Pourquoi on devrait s’inspirer de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales

Pourquoi on devrait s’inspirer de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales

Bonjour John Sturgeon. Vous êtes un maitre de conférences écossais, spécialisé sur les questions de violences intrafamiliales.

Vous connaissez aussi très bien le système français et ses dysfonctionnements. Pouvez-vous nous expliquer les méthodes d’intervention pour la protection de l’enfance en Écosse ?

Bien sûr. Déjà, pas d’angélisme, l’Écosse n’échappe pas à son lot de violences physiques, sexuelles, psychologiques. Néanmoins, depuis plus de 20 ans, nous avons privilégié plusieurs politiques de lutte efficaces, d’une manière très différente de la France.

Dès la fin des années 90, la priorité a été mise sur la prévention. L’idée était à la fois d’intervenir le plus rapidement possible pour protéger les victimes et en même temps de limiter les coûts pour la société.

Comment travaillent les autorités locales pour effectuer au mieux ces interventions ?

A l’inverse de la France, l’Écosse a pris le parti de faire travailler ensemble tous les services. Partant du principe que nul ne possède toutes les infos ou les compétences, il faut agir conjointement. La police, la Justice, les assistants sociaux, les soignants, etc. Tous travaillent dans les mêmes lieux, ils peuvent se parler des dossiers, échanger… Ils utilisent également les mêmes outils, faits pour faciliter la communication entre les services.

Effectivement, c’est différent de la France où tout est cloisonné entre les différents magistrats, où on peut condamner un médecin qui fait des signalements et où le secret professionnel est érigé en modèle.

Le secret professionnel existe en Écosse mais il est plutôt géré en circuit fermé. Si vous êtes un pro et avez besoin de savoir, vous saurez.

Nous pensons qu’il y a plus de problèmes liés au non partage des informations que l’inverse. Et beaucoup d’usagers apprécient de ne pas avoir à répéter les mêmes informations sensibles.

L’Ecosse est connue pour être un des pays où on prend le mieux en compte les traumatismes.

C’est vrai. Tous les employés des services publics sont formés aux traumas et à leurs effets. Ils savent repérer les signes, connaissent les marques d’un développement dysfonctionnel du cerveau chez un enfant ou une femme victime de violence… Cette conscience permet des interventions à la fois plus sympathiques pour les victimes mais aussi génère une aide plus adaptée aux genres, à l’âge et au contexte. Même au niveau de la loi, c’est intégré. Ainsi la Justice doit prendre en compte l’âge de l’agresseur jusqu’à ses 26 ans. Depuis 2019, les châtiments corporels sont interdits. Et actuellement, le parlement écossais étudie un projet de loi qui obligerait chaque future loi à respecter la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

En France, hélas, le droit à l’enfant prime sur le droit de l’enfant.

Ici, le droit de l’enfant (ou son intérêt supérieur) passe avant le droit du parent. D’ailleurs, les parents n’ont pas de droits sur leurs enfants, juste des responsabilités. Ils ne doivent pas leur causer du tort et de la souffrance.

Ça fait rêver… Et sinon, concrètement, comment sont gérés les cas de violences intrafamiliales ?

Cela a pas mal changé depuis ces 20 dernières années. Au début de notre siècle, les assistants sociaux étaient formés pour identifier les dangers potentiels. C’était à eux de mettre en place la protection des enfants. Le corolaire de cela, c’est que les assistants sociaux avaient peur d’être accusés de ne pas s’être rendu compte du problème. Ils étaient donc toujours à la recherche de signes de violence. Ce n’était pas sain.

Il y a 5 ans, nous avons rééquilibré cette approche fondée sur la considération du risque pour se tourner vers le pendant, plus positif : les signes de sécurité (“Signs of Safety”). Les assistants sociaux travaillent en partenariat avec les familles et le reste des intervenants, dans des relations plus égalitaires. Tous travaillent pour identifier le problème et se tourner vers la solution : comment créer une famille sûre et saine. Cela a un gros impact sur la motivation des professionnels, la satisfaction des intervenants et surtout, cela améliore grandement la capacité d’identifier les risques et les dangers. La peur de l’erreur d’évaluation perdure, se faire confiance mutuellement (famille et services sociaux) n’est pas aisé pour tout le monde, mais les choses s’améliorent tous les jours.

C’est donc le système actuellement en place ?

Non, il est encore en train d’évoluer. Depuis 2 ans, des régions testent l’approche “Safe & Together”.

“Safe and together” signifie “En sécurité et ensemble” ? Quel est ce nouveau modèle ?

« Safe and Together » est utilisé spécifiquement dans les cas de violences intrafamiliales par la plupart des autorités écossaises. Cela a un effet transformateur sur notre pratique. Il fonctionne sur 3 principes :

  • Il n’y a pas de violence sans agresseur, donc l’attention doit porter sur cette personne, ses responsabilités ; et non pas sur le parent protecteur. En cas de signalement, la police intervient immédiatement. L’accusé sera retiré de la maison et interrogé au commissariat. Les enfants et la victime présumée seront interrogés à domicile. Dans le cadre des processus d’enquête et de suivi, un représentant de l’autorité locale (un assistant social), un employé du National Health Service (généralement une infirmière) effectueront des recherches dans leurs bases de données à la recherche d’informations.

L’enquête pénale est menée uniquement par la police, mais des dispositions sont prises pour obtenir des informations auprès d’autres organismes de l’État. Ces dispositions aident la police dans ses enquêtes et aident les organismes de l’État à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection du public.

Cela facilitera l’enquête, éclairera l’évaluation des risques et guidera les stratégies de protection qui doivent être mises en place. Il s’agit là d’un très bon exemple de la façon dont nous travaillons ensemble en Écosse afin que chaque organisme d’État puisse exercer ses responsabilités légales en matière de protection des enfants et des personnes vulnérables, au motif qu’un seul organisme ne disposera pas de toutes les informations.

Tout le monde est formé au contrôle coercitif. En Écosse, on préfère cette dénomination plutôt que « emprise ». Dans le cas d’emprise – le focus est sur la capacité et réaction de la victime mais dans l’essence du contrôle coercitif, c’est la stratégie de l’agresseur qui est sous la loupe.

Et si la situation n’est pas “grave” ?

Alors l’agresseur pourra rentrer chez lui mais il saura que toutes les structures sont au courant de ses actes et qu’il est surveillé.

Les 2 autres principes du “safe and together” sont :

  • Le parent protecteur et les enfants doivent rester ensemble. C’est la personne problématique qui doit quitter le foyer. Les services sociaux s’engagent à maintenir les victimes ensembles.
  • Les services sociaux travaillent en partenariat avec le parent protecteur. Ils reconnaissent que cette personne prend en charge la sécurité de ses enfants.

Waooo…. Cela démontre combien le contrôle coercitif est un concept intégré chez vous.

L’Écosse est un des rares pays au monde à avoir des lois spécifiques contre le contrôle coercitif.

Depuis 2018, il est illégal de contrôler son partenaire en restreignant ses accès à ses amis, sa famille, ses finances, son travail, peu importe le moyen. La peine maximale prévue est de 14 ans de prison ferme.

Les services sociaux savent que la violence est genrée, ils sont formés à la recherche de ces signes. De plus, ils ont conscience que si une personne est “contrôlée” par son partenaire alors leurs enfants sont aussi victimes de cette stratégie, directement ou indirectement. C’est pourquoi, cette personne n’a pas besoin de porter plainte (ni même de le vouloir). Si elle est repérée comme subissant des violences coercitives, alors on peut porter plainte à sa place, que la personne se reconnaisse comme victime ou non, car c’est le comportement contrôlant qui est illégal.

Merci beaucoup John. Nous espérons que la France saura s’inspirer du meilleur de l’Écosse en matière de lutte contre les violences intrafamiliales.


Vous pouvez également consulter nos articles « Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer » et « Violences sexuelles en Australie : une réalité glaçante révélée« .

Violences intrafamiliales, Doit-on parler de victimes ou de proies ?

Violences intrafamiliales, Doit-on parler de victimes ou de proies ?

Quand on parle des personnes qui ont subi de l’emprise et des violences psychologiques, sexuelles, financière, etc… on les désigne comme « victimes« . Ce terme reconnait la gravité des préjudices. Il indique qu’une personne a été maltraitée (et dans le cadre de violences intrafamiliales, par un membre de sa propre famille). Il met aussi en évidence l’injustice de la situation et l’importance de soutenir la personne touchée. Cela permet une communication efficace et facilite la compréhension du problème.

Cependant, il est important de noter que le choix des mots peut varier en fonction du contexte et de la perspective.

Certaines personnes peuvent préférer utiliser le terme « proie » au lieu de “victime” pour mettre en lumière la vulnérabilité de la personne concernée.

Certains soutiennent que le terme « victime » peut être stigmatisant et accroitre les difficultés à demander de l’aide. On entend souvent l’expression « faire la victime« , pour reprocher à quelqu’un de se comporter de manière exagérée en mettant en avant sa souffrance. Et si la victime se “victimise”, ce qu’elle fait par essence, elle devient donc partie du problème, voire responsable aux yeux des observateurs.

Dès lors, ses difficultés ou ses problèmes passent en arrière-plan et l’interlocuteur pense qu’il ne s’agit que d’attirer l’attention, de susciter de la compassion ou d’éviter la responsabilité de ses actions. Et il intime d’arrêter de jouer un rôle de « victime » pour « faire face aux situations de manière mature et responsable ».

Comme si c’était le problème…

Comme si c’était la solution…

Au-delà du souci sociétal, c’est un point pour les partisans de l’utilisation du terme « proie » qui estiment qu’hélas « victime » peut renforcer un statut de passivité et de faiblesse, tandis que « proie » met davantage l’accent sur la non-responsabilité de la personne.

Opter pour le mot proie pourrait alors favoriser une meilleure compréhension de la situation en renforçant le fait que cette personne a été repérée, ciblée, qu’elle n’est pas responsable des agressions subies. L’agresseur l’a choisie pour son utilité et son intérêt unilatéral, il l’a harcelée, acculée. Se rendre compte de cela aide à mieux protéger les personnes qui souffrent de ces prédateurs. Le choix des mots influe sur la réception, l’écoute des situations et sur l’accompagnement qui en découle.

Autre argument : en utilisant le terme « proie », on met davantage l’accent sur l’agresseur en soulignant son rôle actif dans le fait de cibler une personne vulnérable au sein de la famille. On déplace la responsabilité /culpabilité vers le responsable/coupable de la nature abusive de du comportement.

Le terme « proie », perçu comme plus fort, plus accusatoire que le terme « victime », contribue à la condamnation sociale des auteurs de violences intrafamiliales.

Est-ce que si la victime se voit comme une proie, si la société aussi la voit en tant que telle, alors tout le monde admettra enfin davantage l’urgence de la situation, ce qui déclencherait, (on en rêve), des mesures de protection à la hauteur du problème ?

Car ces personnes ne sont pas faibles mais affaiblies !

Le choix entre « proie » et « victime » dépend souvent de la perspective de chacun, de la culture et des objectifs de communication. Mais ce débat nourrit une réflexion plus approfondie sur les motivations de l’agresseur et les facteurs qui le poussent à commettre des violences intrafamiliales. Cela contribue à une meilleure compréhension des causes sous-jacentes de ces comportements.

En changeant de langage et donc d’angle, on peut espérer changer la perspective de tous sur les violences intrafamiliales.

Dans tous les cas, l’essentiel est de mettre en lumière les violences intrafamiliales, de les condamner et de promouvoir des mesures pour les prévenir et soutenir les personnes touchées, quels que soient les termes utilisés.


Nous vous conseillons également la lecture des articles suivants :

Quand les sciences comportementales aident à mieux repérer les victimes de violences conjugales

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

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Violences intrafamiliales et RÉSILIENCE des jeunes victimes

Les conséquences des violences conjugales sur les enfants témoins : une reconnaissance officielle en France

Les conséquences des violences conjugales sur les enfants témoins : une reconnaissance officielle en France

Dans un article de L’école des parents (N°647) aux Éditions Érès, la journaliste Isabelle Gravillon rapporte que les violences conjugales ont un impact particulièrement néfaste sur les enfants de manière indéniable. Ces violences affectent leur construction des liens d’attachement, leur développement psychologique et cognitif, ainsi que leur santé physique.

Un décret de novembre 2021 entré en vigueur en février 2022 reconnaît officiellement les enfants exposés à des violences conjugales comme des victimes à part entière.

Pendant longtemps, la société française et les institutions chargées de la protection de l’enfance ont pensé que les enfants n’étaient pas directement concernés par les violences entre leurs parents, tant que ces violences ne s’exerçaient pas directement à leur encontre.

Cependant, au fil des années, les mentalités évoluent doucement. Ce décret de février 2022 reconnaissant les enfants exposés aux violences intrafamiliales comme des victimes conduit progressivement à une évolution des institutions chargées de la protection de l’enfance dans leur approche de ces enfants. Davantage sensibilisés à l’impact délétère de ces violences sur la santé psychique et physique, ainsi que sur le développement psychologique et cognitif des victimes, ces organismes sont censés mettre en place une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de ces enfants et une offre de protection adéquate. Ce n’est pas toujours le cas hélas.

À la différence des conflits, au cours desquels les protagonistes peuvent interagir dans une forme de réciprocité et négocier parfois une solution ensemble, les violences conjugales organisent des relations totalement asymétriques. L’un des deux membres du couple est en position dominante, imposant toutes les décisions à l’autre, qu’il maintient en position de dominé en ayant recours à la disqualification, à la menace, à l’intimidation et à la violence physique. C’est en somme à un système dictatorial que l’enfant est confronté dans sa famille, lui apprenant dès le plus jeune âge comment la loi du plus fort écrase les plus faibles.

Karen Sadlier, docteure en psychologie clinique

Les conséquences des violences conjugales sur les enfants sont multiples et justifient pleinement qu’on les considère comme des victimes. L’impact est particulièrement délétère sur la construction des liens d’attachement, sur leur développement psychologique et cognitif, ainsi que sur leur santé physique. Assister jour après jour aux coups, insultes et menaces qu’un parent fait subir à l’autre constitue une maltraitance majeure psychique et physique. Les enfants exposés aux violences conjugales peuvent développer des troubles anxieux, dépressifs, de stress post-traumatique, de comportement, de sommeil, de concentration, ainsi que des troubles alimentaires, des maux de tête, des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des ecchymoses, des fractures, etc.

En outre, les enfants exposés aux violences conjugales peuvent développer un sentiment de culpabilité, se persuadant qu’ils sont les fauteurs de troubles, les responsables du malheur qui frappe leur famille. Cette culpabilité est souvent alourdie par la mission impossible qu’ils s’assignent : se vivant comme ayant engendré ce monstrueux désordre, ils fantasment qu’il leur revient de le faire cesser, de protéger la victime et de guérir l’agresseur. En somme, les conséquences des violences conjugales sur les enfants sont graves et durables. Ces violences peuvent affecter leur santé physique et psychologique, leur développement, leur estime de soi, leur capacité à nouer des relations saines, ainsi que leur avenir.

C’est tout sauf anodin.

Quant au déterminisme, qui questionne l’idée que les enfants exposés aux violences conjugales seraient inévitablement destinés à reproduire cette violence ou à en devenir victimes à l’âge adulte, il est loin d’être évident. Il est important de reconnaître que chaque individu est unique et que de nombreux facteurs peuvent influencer le devenir des enfants exposés aux violences conjugales. Les gens qui bénéficient de facteurs protecteurs à un moment donné de leur vie parviennent à échapper à une funeste reproduction de la violence (soutien d’un adulte significatif, environnement stable, éducation et apprentissage, interventions thérapeutiques appropriées…)

En résumé, bien que les enfants exposés aux violences conjugales puissent être confrontés à un risque accru de reproduire cette violence ou d’en devenir victimes à l’âge adulte, il n’y a pas de déterminisme absolu. Les facteurs protecteurs et les interventions appropriées peuvent jouer un rôle crucial dans la prévention de cette reproduction et dans la promotion d’un avenir différent pour ces enfants. Donc là aussi, il est crucial de ne pas les abandonner autant que de les croire et les protéger. Ces enfants exposés aux violences conjugales sont des victimes et ont besoin d’une meilleure prise en compte de leurs besoins.

Plus généralement, il est essentiel de continuer à sensibiliser, à soutenir et à intervenir pour protéger ces enfants et espérer briser le cycle de la violence conjugale.


Voir aussi notre article Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité.

[Témoignage Vidéo] Julie nous parle des dysfonctionnements rencontrés dans le combat pour protéger son enfant victime d’inceste

[Témoignage Vidéo] Julie nous parle des dysfonctionnements rencontrés dans le combat pour protéger son enfant victime d'inceste

Après 5 ans de procédures pour protéger son enfant, voici ce que Julie aurait aimé savoir AVANT de se lancer dans ce parcours au sujet 

  • de la gestion des preuves, des procédures,
  • des relations avec les avocats ainsi que le coût,
  • du quotidien avec un enfant éloigné de son parent protecteur. 

Elle partage son expérience

  • Que faire quand votre enfant vous raconte qu’il a été victime de violences sexuelles ?
  • Comment réagir face à l’agresseur quand on se retrouve avec les révélations de son enfant ?
  • Insistez pour que votre enfant soit reçu par les UMJ
  • Collecter les preuves, un travail préalable rigoureux essentiel
  • Récoltez un maximum de témoignages
  • Bien choisir son avocat et avoir conscience des coûts financiers
  • Ne pas hésiter à changer d’avocat (sans se faire avoir)
  • Comment accompagner son enfant après les révélations malgré la séparation ?

Le supplice des mères protectrices

Le supplice des mères protectrices

Par Caroline BREHAT

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice

De nombreuses mères sont régulièrement désenfantées par des tribunaux français pour avoir dénoncé des violences paternelles. Bien que cette question commence enfin à intéresser les médias, les souffrances incommensurables de ces mères restent injustement occultées.  

« Aidez-moi à survivre, je n’arrive plus à tenir… ». C’est en ces termes qu’un nombre croissant de « mères protectrices » me contacte désormais. L’expression « mères protectrices » (1), forgée outre-Atlantique, désigne les femmes qui tentent de protéger leurs enfants d’un père violent, voire incestueux, cherchant à en obtenir la garde. Ces femmes, qui sont immédiatement soupçonnées par les tribunaux d’être des « mères aliénantes » (atteintes du pseudo « syndrome d’aliénation parentale » ou « SAP» (2) ) et de manipuler leur enfant pour en priver le père, se retrouvent alors sur le banc des accusés à la place de l’agresseur.  

« Le SAP contribue à l’invisibilisation des violences sexuelles faites aux enfants, de même qu’il rend impossible d’être un parent protecteur », dénonce la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). De fait, cette accusation infamante contre laquelle les mères protectrices doivent se défendre jette un brouillard épais sur la réalité des violences qui les empêche finalement de protéger leur enfant. Un peu comme si les violences intrafamiliales, pourtant étayées par des statistiques effroyables, n’existaient pas ou étaient rares (3). Pire encore, nombre de ces femmes, punies par un transfert de garde, sont condamnées à ne plus voir leur enfant que lors de visites médiatisées. 

À la douleur immense d’être désenfantée s’ajoute donc celle d’être perçue comme une mère maltraitante et même folle (aliénante). De quoi perdre la raison, effectivement. Pourtant, même si certaines en perdent leur élan vital, beaucoup résistent néanmoins vaillamment par amour pour leur enfant. 

La « chasse à la mère aliénante » 

Cet article ne vise pas à expliciter pourquoi des situations aussi ahurissantes, et contraires à l’intérêt de l’enfant, se produisent dans des proportions effrayantes, a fortiori au pays des Lumières et des droits de l’homme. Ces raisons sont trop nombreuses et complexes pour les énumérer toutes et de nombreux auteurs l’ont déjà fait. Mais il existe un consensus parmi les chercheurs internationaux, notamment anglo-saxons (4), les plus chevronnés : si les juges aux affaires familiales donnent la garde à des hommes violents et dangereux, c’est surtout parce que les institutions françaises – à l’instar de leurs homologues américaines – sont formatées pour débusquer les mères aliénantes, plutôt que les agresseurs.  

C’est ce qui est arrivé à Aliénor, qui a d’abord amené Juliette, sa fillette de 4 ans, à l’hôpital parce qu’elle se frappait et se masturbait compulsivement aux retours de chez son père. Inquiet, l’établissement de santé fait immédiatement un signalement.

Mais lorsqu’à la faveur d’une nouvelle crise, Aliénor emmène Juliette aux urgences d’un autre hôpital, Aliénor se retrouve sur le banc d’infamie. L’assistante sociale ne lui pose aucune question sur la symptomatologie de Juliette, mais la mitraille d’interrogations sur sa relation avec le père de l’enfant.

Aliénor va apprendre par la suite, interloquée, qu’elle est soupçonnée d’« instrumentaliser » Juliette, par le personnel de ce deuxième hôpital qui néglige totalement le point de vue du premier, pourtant renommé. Aliénor doit se battre contre l’accusation de « mère aliénante » qui pèse désormais sur elle. Le combat pour protéger son enfant passe à l’arrière-plan.  

On ne peut s’empêcher de penser à la lettre écarlate brodée sur le corsage d’Hester Prynne, la malheureuse héroïne de Nathaniel Hawthorne, stigmatisée parce qu’elle avait mis au monde un enfant illégitime. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin que les ancêtres d’Hawthorne aient participé au funeste procès des sorcières de Salem, à l’origine d’une vague d’exécutions et d’emprisonnements arbitraires dans le Massachusetts, car c’est bien la représentation archaïque de la sorcière qui semble projetée inconsciemment sur ces mères protectrices, tant les tribunaux français (et américains) et leurs acolytes (services sociaux, experts, etc.) paraissent enclins à débusquer, coûte que coûte, cet avatar moderne de la sorcière.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler d’ailleurs que les sorcières du Moyen-âge étaient des soignantes, sages-femmes et herboristes. Des figures protectrices, en somme. Car avec le « SAP », les mères protectrices sont propulsées au royaume des inversions et des métamorphoses (5)

Des mères surprotectrices 

Ce que je constate dans mon cabinet, c’est que ces femmes sont surtout, par la force des choses, « surprotectrices ». Elles s’identifient en effet aux angoisses de leurs enfants et sont terrorisées par la crainte de ne pas parvenir à les protéger.

Nombre de mes patientes évoquent une double contrainte affolante : « Je suis terrifiée, je ne sais plus comment faire pour protéger mon enfant. L’emmener chez un médecin pour constater ses symptômes m’expose à la vindicte des services sociaux, mais ne pas le faire l’expose lui à de graves perturbations psychoaffectives », me confie Angélique, dont l’enfant a été placé chez le père car « la mère refusait de donner une place au père » selon les services sociaux, qui relèvent pourtant paradoxalement que l’enfant a « des difficultés à se détacher du discours paternel ».

On ne sait plus bien qui est la figure aliénante : la mère qui tente de protéger sa fille de l’inceste paternel ou le père qui empêche l’enfant de se différencier de lui-même et serait donc… aliénant. Étrange renversement des culpabilités, qui, étonnamment, ne fait pas tiquer les juges.  

En pénétrant dans l’arène judiciaire, les mères protectrices découvrent, stupéfiées, la démence d’un système qu’elles pensaient conçu pour les protéger, elles et leurs enfants.

Un système où certains travailleurs sociaux, non formés, mélangent des concepts psy et opèrent sans le moindre état d’âme des glissements sémantiques effrayants : une mère surprotectrice devient allègrement une mère fusionnelle qui est implicitement aliénante. Cet étiquetage justifie alors de commettre l’une des pires maltraitances qui puisse être faite à un enfant, la rupture d’attachement avec sa figure d’attachement principale.  

Sur quoi se basent les intervenants sociaux pour affirmer que ces mères entretiennent une dynamique fusionnelle avec leurs enfants ? Souvent sur des indices ténus : l’enfant colle à sa mère ou il « parle bébé ». Pourtant, un enfant confronté à des maltraitances développe naturellement une angoisse de séparation avec le parent protecteur.

Il peut alors régresser vers un état où il se sentait en sécurité (l’état où il était dans la fusion avec sa mère). Une patiente me rapporte que lorsque sa fille revient de chez son père, elle ne parle plus pendant des jours et exige de maintenir sa tête sur le ventre de sa mère pendant des heures en répétant en boucle « je veux retourner dans ton ventre, maman ».  

La réalité biologique de l’instinct maternel sous-tend sans doute la nature dite « surprotectrice » de ces mères. Selon une vaste étude menée dans onze pays et publiée dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), « les pleurs des bébés activent des régions spécifiques, liées aux mouvements et à la parole, du cerveau de leur mère. Une mère entendant son enfant pleurer aura tendance à toujours avoir le même comportement : le prendre dans les bras et lui parler pour le rassurer ».

Cette étude complète d’autres travaux montrant que « le cerveau des femmes et celui des hommes répondent différemment aux pleurs d’un bébé. Ainsi la nuit, les hommes semblent moins entendre les cris des bébés que les femmes, plus enclines à se lever pour aller les réconforter (6). Mais cela n’émeut pas les juges. 

Des mères terrifiées et à bout de souffle… 

L’émotion la plus désorganisatrice pour le psychisme humain est indéniablement la terreur. Or ces mères vivent dans une insécurité psychique totale. Leurs traumas sont multiples et complexes, et la chronologie de ces traumas, toujours la même, ressemble à une marche cruelle à travers les cercles de l’enfer de Dante : elles sont d’abord victimes de violences conjugales ; elles découvrent ensuite les violences faites à leur enfant ; elles subissent alors le désaveu des institutions françaises qui les stigmatisent immédiatement et les jugent potentiellement coupables d’aliénation parentale.

Vient alors l’aboutissement ignoble de leur démarche de protection, et cela arrive hélas de plus en plus fréquemment : le transfert de garde chez l’agresseur ou dans une famille d’accueil, puis, les sévices effroyables des visites médiatisées.  

Il s’agit là de traumatismes maximaux. Les traumatismes maximaux sont interpersonnels (entre l’agresseur et la victime). Ils se caractérisent par une intention de nuire et détruisent la dignité de la personne, son intégrité psychique, physique et sociale, ainsi que la confiance dans l’humain.

Elles me supplient de plus en plus souvent de les aider à s’accrocher à la vie car elles ont souvent perdu ce qu’elles avaient de plus cher, leur enfant, mais aussi souvent leur métier, leurs amis (qui veut rester ami avec une folle ?), parfois leur toit (certaines vont en prison pour non-représentation d’enfant ou enlèvement d’enfant).  

Le discrédit que les institutions ont jeté sur elles rejaillit sur leurs représentations d’elles-mêmes. Elles ne croient parfois plus du tout dans leurs capacités maternelles et beaucoup moins dans leurs perceptions. C’est donc leur intégrité psychique qu’une minorité d’entre elles commence à remettre en question. Et si leur agresseur et les institutions avaient raison ? Et si elles étaient vraiment folles comme le leur a si souvent répété leur agresseur ? Au moins, cela solutionnerait le problème le plus épineux : la souffrance de leur enfant… Mon travail consiste donc souvent à les rassurer sur la fiabilité de leurs perceptions. 

Mais résilientes, malgré tout 

Mais elles tiennent le choc par amour pour leurs enfants, que certaines ne peuvent pourtant plus voir ou uniquement dans des circonstances atroces qui les contraignent à assister, impuissantes, à la déchéance physique et psychique de leur(s) enfant(s).  

Je m’étonne chaque jour de leur résilience face à la folie qui pourrait si facilement les happer. Cette résilience héroïque mérite d’être saluée. Leur degré de résistance, face à la pire adversité qu’une mère puisse connaître, une torture ni plus ni moins, témoigne en fait de la grandeur de la maternité à une époque qui tend hélas à ne plus reconnaître l’importance de la mission civilisatrice des mères.  

  • Caroline Bréhat est psychothérapeute, autrice.  Son dernier roman“Les Mal Aimées”, porte sur le caractère transgénérationnel de l’inceste. 

 
Notes :

(1) https://stopabusecampaign.org/takeaction/what-is-a-protective-mother/ 

(2) Le « SAP » a été inventé de toutes pièces par Richard Gardner, un psychiatre américain controversé, selon lequel l’enfant serait manipulé et endoctriné par l’un de ses parents rabaisserait ou rejetterait l’autre « de façon injustifiée ». Importé des États-Unis par les mouvements masculinistes, le SAP est entré dans les mœurs et les usages bien qu’il ait été rejeté par l’Association américaine de psychiatrie – la référence sur le sujet – et l’Organisation mondiale de la santé. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a appelé à proscrire le recours à ce « pseudo » syndrome, « tout particulièrement dans le processus de décision judiciaire ». 

(3) Un enfant est tué tous les cinq à six jours en France. 25% des homicides ont lieu dans les familles en France. Trois enfants par classe sont victimes d’inceste. La France est un des rares pays de l’OCDE à ne pas donner les chiffres des enfants maltraités comme si le législateur ne voulait pas savoir (source : Michèle Créoff). 

(4) Crisis in Family court : lessons from turned around cases, 2013. 

(5) Les personnalités violentes sont toujours pathologiquement fusionnelles, mal différenciées des autres, a fortiori de leurs enfants. L’un de leurs mécanismes de défense privilégiés est l’identification projective, ou projection, par laquelle elles accusent l’autre de leurs propres défauts. Ces hommes violents projettent donc sur leur ex dans une logique d’inversion leur propre propension à la fusion. Il va sans dire que les mères peuvent elles aussi être fusionnelles, mais dans ces cas précis d’inceste, il s’agit en fait des pères.  

(6) https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/10/23/97001-20171023FILWWW00316-l-instinct-maternel-conforte-scientifiquement.php

 


Cet article, qui a été publié dans France-Soir le 27 avril 2023, est tiré des séances de groupe organisées par Protéger l’Enfant.


Caroline Bréhat

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice


Autres articles de Caroline Bréhat :

Rencontre avec Caroline Bréhat

Le « Syndrome d’Aliénation Parentale » ou l’instrumentalisation du système judiciaire

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Conseils pour éviter le piratage (en cas de violences intra-familiales ou non…)

Conseils pour éviter le piratage (en cas de violences intra-familiales ou non…)

Le piratage, ça arrive… comment s’en prémunir ?

Quand on souhaite déposer plainte pour se protéger d’une personne violente, on va devoir fournir des preuves auprès de la Justice. Hélas, contrairement aux espoirs des victimes, le dépôt de plainte est souvent le début d’un enfer qui se déchaine et d’un surcroit de violences. Et parfois, la partie adverse n’hésite pas à jouer les hackers pour récupérer toutes les informations compromettantes.


Voici donc quelques conseils…

…pour garder en sécurité les infos importantes comme vos preuves ou les éléments personnels que vous aimeriez garder secrets pour votre protection (votre nouvelle adresse, celle de l’école de vos enfants, etc.) et éviter le piratage.

Piratage
  1. Choisissez un « bon » mot de passe. Oubliez votre date d’anniversaire et passez à la longue « phrase de passe » plus sécurisée :
    Ex n°1 : #Tuesb1enCurieuxMon@mi!!!
    Ex n°2 : lharmonienexercepasdecontrole
  2. Utilisez un mot de passe différent pour chacun de vos comptes. Si vous avez mis le même partout, complexe ou non et si il est percé à jour, le hacker aura accès à tout.
  3. Dès que possible, utilisez la double authentification que proposent maintenant les sites sérieux.
  4. N’enregistrez pas vos mots de passe dans votre navigateur. C’est alors très simple de les récupérer.
  5. Méfiez vous des messages louches que vous recevez par sms ou par mail qui vous demandent de vous identifier. L’immense majorité est un moyen de récupérer vos mots de passe. Ne cliquez jamais sur le lien. Si vous avez un doute, allez directement sur le site qui vous sollicite pour vérifier qu’une actualisation est nécessaire.
  6. Surveillez votre téléphone ou votre ordinateur portable car les mesures de sécurité les plus folles ne sont d’aucune utilité si on peut accéder à votre ordinateur ou à votre téléphone pour y installer un logiciel-espion. Donc si votre agresseur a les clefs de la maison, rajoutez des mots de passe à vos affaires.
  7. En plus d’un système de sauvegarde de vos données sur un cloud bien sécurisé, n’hésitez pas à mettre régulièrement à jour un disque dur physique. C’est contraignant mais ça peut servir en cas d’attaque.
  8. Utilisez des systèmes sécurisés comme Proton ou Signal pour envoyer vos messages et/ou mails.
  9. N’utilisez pas les Wifi publics, qui sont de vraies passoires et gardez votre 4G perso. De même, autant que possible, naviguez via un VPN. Votre IP sera moins visible et donc moins traçable. Votre identité sera davantage préservée.

Mais surtout pour éviter le piratage, ce qu’il faut garder en tête, c’est le bon sens. On imagine toujours le piratage comme un procédé complexe, demandant des connaissances peu accessibles aux communs des mortels. Ce n’est pas forcément le cas. Avec Internet, des ressources sont mises facilement à disposition.

Piratage


Néanmoins, ne perdez pas de vue qu’il est beaucoup plus simple de mettre en place des stratagèmes extérieurs pour récupérer des informations (caméras, complices) que d’aller sur le dark-web payer un hacker russe de 15 ans en cryptomonnaie…


Faites attention à ce que vous partagez sur internet, même à vos amis. Soyez vigilants et réactifs.


N’hésitez pas à nous laisser dans les commentaires vos propres conseils pour éviter le piratage.

Nous vous conseillons également la lecture de notre article Le violentomètre, un outil d’alerte (un outil pour mesurer la violence dans une relation).

Témoignage de Lise, qui a perdu la garde de ses enfants au profit de son mari violent et très influent

Témoignage de Lise, qui a perdu la garde de ses enfants au profit de son mari violent et très influent

Lise connait Paulo depuis très longtemps.

Elle le rencontre parfois aux réunions familiales. Il a 10 ans de plus qu’elle, semble gentil, cultivé. Elle est en confiance. A l’aube de ses 30 ans, en 2008, elle entame avec Paulo une relation à distance. Ils sont amoureux, tout parait idyllique. Ils finissent par s’installer ensemble. Elle tombe rapidement enceinte alors ils décident de se marier en novembre 2009. Leur fils William arrive en juillet 2010. Hélas, le comportement de Paulo a changé un peu avant. Celui-ci est de plus en plus acariâtre, voire agressif. A la naissance de William, il lui dit qu’il a autre chose à faire que de venir à la maternité : « tu prends mon temps ». Lise met cela sur le compte de l’arrivée de leur enfant et de son côté vieux garçon.

Paulo ne supporte pas les pleurs de son fils, il le secoue pour le « calmer ».

Les dénigrements deviennent systématiques, Lise est la pire mère et la pire femme possible. Lise qui découvre les difficultés de la maternité n’est pas loin de penser pareil. Devant les autres, Paulo change les couches. A la maison, c’est un tyran toxique. Quand il va trop loin, il s’excuse, laisse passer quelques jours puis relance la roue de la violence psychologique. D’un commun accord, en septembre 2012, ils décident de déménager pour se rapprocher de la famille de Lise. Paulo n’obtiendra sa mutation au cabinet de préfet qu’un an plus tard. Lise apprécie ses absences qui l’apaisent. Chaque fois qu’il rentre, il est très énervé et multiplie les violences verbales et psychologiques.

En janvier 2013, il agresse physiquement Lise en l’étranglant avec ses mains et menace de la tuer.

Lise porte plainte mais elle est reçue plus que fraichement par la police qui réalise que Paulo « est de la maison »: « C’est embêtant, il ne vous a pas frappé, il n’y a pas de traces ». Paulo s’excuse (par écrit): « je suis désolé… je vais aller voir un psychologue ». Tout le monde la fait culpabiliser, la famille, le commissariat… Elle retourne au domicile, et effectivement son mari s’apaise 3 mois. Alors Lise retire sa plainte et accepte le projet d’un second enfant. Gisèle nait en mai 2014. Rien ne change. Paulo s’installe à la cave, où il peut boire à loisir, du matin au soir. Son agressivité monte encore d’un cran, il jette et casse des objets, il met la maison à sac.

En octobre 2014, alors qu’elle s’est réfugiée sur son balcon car Paulo est en train de tout casser dans la maison,

Lise prend la décision d’alerter ses voisins qui contactent la police. Quand les policiers arrivent, Paulo leur explique qu’il travaille avec le préfet. Malgré l’état de la maison, l’ébriété de Paulo, le témoignage des voisins et celui apeuré du fils, les policiers disent qu’ils n’ont pas assez de preuves. Néanmoins, ils contactent un médecin (qui, lui, confirme le problème psychologique du mari) et enjoignent Lise de partir du domicile. Lise fait ses valises très rapidement, emmène ses enfants chez ses parents et dépose une main courante à Angoulême afin de ne pas être accusée d’abandon de domicile. Cette fois-ci des policiers bien formés la prennent en charge. L’association SOS violence conjugales de Brive est aussi d’une aide précieuse.

On la convainc de rassembler des preuves et de porter plainte.

Enregistrements audio des menaces de mort, mails, textos, témoignages de l’ancienne compagne de Paulo ou de collègues… Toutes les preuves sont analysées et authentifiées.

Lise réalise qu’elle figure bien dans les statistiques des femmes victimes de violences conjugales. Elle obtient un ITT de 10 jours. Un pédopsychiatre atteste du stress post traumatique de William, accompagné de souvenirs de violence importants. L’avocat demande une ordonnance de protection. Pourtant, à l’audience, on lui dit que « le dossier a disparu ». Lise réalise que son mari a le bras long. Par chance, le brigadier (qui confirme les pressions) a un double du dossier. L’ordonnance de protection est accordée en janvier 2015 (il y est inscrit que William a assisté aux violences).

Paulo n’a le droit qu’à des visites médiatisées (lieu neutre), sans autorisation de sortie.

Aux violences psychologiques, à la culpabilité de Lise, se rajoute la violence économique qu’on oublie souvent. Le coût de ces démarches juridiques est très important (25000€ depuis la première plainte). Le procureur porte la plainte au pénal. Paulo est condamné à 3 mois de prison avec sursis en août 2015 mais obtient une exclusion sur son casier judiciaire. Pendant 3 ans, il voit ses enfants un samedi sur deux pendant 2h. Il n’entreprend aucun accompagnement psychologique et reste agressif. La lenteur des procédures de protection est une autre forme de souffrance. La JAF en 2015 ordonne un bilan psycho social qui aura lieu en 2016… Et à partir de là, tout va se retourner contre Lise.

Le psychologue (imposé) est déplorable, paternaliste, l’assistante sociale d’un autre temps prône les punitions…

Suite à leurs rapports, la JAF décide de mettre en place une AEMO. L’éducatrice qui gère leur famille trouve le papa « structurant » en costume cravate et parfaitement apte à récupérer ses droits. Grâce à eux, Paulo a l’autorisation d’avoir ses enfants une semaine. Dès le premier jour, il s’agace et prive William de repas. Le second, Lise réalise que son fils a des traces de violence sur le cou. Son père confirme s’être énervé et avoir serré son garçon au cou car celui-ci aurait tapé sa sœur. Ces traces sont attestées par l’hôpital. William obtient 8 jours d’ITT. La police les constate aussi. Lise prévient qu’elle ne redonnera pas les enfants à leur papa et porte plainte. Celle-ci sera classée sans suite pour « faits insuffisamment caractérisés » !

Lise se fait convoquer fin 2018 et là, horreur, la juge décide de lui retirer totalement la garde des enfants.

Elle ne reverra pas ses enfants hors du lieu médiatisé avant mars 2019 ! Lise fait appel et reperd (jugement précédent conforté). Aucune trace dans son dossier du témoignage du psy qui atteste pourtant de sa bienveillance maternelle ni de celui de l’école qui alerte du comportement traumatique de William. Lise se bat pour la réouverture de la plainte au procureur général qui répond au bout d’un an et demi (en novembre 2020) que le dossier est (encore) perdu. Habituée, l’avocate renvoie une copie… Le procureur finit par répondre à nouveau 6 mois plus tard, qu’il ne prendra pas le dossier pour insuffisance de preuves… Tout le parcours judiciaire de Lise est empêché par l’influence de son mari.

Aujourd’hui, la situation de Lise est catastrophique.

Malgré la demande explicitement formulée de ses enfants d’être en garde alternée, elle a reçu l’arrêt fin janvier : la garde est maintenue chez le père. C’est son mari qui a été inculpé de violence mais le soupçon d’aliénation semble pire. En prime, Lise est condamnée à verser 800 € pour procédure abusive… Exténuée, traumatisée, sans espoir, au bout de ses finances, Lise pense quand même se pourvoir en cassation. Une autre piste est le jugement de son divorce pour violence où peut-être, les preuves balayées par les précédents juges pourront être entendues, accompagnées d’autres éléments plus récents.

Partagez son témoignage pour le médiatiser. La pression ne doit plus peser sur les victimes.

Vous pouvez lire le Manifeste de l’association ici.

Le choix possible de la fin de l’inceste : la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Le choix possible de la fin de l’inceste : (1) la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Par Edith

  1. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse
  2. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.
  3. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question
  4. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.
  5. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?
  6. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret
  7. Qui voulons-nous vraiment protéger ?
  8. La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

I. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse

Dans l’Europe entière, le phénomène des violences sexuelles faites aux enfants est massif. Un adulte sur cinq aurait été victime de violences sexuelles pendant l’enfance, dont l’inceste, selon des études menées par le Conseil de l’Europe (voir campagne du Conseil de l’Europe lancé en 2010  « 1 sur 5 ») [1].

67 millions d’habitant en France, cela représenterait donc 20% de la population, soit plus de 13 millions d’habitants.

Selon la Fondation nationale solidarité femmes (FNSF), en France, ce sont 4 millions d’enfants estimés victimes de violences conjugales en 2014 [2].

Le rapport du 31 mars 2022 de la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants faisant l’analyse des 14.000 témoignages : « 8 sur 10 sont des victimes d’inceste et pour une victime d’inceste sur trois, c’est le père qui est l’agresseur. » Par extrapolation, rapportés aux chiffres du Conseil de l’Europe, sur 13 millions, 8/10e ferait monter le nombre de victimes sexuelles d’inceste dans l’enfance à plus de 10 millions dont un tiers, soit 3,5 millions d’enfants incestés par leur père.

Patric Jean confirme en 2019 ce chiffre dans son livre « La Loi des pères »[3]. Il indique que « 27% des personnes interrogées connaissent au moins une victime dans leur entourage et 6%  des personnes (10% de femmes) déclarent elles-mêmes avoir été victimes d’inceste. Ce qui représente 4 millions de personnes en France. » . Il indique également qu’« en 2006, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) confirmait les mêmes proportions avec une particularité que seuls 17% indiquaient ne pas connaitre leur agresseur, la majorité des cas se situe au sein des familles ou de l’entourage proche par des personnes connues. ».

En France, l’Association Protéger l’enfant indique que la dernière enquête de victimologie conduite par IPSOS en 2019, estime à 165.000 enfants victimes d’inceste par an, pour moins de 1000 condamnations. Pour les viols aggravés fait sur les enfants, il y a seulement 400 condamnations. Selon le docteur Emmanuel Piet, membre du Haut Conseil à l’Egalité, indique que « les viols sur mineurs sont probablement le crime le plus impuni qui soit ».

En 2015, l’étude « Impacts des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » indique que « Plus  les violences sont assorties de circonstances aggravantes (viol, inceste) et moins les victimes ont été protégées par la police, la justice ou leurs proches. Ainsi, 83% des victimes de viol et 88% des victimes d’agression sexuelle en situation d’inceste déclarent qu’elles n’ont pu bénéficier d’aucune protection. Et 56% des répondant-e-s rapportent n’avoir pu parler à personne de ce qu’ils ou elles subissaient au moment des violences»[4]

Dernier chiffre, une étude réalisée par l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise fait état dans son rapport que «14,5% des femmes et 6,4% des hommes de 18 ans et plus ont été sexuellement agressés pendant leur minorité, ce qui signifie que plus de 3.900.000 femmes et de 1.560.000 hommes, soit environ 5.500.000 personnes majeures vivant dans notre pays ont subi des agressions sexuelles pendant leur minorité».

Les sources citées font donc état de chiffres allant de 165.000 viols par an, à 4 millions, 5,5 millions d’enfants en cumulés, jusqu’à donc 10 millions de personnes ayant été victimes d’agression sexuelles dont la majorité relèvent de l’inceste (83%). Dans tous les cas, y compris les 165.000, c’est insupportable et surtout cela ne s’arrête pas.

Alors, pourquoi, les politiques et journalistes semblent souvent manquer de chiffres [5]?  Pourquoi tous les travaux produits par des instances sérieuses de tout type n’ont concrètement aucune conséquence sur les pratiques ? Pourquoi en matière de protection des enfants, les choses changent-elles si lentement ?

Plusieurs questions s’imposent aujourd’hui.

II. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.

Pourquoi l’inceste est-il resté tout ce temps un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrits dans la loi ?

L’inceste n’a intégré le code pénal qu’en 2016[6] en tant que qualification du viol dit « incestueux » lorsqu’il est perpétré par un ascendant. Il devient un crime à part entière seulement en 2018 et ce n’est qu’en avril 2021 que la présomption de non consentement pour les violences sexuelles faites sur des mineurs de moins de 15 ans est consacrée dans la loi. Elle est portée à 18 ans en cas d’inceste.

Le hiatus entre théorie et pratique s’explique historiquement, psychologiquement et institutionnellement. Finalement les raisons sont pourtant assez simples.

C’est d’abord psychiquement insoutenable, car inimaginable. Le tabou du viol intrafamilial sur les enfants (inceste) instaure par sa nature le silence. La famille est sensée être le lieu de la protection par définition. Ce silence empêche de le nommer, et ne pas nommer revient à indiquer au monde que cela ne peut pas exister, autorisant ainsi les agresseurs à continuer d’œuvrer en toute tranquillité (et selon des modèles qu’ils ont pu aussi connaître dans leur propre enfance), aucune désignation et donc aucune condamnation ne pouvant être formulée sur ce silence.

La société, en tant que groupe, ne peut donc pas reconnaitre ce crime et donc décide de ne pas le traiter[7]. Par ce silence, s’instaure une loyauté tacite de l’enfant envers ses parents et les adultes qui l’entourent qui permet de faire tenir la notion de famille. L’enfant évolue dans le cadre de repères dysfonctionnels qui affecteront sa vie.

C’est la même logique à l’œuvre en matière de « violence conjugale » soumise également à un autre tabou. La réalité de ces violences au sein des couples est un héritage séculaire de violences dites « ordinaires ». Elles sont la résultante du fait que l’« on apprend à intérioriser dès l’enfance la justification de la violence » selon les mots de Dorothée Dussy. La docteure Catherine Gueguen, dans son livre « Pour une enfance heureuse », décrit sur la base d’un travail scientifique, conduit avec une équipe de chercheurs en neurosciences, comment certaines parties du cerveau d’un enfant sont détruites lorsqu’il est soumis à de la maltraitance, y compris la maltraitance éducative ordinaire.

Alice Miller, chercheuse et psychanalyste  décrit très précisemment les processus à l’œuvre au sein du huis-clos des familles dans « La connaissance interdite – affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie ». Elle explique comment les parents, sous couvert d’éducation, perpétuent des abus dans le silence et l’isolement de la famille, sans que l’enfant puisse avoir un témoin « secourable » à qui il pourrait demander des explications sur ces « abus de pouvoir ». Notre prise de conscience collective, sociétale et individuelle sur ces violences a fait un bond en avant grâce à la paix instaurée en Europe depuis 70 ans. Les nouvelles connaissances en neuro-sciences ont permis de prouver qu’une éducation « positive », soit une éducation où le moteur ne serait plus celui de la violence, est possible et bénéfique pour tous, individuellement et collectivement.

Pour autant, la gageure est de taille car c’est tout un héritage séculaire qu’il faut remettre en question. Mais cela est possible. Carl Rogers et Marshall Rosenberg, fondateurs de la « communication non violente » ont permis, sur la base de l’observation et de l’écoute, de mettre en avant un autre type de relation basée sur l’empathie. Cette relation est basée sur la réapropriation par chacun de sa capacité à ressentir des émotions. Il ne s’agit pas de faire disparaitre la violence. En revanche, il s’agit d’avoir conscience de ses actes pour en prendre toute la responsabilité, pouvoir les nommer et donc les changer. Nous avons été élevés dans des croyances ayant donné lieu à des comportements acquis se basant sur la peur, l’obligation, le devoir, la punition, la récompense et la culpabilité. Ce sont ces croyances qu’il faut remplacer par d’autres, à savoir que l’entraide et la coopération sont beaucoup plus satisfaisantes et agréables que la violence.

L’éducation fondée sur la non-violence est aussi plus bénéfique sur du long terme. Des études ont été menées en 1983 par l’American Psychological Association, qui concluent selon A. Miller  à « une indiscutable correlation entre la détresse et les mauvais traitements subis par un individu dans son enfance et la violence dont il peut se rendre coupable par la suite »[8]. Nous avons désormais les outils pour faire différemment. Ils sont à disposition de ceux qui s’en saisissent individuellement. Or, ils ne sont pas collectivement utilisés et les individus qui y recourent, sont peu encouragés, peu aidés, peu reconnus.

Enfin, A. Miller attribue « l’ignorance d’une société aux statistiques de ces violences incontestables au fait que cela permet d’éviter la résurgence de souffrances refoulées dans le passé, et empêche ainsi que se dévoile la vérité ».

En effet, psychiquement pour les individus comme pour la société, ces violences sont impensables car inaceptables, donc impensées car la souffrance qu’elle provoque est insoutenable, et alors refoulée. Il faut énormement de courage et de stabilité pour se lancer dans la dénonciation de cette réalité qui touchent toutes les familles de près ou de plus loin. Et parfois, au-delà du courage, il faut avoir retrouvé la mémoire. La mémoire dite traumatique qui permet au psychisme d’un individu de surmonter la douleur, empêche souvent les personnes ayant été victimes de violences sexuelles simplement de se souvenir. Le traumatisme entraine un état de sidération tel, qu’il abouti à un phénomène de dissociation psychique faisant que l’individu ne s’appartient plus à lui-même et souvent se retrouve dans une incapacité d’agir, voire de vivre.

Pour comprendre l’impunité actuelle, Céline Piques [9]nous rappelle que « moins de 1% des violeurs mis en cause ont été condamnés en 2018 (1269 condamnation pour 94 000 femmes et 165 000 enfants qui s’en déclarent victimes). Le viol est bien un crime, mais impuni. »

III. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question

Ainsi, si la loi est bien l’expression de l’état d’une société, comment cela se fait-il qu’il y est aussi peu de condamnation ? Pourquoi l’impunité des agresseurs peut parfois apparaitre comme désespéremment organisée? La question de la volonté politique réelle doit être posée.

La spécificité du viol intrafamilial sur enfant, ou inceste, est qu’il ne faisait plus l’objet d’une interdiction légale en tant que telle depuis 1791. Or l’inceste était bien inscrit dans la loi sous l’Ancien régime accompagnée d’une présomption de non consentement pour tous les mineurs à l’époque de moins de 21 ans. Depuis 1792, avec le nouveau code pénal, il n’est plus nommé en tant que tel. Il ne le sera à nouveau qu’en 2018 (cf.. Emission France culture du 7 janvier 2021 « L’inceste au fil du droit : circonstance aggravante mais crime en soi »[10]). Jusqu’en 2018, lorsqu’il n’est pas purement nié, il est un viol comme les autres ; or ce n’est pas le cas dans une réalité constituée par un « rapport de force ou de domination ». La relation d’asymétrie et d’engagement à la protection que suppose la famille, socle institutionnel de base de nos sociétés, empêche de penser que cela est tout simplement possible et en réalité assez courant. D. Dussy parle de « viol d’opportunité » dans son ouvrage « Le berceau des dominations : anthropologie de l’inceste »[11].  

Patric Jean dans son livre « la Loi des Père », conclut qu’il s’agit d’un phénomène doublement caractérisé comme « phénomène de masse et invisibilisé. »  Il faut également souligner qu’il est systémique. Si 13 millions de personnes sont victimes, le nombre d’agresseurs ne doit pas être bien loin. Or, nos institutions semblent organisées pour le couvrir. Il est assez simple de comprendre pourquoi notre société est édifiée pour que cela continue. Il suffit en réalité de regarder en face à qui cela profite ? et le nombre de personnes qui en bénéficient. La chaine des bénéficiaires parle d’elle-même. Elle nous montre à quel point cela profite à une majorité de personnes, en situation de pouvoir ou de privilèges, par l’intérêt qu’elle tire des conséquences de ce fléau.

Alors si Céline Piques indique dans son livre « Déviriliser le monde »[12] que « l’égalité est une pratique. C’est une action. C’est une manière de vivre. C’est une pratique sociale. C’est une pratique économique. C’est une pratique sexuelle. Elle ne peut pas exister dans le vide ».

La Justice est aussi une pratique, une action, sociale et économique, et ne peut pas non plus exister dans le vide.

En matière de justice, Céline Piques, reprenant les chiffres du ministre de l’Egalité entre les hommes et les femmes de 2020[13], écrit que « les viols et agressions sexuelles sont les crimes et délits les plus instruits dans les tribunaux d’assises et correctionnels, mais aussi les moins dénoncés et les moins condamnés. »

Le constat est là. Les enfants ne sont pas protégés ; ils ne sont pas entendus, ou entendus puis muselés. Les adultes protecteurs qui ont décidé d’agir le seront également. Pour cela, les mères le plus souvent qui dénoncent finissent par être accusées, conduisant à une inversion de la responsabilité. De même, les médecins qui dénoncent se voient sanctionnés disciplinairement jusqu’à aller à la suspension de leur activité.

En effet, la principale victime colatérale de la dénonciation est la maman : pour mémoire, « pour près d’1 victime d’inceste sur 3, l’agresseur est le père », selon le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites sur les enfants (CIVIISE)[14]. Les autres agresseurs sont d’autres parents comme le frère, l’oncle, le grand-père, le cousin etc. Or, beaucoup de ces mamans sont accusées de syndrôme d’aliénation parentale de manière abusive. L’intérêt est de permettre l’inversion de la responsabilité en cas de dénonciation de violences et en particulier d’inceste.

L’illustration la plus criante de ces abus aujourd’hui est le nombre de condamnations de mères sur la base de rapports effectués par le docteur Bensussan. Une action en justice vient d’être intentée le 8 avril 2022[15] par quatre structures spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles Cette action se base sur l’absence de fondement scientifique de cette notion ainsi qu’une pratique déviante du praticien sur cette base. Le ministère de la Justice s’est pourtant engagé dans son 5e plan de  « Lutte contre toutes les violences faites aux femmes (article 58)[16], à assurer une diffusion au sein des instances judicaires une information propre à proscrire ce concept. Il faut rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[17] a elle-même procédé au retrait de cette notion pour le même motif d’absence de base scientifique.

Quant aux médecins ayant signalé des violences sur enfants, ils font l’objet de sanctions disciplinaires suite à la plainte auprès de l’ordre des médecins, portée par le parent accusé de violences sur l’enfant. Soignants et éducateurs sont en première ligne pour témoigner des faits et pourtant moins de 5% des informations préoccupantes transmises au Parquet émanent de médecins. Récemment une pédopsychiatre s’est vue condamnée à deux reprises  par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pour « immixion dans les affaires de famille » après qu’elle a signalé des cas de violences sur mineurs. (exemples des Docteurs Izard et Fericelli[18] ). Pourquoi le Conseil National de l‘Ordre des Médecins ne soutient-il pas davantage les médecins qui dénoncent ces crimes[19] ?

IV. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.

Voici donc comment cette impunité est organisée de manière systémique et structurelle au sein des six institutions fondatrices de notre République que sont la police, la justice, la fonction publique, l’armée,  la médecine, l’Eglise et enfin la famille. Une méthode, un moyen puissant : le secret. L’institutionnalisation du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle. Que permet donc le secret en matière d’inceste ?

Pour la victime : le secret maintient la confusion mentale, détruit les repères internes jusqu’à leur perte totale, instaure la peur et l’incompréhension. Cela permet de rester sans force car faible et brisé devant l’incohérence entre les actes et les paroles de l’adulte agresseur, le visible et l’invisible. Or, sans force, l’isolement et le mutisme perdurent. Se taire n’est pas une option, c’est une fatalité. La mémoire traumatique – perte de mémoire transitoire qui peut durer pendant 40, 50, 60 ans, en tant que mécanique de survie devant l’indicible et la blessure, renforce le maintien du silence des mots alors que les maux du corps et de l’âme prolifèrent, les symptômes continuent. Pire : lorsque l’enfant ou l’adulte protecteur tentent de sortir du secret en osant parler, ils sont immediatement réduits au silence. Ils le sont par peur des représailles, par peur des conséquences de l’atteinte à la loyauté familiale, ou par peur tout simplement de ne pas être crus.

Parler, engendre alors une série de violences supplémentaires qui s’ajoutent à la violence du traumatisme dont la dépossession de la victime de ce qu’elle a vécu. Cette dépossession engage durablement le processus de confiance en soi et en les autres. Le traumatisme est là. A vie.

Muriel Salmona, indique dans un article publié en 2018 que certains auteurs avancent que la violence subie dans l’enfance, au sens large, est la première cause de mortalité précoce et de morbidité à l’âge adulte[20].

Pour l’agresseur : le secret permet de garder le contrôle, d’entretenir son sentiment de toute puissance par l’impunité, de jouissance illimitée à défier la société par le déni de ses interdits. La conservation du pouvoir de dominer devient aussi la garantie de son impunité. Le secret est donc la condition pour que l’inceste continue. La domination est devenue à la fois la cause et, par son maintien, la conséquence de l’inceste afin qu’il puisse rester impuni. Cette domination de l’adulte sur l’enfant est d’autant plus puissante que la vie de l’enfant dépend de cet adulte  censé l’aimer, le protéger et respecter son intégrité physique et psychique. La loyauté tacite envers la famille joue aussi pour l’agresseur. Celle-ci lui enjoint le maintien du secret pour ne pas abimer l’image sociale de cette dernière. La puissance du tabou est agissante ordonnant tacitement le secret.

La pratique de la justice, malgré elle certainement, telle qu’elle est exercée permet à l’agresseur, en toute impunité de ne pas respecter la loi : l’injonction au silence faite par l’agresseur à l’enfant brisé se heurte à la difficulté de la preuve à apporter, par nature impossible dans une relation asymétrique de domination.

Mais revenons au secret. C’est lui qui permet que la violence perdure.

Le secret est organisé pour être pratiqué au quotidien au sein de nos institutions sociales et institutionnelles. Sous couvert de protection, il permet surtout la perpétuation de la violence à partir de l’organisation de cette dernière. Le secret est au cœur des institutions ayant à traiter la question des violences et de l’inceste.

Le secret, imposant le silence, assure la protection « préventive » des agresseurs déjà couverts par « la présomption d’innocence » au lieu de « présomption de culpabilité » qui pourrait être aménagée, encadrée, assumée pour des crimes ou délits commis sur des enfants. En France, c’est ainsi.

Mais il pourrait en être autrement très simplement comme par exemple changer notre système de valeurs mettant au centre l’enfant. Il suffit de parirt du simple constat objectif qu’un enfant n’a pas les mêmes moyens qu’un adulte à sa disposition pour assurer sa propre protection à commencer par la parole. Ainsi, au lieu de « presomption d’innocence », ou de « culpabilité » toutes deux centrées sur la personne de l’agresseur présumé, nous pourrions simplement penser notre Justice autour de la « présomption d’innocence de l’enfant » en consacrant légalement ou même simplement dans la pratique des juges « la présomption de protection pour l’enfant ». Il faut insister ici qu’un simple changement dans la pratique des juges, demande t aucun changement législtatif. Il est donc possible d’ores et déjà culturellement et socialement de changer les habitudes des juges pour cette culture de la protection de l’enfant advienne, et cela dès aujourd’hui, dès demain.

La culture de la protection des violeurs est en vigueur de fait. Comment se fait-il qu’une société ne voie pas l’abus de pouvoir de la justice lorsqu’elle applique ce principe de droit générique qu’est la « présomption d’innocence » , garant d’une certaine vision légitime des rapports entre êtres humains, dans le cas d’une relation qui par nature est déséquilibrée, abusive, et en particulier lorsqu’un crime ou délit met en cause l’intégrité d’un enfant ? Il s’agit donc d’un choix de société que de créer une vraie culture de la protection en appliquant un principe certes utile en droit, mais qui ne tient pas compte une fois encore de la réalité, à savoir que dans le cas d’une relation de « domination », ce principe joue en faveur du dominant agresseur et en défaveur du dominé victime. Rien n’empêche par la suite de prévoir des dispositifs de prises en compte plus satisfaisants pour que les mis en cause ne le restent pas plus longtemps que nécessaire suite à la décision de justice.

Desmond Tutu disait qu’ « En cas d’oppression, la neutralité veut dire être du côté de l’oppresseur ». Edouard Durand a décliné une version de cette neutralité en matière d’inceste : « La loi n’est pas neutre : entre le loup et l’agneau, être neutre c’est être du côté du loup ».

V. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?

Le secret est donc le moyen le plus efficace pour continuer à faire exister des institutions qui abusent tout simplement de leur pouvoir,  ne pas vouloir voir, prouve que le problème est bien systémique pour ne pas dire institutionnalisé. Dans le désordre, les sept structures institutionnelles précitées sont organisées autour du secret de la manière suivante :

La police d’abord est régie par le « secret de l’enquête », qui fait que même lorsqu’il y a des accusations au dossier, les parties ne peuvent pas avoir connaissance des éléments. Soit. Il faut bien du temps et de la tranquillité lorsque les valeurs humaines sont touchées de plein fouet pour mener à bien les investigations. Le secret peut être compréhensible.

Les banques sont aussi régies par le « secret bancaire ». Les relations sociales qui se tissent autour de cette institution s’organisent aussi par rapport à ce principe qui, sous couvert de « protection », permet évidemment d’entretenir les abus de pouvoir alors cachés au yeux de tous. La question du « à qui cela profite ? » peut être simplement poser ici.

L’armée est aussi appelée « la Grande Muette », et pour cause. L’ordre public a été instauré au prix du silence de ses serviteurs. En effet, sous la IIIème République, les militaires étaient privés de leurs droits civiques pour éviter toute contestation. Le silence et le secret sont encore de mise même si leurs droits ont été rétablis en 1945. Même si les choses ont évolué, le rapport au silence et au secret est encore au cœur des traditions de l’armée. Il s’agit donc d’une institution de plus façonnée par ce principe.

La Justice est régie par le principe de la publicité des débats contenu à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et dans les codes de procédures Français, mais ils souffrent de nombreuses exceptions. Un des motifs par exemple précise notamment « s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice », selon l’ art. 435 du Code de procédure civile. La loi de novembre 1982 relative à « l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » envisage expréssement les débats à huis-clos. Le secret garantit dans ce cas que les rapports de domination soient soigneusement cachés.

Il faudrait pouvoir regarder en pratique les choix fait en matière de procès pour inceste. Ceci étant, d’un point de vue systémique, il est intéressant de noter également qu’il existe depuis la loi du 9 mars 2004, une procédure du « plaider-coupable » avec l’introduction de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cette procédure instaure le huis-clos comme première phase obligatoire entre l’agresseur et le procureur de la République, sans la victime. Le secret est encore au cœur du processus.  

La fonction publique, de manière générale, obéit à ce que l’on appelle « le devoir de réserve ». La culture du secret est un des éléments fondateurs des devoirs d’un fonctionnaire. Il s’agit d’une pratique généralisée de la « discrétion professionnelle ». Les fonctionnaires doivent se soumettre à cette obligation qui a donné lieu une construction jurisprudentielle qui varie en fonction de la position du fonctionnaire dans la hiérarchie. Plus il est haut placé dans la fonction publique d’Etat et donc proche de l’exécution de la politique gouvernementale, plus l’exigence est forte vis-à-vis de l’exercice de cette obligation. Un fonctionnaire ayant un mandat local ou syndical dispose d’une plus grande liberté d’expression. Toujours est-il que la « discrétion » n’est jamais très loin, en terme de culture, de celle du « secret ». La culture du secret irradie donc par définition tout l’appareil d’Etat porté par les fonctionnaires.

Les médecins adhèrent de leur côté au serment d’Hippocrate qui, en conscience, propose de garder le silence et d’observer. Cela s’appelle aujourd’hui « le secret médical ». Le secret professionnel n’a pas toujours eu force de loi. Il a été introduit pour la première fois en 1810 en matière médicale[21]. Aujourd’hui, il figure à l’article 226-13 et 226-14 du Code pénal qui consacre le « secret professionnel » pour toutes les professions.  

Or, un autre principe vient percuter ce dernier en cas de crime et de délit commis sur une autre personne et à plus forte raison sur un enfant : « le principe de non-assistance à personne en danger ». Il figure dans le Code de la santé publique (article R.4127-9) : « Tout médecin, qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

Au-delà de la controverse théorique légale entre ces deux principes, la pratique est beaucoup plus parlante. Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violence sexuelles faites aux enfants (Ciivise) , seuls 5% des viols constatés sur enfants sont signalés par des médecins (cf. chiffres Hautre autorité de santé[22]). Outre cette faible part de signalements, nombre de medecins ayant signalé des enfants victimes de violences sexuelles ont été suspendus par l’Ordre des médecins. En mars 2022, la docteure Eugénie Izard, pédopsychiatre, a été condamnée à trois mois d’interdiction d’exercice de la médecine pour avoir signalé des violences sexuelles sur un enfant. La docteure Françoise Fericelli, également pédopsychiatre, a été suspendue deux fois au motif « d’immixion dans les affaires de famille » (émission sur France culture du 24 janvier 2022 «enfants maltraités : les pédopsys sous pression »[23]).

Toujours en pratique, suite au rapport de la CIVIISE du 31 mars 2022, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’est dit « pas favorable » à une « obligation de signalement » concernant les médecins qui soupçonneraient les violences sexuelles chez un enfant. Cette position fait une distinction entre signalement et protection  : « Il n’y a pas d’obligation de signalement, mais nous sommes tenus à une obligation de protection. Quand un médecin est sûr qu’il y a des violences sexuelles, il se doit de faire un signalement au procureur de la République. Quand il a des soupçons, il peut faire une information préoccupante auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger. En revanche, il ne peut venir en aide à la mère de l’enfant (si le père est en cause) ou signaler ces soupçons au juge des enfants. C’est la loi« , précise la vice-présidente Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi[24]. Cette position donne à voir les réticences à permettre la circulation fluide d’informations vis-à-vis du juge pour enfants.

Une fois encore, à quoi ou à qui cela peut servir ?

Selon un pédopsychiatre qui a souhaité garger l’anonymat, la culture du viol est historiquement ancrée au sein des études médicales. Il en reste quelques reliquats sous forme de bizutage[25] dont on ne perçoit que la partie émergée, marquée par des excès de consommation d’alcool et des chansons paillardes glorifiant le viol[26], sous les regards grivois des fresques obcènes des salles de garde.

Dans le domaine médical, une enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (l’ANEMEF), publiée le 18 mars 2021, a montré qu’un tiers des étudiants en médecine aurait été victimes de harcèlements sexistes ou sexuels lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac. A l’université, 93% des agressions sexuelles sont perpétrées par des étudiants. En stage, au sein des hôpitaux, neuf actes sur dix sont perpétrés par un supérieur hiérarchique. Enfin, moins d’une agression sexuelle sur cinq serait signalée.

Alors première hypothèse d’explication systémique : si cette culture du viol est aussi massivement répandue pendant toute la période d’études des futurs médecins, cela explique non seulement le faible taux de signalements par les médecins par rapport aux autres professionnels (5%) et, dans le même temps, interroge aussi directement les pratiques des dits médecins une fois en fonction.

Même si l’Eglise fait figure de précurseur dans sa dénonciation des violences sexuelles sur les enfants en son sein, c’est bien un fléau qui est mis au jour par l’INSERM. Depuis 2018, l’installation de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) montre une volonté de donner à voir l’étendue des violences sexuelles depuis 1950. A sa tête, Jean-Marc Sauvé a conduit la rédaction d’un rapport publié le 5 octobre 2021[27] qui a montré pour la première fois que « le secret de la confession ne pouvait pas permettre de déroger à l’obligation prévue par le code pénal de signalement en cas de violences sexuelles  sur un mineur ou une personne vulnérable ». De manière structurelle et systémique, le prêtre chaque dimanche répète : « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise. » Tout montre ici la déresponsabilisation des membres de cette institution, qui entendent tous les dimanches que personne ne va regarder leurs exactions, mais juste leur bonne intention. Le secret passe aussi par le fait de ne pas voir, tout à fait consciemment en l’espèce.

Toujours dans ce même rapport Sauvé, « La culture du secret, du silence et de la solidarité » au sein de l’Eglise a permis que de nombreuses exactions soient sciemment couvertes au nom du secret de la confession.

Enfin, la famille, comme institution, fonctionne comme un groupe social « primaire ». C’est en son sein que s’apprennent les codes sociaux les plus élémentaires, les valeurs et les normes qui aideront ensuite l’enfant à développer des relations sociales. Sans aller beaucoup plus loin, l’inceste comme les violences conjugales sont des violences caractérisées car elles sont cachées, dans le secret des familles. Le secret est dans les deux cas institués de fait par le tabou de ces violences. La famille étant le lieu qui, par sa fonction, doit apporter « protection », la violence en son sein est inimaginable. Ce sont donc bien les tabous de la violence et en particulier de l’inceste qui instaurent la culture du secret. La banalité de cette culture introjectée et admise inconsciemment et collectivement par tous s’illustre tout simplement par l’expression « secrets de famille ».

Or, ces violences introduisent de facto une distorsion immense pour les enfants victimes de violences conjugales et plus encore d’inceste. La dissonance entre paroles et actes apprend à l’enfant à évoluer de manière dysfonctionnelle dans l’apprentissage du lien à l’autre et, de manière générale, aura des répercussions sur sa vie. Sa socialisation sera impactée de plein fouet. C’est pourquoi, l’inceste, comme les violences conjugales, est d’abord et avant tout un fléau qui touche toute la société. Il est une atteinte à ses valeurs  les plus fondamentales déclarées comme telles, dont celle de la protection des uns par les autres, et en particulier des enfants par les adultes. La protection attendue ne peut commencer que par l’écoute et l’accueil respecteuse de la parole quels que soient l’âge et le niveau de moyens d’expression.

Une dernière question – encore plus simple – pourrait être posée à chacun : en quoi le secret pourrait réellement aider à protéger la personne qui se confie lorsqu’elle subie des violences ? Cela ressemble fort à un non-sens. Cela ne sert que les agresseurs et/ou les personnes et institutions dont le rôle est de garantir le maintien de l’ordre public et la protection effective que tout un chacun attend de la société à laquelle il appartient, a fortiori au pays de la Déclaration des droits de la Personne (de l’Homme). Lever ce secret revient à dévoiler au grand jour des défaillances, des manquements volontaires ou non, jusqu’à des volontés de nuire.

Notre société est aujourd’hui face à de vrais choix sur comment vivre ensemble. La levée de tous les secrets en est un. Apparement plus loin du sujet qui nous occupe, le « secret bancaire » est aussi au nombre des secrets qui structurent les rapports sociaux. Sans rentrer dans ce sujet, il participe avec tous les autres secrets d’une culture de l’opacité dont l’intêrét profite souvent aux plus aisés, donc à ceux qui ont les moyens de dominer.

Le juge Edouard Durand appelle de ses vœux une société qui endosse la culture de la protection[28] et il a raison. Mais cela ne pourra pas se faire sans la levée du secret, de tous les secrets, à tous les niveaux tant qu’il profite potentiellement à l’agresseur.  

VI. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret

Une nouvelle organisation est possible mais pour cela il faut également s’attaquer à tous les mécanismes connexes au secret également institutionnalisés qui permettent la complicité active ou passive, volontaire ou contrainte, consciente ou non, de l’entourage et des institutions elles-mêmes.

La justice s’appuie sur la notion de « prescriptibilité des peines » interdisant l’imprescriptibilité. Ceci en regard d’une croyance qui vise à préserver le « droit à l’oubli » pour l’agresseur. Or, ce faisant, la société indique que le droit à l’oubli pour l’agresseur est plus important que le droit à la justice pour une victime dont la mémoire lui aurait fait défaut pendant plus de 30/40 ans[29] (la mémoire traumatique occulte les violences, ce qui permet à la personne de continuer à « vivre » ou « survivre » malgré le trauma) . Ce choix est un vrai choix de société sans compter sur l’effet dissuasif pour les agresseurs de l’imprescriptibilité qui permettrait, pour des enfants, de rétablir une sorte d’équilibre dans l’atteinte à leur intégrité et à leur vie à un moment ou le rapport de domination joue en leur défaveur. Ceci mérite d’être a minima posé dans le débat même si ici il n’est pas questin de viser le « tout sanction » bien au contraire. L’objectif est d’aboutir à ce que la vie prenne le pas sur la violence au sein de nos institutions et c’est en ce sens qu’une proposition pourra être faite.

La présomption d’innocence versus le principe de non-assistance à personne en danger a été exposée plus haut. Comme autre mécanisme visant à maintenir l’impunité, ou la banalisation de cette violence, c’est la pratique des tribunaux les conduisant à une déqualification matérielles des faits de crime en délit. Le motif généralement invoqué est celui de l’engorgement des tribunaux d’assises : or cela prive clairement les victimes d’une reconnaissance des violences subies à la hauteur de ce qu’elles sont à condition de vouloir une vraie société du soin et de la protection. Un rappel des chiffres de 2020 donnés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)[30] :  « Le nombre moyen de procureurs pour 100.000 habitants est quatre fois inférieur en France à la moyenne constatée au sein des 47 Etats du Conseil de l’Europe » et le nombre de juges est environ deux fois moins important que la médiane : 10,9 pour 100.000 habitants en France avec pour médiane 21,4. Il  y a un vrai manque de moyens en France.

S’il y a condamnation, le coupable purgera une peine qui le désignera à son tour comme seul responsable, sans inclure la responsabilité systémique de la société qui a « permis » ce crime. La société punit et se dédouane de sa part de responsabilité. Le coupable pourra avoir la tentation de se sentir à son tour « victime », et l’enfant victime n’aura pas l’occasion d’entendre les causes profondes qui ont engendrées le passage à l’acte de son agresseur. La justice est passée mais la réparation ne s’est pas opérée. C‘est ici que la question d’une Justice alternative qui offre à la victime d’être pleinement entendue et à l’agresseur de mesurer les conséquences de ses actes doit se poser.

L’Eglise s’appuie sur le pardon qui agit comme une absolution sans générer de prise en charge collective, ni de réflexion sur les causes, ou d’éradication du fléau. Cela reste une démarche individuelle. Le secret sera préservé.  

Une grande partie du milieu médical, pour ne pas voir les causes des violences et ne pas traiter la question à la hauteur de la gravité de ces violences, s’appuie sur le concept de résilience. Ce concept a permis de mettre un mot sur un mécanisme qui permet aux victimes d’entrevoir la possibilité de se reconstruire. Le processus permet de se dire victime, de se le dire à soi-même, de l’accepter pour ensuite le dépasser. Malgré tous les bénéfices de la description de la resilience, il est important de remarquer que les personnes qui l’utilisent, la promeuvent, ou en vivent professionnellement, ne relèvent jamais explicitement les causes des  maux ou les traumas qui en sont l’origine.

Ce qui est ici interrogé est de savoir pourquoi une grande partie du milieu médical met en place tout un système de discours et de parcours autour de la résilience de manière déconnectée des causes des traumatismes des personnes concernées. Au lieu de résoudre les problèmes à la racine et de se demander pourquoi les enfants, les adolescents ou les adultes souffrent, on leur apprend à faire face. Le secret peut se maintenir en l’état. La résilience prise sans la mise en lumière des causes du trauma est un outil instrumentalisé pour que le secret puisse perdurer.

Enfin dans la famille, c’est le mythe de l’amour inconditionnel qui opère comme un mécanisme de renforcement du secret. En effet,  il n’est pas concevable qu’il puisse y avoir autre chose que de l’amour dans cette cellule de base de notre société. Or, c’est la force de cette croyance qui ne permet pas que l’idée de la violence, et encore plus quand elle est cachée, pour toutes les raisons évoquées ci-avant, puisse être envisagée. D’ailleurs, Alice Miller dans son livre « La connaissance interdite » met en avant les mécanismes et croyances autour de la famille qui empêchent que la question des violences soient vraiment considérées très sérieusement.

Nommer ces violences risquent de faire exploser la famille au sens large et représentent un coût exorbitant avec de nombreuses conséquences allant de l’atteinte à l’image sociale, à la précarité du logement, précarité financière et à la peur de l’exclusion du groupe social. La peur de l’abandon est aussi un des moteurs les plus forts pour les enfants comme pour les parents protecteurs qui les empêchent de dire : que vais-je devenir si je suis mis au ban de la famille ou si je mets un référent au ban de la famille ? Les tensions sont trop fortes pour permettre de briser le secret.

En conclusion, que se passe-t-il quand un enfant parle et /ou qu’un adulte protecteur dénonce les faits de violences intrafamiliales et de l’inceste en particulier ? Ils enfreignent la loi du secret, la loi de tous les secrets liés au tabou de ces violences intrafamiliales dont l’inceste. C’est un peu comme si le fait de désigner, de dire, de nommer ces violences constituait finalement l’infraction « de violation des secrets » car elle bouscule les équilibres institutionnels tacites, existants au profit des agresseurs et couvrant les responsabilités de l’ensemble des institutions composant notre société. Briser le silence revient à remettre l’ensemble de la société face à ses valeurs, à ses croyances jusqu’à son organisation institutionnelle en faveur ou non d’une culture réelle de la protection.

Pour mémoire, les principaux chiffres ont les suivants :

  •  225.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du couple par an[31] ;
  • 165.000 enfants victimes de violences par an estimés selon l’enquête IPSOS[32] de 2019 ;
  • 80% des violences sexuelles sont des violences intrafamiliales ;
  • 95% des agresseurs pour violences sexuelles et incestes sont des hommes ;
  • 1 inceste sur 3 est perpétré par le père selon le rapport de la CIVIISE ;
  • 400.000 enfants sont victimes de violences intrafamiliales, pour seulement 1.480 condamnations et à peine 58 retraits d’autorité parentale selon le livre blanc des « enfants exposés aux violences conjugales »[33] de février 2022 remis au gouvernement par la députée de l’Eure, Marie Tamarelle-Verhaeghe

VII. Qui voulons-nous vraiment protéger ?

Le juge Edouard Durand a posé le constat dans le livre blanc précité de manière très claire sur l’inceste : Qui voulons-nous protéger ? L’inceste est :

  • « Un crime contre l’Humanité du sujet ;
  • Un vol et une atteinte d’une violence extrême de l’intégrité, de la dignité et de la liberté de la personne ;
  • Une perversion du besoin affectif et de sécurité de l’enfant, dans une asymétrie qui agresse l’enfant victime ;
  • Une trahison par la jouissance contrainte du corps de l’enfant, une rupture de la relation et une destruction du langage ;
  • Une manipulation car l’enfant est tenu par l’interdication de parler pour que l’impunité de l’agresseur soit assurée ; Il est isolé et enfermé ;
  • Une œuvre de mort tout au long de sa vie : souffrance somatiques, psychiques psychotraumatiques, attaque de l’estime de soi, de la vie affectives et sexuelles, de la confiance dans l’autre et dans la société ;
  • Un problème politique faisant de l’inceste un problème de sécurité publique et de santé publique.

VIII.  La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

La réponse est que nous voulons protéger les enfants, futurs adultes et citoyens.

Nous voulons aussi que notre société fasse que la famille soit vraiment le lieu de la vraie protection.

Au vu de l’ampleur du phénomène, il sera impossible de judiciariser le règlement de tous les crimes et délits intrafamiliaux. Au regard du nombre de personnes concernées, la mise en œuvre matérielle de la fin des violences intrafamiliales est socialement impossible pour des raisons financières, psychologiques et culturelles (Cf.la loi des Pères de Patric Jean[34]). Il faut également penser sur le long terme, penser l’« après » qui prendrait en compte la question de rendre possible la fin de l’inceste, tout simplement son éradication en tant que fléau de masse.

Nous ne pourrons pas utiliser notre justice pour traiter les 165.000 cas par an, ni les 4 millions, 5,5 millions voir 10 millions de cas. Les coûts culturel, psychique, financier et donc social sont exhorbitants.

Plusieurs guerres civiles, fratricides et sororicides, ont permis de penser à l’après : s’il a été possible de mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud grâce aux Commissions Vérité et réconciliation, si le Rwanda a réussi à dépasser un génocide ayant fait plus de 800.000 morts en quatre mois grâce à des instances de Justice « transitionnelle »[35], nous savons d’ores et déjà que nous avons des outils à notre disposition pour envisager l’éradication d’un fléau qui attaquent nos relations au sein de nos familles et notre communauté humaine. Beaucoup d’autres pays notamment en Amérique latine ou d’Afrique ont expérimenté des modes d’organisation tournés vers l’éradication et la prévention à venir des violences. Le fondement est l’envie profonde d’une reconstruction d’un lien social et d’une capacité à vivre ensemble pour que les horreurs perpétrées ne puissent plus jamais recommencer.

Il suffit simplement d’en faire le choix, reconnaissant que l’inceste et toutes les violences sexuelles sur mineurs sont des crimes d’ampleur intra-sociétaux, leur prévention et éradication doivent être pour tous une priorité. La fin du secret, doit être enfin pensée.

Nous sommes prêts. Des solutions sont prêtes.

Et la plus simple est sous nos yeux : Il suffit  qu’en matière de relations intrafamilliales,  ou relations par nature asymétriques entre un enfant et un adulte, que le principe de « présomption d’innocence » ne soit plus compris comme étant au profit de l’agresseur, mais bien comme celle de la protection de l’enfant. Devant l’évidence, cette inversion de la responsabilité doit cesser non seulement en droit français mais aussi dans tous les esprits pour une société d’humanité.

Edith A., Juriste.


Relecteurs et contributeurs tous précieux,  de tous horizons familiaux, sociaux et professionnels confondus (journaliste, pédiatre en CHU, psychologue, gémologue, fonctionnaire cour des comptes, fonctionnaire ministère du travail, emploi et solidarités, lobbyiste européenne, juriste, professeure, enseignante, éducatrice spécialisée, directrice de théatre…) :

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Vous trouverez ici notre Manifeste.


[1] A noter : le journal Libération (article de Jacques Pezet Novembre 2021)-a vérifié les données mises en avant par Karl Zéro dans son manifeste « 1/5 » directement auprès du Conseil de l’Europe. Ces données sont une compilation d’analyses et d’études nationales diverses. Les taux de prévalence peuvent donc varier d’un pays à l’autre.

https://www.liberation.fr/checknews/dou-vient-lestimation-selon-laquelle-un-enfant-sur-cinq-a-ete-victime-de-violences-sexuelles-20211109_S633ZAV6ZJEGXNR3RGX4GI7RF4

[2] Chantal Zaouche Gaudron, dans Exposés aux violences conjugales, les enfants de l’oubli (2016), pages 15 à 18. Severac N. Les enfants exposés à la violence conjugale. Recherches et pratiques. ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger). 2012.

[3] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[4] https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/memoire-traumatiquevictimologie_impact_violences_sexuelles.pdf (p.279)

[5] Encore des chiffres de 2018 –  https://www.cairn.info/revue-rhizome-2018-3-page-4.htm

[6] Loi  n°2016-297 du 14 mars 016 relative à la protection de l’enfant (cf.https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032205423)

[7] Dorothée Dussy, le Berceau des dominations, 2013, ed. La Discussion

[8]  Alice Miller, «La connaissance interdite. Affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie », ed. Flammarion 1980.

[9] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[10] https://www.franceculture.fr/droit-justice/linceste-au-fil-du-droit-circonstance-aggravante-mais-pas-crime-en-soi

[11] « Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste », Dorothée DUSSY, ed. La Discussion, 2013

[12] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[13] Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°16, novembre 2020

[14] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/

[15] https://www.cdpenfance.fr/communique-de-cdp-enfance/) et (https://www.mediapart.fr/journal/france/080422/violences-intrafamiliales-quatre-associations-a

[16] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/5e-plan-de-lutte-contre-toutes-les-violences-faites-aux-femmes.pdf

[17] https://www.scienceshumaines.com/syndrome-d-alienation-parentale-trente-ans-de-controverses_fr_41770.html ; https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/inceste-en-finir-avec-le-mythe-du-syndrome-d-alienation-parentale

[18] https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html

[19]( https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html)

[20] Felitti, V. J., Anda, R. F., Nordenberg, D., Williamson, D. F., Spitz, A. M., Edwards, V., et al. (1998). The relationship of adult health status to childhood abuse and household dysfunction. American Journal of Preventive Medicine, 14, 245-58. Dans l’article de Muriel Salmona paru dans Rhizome 2018/3-4 (N°69-70), p.4 à 6. « Les traumas des enfants victimes de violences : un problème de santé publique majeur »,

[21] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2012-11/specialmedecin_secretmedical_web.pdf, p.5/32

[22] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : (https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/)

https://www.liberation.fr/societe/police-justice/inceste-lordre-des-medecins-pas-favorable-a-une-obligation-de-signalement-des-medecins-20220331_HDEF4Y25EZHELBQF5QFYQF4P7Y/

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.htm

[23] https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/enfants-maltraites-les-pedopsys-sous-pression

[24] https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.html

[25] https://www.20minutes.fr/societe/3108235-20210824-nord-combat-pere-contre-bizutage-apres-mort-fils

[26] http://www.chansons-paillardes.net/chansons_paillardes/Breviaire-paillardes/Les_Paroles/DigueDuCul.html

(La digue du cul je rencontre une belle(bis), Qui dormait le cul nu la digue la digue, La digue du cul je bande mon arbalète (bis), Et lui fous droit dans l’cul la digue la digue)

[27] Rapport du 5 octobre 2021,  de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. (https://www.ciase.fr/rapport-final/)

[28] https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/03/edouard-durand-la-parole-des-victimes-sera-la-base-de-nos-travaux_6093274_3224.html

[29] Muriel Salmona, 2028, « chapitre 7 : Amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ? » dans Victimologie de Carole Damiani et Roland Coutanceau.  https://www.cairn.info/victimologie–9782100784660-page-71.htm

[30] Conseil de l’Europe Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), 8ème rapport « Systèmes judiciaires européens – Rapport d’évaluation de la CEPEJ – Cycle d’évaluation 2020 (données 2018) ». https://www.coe.int/fr/web/cepej/home/-/asset_publisher/CO8SnxIjXPeD/content/the-cepej-report-containing-the-figures-on-the-efficiency-of-the-functioning-of-judicial-systems-in-europe-has-been-published?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fcepej%2Fhome%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_CO8SnxIjXPeD%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D9

[31] Chiffres du Ministère de l’intérieur de novembre 2021. 

https://mobile.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-infos-pratiques/2022-Infos-pratiques/Signalement-des-violences-sexuelles-et-sexistes/Violences-sexuelles-et-sexistes-les-chiffres-cles

[32] https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-06/2019-rapport_d_enquete_ipsos-web.pdf

[33] https://www.enfantsetviolencesconjugales.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livre-blanc-Enfants-exposes-aux-violences-conjugales.pdf

[34] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[35] ATTENTION : Il ne s’agit pas de Justice restaurative, où la victime se retrouverait en face de son agresseur pour envisager une réparation. Cela est à proscrire car dévastateur pour la victime. Aucune justice ne pourra réparer le traumatisme lié à la violence  faite sur les enfants et encore moins lorsqu’il s’agit d’inceste. Il s’agit d’un autre modèle de Justice qui doit être proposé pour que les violences cessent définitivement. Une Justice collective, une société qui dit ce qui est, pour que cela s’arrête. Une société qui décide vraiment de protéger les enfants.  La Cour d’Assise est le seul endroit aujourd’hui où les victimes peuvent être entendues mais au regard du fléau que représente les violences sur les enfants dont les violences sexuelles avec au premier chef, l’inceste, notre modèle de société ne permet pas que tous les cas y soient traités. Pour preuve, la correctionnalisation des viols sur enfants (et en général) fait partie de la stratégie de nos institutions judiciaires pour qu’un refus réel des violences sur les enfants puisse être considéré comme sérieux. Notre société autorise donc toujours, y compris institutionnellement les viols sur enfants. (cf.

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf: .

« La correctionnalisation des viols (40% des agressions sexuelles jugées au Tribunal Correctionnel sont en fait des
viols) aboutit à des condamnations avec des peines souvent peu importantes, avec du sursis, et des réparations souvent minimes (Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny) »

Le “SAP”, un phénomène pervers par excellence

Le “SAP”, un phénomène pervers par excellence

Par Caroline Bréhat, psychothérapeute et psychanalyste, auteure du roman Les Mal Aimées

Le “SAP” est un phénomène pervers par excellence.

En effet, étymologiquement, “pervers” vient du latin “pervertere” qui signifie “inverser”.

Il est effectivement question, avec cette théorie anti victimaire, d’inversion des culpabilités.

Le parent protecteur (généralement la mère) est considéré comme agresseur tandis que le parent agresseur (généralement le père) est considéré comme protecteur et bienveillant.

Le mécanisme de défense psychanalytique appelé “projection”

Et c’est là que le mécanisme de défense psychanalytique appelé “projection” (ou “identification projective”) prend tout son sens et doit être connu des magistrats et théorisé dans ces situations particulières car le parent agresseur projette sur le parent protecteur sa propre tendance fusionnelle, voire incestuelle ou incestueuse. 

Le Bien est donc stigmatisé, le Mal est glorifié. Exactement comme au Moyen-Âge lorsque les femmes herboristes soignantes étaient considérées comme des diablesses et brûlées au bûcher.

Je pense vraiment qu’il est indispensable de vulgariser cette notion de “projection” auprès des juges pour bien leur faire comprendre la perversité de la fallacieuse théorie anti victimaire appelée  le “SAP”. 

Caroline Brehat, psychothérapeute et psychanalyste


A propos de Caroline Bréhat, voir aussi :

Rencontre avec Caroline bréhat

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants

Profil agresseur dans les violences faites aux enfants

Y-a-t-il un profil type d’agresseur d’enfant ?

Non, car les agressions d’enfants touchent toutes les couches sociales, ainsi que tous les milieux et institutions où vivent les enfants (famille, école, associations sportives, religieuses..)

Mais certains traits peuvent être mis en avant :

Quel est l’âge préféré des agresseurs d’enfants ?

Agressions sexuelles

  • 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans : 8 victimes sur 10 ont moins de 18 ans
  • 51% des violences sexuelles sont subies avant 11 ans : 1 victime sur 2 a moins de 11ans
  • 21% des violences sexuelles sont subies avant 6 ans   : 1 victime sur 5 a moins de 6 ans

(D’après l’enquête de Mémoire Traumatique et Victimologie (IVSEA 2015))

Viols et tentative de viols

  • Près de 60% des viols et tentatives de viols pour les femmes ont été subis avant 18 ans
  • Plus de 70% des viols et tentatives de viols pour les hommes ont été subis avant 18 ans

(Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017)

Les agresseurs d’enfants s’en prennent à des proies très jeune !

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

Les agresseurs étant peu dénoncés ou peu poursuivis, on se basera sur le nombre de victimes.

Suivant les différentes études :

La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) estime que les agressions sexuelles concernent 160.000 enfants par an.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie (enquête IPSOS 2019), les viols et tentatives de viols concerneraient 130.000 filles et 35.000 garçons chaque année.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2014) : 1 filles sur 5, et 1 garçon sur 13, ont subi des viols et agressions sexuelles.

Donc oui beaucoup d’enfants se font agresser sexuellement en France !

Il y a donc un grand nombre d’agresseurs d’enfants en France.

Y a-t-il autant de femmes que d’hommes qui agressent ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 96% des agresseurs sont des hommes.

L’agresseur est-il proche de ses victimes ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 94% des agresseurs sont des proches.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.23) :

  • L’agresseur est un membre de la famille dans 84% des cas pour les femmes, et 64% des cas pour les hommes.
  • L’agresseur vient d’une institution pour 27% des cas pour les hommes.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie et IPSOS 2019 :

  • 44% de ces violences sont incestueuses => près de 1 victime sur 2 d’agression sexuelle et viol dans l’enfance, vit un inceste.

Que savons-nous des agresseurs incestueux ?

D’après la loi, l’agresseur incestueux peut être : l’un des parents, beaux-parents, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes. Le cas des cousin/cousine est particulier car on le retrouve également comme agresseur incestueux mais l’inceste ne sera pas reconnu par la loi car il n’est pas interdit de se marier entre cousins !

Que disent les anciennes victimes devenues adultes ?

Dans l’enquête VIRAGE : les adultes ayant déclarés avoir subi des violences dans l’entourage familial avant 18 ans représentent :

  • 1 femme sur 5, et 1 homme sur 8.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.24), le classement des agresseurs incestueux par ordre décroissant est :

  • Pour les filles : Père, grand-frère/demi-frère, oncle, grand-père, cousin, beau-père.
  • Pour les garçons : grand-frère/demi-frère, père, cousin, oncle, grand-père.

De manière générale, le père est plutôt en bonne position !

Est-ce que des pères de familles peuvent agresser leurs enfants ?

La CIIVISE estime que chaque année, 22000 enfants sont victimes de violences sexuelles commises par le père.

Mes calculs :

Violence sexuelle : 160.000 enfants par an. Violences sexuelles incestueuses : 44% des cas soit 160.000 x 0,44 = 70.400 enfants par an.

Inceste paternel : 22.000 enfants par an.

  • % d’incestes paternels /le total d’incestes : 22 000 x 100 / 70 400 = 31,25% donc environ 1 sur 3
  •  % d’incestes paternels/le total des violences sexuelles sur enfants : 22000×100/160000=13,75% donc environ 1 sur 7

On peut donc conclure que :

  • 1 enfant victime d’agression sexuelle sur 7 subira un inceste paternel
  • 1 enfant victime d’inceste sur 3 subira un inceste paternel

Quand on rencontre ou que l’on vit avec un agresseur, qu’est-ce qu’on risque ?

D’après mémoire Traumatique et Victimologie, avoir subi des violences dans l’enfance (qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles) peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie. On risque beaucoup plus de se suicider, d’avoir des addictions, de faire des dépressions, de subir une grossesse précoce (10% de grossesse en cas de viol de filles), d’avoir une amnésie traumatique, d’avoir des maladies graves.

Seulement 8% des enfants qui ont osé parler ont été éloignés de leur agresseur et donc protégés.

On risque de mourir : d’après Arnaud Gallais (Collectif « Prévenir et Protéger »), un enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents. D’après l’association « mémoire traumatique et victimologie », les violences faites aux enfants représentent le principal risque de suicide et de tentatives de suicide. D’après Dorothée Dussy (anthropologue, directrice de recherche au CNRS) dans son livre Le Berceau des Dominations p.272 273, « Mon enquête permet d’établir que la mort précoce sous toutes ses formes est surreprésentée dans les familles incestueuses ..et (notamment) des morts violentes ».

Les agresseurs ont-ils des stratégies ?

L’agresseur va effectivement utiliser des ressources qui sont maintenant bien connues :

Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) et Aliénation Parentale

Le SAP utilisée comme stratégie de défense

Le  père incestueux, acculé par une révélation publique, va chercher à décrédibiliser la parole de l’enfant et celle du parent protecteur en se faisant passer pour la victime. Il accusera l’enfant de mentir sous l’influence et la suggestion du parent protecteur. L’exemple le plus courant est celui de la mère accusée par le père d’avoir mis en tête de l’enfant une histoire d’abus sexuel pour obtenir sa garde exclusive.

Cette stratégie de contre-attaque s’avère encore malheureusement très efficace.  

L’idée de la mère menteuse et manipulatrice a été théorisée par un pseudo scientifique sous le terme « Syndrôme d’Aliénation Parentale » (SAP) et elle a trouvé depuis beaucoup d’écho dans les salles d’audience. Ce procédé de défense de l’agresseur étant, par ailleurs, largement exploité par les avocats avec succès.

Le SAP est devenu une parade infernale pour museler la parole de la victime et du protecteur, nier les faits et échapper aux sanctions. Pire, elle va permettre à l’agresseur de retourner la situation. Il y aura inversion de la culpabilité !

Aux yeux de la justice, le parent protecteur va devenir fragile et toxique et le parent agresseur va apparaitre équilibré, de confiance, à qui on va souvent finir par donner la garde exclusive de l’enfant !

Étrangement, l’aliénation parentale est pourtant presque toujours infondée.

L’origine du SAP

On parle d’aliénation parentale lorsqu’un des parents influence l’enfant afin de favoriser chez lui son rejet ou sa désaffection à l’égard de l’autre parent. C’est un phénomène marginal dans les affaires de violences intrafamiliales (voir les chiffres dans : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/).

Le pseudo «  Syndrôme d’ Aliénation Parentale » ou SAP,  a été inventé par Gardner, un psychologue américain qui soutenait ouvertement la pédocriminalité, dans ce but : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/

Il gagnait sa vie comme expert psychologue, soutenu par des avocats qui défendaient principalement des pères accusés d’abus sexuels sur leurs enfants. Il était grassement payé à chaque victoire.

Le SAP a longtemps été enseigné à l’Ecole Nationale de la Magistrature par des psychologues disciples de Gardner, d’où sa large diffusion et son influence dans le monde de la justice et du social. Le SAP n’est reconnu par aucune instance scientifique sérieuse (ni le DSM5 aux Etats-Unis, ni l’OMS, ni aucun état, ni le monde de la recherche internationale) et n’a jamais été édité dans une revue scientifique sérieuse (uniquement à compte d’auteur).

Il est donc infondé et souvent utilisé pour décrédibiliser les parents protecteurs d’enfants incestés, au même titre que le syndrome de Münchhausen, le syndrome des faux souvenirs, le complexe d’Œdipe, le référentiel « Outreau », parents souvent injustement accusés d’être manipulateur, toxique, menteur…Il semble qu’il y ait une corrélation très fréquente entre accusation de SAP et les révélations d’inceste ou de violences en général, car sinon, dans les affaires portées à la connaissance des associations de protection des enfants, cette accusation serait utilisée beaucoup plus tôt dans les procédures notamment en matière de violences conjugales.

La Projection

Selon la psychothérapeute et psychanalyste Caroline Bréhat, lorsqu’un homme violent accuse son ex-conjointe « d’aliénation parentale », il importe d’investiguer la situation car les personnalités violentes ont souvent développé des mécanismes de défense archaïques tels que l’identification projective appelée projection. La projection est, selon la psychanalyse, un mécanisme de défense inconscient qui permet de rejeter la faute (craintes ou désirs vécus comme interdits) sur l’autre. Les pères violents, adeptes de ces mécanismes de défense, accusent les femmes d’être fusionnelles et aliénantes parce qu’ils ne peuvent reconnaître consciemment que ce sont eux qui ont un comportement fusionnel et aliénant. Selon   l’American Psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes. »  (http://www.lenfantdabord.org/wp-content/uploads/2011/06/SAP-CRISES-AU-TRIBUNAL-DE-LA-FAMILLE-SILBERG-2013.pdf)

L’emprise

D’après le juge Durand, Ce que cherche l’agresseur (intrafamilial), c’est le pouvoir sur l’autre, c’est créer une emprise. Il ne supporte pas l’autonomie de sa conjointe ou de ses enfants. (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.71)

La psychiatre Marie-France Hirigoyen parle de l’emprise en ces termes :

« L’emprise est un phénomène de violences psychologiques qui s’installent dans le temps… Un brouillage s’opère (car) des choses agréables sont dites, suivies par des choses déplaisantes…La personne sous emprise qui reçoit ces dénigrements va les intégrer, se dire « c’est vrai ». Sur le registre cognitif, ces messages contradictoires ont un effet paralysant sur le cerveau. Ce brouillage entraine la perte de l’esprit critique. Les personnes sous emprise ne savent plus à quel moment réagir. Vulnérables, ça les amène à se laisser soumettre. »

L’Obs 24/11/2017

Une stratégie courante de l’agresseur intrafamilial

(L’agresseur) recherche sa proie. Il l’isole, il crée un climat de tension et de peur. Il inverse la culpabilité. Il impose le silence. Il recherche des alliés. Et finalement il assure son impunité.

Juge Edouard Durand (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.98)

Les agresseurs familiaux font généralement preuve d’une grande habileté à impressionner les administrations, ils sont souvent charmants, et difficiles à démasquer (Faller, 1998)

Le parent maltraitant présumé est (considéré comme) le plus stable et la mère comme la cause des troubles plutôt que comme une femme qui réagit à la détresse de ses enfants. (Phyllis Chesler, 2013)

Le pouvoir de l’agresseur et la possibilité de passage à l’acte criminel sont accentués par la proximité avec l’enfant (Conclusions Intermédiaires de la CIIVISE de mars 2022, p.24). Ce qui explique le fort taux d’inceste.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Muriel Salmona (reprenant les enquêtes : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017), moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

70% des plaintes sont classées sans suite.

Nous pouvons estimer que près de 22.000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles commises par le père. Pourtant en 2020, seules 1697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux ou agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime. En 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. » (le ministère de la justice n’a pas de statistique sur les incestes paternels). « Ces données nous permettent de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très inférieur au nombre de victimes.

CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.5)

D’après une étude américaine (Meier 2019) relayée par la CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.4), transposable en France car nous rencontrons les mêmes problématiques : « Lorsque des accusations de violences sexuelles sur les enfants sont (rap)portées par les mères, elles ne sont reconnues par le juge que dans 15% des cas (Dans 85% des cas, elles ne sont pas reconnues par le juge), et presque jamais quand le père accuse la mère de manipulation (2%). (Dans 98% des cas, elles ne sont pas reconnues si la mère est accusée de manipulation) ». Toutes les études faites sur les potentielles fausses allégations de mères dénonçant des violences sexuelles de la part du père sur leur enfant, montrent qu’elles sont marginales.

Selon Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Pourtant les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares. Une étude conduite aux États-Unis en 2010 les estime à moins de 6 %, une autre de Rumney en 2006 13 les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évalue à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant. »

Enquête Ipsos, 2015

D’après ces chiffres, on peut en conclure que les agresseurs d’enfants sont peu inquiétés en France et encore moins dans le cas d’un inceste.

Est-ce que les enfants sont bien protégés en France ?

Je vous laisse répondre !

Je vous laisse le choix de voir ou de ne pas voir !

Si vous voulez agir : contacter l’association Protéger l’enfant


Autrice : Fleur Delaunay pour Protéger l’enfant en partenariat avec Sous le Regard d’Hestia.

Relecture bienveillante de mes chères fées Caroline Bréhat, Edith, Céline et Aline.


Sources

Agressions sexuelles : (IVSEA 2015) : Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte réalisé par Mémoire traumatique

Viols et tentative de viols : (Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017) :

VIRAGE 2017 : enquête VIolence et RApport de GEnre réalisée par l’INED (Institut National d’Etude Démographique)

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.fr.pdf

p.35 : 53% des femmes et 75,5% des hommes

CSF : Contexte de la sexualité en France

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19113/pop_soc445.fr.pdf

p.1 : 59% des femmes et 67% des hommes

=> en moyenne : 56% des femmes et 71% des hommes

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html

OMS 2014 : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment

L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est un organisme français ayant existé entre 2004 et 2020. Il est chargé de rendre compte des évolutions des phénomènes délinquants et criminels en France ainsi que des réponses pénales qui y sont apportées.

2020 : l’Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont supprimés. Les activités de l’observatoire sont transférées en partie au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI du ministère de l’Intérieur, dépendant de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur – IHEMI, créé en septembre 2020).

Les enquêtes « Cade de Vie et sécurité » étaient produites par le partenariat Insee-ONDRP-SSMSI.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Murielle Salmona qui cite : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017, moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Etat_des_lieux_des_mineurs_victimes_de_violences_sexuelles.pdf p.7