

  • Insultes, cris, propos humiliants
  • Dévalorisation constante, moqueries blessantes
  • Harcèlement moral (y compris messages ou appels incessants)
  • Intimidation physique sans passage à l’acte (postures menaçantes, cris rapprochés)

Contrôle et isolement

  • Surveillance des déplacements, du téléphone, des réseaux sociaux
  • Isolement social imposé : interdiction ou culpabilisation à voir ses proches
  • Refus de laisser la victime travailler, étudier ou avoir une vie personnelle

Manipulation et instrumentalisation

  • Instrumentalisation des enfants (doudou confisqué, menaces de ne plus les voir…)
  • Chantage affectif (“Si tu pars, je me tue”, “Tu vas détruire notre famille”)
  • Multiplication volontaire des procédures pour harceler ou user la victime (plaintes abusives, accusations inversées, pression judiciaire)

Violences économiques et sexuelles

  • Refus de participer financièrement, contrôle abusif du budget
  • Usage de l’argent pour punir ou récompenser
  • Violences sexuelles, y compris viol conjugal
  • Déni ou minimisation des violences subies (« T’exagères », « C’est toi le problème »)

L’association Protéger l’enfant et Maître Agathe Morel, conseillons vivement à toute personne témoin de réaliser des attestations.

Ce soutien, qu’il soit d’ordre moral ou juridique, peut faire la différence.

Au pire cela ne pèsera pas dans le jugement mais le soutien moral reste indéniable.

Et au mieux… on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise…


Vous trouverez sur le site de nombreux autres conseils pratiques tels que :

Espaces médiatisés : quand les mères protectrices sont injustement jugées

Espaces médiatisés : quand les mères protectrices sont injustement jugées

Les mères protectrices : coupables idéales

Les espaces médiatisés, censés garantir un environnement sécurisé pour les enfants victimes de violences intrafamiliales, ont un regard profondément biaisé sur les mères protectrices. Ces lieux, souvent dépourvus de formations spécifiques sur les violences conjugales, perpétuent des stéréotypes et des préjugés, tout en minimisant les traumatismes subis par les enfants et leurs mères.

Quand un enfant refuse de voir son père violent, la responsabilité est systématiquement reportée sur les mères protectrices.

Elle est accusée :

❌ D’être trop angoissée ou méfiante.

❌ De manipuler son enfant contre le père.

❌ De saboter la relation père-enfant.

On reproche souvent aux femmes victimes de violences de ne pas être parties plus tôt, surtout en présence d’enfants. Cette accusation témoigne d’une méconnaissance du contrôle coercitif. Le plus souvent, si elles ne sont pas parties plus tôt, c’est parce qu’elles ont donné, plusieurs fois, une chance à cet homme redevenu charmant (la lune de miel). C’est un processus connu de l’emprise et du cycle des violences. Il faut cesser de reprocher aux victimes d’avoir espéré que leur agresseur pouvait changer. Cesser de les rendre responsables.

La personne a dit « oui » à un moment donné à une relation de couple harmonieuse et amoureuse, elle n’a pas dit « oui » à une relation qui met son intégrité, sa sécurité, son bien-être et sa santé en péril.

L’agresseur est le seul responsable de ses actes. L’auteur des violences EST le coupable.

Une étude* confirme que les perceptions des agresseurs influencent les intervenants eux-mêmes jusqu’à construire un biais accusatif contre les mères protectrices bien ancré.

« Les commentaires dépréciatifs à propos des femmes victimes s’avèrent fréquents. […] Le spectre va de doutes sur la parole de la victime à des raisonnements structurés autour de sa co-responsabilité. »

* Guide du parent protecteur de l’association face à l’inceste

👉 Même lorsque des pères ont été condamnés pour violences, ils ne sont pas perçus comme violents pour les intervenants y compris quand les enfants alertent et témoignent de leur mal-être. Les intervenants cherchent alors des solutions pour faire changer d’avis l’enfant sans investiguer davantage sur les causes profondes de ce refus qu’ils imputent à la mère. En effet, comment un père qui se montre « charmant » avec eux pourrait être violent avec son enfant ?

Un soutien aveugle aux pères violents

Dans ces espaces, les pères violents savent manipuler leur image. Ils se présentent comme des parents modèles, apportent des cadeaux aux intervenants, plaisantent, et jouent les pères attentionnés.

➡️ Les mères, elles,  sont accusées de surprotéger ou d’aliéner l’enfant, renforçant un climat de culpabilisation systématique.

👉 Les enfants sont souvent ignorés, même lorsqu’ils expriment leur mal-être ou leur peur.

« Tant d’enfants sacrifiés sur l’autel du maintien du lien à tout prix, même quand ce lien est violent. Je passe mon temps à déconstruire l’idée absurde du mari violent qui peut être un bon père« 

Marion PIERRE, pédiatre à Rennes

Les intervenants des espaces rencontre restent dans une logique de soutien à la parentalité du père violent et autorisent toujours très rapidement d’élargir le droit de visite. Les mères protectrices doivent alors composer avec ces intervenants peu formés aux spécificités des violences conjugales.

Un témoignage rapporté dans le guide du parent protecteur illustre cet aveuglement :

« Une travailleuse sociale m’a dit : ‘Ne vous inquiétez pas, on est formés. Si l’enfant ment, je m’en rendrai compte.’ Quand je lui ai demandé quelle formation en psychologie elle avait, elle s’est fâchée. »

👉 Ce manque de compétences contribue à un sentiment d’épuisement pour les mères protectrices et leurs enfants, piégés dans un système qui ne les comprend pas.

“C’est du passé”, un discours dangereux

Lorsqu’une mère signale les violences passées et leurs répercussions sur son enfant, la réponse des intervenants est souvent la même : « C’est du passé, il faut tourner la page. »

Les violences qualifiées de « passé » ne le sont jamais vraiment. Pourquoi ?

1️⃣  Le contact parental se poursuit.

Même après une condamnation ou une interdiction d’entrer en contact, les mères protectrices doivent transmettre des informations sur la santé ou la scolarité des enfants ET gérer les stratégies du père pour multiplier les contacts et trouver des prétextes pour se plaindre au JAF.

⚠️ Ces exigences maintiennent un contrôle coercitif déguisé, rendant impossible pour les mères et les enfants de tourner la page.

2️⃣ Trop rare remise en question du comportement des hommes

Les pères profitent des espaces médiatisés pour jouer les victimes. Ils partagent leur « version des faits » avec des intervenants, qui finissent souvent par prendre leur parti.

👉 Les mères protectrices sont accusées de vouloir « se venger », tandis que l’état d’esprit rancunier des pères condamnés est rarement interrogé.

3️⃣ Des violences persistantes.

Même si les violences physiques appartiennent au passé, elles sont remplacées par des stratégies : plaintes, manipulations, ou pressions. Ces comportements visent à faire payer la séparation aux mères protectrices et à maintenir leur emprise.

👉 Les violences conjugales ne s’arrêtent PAS avec la séparation, elles changent de forme. Ignorer cette réalité, c’est condamner les mères et les enfants à une souffrance prolongée.

Comme en atteste le Dr Luis ALVAREZ, pédopsychiatre :

“Il n’y a pas de soin possible tant que la violence persiste. Le contrôle coercitif abîme les enfants : du fait de l’isolement, de la privation de la liberté, de la négligence des besoins vitaux, de violences sexuelles, de l’entrave aux relations entre l’enfant et son parent protecteur, de harcèlement et par la contrainte.

On ne peut PAS soigner ces enfants s’ils continuent à être exposés au trauma. Imaginez une personne qui a eu un accident de voiture et tous les quinze jours on lui impose un accident de voiture.”

Il faut donc cesser d’imposer aux enfants de revoir leur agresseur. Les espaces médiatisés devraient le savoir plus que n’importe qui.

Les espaces médiatisés, dans leur état actuel, échouent à protéger les victimes. Ils deviennent des lieux où les mères protectrices sont injustement jugées et où les pères violents bénéficient d’un soutien aveugle.

Et les JAF ont leur responsabilité, car ils devraient plus souvent demander un arrêt du droit de visite. Insister au nom du lien avec l’agresseur, c’est torturer davantage les victimes.

➡️ Pour que ces espaces remplissent vraiment leur rôle, il est urgent de recentrer leur mission sur la sécurité des enfants, et sur la reconnaissance des mères protectrices comme alliées de leur survie.


Vous pouvez consulter nos autres articles sur les espaces médiatisés et les visites médiatisées et la problématique des mères protectrices :

Visites médiatisées et violences intrafamiliales : une fausse solution

Pourquoi les Centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs

Témoignage d’une grand-mère en colère contre la Justice qui ne protège pas sa fille et ses petites filles (témoignage sur des visites médiatisées)

Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre…

Ces articles soulignent la nécessité d’ouvrir un espace de réflexion et des débats concernant ce sujet des visites médiatisées, et notamment repenser l’utilité des visites médiatisées pour les cas de violences intra-familiales.

Visites médiatisées et violences intrafamiliales : une fausse solution

Visites médiatisées et violences intrafamiliales : une fausse solution

De plus en plus, les juges aux affaires familiales ordonnent des droits de visites médiatisées en centre médiatisé ou en espaces rencontre dans des contextes de violences intrafamiliales. Ces dispositifs, perçus comme des solutions miracles, sont censés permettre des rencontres sécurisées entre un parent violent et ses enfants.

⚠️ Mais dans les faits, ces espaces se transforment souvent en théâtre de manipulation, où les enfants sont livrés à leur agresseur sous couvert de « protection”.

Une solution perçue comme miraculeuse

Les espaces rencontre sont présentés comme une réponse idéale : 

✔️ Les parents ne se croisent pas. 

✔️ Les rencontres sont « encadrées ».

Mais dans la réalité : 

❌ Les intervenants sont rarement formés aux violences intra-familiales ni aux traumatismes. 

❌ Leur rôle se limite souvent à observer.

Parfois, ils ne sont même pas dans la même pièce, mais ils “savent” que tout s’est bien passé…

➡️ Résultat : les enfants ne sont pas protégés, et les agresseurs continuent d’exercer un contrôle coercitif, impunément.

Une vision biaisée de la protection

Ces espaces lors des visites médiatisées ne protègent pas les enfants des abus psychologiques et physiques. 

👉 La souffrance des enfants est souvent ignorée, sous prétexte que « tout se passe bien » s’ils reviennent physiquement indemnes. Personne ne les écoute, ne valide leur avis, personne ne les croit.

⚠️ On oublie que les blessures invisibles – stress, terreur, cauchemars – sont tout aussi graves. Toutes les victimes n’ont pas les mêmes façons d’exprimer leurs peurs.

« Imaginez une personne blessée que l’on force à revivre son accident chaque semaine. » Dr Luis Alvarez

L’impact traumatique des visites médiatisées

Quand les enfants alertent sur leur mal-être, leur parole est souvent minimisée ou interprétée comme un « caprice ». La justice les force à croiser leur agresseur, au nom d’un lien parental qui est pourtant toxique.

Les enfants développent des troubles : 

❌ Stress post-traumatique. 

❌ Troubles somatiques.

❌Cauchemars et insomnies. 

❌ Repli sur soi ou énurésie. 

⚠️ Forcer un enfant à maintenir un contact avec son agresseur renforce son traumatisme et normalise les violences qu’il subit. Le lien avec l’agresseur ne doit pas être supérieur au respect de l’enfant victime.

Une pression injuste sur les mères

Quand un enfant refuse de voir son père violent, c’est la mère protectrice qui est accusée. Elle est jugée responsable de transmettre ses peurs ou ses angoisses à son enfant. On ressort le faux syndrome d’aliénation parentale… Elle est accusée de saboter la relation père-enfant, mais ça ne pose pas de problème que le père critique la mère, même en présence de l’enfant…

⚠️ Cette logique déplace la responsabilité des violences du père vers la mère protectrice.

👉 Cela crée une double peine, qui pousse les mères à se taire pour éviter d’être injustement stigmatisées.

Les violences du passé : un sujet ignoré

Les violences conjugales vécues sont souvent minimisées. Lors des visites médiatisées, les mères qui les invoquent ou signalent les effets négatifs des rencontres sont balayées d’un revers de main. 

Les intervenants disent : 

❌ « C’est du passé. » 

❌ « Les enfants doivent s’exprimer eux-mêmes. »  (mais on ne les croira pas…)

👉 Beaucoup d’enfants n’osent plus parler, sachant que leur parole ne sera ni entendue ni crue. Les intervenants ne comprennent pas le principe de sur-adaptation (un sourire ne fait pas l’enfant épanoui, faut creuser…). Les victimes se sentent seules et impuissantes face à ces simulacres de protection.

Un soutien incompréhensible au parent agresseur

Dans ces espaces : 

🎭 Les pères violents jouent les « parents modèles », manipulant les intervenants avec des cadeaux ou des compliments. 

Hors de la vue des intervenants, ils : 

❌ interrogent les enfants sur leur mère. 

❌ les menacent ou les culpabilisent. 

👉 Les intervenants, sensibles à l’image « charmante » des agresseurs (qui vont jusqu’à apporter des bonbons, des gâteaux), mettent toute leur énergie à « réparer » la relation père-enfant et ignorent les signaux de détresse des enfants.

➡️ Une logique destructrice pour les victimes.

L’urgence de changer la loi

Le rapport Alsalem (Rapporteuse spéciale, Nations unies, 2023) souligne : 

📜 « Les enfants exposés à la violence doivent être protégés, pas forcés à maintenir un lien avec leur agresseur. » 

👉 Pourtant, la loi actuelle privilégie encore et toujours le droit du père sur l’intérêt supérieur de l’enfant. 

➡️ Les droits de visite sont élargis, même en cas de violences avérées, ignorant le traumatisme des enfants ou le principe de précaution. 

⚠️ Il est urgent de repenser nos lois pour mettre la protection des enfants au cœur des décisions judiciaires.

Chaque enfant a droit à une enfance sans violence.

📢 Nous devons agir pour :

✔️ Réformer les espaces rencontre.

✔️ Imposer une vraie formation sur les violences aux intervenants, notamment ceux qui interviennent lors des visites médiatisées

✔️ Donner la priorité à la protection des enfants dans toutes les décisions judiciaires.

➡️ Partagez pour sensibiliser : les victimes méritent mieux que ce vide cruel de la protection de l’enfance.


Vous pouvez consulter nos autres articles sur les espaces médiatisés et les visites médiatisées :

Pourquoi les Centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs

Témoignage d’une grand-mère en colère contre la Justice qui ne protège pas sa fille et ses petites filles (témoignage sur des visites médiatisées)

Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre…

Ces articles soulignent la nécessité d’ouvrir un espace de réflexion et des débats concernant ce sujet des visites médiatisées, et notamment repenser l’utilité des visites médiatisées pour les cas de violences intra-familiales.

Ils l’ont torturée. Elle a survécu. Aujourd’hui, Joy témoigne.

Ils l’ont torturée. Elle a survécu. Aujourd’hui, Joy témoigne.

La naissance de Joy est marquée par le rejet.

Elle arrive “en remplacement” d’un frère mort à la naissance. Ses parents ne la désirent pas et ils le lui font comprendre dès son arrivée.

Au sein de cette famille aisée, Joy subit quotidiennement de la maltraitance physique et psychologique. Les coups pleuvent pour un rien, elle dort sur une couverture à la cave, on lui dit qu’elle vaut “moins qu’un chien”. Elle est considérée comme un poids par ceux qui devraient la protéger et l’aimer.

Très jeune, elle est placée en pouponnière. À 6 mois, elle est hospitalisée après avoir été battue, mais ses parents étouffent l’affaire, grâce à leurs relations.

Pourtant, la famille est déjà suivie par les services sociaux. Joy n’a jamais su pourquoi. Sa mémoire est un douloureux gruyère et chaque tentative de spéléologie dans son passé fait refluer des torrents d’angoisses et d’atrocités.

A partir de ses 5 ans, son père commence à la violer quotidiennement.

Puis l’horreur s’intensifie.

Ses parents ne mettent pas beaucoup de temps à trouver un moyen de gagner de l’argent en la prostituant.

Des “clients” viennent régulièrement violer cette petite fille. Ses parents sont présents, filment, participent. Ces violences inouïes sont banalisées au sein du foyer.

Une petite sœur arrive, une enfant qui est inversement choyée. Tout ce que Joy n’a pas, sa sœur y a droit. Ne serait-ce qu’un lit… Rapidement, l’enfant s’autorise à avoir le même comportement violent que ses parents sur Joy. Elle la frappe, la maltraite, lui crie dessus.

Un jour, les voisins alertent la police car ils entendent une enfant hurler. Ils découvrent ainsi l’existence de Joy qu’ils ignoraient totalement.

Joy est placée plusieurs fois en foyer et en famille d’accueil, ce qui signifie que sa détresse a dû alerter des adultes. Pourtant ses parents parviennent systématiquement à la récupérer.

Et quand elle revient à la “maison”, elle est à nouveau privée de nourriture, battue, violée et enfermée… L’enfer sur terre.

En sixième, une professeure repère son comportement mutique anormal et l’emmène voir les services sociaux. Dans la même journée, un juge des enfants ordonne un placement d’urgence, car la situation apparait enfin extrêmement préoccupante.

Malgré cela, ses parents trouvent toujours un moyen pour la récupérer par la force. Ils l’attendent devant son collège ou la reprennent lors des droits de visite. Pour la protéger, Joy est transférée de foyer en foyer (elle a compté, elle a connu plus de 60 placements) afin de l’éloigner de ses géniteurs.

Joy n’arrive pas à se confier. Elle ne fait confiance à personne et garde tous ses douloureux secrets, persuadée que la gentillesse cache toujours une menace. Une chouette éducatrice comprend que la parole est compliquée, alors elle lui offre un carnet pour qu’elle puisse écrire et exprimer son ressenti. Ça fonctionne et Joy peut enfin laisser sortir le trop plein.

Mais il n’y a pas de magie, les traumatismes sont tellement importants qu’à 15 ans, Joy doit être hospitalisée. Elle est épuisée, comme vidée de toute énergie vitale.

L’idéal serait de rompre définitivement le contact avec ses géniteurs.

La Justice cherche à obtenir l’interdiction totale des droits de visite.

Hélas, à la veille de l’audience qui permettrait de statuer dans ce sens, sa mère et son amant orchestrent un dernier enlèvement, alors qu’elle est toujours à l’hôpital.

Pendant un mois et demi, Joy est déplacée constamment, violentée par sa mère et son amant. Sa génitrice la terrorise avec un couteau. Par miracle, Joy réussit à contacter une éducatrice, qui organise son sauvetage.

A nouveau hospitalisée en urgence, elle est ensuite placée dans un foyer ultra-sécurisé. Ce foyer signale officiellement l’affaire à la justice, déclenchant une enquête. La justice interdit enfin tout contact avec sa famille.

L’autorité parentale est retirée définitivement, et ses parents condamnés à de la prison.

Joy refuse d’assister aux procès, mais deux éducateurs la représentent. Après la condamnation, un éducateur la force à rendre visite à sa mère en prison, malgré le refus catégorique de Joy. Pendant cette confrontation, sa génitrice lui adresse cette phrase : « Tu vas crever avant moi. »

L’éducateur accepte enfin qu’elle coupe définitivement tout contact avec sa famille.

Après le procès de son père, elle entame un travail psychologique pour se reconstruire. Quand Joy devient mère pour la première fois, elle rencontre une infirmière qui deviendra la première personne à qui elle fait confiance, et son amie.

Joy rejette totalement la violence et élève ses enfants dans un cadre bienveillant. Ces derniers ne connaissent pas son passé, mais elle prévoit de leur en parler un jour.

Elle a écrit un livre sur son histoire, pour montrer que même après l’horreur, on peut s’en sortir.

Elle insiste sur l’importance de trouver une personne de confiance et d’accepter l’aide.

Je veux surtout montrer que malgré tout on peut s’en sortir, que rien n’est jamais perdue d’avance si on croise de bonnes personnes, patientes surtout et bienveillantes… Ne vous fermez pas complètement. Il existe des gens bien. Ouvrez-vous à eux.

JOY

Vous pouvez consulter d’autres témoignages ici.