Conseils à connaitre avant de porter plainte contre des violences intrafamiliales

Conseils à connaitre avant de porter plainte contre des violences intrafamiliales

Quand on s’apprête à déposer plainte pour violence intrafamiliale, en plus de s’armer de courage et de patience, il faut arriver le plus préparé possible. Voici quelques conseils pratiques qui vous aideront à gérer au mieux cette situation complexe et très impactante.

1. Rassembler les preuves !

Maitriser son témoignage personnel

La première chose qu’on va vous demander, c’est de raconter votre histoire. Or très souvent, sous les coups de l’émotion, de la peur, de l’emprise, le discours que l’on tient est décousu. Si vous avez la possibilité psychologiquement de bien retracer en amont tous les faits, via un carnet, une frise chronologique, votre mémoire… cela vous servira. Vous pourrez dérouler les événements malheureux de manière dépassionnée plus facilement, ce qui étrangement vous servira par la suite.

Recueillir des témoignages de témoins

Idéalement, il faudrait que les proches puissent témoigner en votre faveur. Cependant, ces derniers ont souvent peur et refusent. Pour obtenir ces précieux témoignages, il faut procéder pas à pas.

Déjà vous pouvez expliquer qu’il existe un secret d’enquête et que l’agresseur ne sera pas alerté de leur déposition. Cela participe dans un premier temps aux faisceaux d’indices qui alimentent l’enquête. Si les forces de l’ordre jugent, grâce à ces témoignages, que l’agresseur doit être mis en examen, alors leurs éléments serviront.

Mais à ce moment, l’agresseur sera remis en cause, ils auront donc fait leur devoir de citoyen et permis la protection de victime. Vous pouvez expliquer aussi que tout peut servir, pas besoin d’être témoin direct. Ils peuvent parler de comportements problématiques, de formes de violences, d’alcoolisme de l’agresseur. Ou du traumatisme des victimes, prise de poids, etc…

Comment recueillir un témoignage ?

Il n’existe pas de format officiel pour témoigner. Un mail, un papier libre, un doc word peuvent faire l’affaire. Une formulation du type : « Je témoigne librement » + une identification : « je suis XXX »+ une signature et la copie de la carte d’identité, cela suffit. Un formulaire CERFA existe aussi.

Faire valider les preuves

Si vous en avez les moyens, n’hésitez pas à faire authentifier les témoignages audio et vidéo par des huissiers. L’huissier fera des retranscriptions écrites plus rapides à consulter par les juges.

Si vous avez des enfants qui veulent témoigner, demandez de l’aide à des spécialistes de l’interrogatoire respectueux, qui suivent des protocoles du type NICHD. C’est important que ces témoignages soient effectués dans de bonnes conditions pour être validés.

2. Accumuler les preuves médicales

C’est le moment de prendre un stylo et de noter toutes les manifestations de votre mal-être et d’ensuite aller demander des lettres aux professionnels qui peuvent certifier vos traumatismes : médicaments, troubles alimentaires, addictions (drogues mais aussi activité très intense comme le sport jusqu’à la douleur), cauchemars, migraines chroniques, crampes, troubles gynécologiques, sexuels, amnésie ou retour de la mémoire, mise en danger, auto mutilation… La liste des psychotraumatismes est très longue et personnelle.

Pour vous aider, et cela est valable pendant tout le processus, n’hésitez pas à tenir un journal, à vous envoyer des mails, à vous enregistrer pour garder l’historique de ce qui vous arrive.

3. Faire deux dépôts de plainte

Il existe deux méthodes pour déposer plainte, qui ont leurs avantages et inconvénients.

Se rendre au commissariat

On y est parfois mal reçu, mais techniquement ils ne peuvent pas refuser de prendre votre plainte. Votre dossier étayé sous le bras, un ami en soutien, vous devriez ressortir avec un n° de procédure, preuve de la plainte.

Écrire au procureur de la république

Et là, deux autres possibilités à exploiter. L’envoi par accusé de réception est important mais n’hésitez pas à doubler en envoyant votre dossier directement par mail au procureur (composez son adresse mail de cette façon : prenom.nom@justice.fr).

Enfin, n’hésitez pas à recontacter le procureur ou ses équipes (sans les harceler) pour être sûr que votre dossier est enregistré.

4. Le choix de l’avocat

Difficile de tomber sur le bon avocat. Pourtant, c’est un élément clef de votre défense. N’hésitez pas à le choisir en suivant des recommandations ou sa réputation (Google est votre ami). Niveau tarif, demandez de la clarté sur ses honoraires (soit payé au temps passé, soit payé au forfait) et gardez en tête que vous pouvez changer de format au fil du temps.

Ayez en tête que vous avez le droit et le devoir de CHANGER d’avocat si celui-ci ne vous convient pas ! Ne restez pas avec un caillou supplémentaire dans votre chaussure à gérer ! Votre avocat doit être expert dans la situation qui vous concerne, il doit être également un bon communiquant pour ne pas vous laisser dans le flou.

Enfin, faites-vous confiance, suivez votre intuition.

5. Et après la plainte ?

Il y aura vraisemblablement un avant et un après cette plainte. A l’annonce de celle-ci, notez les réactions de l’agresseur. Chronologiquement, consignez sous pdf tous ses mails, ses appels (temps, fréquences), ses menaces, ses chantages, ses diffamations. L’entourage également va changer.

Certaines personnes choisiront un camp et n’en bougeront plus, d’autres vont évoluer (et pas toujours dans votre sens si ils croient les propos de l’agresseur). Anticiper cela aide.

Le piratage va peut-être faire son apparition, soit que l’agresseur cherchera à consulter vos activités soit qu’il cherche à détruire les preuves. Dans tous les cas, soyez très prudent, mettez vos comptes en privé, ne publiez plus, utilisez Signal ou Telegram, multipliez les protections (mot de passe solide, identification à 2 facteurs), disques durs dans des coffres…

6. Continuez de collecter les preuves

Au pénal, l’établissement de la preuve est libre, contrairement au droit civil. Rassemblez les éléments qui éclairent votre situation, les indices, les écrits, les aveux, les témoignages, les rapports d’expertise. Il n’y a aucune hiérarchie des preuves, elles seront toutes appréciées au même titre devant le juge, alors n’hésitez pas.

Attention, tout n’est pas permis pour se procurer des preuves, il faut les obtenir de manière loyale, dans le respect de la dignité de la justice et des droits d’autrui. Donc interdits les ruses, les contraintes ou stratagèmes pour faire avouer l’agresseur. Vous pouvez réfléchir à amener la personne à se révéler, à se contredire, mais soyez malin et cohérent. Le danger serait de vous décrédibiliser si on vous accuse de manipulation.

Courage !

On vous croit !


Et vous ? Auriez-vous des conseils à transmettre aux victimes ? N’hésitez pas à les communiquer dans les commentaires. Le partage des bonne pratiques est très utiles.

Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants

Profil agresseur dans les violences faites aux enfants

Y-a-t-il un profil type d’agresseur d’enfant ?

Non, car les agressions d’enfants touchent toutes les couches sociales, ainsi que tous les milieux et institutions où vivent les enfants (famille, école, associations sportives, religieuses..)

Mais certains traits peuvent être mis en avant :

Quel est l’âge préféré des agresseurs d’enfants ?

Agressions sexuelles

  • 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans : 8 victimes sur 10 ont moins de 18 ans
  • 51% des violences sexuelles sont subies avant 11 ans : 1 victime sur 2 a moins de 11ans
  • 21% des violences sexuelles sont subies avant 6 ans   : 1 victime sur 5 a moins de 6 ans

(D’après l’enquête de Mémoire Traumatique et Victimologie (IVSEA 2015))

Viols et tentative de viols

  • Près de 60% des viols et tentatives de viols pour les femmes ont été subis avant 18 ans
  • Plus de 70% des viols et tentatives de viols pour les hommes ont été subis avant 18 ans

(Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017)

Les agresseurs d’enfants s’en prennent à des proies très jeune !

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

Les agresseurs étant peu dénoncés ou peu poursuivis, on se basera sur le nombre de victimes.

Suivant les différentes études :

La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) estime que les agressions sexuelles concernent 160.000 enfants par an.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie (enquête IPSOS 2019), les viols et tentatives de viols concerneraient 130.000 filles et 35.000 garçons chaque année.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2014) : 1 filles sur 5, et 1 garçon sur 13, ont subi des viols et agressions sexuelles.

Donc oui beaucoup d’enfants se font agresser sexuellement en France !

Il y a donc un grand nombre d’agresseurs d’enfants en France.

Y a-t-il autant de femmes que d’hommes qui agressent ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 96% des agresseurs sont des hommes.

L’agresseur est-il proche de ses victimes ?

D’après Mémoire traumatique et Victimologie : 94% des agresseurs sont des proches.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.23) :

  • L’agresseur est un membre de la famille dans 84% des cas pour les femmes, et 64% des cas pour les hommes.
  • L’agresseur vient d’une institution pour 27% des cas pour les hommes.

D’après Mémoire Traumatique et Victimologie et IPSOS 2019 :

  • 44% de ces violences sont incestueuses => près de 1 victime sur 2 d’agression sexuelle et viol dans l’enfance, vit un inceste.

Que savons-nous des agresseurs incestueux ?

D’après la loi, l’agresseur incestueux peut être : l’un des parents, beaux-parents, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes. Le cas des cousin/cousine est particulier car on le retrouve également comme agresseur incestueux mais l’inceste ne sera pas reconnu par la loi car il n’est pas interdit de se marier entre cousins !

Que disent les anciennes victimes devenues adultes ?

Dans l’enquête VIRAGE : les adultes ayant déclarés avoir subi des violences dans l’entourage familial avant 18 ans représentent :

  • 1 femme sur 5, et 1 homme sur 8.

D’après l’enquête de la CIIVISE auprès de plus de 10.000 adultes (conclusions intermédiaires mars 2022 p.24), le classement des agresseurs incestueux par ordre décroissant est :

  • Pour les filles : Père, grand-frère/demi-frère, oncle, grand-père, cousin, beau-père.
  • Pour les garçons : grand-frère/demi-frère, père, cousin, oncle, grand-père.

De manière générale, le père est plutôt en bonne position !

Est-ce que des pères de familles peuvent agresser leurs enfants ?

La CIIVISE estime que chaque année, 22000 enfants sont victimes de violences sexuelles commises par le père.

Mes calculs :

Violence sexuelle : 160.000 enfants par an. Violences sexuelles incestueuses : 44% des cas soit 160.000 x 0,44 = 70.400 enfants par an.

Inceste paternel : 22.000 enfants par an.

  • % d’incestes paternels /le total d’incestes : 22 000 x 100 / 70 400 = 31,25% donc environ 1 sur 3
  •  % d’incestes paternels/le total des violences sexuelles sur enfants : 22000×100/160000=13,75% donc environ 1 sur 7

On peut donc conclure que :

  • 1 enfant victime d’agression sexuelle sur 7 subira un inceste paternel
  • 1 enfant victime d’inceste sur 3 subira un inceste paternel

Quand on rencontre ou que l’on vit avec un agresseur, qu’est-ce qu’on risque ?

D’après mémoire Traumatique et Victimologie, avoir subi des violences dans l’enfance (qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles) peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie. On risque beaucoup plus de se suicider, d’avoir des addictions, de faire des dépressions, de subir une grossesse précoce (10% de grossesse en cas de viol de filles), d’avoir une amnésie traumatique, d’avoir des maladies graves.

Seulement 8% des enfants qui ont osé parler ont été éloignés de leur agresseur et donc protégés.

On risque de mourir : d’après Arnaud Gallais (Collectif « Prévenir et Protéger »), un enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents. D’après l’association « mémoire traumatique et victimologie », les violences faites aux enfants représentent le principal risque de suicide et de tentatives de suicide. D’après Dorothée Dussy (anthropologue, directrice de recherche au CNRS) dans son livre Le Berceau des Dominations p.272 273, « Mon enquête permet d’établir que la mort précoce sous toutes ses formes est surreprésentée dans les familles incestueuses ..et (notamment) des morts violentes ».

Les agresseurs ont-ils des stratégies ?

L’agresseur va effectivement utiliser des ressources qui sont maintenant bien connues :

Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) et Aliénation Parentale

Le SAP utilisée comme stratégie de défense

Le  père incestueux, acculé par une révélation publique, va chercher à décrédibiliser la parole de l’enfant et celle du parent protecteur en se faisant passer pour la victime. Il accusera l’enfant de mentir sous l’influence et la suggestion du parent protecteur. L’exemple le plus courant est celui de la mère accusée par le père d’avoir mis en tête de l’enfant une histoire d’abus sexuel pour obtenir sa garde exclusive.

Cette stratégie de contre-attaque s’avère encore malheureusement très efficace.  

L’idée de la mère menteuse et manipulatrice a été théorisée par un pseudo scientifique sous le terme « Syndrôme d’Aliénation Parentale » (SAP) et elle a trouvé depuis beaucoup d’écho dans les salles d’audience. Ce procédé de défense de l’agresseur étant, par ailleurs, largement exploité par les avocats avec succès.

Le SAP est devenu une parade infernale pour museler la parole de la victime et du protecteur, nier les faits et échapper aux sanctions. Pire, elle va permettre à l’agresseur de retourner la situation. Il y aura inversion de la culpabilité !

Aux yeux de la justice, le parent protecteur va devenir fragile et toxique et le parent agresseur va apparaitre équilibré, de confiance, à qui on va souvent finir par donner la garde exclusive de l’enfant !

Étrangement, l’aliénation parentale est pourtant presque toujours infondée.

L’origine du SAP

On parle d’aliénation parentale lorsqu’un des parents influence l’enfant afin de favoriser chez lui son rejet ou sa désaffection à l’égard de l’autre parent. C’est un phénomène marginal dans les affaires de violences intrafamiliales (voir les chiffres dans : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/).

Le pseudo «  Syndrôme d’ Aliénation Parentale » ou SAP,  a été inventé par Gardner, un psychologue américain qui soutenait ouvertement la pédocriminalité, dans ce but : https://sousleregarddhestia.fr/syndrome-dalienation-parentale-sap/

Il gagnait sa vie comme expert psychologue, soutenu par des avocats qui défendaient principalement des pères accusés d’abus sexuels sur leurs enfants. Il était grassement payé à chaque victoire.

Le SAP a longtemps été enseigné à l’Ecole Nationale de la Magistrature par des psychologues disciples de Gardner, d’où sa large diffusion et son influence dans le monde de la justice et du social. Le SAP n’est reconnu par aucune instance scientifique sérieuse (ni le DSM5 aux Etats-Unis, ni l’OMS, ni aucun état, ni le monde de la recherche internationale) et n’a jamais été édité dans une revue scientifique sérieuse (uniquement à compte d’auteur).

Il est donc infondé et souvent utilisé pour décrédibiliser les parents protecteurs d’enfants incestés, au même titre que le syndrome de Münchhausen, le syndrome des faux souvenirs, le complexe d’Œdipe, le référentiel « Outreau », parents souvent injustement accusés d’être manipulateur, toxique, menteur…Il semble qu’il y ait une corrélation très fréquente entre accusation de SAP et les révélations d’inceste ou de violences en général, car sinon, dans les affaires portées à la connaissance des associations de protection des enfants, cette accusation serait utilisée beaucoup plus tôt dans les procédures notamment en matière de violences conjugales.

La Projection

Selon la psychothérapeute et psychanalyste Caroline Bréhat, lorsqu’un homme violent accuse son ex-conjointe « d’aliénation parentale », il importe d’investiguer la situation car les personnalités violentes ont souvent développé des mécanismes de défense archaïques tels que l’identification projective appelée projection. La projection est, selon la psychanalyse, un mécanisme de défense inconscient qui permet de rejeter la faute (craintes ou désirs vécus comme interdits) sur l’autre. Les pères violents, adeptes de ces mécanismes de défense, accusent les femmes d’être fusionnelles et aliénantes parce qu’ils ne peuvent reconnaître consciemment que ce sont eux qui ont un comportement fusionnel et aliénant. Selon   l’American Psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes. »  (http://www.lenfantdabord.org/wp-content/uploads/2011/06/SAP-CRISES-AU-TRIBUNAL-DE-LA-FAMILLE-SILBERG-2013.pdf)

L’emprise

D’après le juge Durand, Ce que cherche l’agresseur (intrafamilial), c’est le pouvoir sur l’autre, c’est créer une emprise. Il ne supporte pas l’autonomie de sa conjointe ou de ses enfants. (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.71)

La psychiatre Marie-France Hirigoyen parle de l’emprise en ces termes :

« L’emprise est un phénomène de violences psychologiques qui s’installent dans le temps… Un brouillage s’opère (car) des choses agréables sont dites, suivies par des choses déplaisantes…La personne sous emprise qui reçoit ces dénigrements va les intégrer, se dire « c’est vrai ». Sur le registre cognitif, ces messages contradictoires ont un effet paralysant sur le cerveau. Ce brouillage entraine la perte de l’esprit critique. Les personnes sous emprise ne savent plus à quel moment réagir. Vulnérables, ça les amène à se laisser soumettre. »

L’Obs 24/11/2017

Une stratégie courante de l’agresseur intrafamilial

(L’agresseur) recherche sa proie. Il l’isole, il crée un climat de tension et de peur. Il inverse la culpabilité. Il impose le silence. Il recherche des alliés. Et finalement il assure son impunité.

Juge Edouard Durand (« Défendre les enfants », Ed. Seuil, p.98)

Les agresseurs familiaux font généralement preuve d’une grande habileté à impressionner les administrations, ils sont souvent charmants, et difficiles à démasquer (Faller, 1998)

Le parent maltraitant présumé est (considéré comme) le plus stable et la mère comme la cause des troubles plutôt que comme une femme qui réagit à la détresse de ses enfants. (Phyllis Chesler, 2013)

Le pouvoir de l’agresseur et la possibilité de passage à l’acte criminel sont accentués par la proximité avec l’enfant (Conclusions Intermédiaires de la CIIVISE de mars 2022, p.24). Ce qui explique le fort taux d’inceste.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Muriel Salmona (reprenant les enquêtes : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017), moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

70% des plaintes sont classées sans suite.

Nous pouvons estimer que près de 22.000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles commises par le père. Pourtant en 2020, seules 1697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux ou agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime. En 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. » (le ministère de la justice n’a pas de statistique sur les incestes paternels). « Ces données nous permettent de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très inférieur au nombre de victimes.

CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.5)

D’après une étude américaine (Meier 2019) relayée par la CIIVISE (avis de la Ciivise du 27/10/21 p.4), transposable en France car nous rencontrons les mêmes problématiques : « Lorsque des accusations de violences sexuelles sur les enfants sont (rap)portées par les mères, elles ne sont reconnues par le juge que dans 15% des cas (Dans 85% des cas, elles ne sont pas reconnues par le juge), et presque jamais quand le père accuse la mère de manipulation (2%). (Dans 98% des cas, elles ne sont pas reconnues si la mère est accusée de manipulation) ». Toutes les études faites sur les potentielles fausses allégations de mères dénonçant des violences sexuelles de la part du père sur leur enfant, montrent qu’elles sont marginales.

Selon Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Pourtant les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares. Une étude conduite aux États-Unis en 2010 les estime à moins de 6 %, une autre de Rumney en 2006 13 les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évalue à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant. »

Enquête Ipsos, 2015

D’après ces chiffres, on peut en conclure que les agresseurs d’enfants sont peu inquiétés en France et encore moins dans le cas d’un inceste.

Est-ce que les enfants sont bien protégés en France ?

Je vous laisse répondre !

Je vous laisse le choix de voir ou de ne pas voir !

Si vous voulez agir : contacter l’association Protéger l’enfant


Autrice : Fleur Delaunay pour Protéger l’enfant en partenariat avec Sous le Regard d’Hestia.

Relecture bienveillante de mes chères fées Caroline Bréhat, Edith, Céline et Aline.


Sources

Agressions sexuelles : (IVSEA 2015) : Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte réalisé par Mémoire traumatique

Viols et tentative de viols : (Enquêtes CSF, 2008 et Virage 2017) :

VIRAGE 2017 : enquête VIolence et RApport de GEnre réalisée par l’INED (Institut National d’Etude Démographique)

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.fr.pdf

p.35 : 53% des femmes et 75,5% des hommes

CSF : Contexte de la sexualité en France

https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19113/pop_soc445.fr.pdf

p.1 : 59% des femmes et 67% des hommes

=> en moyenne : 56% des femmes et 71% des hommes

Y a-t-il beaucoup d’agresseurs d’enfants ?

https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html

OMS 2014 : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment

L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est un organisme français ayant existé entre 2004 et 2020. Il est chargé de rendre compte des évolutions des phénomènes délinquants et criminels en France ainsi que des réponses pénales qui y sont apportées.

2020 : l’Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont supprimés. Les activités de l’observatoire sont transférées en partie au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI du ministère de l’Intérieur, dépendant de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur – IHEMI, créé en septembre 2020).

Les enquêtes « Cade de Vie et sécurité » étaient produites par le partenariat Insee-ONDRP-SSMSI.

Est-ce que les agresseurs sont inquiétés par la justice ?

D’après Murielle Salmona qui cite : CSF, 2008, ONDRP, 2016, Infostat justice, 2016, Virage, 2017, moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes (pour les adultes on est proche de 10%).

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Etat_des_lieux_des_mineurs_victimes_de_violences_sexuelles.pdf p.7

Lettre de Anne, ancienne enfant victime d’inceste, lue durant la réunion de la CIIVISE le 16 mai 2022

Lettre de Anne, ancienne enfant victime d’inceste

Chers membres de la Ciivise, cher auditoire,

J’ai assisté à la réunion parisienne de février, sans prendre la parole. Je suis restée profondément bouleversée de découvrir qu’encore aujourd’hui, les enfants victimes d’inceste ne sont pas protégés. Les mères seront nombreuses dans cette assemblée.

J’ai, depuis le début de l’année lu tous les ouvrages traitant d’inceste,

de Dorothée Dussy à Levi Strauss, en passant par Bruno Clavier, Muriel Salmona, Françoise Héritier… J’ai regardé et lu tous les documentaires, à ce sujet. J’ai écouté et réécouté l’ensemble des podcasts pour comprendre, analyser. Les sujets d’actualité : PPDA, Sarah Abitbol, le rapport Sauvadet… J’ai tout écouté, analysé… pour essayer de comprendre ma propre histoire.

Tout s’est passé en plusieurs étapes pour moi, de l’amnésie traumatique, en passant par l’angoisse, les difficultés relationnelles. Tout s’est accéléré en 2018. Je serai brève. J’ai été victime, avec ma sœur jumelle d’inceste et plusieurs hommes de ma famille en sont les auteurs, principalement mon père. Ensuite, un frère, un oncle, un cousin de mon père.

J’ai découvert les ateliers d’escrime thérapeutique conduit par l’association « Stop aux violences sexuelles » en septembre 2021.

Cet été là, j’apprenais que ma nièce, la fille de mon frère, âgée de 4 ans, avait été victime d’agressions sexuelles de la part des 3 garçons qui sont accompagnés par mon frère et ma belle-sœur dans le cadre de leur agrément obtenu pour être famille d’accueil. L’été dernier je l’ai regardé et puis dans ma tête, je me suis dit « ça y’est c’est ton tour ». Et puis non, j’ai voulu que cela cesse.

Quelques coups de sabre ont changé ma vie. J’ai parlé début avril 2022 à ma famille, j’ai écrit une longue lettre qui leur est adressée, j’ai contacté votre commission et j’ai pu m’entretenir avec elle. J’ai parlé à chacun d’entre d’eux en relatant les faits.

Et puis ? Après cette parole, pas grand-chose, ma famille nie et/ou relativise, entretient un certain chantage affectif. Mon père s’est comporté comme un salopard, il faut et il faudra bien le dire, sous-entendant que l’inceste aurait eu lieu entre ma sœur et moi. Il a sous-entendu cela, ce week-end après plusieurs semaines de silence.

Ajouter de la confusion à l’agression, en permanence, il a menacé de se suicider pour me faire taire. 3 jours plus tard il m’a dit qu’il avait dit ça comme ça. J’ai demandé à ma mère s’ils avaient toujours envie de se suicider. Finalement, non.

Il me faut encore supporter cela. Ma colère est immense. La libération de la parole, la résilience sont des grandes arnaques à mon sens. Une parole qui se libère et qui retombe comme un caillou que l’on fait ricocher sur la surface plane d’une eau limpide et qui tombe à l’eau. C’est un désastre. Cela me donne l’image d’un charnier. Un charnier avec des victimes vivantes qui se débattent avec leurs paroles et en surplomb, les agresseurs, la société, la justice et l’État qui nous regardent nous débattre, nos paroles se mêlent et puis rien.

J’ai lu vos conclusions intermédiaires et c’est insuffisant. Depuis que j’ai parlé je m’interroge sur tout ce qui m’entoure.

Pourquoi voler une banane dans un commerce fait courir plus de risque judiciaire à un citoyen qu’une fellation imposée par un adulte à un enfant ?

Pourquoi est-on si facilement puni lorsqu’on resquille dans le métro et pourquoi est-il si facile d’allumer internet, de lancer YouPorn et d’y voir allègrement des images de violences sexuelles, qui prônent la domination, la culture du viol et la pédocriminalité ?

D’où nous viennent toutes ces images qui circulent en masse alimentant une certaine excitation. Mais de quoi s’agit-il réellement ?

J’ai parlé de confusion. C’est bien cela, ce qui me met en colère dans l’inaction de notre gouvernement et de la justice. Ajouter de la confusion au traumatisme dans une société qui ne légifère pas, qui ne punit pas, ne soigne pas, c’est accroitre le traumatisme !

Donc, je suis en colère. J’ai commencé à réfléchir à ce que contenait cette confusion, au-delà du seul fait de me « transformer » en victime. Cette confusion de mon enfance est celle qui perdure aujourd’hui alors que la parole des victimes et des femmes se libèrent.

Cette confusion rend encore possible aujourd’hui le fait qu’un enfant reste en contact avec son agresseur, cette confusion rend possible les féminicides, cette confusion rend possible de nommer, à des hautes fonctions d’État, des hommes contre lesquels il y a eu des accusations de violences sexuelles. Cette confusion permet que PPDA puisse porter plainte contre 16 femmes.

Cette confusion relève de notre responsabilité collective.

Cette confusion permet le déni de ma parole, de notre parole, maltraite les victimes. Nous épuise jusqu’au sang. Que se passera-t-il après vos conclusions si cette confusion est permise ?

J’ai peiné à terminer sur une note positive. L’idée de résilience elle aussi m’est devenue insupportable. Il est hors de question de soutenir une société dans laquelle serait reliée, par la confusion, la fabrique des victimes résilientes, les auteurs des agressions et les indifférents.

En revanche, les mots, les paroles comptent, et la lumière je la vois non plus dans la libération de la parole mais dans l’invention d’un autre monde, d’autres récits. La justice je l’attends désespérément. J’ai demandé à ma mère que je ne voulais pas de son héritage mais un dédommagement financier.

Depuis que j’ai parlé je me réjouis de lire et d’entendre des paroles alternatives. Cher Juge Edouard Durand je vous remercie pour votre parole lumineuse. Sur cette question que vous posé et que j’ai posé à ma famille sur le seuil de violence que nous tolérons dans notre société. J’ai fixé ma limite.

Anne C.

Rapport CIIVISE : résumé et préconisations supplémentaires

Rapport Commission Inceste (CIIVISE) du 31 mars 2022 : résumé et préconisations supplémentaires ...de la part de l’association Protéger l’enfant et l’association Sous le regard d’Hestia

Nous remercions chaleureusement la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) d’avoir, une fois de plus, posé les enjeux liés à la protection de l’enfance de manière claire, précise et agissante.


AXE 1 : Le repérage des enfants victimes

1. Constat de la CIIVISE : Les violences sexuelles ne sont pas l’apanage d’un groupe social particulier, il n’y a pas de profil type de l’agresseur. Le repérage systématique en posant la question de l’existence de violences sexuelles est demandée car la pratique du repérage par signe est insuffisante. Le questionnement systématique est recommandé par la Haute Autorité de Santé (HAS).

La révélation sans protection est une mise en danger supplémentaire

  • Préconisation CIIVISE 1 : Organiser le repérage systématique des violences sexuelles de tous les enfants, par tou.te.s les professionnel.le.s.
  • Complément de préconisation des associations Protéger l’enfant et Sous le regard d’Hestia : Si le nombre d’enfants victime est aussi élevé, il faut considérer que les agresseurs sont bien potentiellement partout. Afin d’assurer un repérage efficace, il est demandé à ce que soit utiliser le protocole d’audition des enfants NICHD (National Institute of Child Health and Human Development- Institut national pour la santé des enfants et le développement humain) pour les professionnels et le protocole CALLIOPE pour les enfants (importé du Québec par Alexis Danan de Bretagne).

2. Constat de la CIIVISE : L’existence de l’outil de formation Eliza utilisé par les formateurs de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) est capital. Il s’agit d’un outil officiel gouvernemental pour former les agents publics.

  • Préconisation CIIVISE 2 : Organiser le repérage systématique des violences sexuelles dans l’enfance auprès de tous les adultes par tous les professionnels.
  • Complément de préconisation : Ce repérage ne pourra être organisé que si tous les professionnels sont (vraiment) formés. Par exemple : les mères qui dénoncent des violences sexuelles sur leurs enfants, et qui par ailleurs indiquent avoir elles- mêmes été victimes dans leur enfance de ce même type d’agression auprès des services sociaux, vont souvent être stigmatisées comme faisant reporter le mal être de cette situation sur leur enfant. Les services sociaux ou psychologues auront tendance à considérer que la mère se projette sur l’enfant, même si cette dernière a suivi à titre personnel un parcours de prise en charge psychologique.

3. Constat de la CIIVISE : Le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) ou 119 répond principalement aux enfants en danger et aux adultes proches (famille, voisinage) mais aussi aux professionnels.

  • Préconisation CIIVISE 3 : Créer une cellule de conseil et de soutien pour les professionnel.le.s destinataires des révélations de violences sexuelles de la part d’enfants.
  • Complément de préconisation : Il est proposé que soit mis en place une formation pratique visant à effectuer les signalements ou informations préoccupantes à chaque fois qu’ils sont confrontés à un soupçon d’agression sexuelle.

4. Constat de la CIIVISE : Le médecin a une faculté de signalement qui est trop rarement utilisée car d’après la Haute autorité de santé (HAS) les signalements des médecins représentent moins de 5% des signalements (2014).

  • Préconisation CIIVISE 4 : Clarifier l’obligation de signalement des enfants victimes de violences sexuelles par les médecins.

5. Constat de la CIIVISE : Un parent agresseur peut porter plainte auprès du conseil départemental de l’ordre des médecins contre le médecin qui aura réalisé le signalement.

  • Préconisation CIIVISE 5 : Suspendre les poursuites disciplinaires à l’encontre des médecins protecteurs qui effectuent des signalements pendant la durée de l’enquête pénale pour violences sexuelles contre un enfant.

Complément de préconisation : La grande majorité des procédures concernant les violences sexuelles sur enfant se terminent par des classements sans suite. Donc cela ne protège le médecin qu’un temps, le temps de l’enquête pénale, mais après ? Il est donc simplement proposé que tout signalement par un médecin ne puisse jamais faire l’objet d’une poursuite disciplinaire dans le cas de violences sexuelles sur mineur. C’est comme si toutes les personnes et professionnels de tout ordre qui faisaient des signalements au titre de l’information préoccupante via les CRIP pouvaient être dénoncés d’un point de vue disciplinaire. (CRIP – cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes). L’asymétrie de risques de mise en cause des médecins par rapport à toutes les autres personnes pouvant faire des signalements est à questionner.


AXE 2 : Le traitement judiciaire des violences sexuelles

6. Constat de la CIIVISE : Le traitement judiciaire des violences sexuelles faites aux enfants est l’un des aspects principaux des revendications des victimes. Pour limiter l’impact anxiogène des traitements judiciaires, il est important de maîtriser les délais de décision et d’adapter le vocabulaire employé auprès des victimes (ex « classement sans suite » ou ordonnance de « non-lieu » signifie une absence de poursuite pénale et non que les faits n’ont pas eu lieu.)

  • Complément de constat par les associations Protéger l’enfant et Sous le regard d’Hestia : Pour rappel : « Le croisement des enquêtes Contexte de la sexualité en France et Cadre de vie et sécurité nous permet d’estimer que, en France, chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles », indique la Ciivise. 70% des 160 000 plaintes sont classées sans suite. Il reste 30% = 48 000. Sur ces 48 000 il y a 1,64% de condamnations : 790. Donc sur 160000 plaintes, il y a 30% x 1,64% = 0,5% de condamnations. Propos d’Ernestine Ronai lors de la conférence de la CIIVISE  d’octobre 2021 à Paris.
  • Préconisation CIIVISE 6 : Garantir que toutes audition d’un enfant victime au cours de l’enquête sera réalisée conformément au protocole NICHD par un.e policier.e ou gendarme spécialement formé.e et habilité.e.
  • Complément de préconisation : Le principe de précaution contenu dans le principe de droit qui indique que « le Pénal tient le civil en l’Etat », doit être appliqué dans le cadre précis de la protection de l’enfant. Au regard des dysfonctionnements liés à la gestion des procédures et du parcours de protection dans son ensemble, nous demandons à ce que, les mesures conservatoires de suspension de droit de visite et d’hébergement soit systématiquement prononcées, le temps de l’enquête. Au regard de la spécificité et de l’asymétrie des rapports entre un enfant et un adulte, au regard des mécanismes d’amnésie traumatiques, il parait raisonnable, qu’au même titre que la garde à vue effectuée dans tout autre cas de suspicion de délits ou de crime, cette bonne pratique puisse être mise en place. Il s’agirait à ce titre, sans aucun coût pour la société, simplement de donner un signal fort à toute la population française. Il faudrait désormais que le continuum de prise en charge de ces violences par des professionnels, des parents qui signalent, en passant par la Police ainsi que tout le système judiciaire, décide de considérer l’intérêt et la protection des enfants avant celui de l’agresseur supposé.

7. Constat de la CIIVISE : Pour protéger les petites victimes, il faut que soit organisée une prise en charge globale et pluridisciplinaire (médicale, médico-légale, sociale et judiciaire)

  • Préconisation CIIVISE 7  : Déployer sur l’ensemble du territoire national des unités d’accueil et d’écoute pédiatrique, à raison d’une UAPED (unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger) par département conformément au second plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2020/2022, ainsi que les salles Mélanie, à raison d’une salle d’audition par compagnie dans les zones de gendarmerie.

8. Constat de la CIIVISE : Le nombre d’experts judiciaires (psychiatre, pédopsychiatre, psychologue, pédiatre) inscrits sur les listes des cours d’appel est nettement insuffisant. Notons la création du diplôme universitaire Expertise légale en pédopsychiatrie et psychologie de l’enfant sous la direction du Pr Mamzer (Laboratoire de Médecine légale Université de Paris), coordonné par les Dr Jean Marc Ben Kemoun et Maurice Berger.

  • Préconisation CIIVISE 8 : assurer la réalisation des expertises psychologiques et pédopsychiatriques par des praticien.ne.s formé.e.s et spécialisé.e.s.
  • Complément de préconisation  Incorporer dans le programme universitaire de base des psychologues et psychiatres, la psychotraumatologie, victimologie enfant/adulte car il manque d’experts en général. Au-delà de toute la connaissance et formations liées aux causes et conséquences des violences (y compris les violences éducatives ordinaires), une formation à la parentalité positive doit être enseignée à tous les professionnels. Il y a de grandes chances que la reconnaissance des violences ou son impossibilité à la reconnaitre par les professionnels en raison de leur histoire personnelle soit un obstacle au traitement de la violence faite aux enfants dans son ensemble. (préconisation 18)

9. Constat de la CIIVISE : La France est le 2ème pays hébergeur de pédopornographie en Europe et le quatrième dans le monde. Le fichier Fijais répertorie les auteurs d’infractions sexuelles et violentes. La France manque de moyens humains et matériels pour une lutte efficace (1 enquêteur pour 2,2 millions de personnes/ GB : 1 enquêteur pour 200000 personnes/Pays Bas : 1/100000).

  • Préconisation CIIVISE 9  : Doter les services de police judiciaire spécialisés dans la cyber-pédocriminalité des moyens humains et matériels nécessaires.

10. Constat de la CIIVISE : Article 706-52 code procédure pénale : l’audition d’un mineur victime de violences sexuelles doit faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel. Cela réduit le nombre d’audition et permet de donner des éléments d’appréciation difficilement retranscrits par écrit (émotions, expressions non-verbales, mouvements, silences), permet d’observer éventuellement la peur, la sidération voir la régression (quand il s’agit d’un adulte qui redevient l’enfant aux moments des faits) et l’âge de la victime (délais de procédures longs). La CIIVISE recommande de doter les forces de police et de gendarmerie d’un logiciel de retranscription.

  • Préconisation CIIVISE 10 : Systématiser le visionnage par les magistrat.e.s des enregistrements des auditions des enfants victimes de violences sexuelles.
  • Complément de préconisation  Ils ne sont pas assez nombreux et n’ont donc pas le temps. Il faut donc former plus de magistrats. Il est  primordial que les magistrats voient ces petites victimes. Cela ne peut qu’augmenter le potentiel empathique et donc favoriser leur protection.  Quand les enfants sont petits, ils n’ont pas forcément les mots et dans des procédures écrites tel que c’est la tradition dans le monde judiciaire, il est clair que les enfants sont profondément désavantagés par rapport à des adultes. Voir et apprendre à lire des comportements des enfants devrait être une obligation professionnelle pour les Juges.

11. Constat de la CIIVISE : 70% des plaintes déposées pour violences sexuelles infligées aux enfants font l’objet d’un classement sans suite, le plus souvent au motif que l’infraction est insuffisamment caractérisée. La CIIVISE a demandé et obtenu qu’une mission d’évaluation soit réalisée afin d’analyser les causes de ce taux important de classements sans suite pour renforcer la chaine de protection. L’absence de poursuites pénales peut être interprétée comme une défiance à l’égard de la parole de la victime, comme une incapacité des institutions à la protéger ou comme la consécration de l’impunité de l’agresseur.

  • Préconisation CIIVISE 11 : Systématiser la notification verbale des classements sans suite à la victime par le procureur de la République.
  • Complément de préconisation  Idem que pour la préconisation 10 : devoir rendre des comptes verbalement est plus impliquant pour un procureur ou son représentant et permettra peut-être de limiter les classements sans suite hâtifs.

12. Constat de la CIIVISE : Mise en évidence du déficit de reconnaissance de la place de la victime dans la procédure pénale : La partie civile ne peut faire appel que sur la partie de la décision relative à l’action civile (dommages et intérêts) et non sur la partie de la décision relative à l’action publique (pénal, culpabilité et peine).

  • Préconisation CIIVISE 12 : Permettre à la partie civile de faire appel des décisions pénales sur l’action publique.

13. Constat de la CIIVISE : Article D47-11-3 du code de procédure pénale : lorsqu’un parent mis en cause pour non présentation d’enfant allègue que l’enfant est victime de violences par l’autre parent, le procureur de la République doit faire vérifier ces allégations avant toute poursuite pour non-représentation d’enfant.

  • Préconisation CIIVISE 13 : Prévoir, dans la loi, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant.
  • Préconisation CIIVISE 14 : Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violence sexuelles incestueuses contre son enfant.
  • Complément de préconisation : Il faut absolument prévoir dans la loi également le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violence sur l’autre parent.  Il s’agit d’aller bien au délà du décret du 23 novembre 2021 qui reconnait l’enfant co-victime des violences conjugales et ne lui permet seulement que de se constituer partie civile. Quand on est un enfant, victime par exposition à la violence conjugale, que la société lui demande de faire à son tour des procédures, est une violence institutionnelle de plus. La protection de l’enfant doit être automatique quand il y a violence sur l’autre parent.

De plus, il faut envisager des modalités de prise en charge de l’agresseur :

  • Obligation d’un suivi psychologique avec vérification du suivi par la justice (par exemple : vérification une fois par an jusqu’à la majorité des enfants victimes)
  • Constituer une liste des agresseurs (utiliser Fijais / www.coabuse.com), qui continueront à travailler et qui seront obligés de souscrire à un fond d’aide aux victimes (enfants et parents protecteurs). 

AXE 3 : La réparation par le soin et l’indemnisation

14. Constat de la CIIVISE : Conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance : Troubles durables de la personnalité ou du développement, préjudice scolaire, sexuel, professionnel

  • Symptômes : conduites d’évitement (lieu, personne, activité), cauchemars et difficultés pour s’endormir, hyperactivité, irritabilité, signes de souffrance physique sans cause organique, état de dissociation cognitive, corporelle et émotionnelle. Symptômes qui deviennent chroniques s’ils ne sont pas traités. Autrement dit, si les enfants ne reçoivent pas de soins immédiatement après la première révélation des violences, ils risquent de développer des symptômes et pathologies chroniques lourdes.
  • Impact : ½ font des tentatives de suicide et ½ font des dépressions à répétition, ½ à 1/3 présentent des conduites addictives, conduites à risque et mises en danger, et des troubles alimentaires.
  • Pathologies somatiques : diabète, troubles cardio-vasculaires, immunitaires, endocriniens, digestifs (colopathies, anisme).
  • Risques : IST (infection sexuellement transmissible) et grossesse sur viol.
  • Mémoire Traumatique : la réminiscence, les intrusions, les flashbacks des violences subies, font revivre sans cesse ces violences comme si elles étaient en train de se reproduire, obligeant les victimes à recourir à des conduites d’évitement et/ou dissociantes à risque pour éviter ou anesthésier ce trauma.

15. Constat de la CIIVISE : Il y a un nombre insuffisant de psychologues ou de pédopsychiatres et la spécialisation en psychotrauma des praticien.ne.s doit être mieux organisée et vérifiée. Il n’est pas envisageable de prodiguer utilement des soins à un enfant victime encore contraint de rencontrer son agresseur. La France est signataire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui prévoit « la mise en place de centres d’aide d’urgence pour les victimes de viol et de violences sexuelles, appropriées, facilement accessible et en nombre suffisant. (art 25) »

  • Préconisation  CIIVISE 15 : Garantir des soins spécialisés en psychotrauma aux enfants victimes de violences sexuelles et aux adultes qu’ils deviennent.
  • Complément de préconisation :
  • Où peut-on trouver ce type de centre ? En suisse pour la protection en urgence des familles subissant de la violence intrafamilialle, existe des « maisons protégées » où les familles peuvent vivre de manière cachée, le temps de la prise en charge judiciaire.
  • Il est aussi important d’apporter tout le soutien en matière de parentalité positive aux parents ayant extraits leurs enfants de violences mais qui continuent d’en subir les effets et conséquences. Il faut pouvoir apprendre aux parents à comprendre les comportements de leur enfant pour mieux les accueillir et les entourer pour qu’ils puissent apprendre à grandir dans un environnement sécure. Ayant été abusé par un adulte proche ou non, l’enfant n’aura plus de repères ni externes ni internes. Il faut aider aussi les parents / ou le parent protecteur à retisser un lien et aider l’enfant à retrouver des repères internes et externes. Cela s’apprend (méthode de la communication non violente est très efficace cf.Mme Filliozat, Mme Gueguen). 

16. Préconisation CIIVISE 16 : Garantir une réparation indemnitaire prenant réellement en compte la gravité du préjudice en :

Remboursant l’intégrité des frais du médecin conseil.

Complément constat : aujourd’hui, les frais sont à la charge de la victime.

-> Réparant le préjudice sous forme de provision pendant la minorité de la victime avec réévaluation à l’âge adulte.

Complément constat : Les conséquences sur la vie d’adulte sont difficiles à évaluer quand la victime est enfant.

-> Créant des chambres spécialisées sur intérêt civil en matière de violences sexuelles et une commission d’indemnisation dédiées aux violences sexuelles ; -> Reconnaissant un préjudice intrafamilial spécifique en cas d’inceste.

Complément constat : division et déni familial, perte de confiance dans les structures protectrices telles que famille ou société en général ; perte de confiance en soi-même, impossibilité à vivre avec la disparition des repères internes et externes.

-> Reconnaissant de façon plus juste le préjudice sexuel.

Complément constat : Dans les témoignages rendus à la CIIVISE, 9 personnes sur 10 indiquent que les violences sexuelles ont eu un impact sur leur vie affective et sexuelle.


AXE 4 : La prévention des violences sexuelles

17 . Constat de la CIIVISE : Pour mobiliser la société toute entière, il sera nécessaire de réaliser une grande campagne nationale de prévention. Les violences sexuelles imposées à l’enfant est une récusation de celui-ci comme sujet, une chosification de l’enfant qui devient un objet de jouissance pour son agresseur. L’agresseur, souvent dépositaire d’une autorité, exerce des violences sexuelles dans un rapport asymétrique de domination qui rend difficile à l’enfant de s’opposer à l’adulte ou au plus grand.

Il faut apprendre à l’enfant à connaître le registre de l’intimité (corporelle, affective, émotionnelle). Il faut respecter sa pudeur dans le cadre scolaire et des activités sportives spécifiquement (attention à l’organisation des vestiaires). Le respect de l’intimité conduira l’enfant à approfondir les enjeux de la périnatalité ou des contextes incestueux.

  • Préconisation CIIVISE 17 : Former les professionnel.le.s en contact avec les enfants au respect de l’intimité corporelle de l’enfant.

Complément de préconisation : Il faut absolument apprendre à un enfant à dire non à l’adulte. Il faut également former tous les professionnels mais aussi les parents à mettre fin aux violences éducatives ordinaires, terreau des dominations et soumissions des enfants. Ces soumissions ordinaires sont propices à ce que l’enfant ne sache pas dire non lorsqu’un adulte lui impose des choses qu’il ne souhaite pas faire. (ex : forcer un enfant à faire un bisou à un adulte, ne lui apprend pas à dire non, lorsque son père, oncle ou cousin incesteur lui demande de faire la même chose). Les violences éducatives ordinaires soumettant les enfants, sont un avantage pour les agresseurs souhaitant abuser sexuellement des enfants.

18. Préconisation CIIVISE 18 : Renforcer la formation initiale et continue de tou.te.s les professionnel.le.s concerné.e.s sur la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles, avec un module spécifique validé dans les diplômes.

  • Complément de préconisation : La formation doit comprendre la formation à la prévention aux violences éducatives ordinaires et aux rapports de dominations qui en sont la principale cause.

19.  Constat de la CIIVISE

  1. « Quand on te fait du mal » : brochure de prévention pour les enfants de maternelle, jusqu’au CE1 de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, distribuée gratuitement et disponible en ligne.
  2. « Le Loup » : album écrit par Mai Lan Chapiron pour briser le tabou de l’inceste et aborder la problématique des violences sexuelles faites aux enfants.
  • Préconisation CIIVISE 19 : Assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle et garantir un contenu d’information adapté au développement des enfants selon les stades d’âge.
  • Complément de préconisation : La formation aux violences éducatives ordinaires et à la parentalité positive sont des formations qui devraient être proposées gratuitement pour tous les parents.

20. Constat de la CIIVISE : Des campagnes existent, mais sont mal distribuées faute de moyens :

  1. Association Innocence en danger : en 2015, « Lui ne peut pas parler, vous, vous pouvez »
  2. Face à l’inceste : en Janvier 2021, sur les insuffisances du cadre légal en matière de lutte contre l’inceste.
  3. Colosse aux pieds d’argile : septembre 2019, prévention contre les violences sexuelles faites aux enfants dans le milieu du sport.
  4. Pouvoirs publics :Campagnes nationales de 2002 : « Se taire, c’est laisser faire »
  5. Pouvoirs publics et 2022 : sensibilisation de la prostitution des mineur.e.s
  • Préconisation CIIVISE 20 : Organiser une grande campagne nationale sur les violences sexuelles faites aux enfants afin de faire connaître leurs manifestations et leurs conséquences sur les victimes, de faire connaître les recours possibles pour les victimes, de mobiliser les témoins en rappelant que ce sont des actes interdits par la loi et sanctionnés par le Code pénal.
  • Complément de préconisation :
  1. Mettre en avant les associations d’aide aux adultes subissant des attirances sexuelles envers les enfants (pedoHelp) pour empêcher le passage à l’acte.
  2. Mettre en avant les associations d’appui à la parentalité positive (ex : Communication non violente, Montessori…)
  3. Publier et distribuer des flyers donnant les chiffres des violences sexuelles faites aux enfants, comment les reconnaître (signes, parole de l’enfant) et comment réagir.
  4. Faire une information systématique ciblée pour les professionnels de l’enfance (social, psy…).(Nous travaillons actuellement sur un flyer dont nous pourrons vous soumettre le contenu bientôt)
  5. Proposer des formations en ligne gratuites et en accès libre pour tous les parents sur les violences éducatives ordinaires et sur la parentalité positive comme alternative.

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

On le sait, on le vit, le droit français est patriarcal. C’est le cas de nombreux autres pays, cependant certains ont entrepris une mutation plus profonde et plus rapide, comme actuellement l’Espagne en matière de gestion des violences intrafamiliales. Les résultats sont là, indéniables.

Grâce à cette loi espagnole, en moins de 20 ans, l’Espagne a fait baisser les féminicides de 24% !

Le mouvement a commencé en 2004 avec la publication d’une loi spécifique contre les violences de genre ainsi qu’avec la création de tribunaux spéciaux, dédiés à ces violences.

Mais ce qui a fait tout accélérer, c’est une histoire sordide. En 2016, un groupe de 5 hommes (dont deux militaires) violent une femme de 18 ans, filment la scène, la publient sur WhatsApp et abandonnent leur victime à moitié nue dans la rue.

En 2018, la justice espagnole rend un verdict incompréhensible et laxiste : le viol en réunion n’est pas retenu et les 5 hommes sont condamnés à  9 ans d’emprisonnement pour « abus sexuels ». Les espagnols hurlent au scandale, manifestent et demandent à la Justice de rendre des comptes.

En 2019, le Tribunal suprême revient sur la décision de ce procès et condamne les auteurs à 15 ans de prison ferme. La plus haute instance judiciaire espagnole devient juste sans inégalité de traitement entre homme et femmes mettant fin ainsi à une pratique exorbitante en faveur des agresseurs plutôt que de celles/ceux qui dénoncent les violences..

A partir de là, tout est requestionné : différence entre abus sexuel et agression sexuelle, montant de l’indemnisation des victimes, obligation de formations des intervenants, semaine de cours théoriques puis pratiques auprès d’associations expertes pour les juges… Les réflexions ont lieu à un niveau national et local… Le système est revu de fond en comble et régulièrement actualisé.

En Espagne la violence domestique englobe toutes les formes de violence :

  • la violence physique,
  • la violence psychologique (dévalorisation, menaces, humiliations, vexations, exigence d’obéissance ou de soumission, insultes, isolement, atteinte à la liberté),
  • la violence sexuelle (tout acte de nature sexuelle non consenti),
  • la violence économique (privation intentionnée de ressources, impossibilité d’accéder à une indépendance financière).

Avoir des tribunaux dédiés à ces formes de violence et des gens formés change tout. Les intervenants sont capables de reconnaitre l’emprise, la sidération, les violences coercitives… Ils savent appréhender les dommages invisibles des victimes. En développant un arsenal complet, le nombre de condamnations est 2 fois plus élevé et le nombre d’ordonnances de protection délivrées à des victimes est 17 fois plus important qu’en France.

L’Espagne s’est dotée de dispositifs spécialisés qui aident à évaluer et prévenir les féminicides. En plus des ordonnances de protection, des bracelets anti-rapprochement et des téléphones d’urgence/grave danger (qui existent aussi en France), l’Espagne dispose du système VioGén. Il s’agit d’une plateforme qui recense tous les cas de violences conjugales rapportés à la police. Un formulaire d’évaluation du danger permet d’enclencher les mesures de protection adaptées et le risque est réévalué régulièrement. La police, la justice et les services d’accompagnement peuvent assurer un suivi continu, partagé et avec des critères communs.

Grâce à la loi espagnole, 56 000 femmes et leurs enfants sont aujourd’hui protégées par le système VioGén, 400 d’entre elles dans une situation à haut risque. Le système VioGén et d’autres dispositifs de protection semblent avoir contribué à un meilleure prévention des féminicides.

Depuis septembre 2021, deux lois majeures sont entrées en vigueur, dont on aimerait vivement que la France s’inspire (rapidement…)

 1 – Suspension automatique des droits de visite dans le cas où un des parents fait l’objet de poursuites ou de condamnations pour violences conjugales ou exercées sur ses enfants.

La nouveauté de cet article tient au caractère systématique de la suppression du droit de visite du parent s’il fait l’objet de poursuites pour violences, mais aussi s’il existe des indices de violence sexistes, même en l’absence de poursuites pénales. Cette solution garantit une meilleure protection pour la victime et ses enfants.

Il est certes toujours possible pour le juge de rétablir le droit de visite pour le parent auteur de violences, mais sa décision doit être motivée par l’intérêt supérieur de l’enfant.

2 – Amélioration de la protection des mineurs  qui doivent être entendus et écoutés au cours de toutes les procédures administratives ou judiciaires. Les informations doivent leur être données de manière compréhensibles par eux.

La loi espagnole prévoit également la mise en place des mesures nécessaires pour empêcher que des approches théoriques ou des critères sans aval scientifique qui présupposent la manipulation d’un adulte sur l’enfant, comme le syndrome d’aliénation parentale, puissent être prises en considération.

L’accord du père auteur de violences sexistes ne sera pas nécessaires pour démarrer un suivi psychologique de l’enfant, si la femme est reconnue victime de violences par une institution accréditée, même en l’absence de procédure pénale engagée.

Pour résumer, grâce à cette loi espagnole, l’Espagne possède actuellement les cadres législatifs, administratifs et budgétaires les plus renforcés au monde.

Pourtant, toujours mobilisée, l’Espagne travaille actuellement à d’autres lois encore plus protectrices comme une loi qui inversera la charge de la preuve.

Il reviendra alors au présumé agresseur de prouver le consentement et non plus à la victime de prouver son refus. Des groupes de travail militent également pour étendre le cadre des violences conjugales aux situations de harcèlement de rue, au travail, aux prostituées, aux femmes trans.

Il ne faudrait pas croire pour autant que ces lois ont été votées facilement. L’Espagne a connu des va-et-vient au niveau de leur mise en œuvre, de la priorisation politique et le budget alloué. Encore aujourd’hui, rien n’est joué. Ces changements juridiques et sociétaux sont très combattus par les partis de droite.

La France est à la traine et les victimes ne sont pas secourues. S’inspirer de cette politique et de cette loi espagnole, efficace, semble la piste la plus intelligente pour leur venir en aide et prévenir d’autres comportements toxiques.

En France, le centre Hubertine Auclert pour l’égalité femmes homme a listé 10 préconisations  pour mieux lutter contre les violences intrafamiliales, que l’on peut regrouper en trois grands domaines :

  1.  Renforcer le cadre législatif, administratif et budgétaire ;
  2. Renforcer les dispositifs de protection des victimes et de prévention des féminicides ;
  3. Renforcer les droits sociaux et une prise en charge des victimes.

Les marges de progrès sont immenses pour lutter contre les risques de reproductions des violences conjugales faites principalement aux femmes et aux enfants.

Développons en France des campagnes gouvernementales digitales via les réseaux sociaux pour s’adresser aux professionnels, aux victimes, aux proches.

Engageons une grande réflexion en France sur l’ensemble des mises en place possibles, sur le modèle de la loi espagnole, pour que cessent enfin ces violences. Nous avons proposé des pistes de réflexion.

« Aujourd’hui, le système capitaliste est poussé à l’extrême. On a une situation sociale toujours plus précarisée, une extrême droite qui banalise les violences : le contexte social ne peut que favoriser les violences envers les femmes. La meilleure formule pour lutter contre elles, c’est une politique sociale globale. Ensuite, on pourra parler de stratégie envers les violences conjugales. »

Laia Serra, avocate pénaliste catalane

Nous rajoutons que l’inverse est également vrai : en traitant le phénomène de violences conjugales, en élaborant une stratégie, on bâtit une politique sociale non pas de manière descendante et prescriptive (gouvernement législateur vers population), mais de manière ascendante : de la population vers nos autorités. Et nous touchons à tout le système social dont droits, libertés fondamentales, précarité économique, place des sans ressources dans ce système, des questions de genre…

Voici l’histoire d’Adèle, mère en lutte…

Voici l'histoire d'Adèle, mère en lutte.... pour protéger ses 3 enfants contre leur père violent, incesteur et… militaire

…pour protéger ses 3 enfants contre leur père violent, incesteur et… militaire

Adèle rencontre Damien, qui est militaire, et tombe très vite enceinte ; c’est ce qui enclenche la décision de créer une famille ensemble. Salomé nait début 2010. Adèle constate rapidement de nombreux dysfonctionnements familiaux chez Damien. Et puis Damien est souvent en déplacement, alors elle prend sur elle. La vie continue, ils accueillent un nouvel enfant, Jacques.

Mais finalement 3 années de relation suffisent pour que la situation devienne étouffante. Damien devient menaçant. Les violences psychologiques s’installent et explosent à n’importe quel moment. Aux violences s’ajoutent un autre malaise.

Alors qu’elle s’apprête à accueillir leur troisième enfant, Adèle observe que sa fille Salomé se comporte étrangement. A moins de 4 ans, l’enfant essaie de glisser sa langue dans la bouche de sa maman pour faire des bisous…

Adèle soupçonne son mari de regarder des vidéos pornos devant Salomé. En analysant de plus près l’historique de l’ordi de son mari, elle tombe de haut. Non seulement le temps de visionnage est impressionnant mais surtout il s’agit de recherches de type pédopornographiques.

Suite à cette révélation qui a lieu au retour de la maternité, Adèle, déterminée à protéger ses enfants, décide de se séparer de Damien.

Quand elle l’annonce à ce dernier, il répond :

Tu es la seule femme que je n’ai pas réussi à briser.

Damien négocie immédiatement pour obtenir ce qu’il veut. Il est d’accord pour un divorce à l’amiable s’il peut rester gratuitement dans l’appartement avec eux le temps de trouver un appartement de fonction et si Adèle ne demande pas de pension alimentaire.

Il est décidé que les enfants résideront principalement chez leur mère.

Adèle veut bien tout accepter pour peu que le comportement de sa fille redevienne celui d’une petite fille de son âge. Pourtant, malgré la séparation, les choses n’évoluent pas en ce sens. Adèle se rend compte que ses enfants ont beaucoup de mal à gérer leurs émotions et semblent perpétuellement en colère. Ainsi, un jour où leur père les dépose chez elle, ils attendent, le visage tout blanc et quand le père repart, Salomé met son poing dans sa bouche et se met à crier.

Et puis un jour, Adèle surprend sa fille en train de faire un acte sexuel à son petit frère de 2 ans. Elle lui demande de cesser et Salomé répond : « Est-ce qu’il faut arrêter avec papa aussi ? », et elle parle à Adèle d’autres actes sexuels qu’elle a fait avec son papa. Adèle réalise avec horreur que ce n’est pas « juste » un souci de papa qui regarde du porno devant ses enfants. Un médecin lui conseille de se rendre à l’hôpital.

A l’hôpital on lui recommande de laisser les enfants aller chez lui pour ne pas que ça se retourne contre elle. Puis, ayant constaté la violence et l’hypersexualité de Salomé, l’hôpital porte plainte contre le père.

L’avocat d’Adèle conseille de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) qui ordonne en mars une expertise psychiatrique, une enquête sociale, et des visites médiatisées.

Adèle est convoquée par la brigade des mineurs qui l’intimide et qui lui ordonne de se remettre avec son ex-conjoint militaire ! La brigadière est agressive. Elle finit par classer l’affaire soi-disant parce que la mère ne porte pas plainte (la plainte figure pourtant dans le dossier…)  alors même  que l’hypersexualité et la violence ont été constatés. Malgré la recommandation du défenseur des droits et le rapport de l’hôpital, lors de l’audience, le fait que la plainte soit classée sans suite joue en faveur du père, à qui on accorde un droit de visite classique.

Damien devient membre de SOS papa et devient très offensif : désormais, il souhaite avoir la résidence dans un autre pays en Europe où il a déménagé. Il accuse Adèle d’être une femme mensongère, folle et manipulatrice. Du coup, le JAF en déduit que s’il n’y a plus de preuves, il n’y a pas de problème ! Les enfants peuvent partir toutes les vacances chez leur père.

Le JAF suspend son jugement le temps d’avoir un rapport psychiatrique. Le père demande au juge des enfants (JDE) d’intervenir en évoquant le syndrome d’aliénation parentale. Ce dernier accepte de mettre en place une mesure judiciaire d’investigation éducative.

En parallèle, le père menace le pédo-psychiatre qui a  effectué 4 signalements de le poursuivre auprès de l’ordre des médecins. Dans le cadre de la mesure d’investigation par le JDE, les professionnels font un signalement accablant contre le père et attestent des traumas des enfants.

Le juge ordonne des visites médiatisées et demande des compléments d’investigations concernant le père.

Mais tout bascule lorsque le père contracte les services du médiatique et controversé Dr Paul Bensussan qui fait un rapport à charge contre Adèle, sans la voir, et sans voir les enfants.

Le JAF ne fera désormais référence qu’à ce rapport et ignorera les signalements et le jugement de protection du JDE. Coup de grâce, il transfère la garde totale des enfants à Damien, à l’étranger ! Adèle fait appel immédiatement, mais le mois suivant la justice confirme le jugement. Adèle part également à l’étranger.

Là-bas, le juge permet que les enfants voient leur mère un week-end sur 2 et réclame une enquête sociale. Celle-ci atteste que la mère est « normale » et le père très agressif. De son côté, Damien met en place la procédure abandon de famille : il essaye de détruire Adèle financièrement.

Damien continue de maltraiter ses enfants qui racontent la violence, l’hystérie, les cris… Damien ne soigne pas l’otite de Salomé qui perd une grande partie de son audition.

En juillet 2019, Adèle redemande la garde alternée. L’audience de février 2020 est reportée suite au Covid mais comme le JDE  continue de recevoir des signalements, il rouvre le dossier et demande un test psychologique.

Damien annonce alors son déménagement Outre-mer. Le JAF néglige le fait qu’il y a une investigation en cours chez le JDE et l’autorise à partir au bout du monde avec les enfants. Il accorde à Adèle 3 visites dans l’année. Elle s’envole donc en vacances avec les enfants l’été 2020, dans son pays natal. Mais Damien demande au JAF une interprétation du jugement en vue de supprimer les vacances de la mère, ce que le JAF valide… alors qu’Adèle est DEJA en vacances avec ses enfants !

Adèle essaie d’engager une protection depuis son pays natal, mais le père déclenche une procédure pour enlèvement international d’enfant, relatif à la Convention de La Haye. Cette convention place la mère protectrice dans la position du parent ravisseur présumé COUPABLE, et le père comme le parent victime. Aussi lorsqu’elle rentre en France avec ses enfants, elle est immédiatement mise en garde à vue pour enlèvement d’enfants, et ces derniers sont placés dans un foyer.

Les professionnels du foyer notent leurs inquiétudes pour les enfants qui révèlent les violences de la part de leur père. Ils  demandent que les enfants restent placés. Mais le JDE autorise le père à partir avec ses enfants Outre-mer (!) et demande juste une Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) en plus de la  mesure judiciaire d’investigation éducative déjà ordonnée  plus tôt dans l’année.

Le père continue ses actions d’éradication de la mère et demande que tout contact entre des enfants et Adèle soit interdit.

Adèle n’a pas vu ni parlé avec ses enfants depuis presque 2 ans.

Les enfants pleurent et demandent des nouvelles : les services sociaux leur disent que leur maman les a abandonnés (c’est écrit dans le rapport). Ses lettres sont lues par les services sociaux aux enfants, ils n’ont pas le droit de lire eux même les lettres.

En janvier, horreur, Adèle est condamnée à 1 an de prison ferme exécutoire !

Sans aménagement de peine !

Elle s’attend à tout moment que la police vienne la transférer dans un centre de détention.

Adèle n’a JAMAIS été présentée comme une personne représentant un danger pour ses enfants, elle est une mère aimable, stimulante, stable et rassurante pour des enfants.

Il est déjà très compliqué de protéger un enfant  maltraité en France, il semble que ce soit presque impossible si les violences viennent d’un militaire. Dans ce dossier, ont été ignorés 22 signalements et de multiples plaintes durant 8 ans.

Il y a quelques semaines, un juge qui vendait sa fille sur les sites pédocriminels a été condamné à un an de prison…

Quel est le crime d’Adèle pour mériter cela ?

#JusticePourAdèle

Vous pouvez retrouver ici une interview d’Adèle dans Le Figaro.

Adèle est loin d’être un cas isolé, c’est pourquoi nous avions interpellé les candidats à la présidentiel. Désormais M. Macron vous avez été élu, félicitation, mais que comptez-vous faire à présent pour Adèle et toutes les mères dans sa situation ?

Des réformes sont urgentes, nous attendons une grande loi cadre sur le modèle de la loi espagnole.

Lettre ouverte aux candidats a l’élection présidentielle

Lettre ouverte aux candidats a l’élection présidentielle

En tant que candidats à l’élection présidentielle, nous vous adressons cette lettre ouverte pour vous signaler un problème majeur et urgent de protection de l’enfance.

Aujourd’hui, seulement 8 à 10% des 160 000 victimes d’agressions sexuelles sont protégées chaque année : voilà ce que révélait le 31 mars dernier, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). Si la CIIVISE s’intéresse aux violences sexuelles, les conclusions peuvent se généraliser à l’ensemble des formes de maltraitances : violences physiques ou morales. Dans ses conclusions intermédiaires, la commission démontre aussi que la parole de ces victimes n’est pas suffisamment prise en compte. Les adultes protecteurs, parents comme professionnels, se heurtent quant à eux très souvent à un mur d’attaques virulentes de la part du Conseil de l’Ordre des médecins et de l’institution judiciaire, dispositifs pourtant chargés de la protection de l’enfance.

Lorsqu’il s’agit des parents, ces adultes qui ont souhaité intervenir pour protéger leur(s) enfant(s) peuvent perdre la garde, parfois leur emploi en raison de procédures trop prenantes, leur santé se détériore, et ils peuvent même être incarcérés pour non-représentation ou verser des pénalités financières extrêmement élevées. Or, plusieurs études sérieuses ont établi que le nombre de plaintes intentionnellement fausses s’élèverait à moins de 4% (Trocmé et Bala 2005).

Derrière ce paradoxe préjudiciable, apparaît l’endoctrinement de nombreux professionnels par l’introduction des prosélytes du SAP (syndrome d’aliénation parentale), concept refusé par toutes les instances scientifiques internationales, OMS, DSM 5, et par le Parlement européen. Ce concept stipule que lorsque les femmes demandent la séparation de leur couple, elles deviennent manipulatrices, procédurières et revanchardes. Au cours des dernières années, nous avons pu constater que cette théorie a peu à peu été adoptée par certains magistrats et par certains experts au raisonnement clinique insuffisant, ceci au détriment d’une analyse précise de chaque situation. 

Des exemples concrets !

Comme le démontre la CIIVISE et les milliers de témoignages qu’elle a récoltée, le résultat a été dévastateur pour des dizaines de milliers d’enfants maltraités. Certains dossiers récents, comme celui de l’affaire « Adèle » (https://www.lefigaro.fr/actualite-france/adele-mere-protectrice-susceptible-d-etre-arretee-d-une-minute-a-l-autre-20220406), sont inclus dans la requête adressée au Conseil national de l’Ordre des médecins et au parquet général de la cour d’appel de Versailles du 8 avril 2022, requête envoyée par quatre associations spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles. 

Nous pouvons également citer plusieurs cas récents qui impliquent des sanctions de professionnels. Celui de la pédopsychiatre Eugénie Izard, par exemple, condamnée en décembre 2020 par le Conseil national de l’Ordre des médecins à une suspension d’activité après avoir signalé des maltraitances sur une enfant. L’affaire est allée jusqu’au Conseil d’Etat en 2022. Autre cas plus récent : celui de la pédopsychiatre Françoise Fericelli, également condamnée par le Conseil national de l’Ordre des médecins en 2021 après avoir signalé en 2016 une suspicion de maltraitance physique, psychologique et sexuelle sur un patient mineur issu d’une fratrie de trois enfants. Depuis, l’un de ces trois enfants s’est suicidé.

Nous rappelons que les enfants ne peuvent pas se protéger seuls contre les agressions sexuelles, en particulier l’inceste qui implique toujours un niveau élevé d’emprise. Il est donc extrêmement préoccupant d’apprendre que les seules personnes qui peuvent les assister peuvent être souvent attaquées voire mises à l’écart par les dispositifs décrits ci-dessus. Or, nous considérons que ce sujet précis doit faire partie de vos priorités et que des déclarations générales sur la protection de l’enfance ne peuvent pas suffire, car il a une importance primordiale pour la construction de notre société.

Chers candidats à la Présidence de la République, 

Nous vous demandons donc de corriger ces dysfonctionnements au plus vite. En tant que candidats à la présidence de la République, vous pouvez, vous devez agir : la protection de l’enfance ne peut se permettre d’attendre une autre élection présidentielle pour protéger ces victimes !

1) Nous demandons que chaque fois que les termes « syndrome d’aliénation parentale », « aliénation parentale » ou « tout autre terme entraînant la même confusion » sont utilisés par un juge ou par un expert, une contre-expertise soit systématiquement effectuée, et que la décision finale soit prise de façon collégiale. Une telle révision devrait aussi être effectuée pour les situations identiques déjà jugées.

2) Nous demandons que le Conseil de l’Ordre des médecins ne puisse plus exercer de sanction disciplinaire pour immixtion dans la vie familiale contre les médecins auteurs de certificats médicaux dans de tels contextes. Comme le souligne la CIIVISE, la crainte de ces sanctions participe au faible taux de signalements effectués par les médecins. 

Pouvez-vous nous indiquer quelles actions vous comptez entreprendre en urgence si vous êtes élus pour que les enfants actuellement maltraités puissent être enfin protégés, en particulier dans les cas extrêmes où, dans un contexte de séparation conjugale, mères et enfants sont injustement séparés, à partir d’une argumentation extrêmement insuffisante. 

Citations 

Monsieur le candidat Emmanuel Macron 

Lors de votre unique meeting de campagne que vous avez tenu à Nanterre (Hauts-de-Seine) le samedi 2 avril 2022 devant plus de 30 000 personnes, vous avez déclaré que la protection des enfants sera la grande cause nationale du prochain quinquennat, et que vous souhaitez en particulier les protéger du harcèlement dont ils sont trop souvent victimes. Vous avez aussi affirmé votre volonté de lutter contre l’inceste : « Je veux protéger nos enfants de tous ceux qui, dans les silences trop souvent tenus, ont commis le pire et continuent d’abuser d’eux. »

Cette promesse fait suite à la publication d’une vidéo le samedi 23 janvier 2021 sur les réseaux sociaux où vous vous êtes adressé aux victimes de violences sexuelles faites aux enfants : « On est là. On vous écoute. On vous croit. Et vous ne serez plus jamais seuls »  marteliez-vous alors. «  C’est aujourd’hui à nous d’agir. Il nous faut adapter notre droit pour mieux protéger les enfants victimes d’inceste et de violences sexuelles. » Vous aviez précisé qu’une consultation menée par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti et le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles Adrien Taquet « devrait déboucher rapidement sur des propositions.»

Madame la candidate Marine le Pen

Lors d’un interview avec le journaliste Karl Zero le 25 mars 2022, vous avez expliqué que les violences faites aux enfants sont « un sujet qui a énormément de mal à faire sa place dans le débat public et notamment dans le débat présidentiel. C’est un sujet qui est considéré par l’opinion publique comme touchant, en quelques sortes, à une forme d’intime et pour lequel les gens ont du mal à se saisir des propositions qui peuvent être faites. » Concernant le syndrome d’aliénation parentale, vous expliquiez qu’ « il ne peut pas y avoir un syndrome qui soit « posé sur la table », sans valeur juridique, sans valeur scientifique. Il ne peut y avoir qu’une évaluation par le magistrat et par une commission d’experts des conditions dans lequel la parole de l’enfant est reconnue ». 

Vous rajoutiez qu’ « il y a une sorte de réticence de la société comme si les professionnels de l’enfance (…) considéraient qu’ils touchaient à l’intime du foyer alors qu’ils touchent à la protection de l’enfant, ce n’est pas du tout la même chose. Il y a une forme de réticence, de pudeur, à entrer dans le cercle familial pour protéger un enfant ou l’enlever de son cercle familial quand c’est nécessaire de le faire. Il faut vraiment qu’on fasse de cela, je crois, une cause nationale parce que c’est ça en réalité. »

Signataires :
Innocence en Danger
CDP Enfance
REPPEA
Protéger l’enfant
Peau d’Âme

Des chercheuses de l’Université d’Oxford cherchent des femmes victimes de violences conjugales

Des chercheuses de l'Université d'Oxford cherchent des femmes victimes de violences conjugales

Des chercheuses de l’Université d’Oxford dirigent un projet de recherche sur les expériences des femmes victimes de violence domestique devant le système des tribunaux de la famille. Ils recherchent des femmes de plus de 18 ans qui ont été victimes de violence conjugale et qui ont fait des demandes de garde et de droit de visite, pour prendre part à un groupe de discussion. Leur procédure judiciaire doit être terminée.

Si vous voulez en savoir plus, veuillez suivre ce lien :

https://oxford.onlinesurveys.ac.uk/justicefamiliale

Université d'Oxford recherche des femmes victimes de violences conjugales

Des chercheurs de l’Université d’Oxford ont besoin de volontaires pour participer à des focus groups (groupes de discussion) sur les expériences vécues par les victimes de violences conjugales lorsqu’elles sont confrontées au système de justice familiale.

La chercheuse principale de ce projet est Mme la professeur Shazia Choudhry de la Faculté de Droit de l’Université d’Oxford. L’objectif de ce projet de recherche est d’en savoir plus sur les expériences des femmes victimes de violences conjugales devant la justice familiale.

Les informations recueillies dans le cadre de cette recherche nous aideront à mieux comprendre les domaines où les activités des tribunaux pourraient être améliorées. Le développement de meilleures pratiques peut rendre les tribunaux de la famille plus sûrs pour les victimes de violences conjugales.

Nous demandons aux participants à la recherche de parler seulement de leurs expériences des procédures judiciaires qui sont terminées. Nous ne vous poserons pas de questions sur les enquêtes judiciaires en cours/actuels.


Nous recherchons des femmes de plus de 18 ans qui ont été victimes de violences conjugales et qui ont fait l’objet de demandes de garde et d’accès à des enfants.

Vous êtes invité à remplir une courte enquête de présélection en ligne à partir de laquelle un échantillon aléatoire de participants sera sélectionné pour participer au groupe de discussion. Ce focus group prendrait environ 60 à 90 minutes de votre temps. Nous vous poserons également des questions sur vos expériences avec des avocats, des juges et sur le comportement d’autres professionnels de la justice. Vos frais de déplacement vous seront remboursés.

Il n’y a aucune obligation de participer, cependant, si vous souhaitez participer, veuillez remplir l’enquête de sélection au lien suivant : https://oxford.onlinesurveys.ac.uk/justicefamiliale

Si vous êtes intéressé et souhaitez plus d’informations, veuillez contacter le Dr Arantxa Gutierrez à arantxa.gutierrez@law.ox.ac.uk


Pour en savoir plus sur les dysfonctionnements en matière judiciaire concernant les droits de garde et de visite, nous vous invitons à lire l’article de Maitre Serge Losappio :

Les obstacles à la prise en compte par la Justice de la voix de l’enfant victime d’un de ses parents

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Livre "Mauvais père" : l'importance de la plaidoirie de Caroline Bréhat

de Caroline Bréhat

La publication de cet extrait tiré de Mauvais Père, mon témoignage sur le faux syndrome appelé « SAP » publié par Les Arènes en 2016, vise à démontrer qu’une plaidoirie qui intègre des éléments « psy » (en présentant le fonctionnement pathologique et les mécanismes de défense propres à ces personnalités) peut aussi porter ses fruits en sensibilisant les juges à la dangerosité du parent aliénant/agresseur.

C’est en effet grâce à cette plaidoirie que la Cour d’appel de Rennes a très exceptionnellement décidé qu’il fallait protéger ma fille Gwendolyn du parent agresseur (le vrai parent aliénant) en empêchant son retour aux Etats-Unis.


Extrait de Mauvais père de Caroline Bréhat

Nous avions, après de longs débats, décidé d’un changement radical de tactique. Quand le combat est manifestement perdu, il faut changer 3 choses : le terrain, c’est ce que j’avais fait en quittant New York ; mais aussi, les règles du jeu, et les armes. Les juges aux affaires familiales détestent les accusations trop virulentes, mais nous possédions la matière pour les appuyer. Nous étions bien décidés à dessiller leurs yeux et leur démontrer que la personnalité psychotique de Julian interdisait absolument tout retour de Gwendolyn auprès de lui.

Palais des ducs de Bretagne, Rennes, 17 mars. Les trois juges d’appel, le président, et ses deux conseillers, étaient assis en face de moi sur une estrade. Derrière eux, des boiseries somptueuses représentaient des scènes du VIIème siècle. Les magistrats attendaient impassibles que tout le monde prenne place. Deux étudiantes en droit prirent place aussi silencieusement que possible dans notre dos. Les trois juges en robe de velours, capés de leurs mantilles d’hermine si solennelles, ne quittaient pas les protagonistes des yeux, ils semblaient étudier chacune de nos expressions. Le président se démarquait par sa prestance et ses traits aristocratiques. Il m’impressionnait : tremblante, sans doute recroquevillée, j’étais écrasée d’anxiété devant ce demi-dieu qui tenait ma vie et celle de Gwendolyn entre ses mains.
[..]

Je connaissais la plaidoirie de Maître Tollides par cœur. Nous avions passé des jours, des nuits à peser chaque phrase, chaque terme, chaque concept. Nous avions tiré les leçons de la première instance et, cette fois-ci, nous étions bien plus préparés, plus offensifs. Nous y avions intégré le fruit de nos analyses « psy » sur Julian : sa violence, ses projections, sa folie, sa paranoïa. Tout s’était soudain éclairci dans mon esprit, et la plaidoirie de maître Tollides avait été rédigée pour sensibiliser les juges d’appel à la dangerosité de Julian.
Tarnec écoutait l’argumentation de mon avocat, tête baissée. A ses côtés, Julian, dont le coude était posé sur le dossier de sa chaise, était fébrile. Il ne cessait de s’agiter. Maître Tollides continuait de rappeler l’historique de l’affaire. Sa voix portait et sa déclamation spontanée et élégante captait l’attention de l’audience.

Madame Bréhat a toujours eu le souhait que son enfant s’épanouisse lors des périodes passées en son domicile, mais également lors des séjours chez son père. Elle n’a toutefois pu que constater que sa fille manifestait de plus en plus de troubles lorsqu’elle devait se rendre chez M. Jones, exprimant des craintes de plus en plus fortes, ce sentiment de peur s’accompagnant notamment de crises de tremblements. L’enfant faisait part à sa mère d’épisodes de plus en plus violents à son retour. Malgré cela, Mme Bréhat a toujours respecté les termes des décisions rendues, tentant d’apaiser l’enfant, de la convaincre. Les craintes de Mme Bréhat ont redoublé lorsque la thérapeute de l’enfant lui a fait part des pensées suicidaires de Gwendolyn, provoquées par les périodes passées en compagnie de son père et de la seconde épouse de celui-ci. Lors de son séjour en France, en été, elle a décidé de suivre les conseils du docteur Richt, et de consulter une psychologue, afin d’avoir un second avis. Madame Roufignac, dont les conclusions seront également évoquées ci-dessous, a confirmé le bien fondé des craintes éprouvées par la concluante. L’experte a considéré devoir également faire immédiatement un signalement au Parquet. Rappelons que les experts, psychologues et médecins français sont soumis à un code de déontologie strict, et qu’ils peuvent être sanctionnés, professionnellement et pénalement, en cas de faux signalement ou de certificat de complaisance. M. Jones n’hésite pourtant pas à mettre systématiquement en doute les rapports et certificats produits ainsi que la compétence de leurs auteurs…

C’est ainsi que le retour de Gwendolyn a été ordonné, mais au domicile de sa mère. Cette décision ne peut être exécutée, Mme Bréhat n’ayant plus de domicile à New York. Le premier juge, lorsqu’elle évoque une « réalité souvent plus contrastée » quant au parent désigné comme seul responsable par l’autre, et inversement, s’appuie sans aucun doute sur sa longue expérience des conflits parentaux. Mme Bréhat entend pourtant démontrer que le cas d’espèce est extrêmement complexe, qu’il sort du commun et doit être jugé comme tel.
L’auditoire de maître Tollides était manifestement captivé, et Julian, que je ne cessais d’observer, semblait progressivement perdre contrôle de lui-même. Ses yeux brillants s’agitaient frénétiquement et je remarquais que les doigts de sa main droite ne cessaient de pianoter sur sa cuisse.

Monsieur Jones choisit, adopte et impose la réalité qui lui convient. Il est alors profondément convaincu et certainement très convaincant. Mais il peut en changer tout aussi rapidement et peut se montrer particulièrement irascible envers qui veut s’opposer à lui…
Tollides respira, il se tut, ferma les yeux et grimaça. Il y avait dans cette grimace de la douleur.

Irrascible envers qui s’oppose à SA vision de la réalité… notamment sa fille, hélas, qui a ce talent, malgré son jeune âge, de discerner le vrai du faux !
J’observai toujours Julian et je me demandai si je n’étais pas victime d’une hallucination. Sa mâchoire se crispait, son sourire vainqueur se muait en un rictus agressif, son œil devenait effrayant. Julian, le « surdoué », qui maîtrisait toujours tout et montrait un visage parfait devant tous les intervenants de New York, semblait prêt à exploser à tout moment. Les juges le fixaient et je crus lire du dégoût dans le regard du président. Je retins ma respiration.
Maître Tollides poursuivait sa plaidoirie. Là où Tarnec serrait et écrasait sur sa table un poing vengeur, Tollides tournait vers tous une main ouverte, bienveillante. Là où Tarnec dressait et faisait tournoyer un doigt accusateur, Tollides joignait ses paumes dans une prière humble. Tarnec, c’était Mussolini. Tollides, c’était Gandhi, Luther King, Mandela.
Soudain, les yeux de maître Tollides se firent durs.

Par ailleurs, l’argumentation de M. Jones devant la Cour laisse transparaître, en de multiples points, une violence et une haine larvée très inquiétantes. Le harcèlement judiciaire incessant, les menaces, le chantage envers le docteur Richt en sont des signes éloquents. Rappelons qu’au mépris des intérêts de l’enfant, il a cherché à suspendre le travail du docteur Richt qu’il accuse de complicité à un enlèvement d’enfant. Il a récemment poursuivi ce harcèlement par voie judiciaire puisque le docteur Richt a dû répondre à de fausses allégations devant le tribunal disciplinaire de l’Etat de New-York. Elle vient d’en être totalement blanchie faute d’accusations et d’argumentation sérieuse. Il convient de rappeler qu’un nouveau signalement a été fait par le chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital de Quimper expliquant que l’enfant a été « admise pour idées noires, pensées suicidaires » et qu’elle présentait « un état de détresse psychique important » provoquant une « crise d’angoisse avec tremblements, polypnée » Comment M. Jones peut-il négliger, comme il le fait, la douleur de son enfant ? L’enfant a déclaré au juge « j’aime un petit peu mon père, presque pas. » Elle a dit à son père depuis, lors de leur dernier contact téléphonique : « je veux bien que tu sois mon père, si tu arrêtes de mentir et de dire que je mens. » Une enfant entièrement sous l’emprise de sa mère, comme il est allégué, serait incapable d’une telle nuance. L’absence totale d’ambivalence de l’enfant aurait été le principal signe du prétendu « syndrome d’aliénation parentale » allégué par le père, et lui seul, sans pièce à l’appui. Ce n’est donc manifestement pas le cas !
Je fixai toujours Julian, de plus en plus incrédule. L’agitation nerveuse de sa jambe droite, le rictus qui déformait son visage et sa mâchoire serrée composaient un tableau de plus en plus terrifiant. Les juges ne le quittaient pas des yeux. Julian se tourna alors vers moi. Ses yeux exorbités reflétaient toute sa haine. Je frissonnai. Effarée, je me retournai vers les étudiantes assis derrière moi. Les deux jeunes filles me sourirent simultanément. Il y avait dans leur regard de la compassion.

La personnalité de M. Jones est particulièrement inquiétante. Monsieur Jones montre deux visages très différents selon les interlocuteurs et les circonstances : le tyran domestique se cache derrière une façade sociale particulièrement altruiste et pacifique de militant humaniste. Mais cette construction elle-même devient caricaturale, grossièrement mensongère, et vire même au délire prophétique : la lecture des sites mis en ligne par M. Jones pourrait faire rire en dehors du présent contexte : vous verrez par vous-mêmes, messieurs les juges. M. Jones a une vision, une mission : il va maintenant « illuminer le monde » pour l’unifier.
L’expression sur le visage de Julian me bouleversa soudain. Je la reconnus. Je m’attendais presque à ce qu’il hurle en ma direction la phrase qui m’avait alertée sur sa folie lorsque je lui avais jeté un bonnet sur l’épaule : « Tu m’as blessé ! J’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête ! » Julian dévoilait sa face sombre, celle qu’il prenait généralement bien soin de cacher et je ne pouvais m’empêcher de trembler. Je claquai des dents, conditionnée sans doute. Mais les yeux du président du tribunal, posés sur moi, reflétaient un mélange d’empathie et de pitié à mon égard. Il me croyait ! Tarnec secoua la tête faiblement, mais le cœur n’y était plus. Il semble avoir jeté les gants.

Brusquement, le discours de Tollides s’accéléra, sa voix se fit forte. Il lança l’assaut, et, soudain, les mots claquèrent, les répliques assassines fusèrent, les phrases sifflèrent, les arguments explosèrent. La violence et la peur avaient envahi la salle, palpables, incarnées. La violence de Julian, notre terreur. Le chaos de Julian. Sa folie aussi. Mes yeux s’emplirent de larmes et ma vue se brouilla.

Par ailleurs, comme on l’observe souvent dans ce type de personnalité, M. Jones prête facilement aux autres (il projette sur eux) ses sentiments les plus agressifs, ses travers les moins acceptables. On a vu ainsi qu’il attribue d’abord des troubles psychiques à Mme Bréhat. On a vu qu’il accuse Mme Bréhat d’entretenir des rapports asphyxiants, aliénants et d’emprise avec son enfant alors que c’est lui qui a une dépendance malsaine vis-à-vis de sa fille qu’il a tentée de mettre sous son emprise. On a vu qu’il a initié toutes les dernières procédures, y compris en utilisant des méthodes condamnables en France (enregistrement caché) et les fausses déclarations, mais c’est Mme Bréhat qui est pour lui « procédurière. » On a vu dans plusieurs témoignages et signalements qu’il tente régulièrement d’imposer sa réalité propre à sa fille, mais c’est Mme Bréhat qu’il accuse d’implanter des idées dans le cerveau de Gwendolyn ! On a de multiples exemples (pièces à l’appui) de ses mensonges qui deviennent un style de vie, mais c’est Mme Bréhat qui est qualifiée de « professionnelle de la manipulation. Encore une fois, M. Jones est profondément convaincu de ce qu’il avance, et donc souvent très convaincant. Mais il ne fait qu’alléguer : c’est Mme Bréhat seule qui produit des témoignages et signalements concordants des professionnels et experts qui ne peuvent être ignorés.

Le regard que lança Julian à mon avocat me stupéfia et fit frémir bruyamment les deux étudiantes en droit : son agressivité manifeste n’avait pas échappé aux trois juges, qui ne le lâchaient plus, froids, glaciaux, glaçants, eux qui voyaient devant eux, sur le visage de Julian, se dessiner la folie, la violence, le mensonge, le portrait exact qu’était en train de dresser, mot après mot, phrase après phrase, un époustouflant Tollides.
Le masque était tombé. Julian affichait désormais un rictus haineux permanent, ses yeux étaient écarquillés, perdus, paniqués. C’était maintenant lui la bête traquée. Il savait qu’il avait perdu, mais, pour une fois, il était totalement impuissant. Il ne pouvait même plus soutenir le regard des juges, et cherchait désespérément une expression rassurante, un signe de confiance chez son avocat. Or Tarnec avait posé un coude sur son pupitre, et de deux doigts, il soutenait un front devenu trop lourd, il hochait ostensiblement la tête. Le ténor des ténors semblait accablé. Je n’y croyais pas. Tout cela semblait irréel.

A la lumière de tout ceci, il n’est tout simplement pas concevable, sans avoir au moins pris la précaution d’une expertise d’envisager le simple retour de Gwendolyn au domicile paternel.
Maître Tollides était immobile. Il respira longuement, puis se retourna vers moi. Il avait l’air épuisé. Mais son visage, pourtant grave, dégageait une impressionnante sérénité. Les deux étudiantes trépignaient, elles me souriaient, elles paraissaient folles d’enthousiasme. Tout cela semblait chimérique. Se pouvait-il vraiment… ?

Les mots violents employés par Tarnec me firent soudain comprendre qu’il avait entamé sa plaidoirie. « Madame Bréhat… une manipulatrice hors pair… mère pathologique et dangereuse qui n’hésite pas à laver le cerveau de sa fille pour en découdre avec le père… » Sa voix emportée, son ton coléreux et son argumentation désordonnée, quelle contraste avec la musique, la partition jouée par maître Tollides ! J’observai Julian. C’était lui qui maintenant s’agitait sur sa chaise comme un insecte dans une toile d’araignée. Je ne savais que trop bien ce qu’il ressentait, ce besoin irrépressible de réagir ou de fuir, tout en ayant pleinement conscience que ses propres réactions resserrent inexorablement le piège, que l’on provoque sa propre perte et que la peur que l’on ressent stimule notre tortionnaire. Le plus diabolique dans cette situation, le plus pervers, c’est la lucidité de la victime. A le voir si pitoyable, j’avais presque pitié de Julian… Presque. Quel retournement ! Il me semblait que les mouches avaient changé d’âne. J’étais perdue dans mes émotions, dans un délicieux brouillard, et je n’entendais plus rien de la plaidoirie de Tarnec. J’étais déjà loin.


Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. 

Livre les mal aimées de Caroline Bréhat

Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs.

Son dernier livre s’intitule « Les mal aimées » . Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, ce sujet que cette psychanalyste maitrise si bien à titre personnel et professionnel. Vous pouvez retrouver son interview dans notre article « Rencontre avec Caroline Bréhat ».

Les obstacles à la prise en compte par la Justice de la voix de l’enfant victime d’un de ses parents

Les obstacles à la prise en compte par la Justice de la voix de l’enfant victime d’un de ses parents serge losappio avocat

Me Serge Losappio, Avocat à la Cour, Médiateur, Chargé d’enseignements à l’Université

Mail : sergelosappio@hotmail.fr


Aujourd’hui, le parent d’un enfant victime d’agression physique ou sexuelle de la part de l’autre parent, lorsqu’il souhaite dénoncer ces actes, porter la voix de l’enfant et le protéger – ce parent, qui est le plus souvent la mère, on le nommera « parent protecteur » – doit souvent subir un véritable parcours du combattant. Au pénal comme au civil, devant le Juge des Affaires Familiales (JAF) comme le Juge des Enfants (JDE).

Si bien que l’une des terribles particularités de ces affaires réside en ce qu’il n’est pas rare de les voir se solder par des drames : mères en fuite avec leur enfant ; mères qui se suicident avec leur enfant ; enfant finalement tués par le père qui s’était vu octroyer un droit de visite et d’hébergement normal, voire même la résidence habituelle de l’enfant.

Et ceci, malgré les dénonciations répétées. Malgré les témoignages. Malgré les certificats médicaux. Malgré les recours.

Il ne s’agit nullement ici de faire le procès des avocats, des psychologues et psychiatres, des enquêteurs sociaux, pas plus que des magistrats qui interviennent dans ces affaires. On sait trop bien l’accablant manque de moyens de la Justice.

Et si les dysfonctionnements que l’on évoquera plus avant ne sont pas systématiques, il demeure que leur existence ne saurait être contestée. Et que la gravité du problème qu’ils posent réside dans leurs conséquences dramatiques, pour les mamans comme pour les enfants.

Du reste, ces dysfonctionnements, des magistrats eux-mêmes les soulignent. Il en va ainsi du juge Édouard Durand, lequel co-préside la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles (CIIVISE).

Quels sont ces dysfonctionnements, c’est ce que l’on va tenter d’établir, sans aucune prétention à l’exhaustivité.

Ces réserves étant posées, on peut schématiquement observer trois séries de dysfonctionnements, qui vont contribuer à empêcher la prise en compte de la voix de l’enfant par la Justice :

  1. Un jeu de présomptions de fait, infondées.
  2. Une influence trop déterminante des rapports d’expertise psychologique/psychiatriques ou des enquêteurs sociaux, dans les décisions du JAF ou du JDE.
  3.  Une « arme de destruction massive » contre le parent protecteur : le délit de non-représentation d’enfant (article 227-5 du Code pénal).

On s’interrogera ensuite sur les points suivants :

  1. Pourquoi ces dysfonctionnements ?
  2. Quelles solutions ?

1. Un jeu de présomptions de fait, infondées.

On se contentera de citer trois exemples de ces présomptions problématiques :

a/ Quand le parent protecteur est lui-même victime de violences, ou simplement traumatisé par les événements et/ou le comportement de l’autre parent, et qu’il dispose de certificats médicaux attestant de son état, il n’est pas rare de voir lesdits certificats utilisés par les experts puis les magistrats afin d’en déduire l’existence d’une fragilité psychologique du parent protecteur. Fragilité permettant de remettre en cause ses capacités parentales. De sorte que la résidence de l’enfant s’en trouvera parfois fixée chez le parent que l’enfant accuse pourtant de sévices.

b/ Quand le parent protecteur dépose plainte pour violence, agression sexuelle ou viol de son enfant par l’autre parent, il va spontanément s’atteler dans le cadre de son procès-verbal d’audition à rapporter les graves propos accusatoires de son enfant contre l’autre parent.

Pour ce faire, il procèdera en pratique de deux façons différentes, lesquelles seront susceptibles de lui être reprochées. En effet, soit il rapportera aussi précisément que possible les déclarations de l’enfant en reprenant les termes des déclarations de ce dernier presque mot pour mot, soit il se permettra de les résumer et de les commenter, manifestant une certaine liberté sur le fond comme sur la forme. Dans un cas comme dans l’autre on pourra lui reprocher d’inventer et de manipuler l’enfant. Parfois par les gendarmes ou les policiers, dans le cadre de l’audition tout d’abord. Par la partie adverse ensuite, évidemment. Cependant, et c’est là le plus important, le magistrat lui-même pourra ne pas s’y montrer insensible.

Ainsi, concrètement, si le parent protecteur essaie de paraphraser le discours de l’enfant pour coller au plus près aux déclarations de celui-ci, on le soupçonnera voire on l’accusera, d’avoir obligé l’enfant à apprendre une histoire inventée dont il est l’unique l’auteur. On en conclura aisément qu’il convient de considérer l’ensemble de ces déclarations comme douteuses, voire de les écarter purement et simplement, en arguant de leur manque de crédibilité.

Si au contraire le parent protecteur résume les déclarations à sa façon, rapporte les propos de l’enfant avec ses propres mots et ses propres déductions et commentaires, on lui reprochera alors d’extrapoler, d’exagérer voire de mentir. On en conclura là encore aisément qu’il convient de considérer l’ensemble de ces déclarations comme douteuses, voire de les écarter purement et simplement, en arguant de leur manque de crédibilité.

Autrement dit : dans un cas comme dans l’autre, l’enfant a tort, et le parent protecteur n’est qu’un horrible manipulateur.

c/ Il existe en pratique une certaine inertie de la justice pénale dès le stade de l’enquête. De sorte que l’on peut parfois constater une lenteur des commissariats à convoquer le parent accusé par l’enfant afin d’être entendu, l’audition se déroulant parfois des mois après l’ouverture de l’enquête pénale.

Certaines défaillances peuvent aussi exister à ce stade : il s’agit par exemple de classements sans suite pour absence d’éléments suffisamment probants, parfois quelques heures après la plainte.

Or, cette inertie comme ces défaillances le cas échéant, peuvent devenir en pratique un argument au bénéfice du parent accusé par l’enfant et le parent protecteur, pour faire trois choses :

* affirmer le caractère mensonger des accusations portées contre lui par l’enfant devant les juridictions ;

* se voir octroyer la résidence habituelle de l’enfant chez lui ou à tout le moins un droit de visite et d’hébergement normal ;

* déclencher une information préoccupante et la saisine du JDE (appel au 119), en arguant du fait que ladite lenteur de l’enquête en particulier démontrerait que le parent protecteur affabule et manipule l’enfant, ce qui serait censé indiquer l’existence d’un danger. Danger dont il faudrait à tout prix le protéger… en l’éloignant du parent protecteur.

Par conséquent, on comprend ici que les carences de la justice pénale se retournent contre le parent protecteur et l’enfant lui-même, enfant qui peut alors se voir obligé, sur décision du JAF, de se retrouver régulièrement seul à seul avec celui qu’il accuse de violences, d’agression sexuelle ou de viol, dans le cadre de l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement normal, voire de la résidence principale de l’enfant, à ce parent.

Par ailleurs, suite à une information préoccupante déclenchée par le parent que l’enfant accuse, ce dernier pourra encore se retrouver placé par le JDE. JDE qui dans ce contexte, décidera parfois, dans le cadre du placement, d’accorder au parent accusé par l’enfant un droit de visite classique, mais en revanche strictement médiatisé au parent protecteur. D’autant plus quand ce dernier aura mis de la mauvaise volonté à appliquer une décision de justice favorable à l’autre parent (octroi d’un droit de visite et d’hébergement).

2. Une influence trop déterminante des rapports d’expertise psychologiques/psychiatriques ou d’enquête sociale dans les décisions du JAF ou du JDE.

Dans le cadre de telles affaires, et afin d’être aidés dans leur prise de décisions relativement à l’enfant, le JAF comme le JDE sollicitent des rapports de psychiatres, de psychologues ou encore d’enquêteurs sociaux. Il s’agit par exemple de l’expertise médico-psychologique ou psychiatrique pour le JAF, ou des Mesures Judiciaires d’Investigations Educatives (MJIE)pour le JDE.

Le problème est que concrètement, ces rapports sont trop souvent acceptés par ces magistrats comme établissant sans l’ombre d’un doute la réalité de la situation et comme mettant par conséquent un point final à tout questionnement. En particulier quant à la véracité des accusations de l’enfant à l’égard de l’un de ses parents et à l’existence d’une manipulation de l’enfant par le parent protecteur, comme à la capacité dudit parent protecteur à assumer ses responsabilités parentales.

Ce crédit conféré en pratique à ces rapports est tel qu’il peut entraîner une mise à l’écart des éléments factuels accablants pourtant portés au dossier, lesquels ne sont parfois pas même mentionnés dans les ordonnances rendues, le magistrat se contentant de reprendre textuellement les déclarations figurant dans tel ou tel rapport.

Or – et là réside le problème – ces rapports si déterminants en pratique, ne manquent pas d’être contestables, à au moins huit titres :

a/ Les rapports se fondent sur des présupposés idéologiques qui tendent à faire primer ce que l’on peut qualifier d’impératif de non-exclusion du père et de maintien des liens familiaux. Au mépris d’éléments parfois accablants qui devraient au contraire impliquer de protéger l’enfant en l’écartant d’un des parents. De sorte qu’il n’est pas rare de lire dans de tels rapports, une énumération des accusations portées par l’enfants à l’égard du père, laquelle se conclut de façon plus ou moins abrupte par l’énonciation de la grande nécessité qu’il y a à conserver et renforcer les liens avec celui-ci.

b/ Certaines expertises médico psychologiques faites par experts psychologues ou des psychiatres, contiennent des tests psychologiques réalisés en quelques minutes et restitués en quelques lignes. Parfois encore, les missions sont réalisées en moins d’une heure, avec des rapports rendus les jour même. On peut dès lors légitimement douter de leur valeur ;

c/ Certains rapports ne traduisent pas fidèlement les paroles de l’enfant, voire en trahissent le sens ;

d/ Certains rapports omettent de mentionner des déclarations pourtant essentielles de l’enfant. Déclarations qui peuvent consister en des accusations très graves et précises à l’endroit de l’autre parent. Ce qui fait en outre problème au regard de l’article 434-3 Code Pénal, lequel punit le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés notamment à un mineur, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé ;

e/ Certains rapports mentionnent des éléments en soi inquiétants (dégradation de l’état du parent protecteur ou de l’enfant) mais sans autre analyse. Aucun traitement de ces éléments. Ils sont certes mentionnés, mais mis de côté, sans en tirer la moindre conséquence ;

f/ Certains rapports qualifient de façon lapidaire et péremptoire les déclarations du parent protecteur ou de l’enfant victime comme « peu crédibles », ou « non crédibles » ou encore estiment que les accusations portées par l’enfant à l’égard de l’autre parent traduisent en réalité un « conflit de loyauté », sans aucun élément pour étayer cette affirmation ou en définir les termes, et parfois même au mépris de pièces accablantes versées au dossier ;

​​g/ Certains rapports sont établis sans que leurs auteurs aient rencontré l’enfant ou les parents. Ils peuvent ainsi se fonder sur les attestations de témoin produites en justice ; 

h/ Mais il y a plus grave encore : certains rapports contiennent des formules que l’on peut qualifier d’incantatoires, vides de sens véritable et utilisées à tort et à travers : ainsi, des violences, agressions sexuelles et viols rapportés par le parent protecteur, le concernant et/ou concernant l’enfant, se voient qualifiées par exemple de « turbulences réactionnelles » consécutives à une « relation pathologique du couple », ou encore de simples « projections » sans plus de démonstration.

On peut lire ailleurs que le parent protecteur qui s’oppose à l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement, voire de la résidence habituelle à l’autre parent manifeste « une attitude de toute puissance ». Par conséquent, le caractère inébranlable du discours du parent protecteur qui se contente de porter la voix de son enfant devient en soi-même suspect et inquiétant, comme manifestant l’existence d’un danger pour l’équilibre de l’enfant.

D’autres rapports vont plus loin encore. Ils assimilent ces dénonciations du parent protecteur à des signes de maladies mentales, maladies dont le concept est en lui-même pour le moins contestable : par exemple, on parlera de « Syndrome de Münchhausen par procuration » (telle mère qui se plaint que son enfant subit des maltraitances de la part de l’autre parent, se retrouve accusée de rendre malade l’enfant afin d’attirer l’attention sur sa propre personne), ou encore de « Complexe de Médée » (telle mère qui veut protéger son enfant est accusée de ne pas avoir fait son deuil du couple et par suite, de se servir de l’enfant pour se venger de l’autre parent qui l’aurait délaissée).

Autre théorie encore trop à la mode que l’on ne manquera pas de citer ici : le « Syndrome d’Aliénation Parentale » (SAP) : à l’origine de cette théorie, il y a Monsieur Richard Gardner, un psychiatre américain, expert auprès des tribunaux. Ses ouvrages ont été publiés à compte d’auteur.

Gardner définit le SAP comme « un processus qui consiste à programmer un enfant pour qu’il haïsse un de ses parents, sans que ce ne soit justifié. Lorsque le symptôme est présent, l’enfant apporte sa propre contribution à la campagne de dénigrement du parent aliéné ».

Le psychiatre et sexologue Paul Bensussan aurait importé ce concept en France.

Toujours est-il que le SAP a commencé à être utilisé en France en 1999. Il a cependant émergé dans le débat public en 2005, lors de l’affaire Outreau.

Pour conclure sur cette partie, considérant le caractère contestable des rapports évoqués, on peut à l’évidence regretter qu’ils jouissent encore si souvent d’une telle aura auprès des magistrats.

3. Une « arme de destruction massive » contre le parent protecteur : le délit de non-représentation d’enfant (article 227-5 du Code pénal).

Quand le parent accusé par l’enfant se voit octroyer malgré tout par le juge un droit de visite et d’hébergement normal, voire la résidence habituelle de l’enfant, le parent protecteur qui refuse de se soumettre à la décision de justice intervenue, pourra être poursuivi et condamné du chef de non-représentation d’enfant. Et en pratique se retrouvera qui plus est en situation de perdre son autorité parentale et tout droit de visite et d’hébergement, le cas échéant.

En effet, l’article 227-5 du Code pénal dispose que lorsque le parent chez lequel réside habituellement l’enfant refuse indûment de remettre à l’autre parent à la date prévue en vertu de son droit de visite tel qu’établi par décision du JAF, il se rend coupable du délit de non-représentation d’enfant.

Il en va de même lorsque le parent qui a l’enfant pour une période déterminée en vertu d’un droit de visite (vacances, week-end, soirée) ne le remet pas au parent chez lequel il a sa résidence habituelle.

Ces dispositions s’appliquent bien entendu en cas de résidence alternée.

La non-représentation d’enfant est sanctionnée par des peines allant d’un à trois ans d’emprisonnement et de 15000 à 45000 euros d’amende.

En pratique, pour espérer échapper aux poursuites comme à une condamnation, il faudra attester de l’existence d’une condamnation pénale définitive du parent bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement, ou de l’octroi de la résidence habituelle de l’enfant. Ce qui n’arrive que dans un nombre relativement limité de cas.

C’est ainsi que le parent protecteur se retrouve trop souvent acculé, suite à une lutte judiciaire douloureuse autant que coûteuse. Le voilà dès lors placé dans une situation où il se voit tenu – s’il ne veut pas finir hors la loi – de livrer son enfant pieds et poings liés aux mains du parent que l’enfant accuse de violences, d’agression sexuelle ou encore de viol.

Voilà pourquoi à ce stade certains parents fuient. Voilà pourquoi des drames se produisent. Où le parent se suicide avec l’enfant. Où l’enfant est finalement violemment agressé voire tué par le parent qu’il accusait et à qui il avait été livré malgré tout.

4. Pourquoi ces dysfonctionnements ?

On peut schématiquement distinguer quatre séries de raisons :

4.1. Une justice surchargée et manquant de moyens

Les juges sont surchargés et disposent de peu de temps à l’audience pour se rendre compte des problèmes. Avec la meilleure volonté du monde, ils peuvent passer à côté de beaucoup de choses. D’où aussi l’importance parfois excessive qu’ils sont susceptibles de conférer aux divers rapports évoqués précédemment.

4.2. Des textes qui ne sont pas encore parfaitement appliqués

Deux exemples à valeur d’illustration :

a/ La loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes,  et celle du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, prévoient la formation initiale et continue des professionnels sur la question des violences intrafamiliales, des violences faites aux femmes et sur les mécanismes d’emprise psychologique, le tout à destination notamment des magistrats, personnels et fonctionnaires de justice, avocats, policiers, gendarmes, personnels médicaux, paramédicaux et personnels des services sociaux.

Si la formation connait certes une certaine mise en œuvre en France, pour autant aujourd’hui, elle ne l’est probablement pas suffisamment pour permettre aux magistrats, avocats, gendarmes, policiers et autres enquêteurs sociaux de répondre avec suffisamment de pertinence aux situations où l’enfant dénonce des violences, agressions sexuelles et autres viols commis par un de ses parents.

b/ La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Ratifiée par la France le 14 mai 2014 et entrée en vigueur le 1er août 2014.

Ladite Convention d’Istanbul exige des juges qu’ils prennent en considération tout incident de violence domestique connu lorsqu’ils déterminent la résidence habituelle de l’enfant et se prononcent sur la question du droit de visite et d’hébergement. (c’est l’article 31 de la convention). De sorte que l’exercice de ces droits ne doivent à aucun moment compromettre la sécurité des victimes. Celle de l’enfant en particulier. Il s’ensuit que la nécessité de maintenir les liens familiaux doit céder face aux questions de violences lato sensu. En pratique, on peut regretter qu’elle ne soit pas encore suffisamment appliquée.


4.3.  La confiance habituelle des magistrats en des théories scientifiquement infondées

 Il s’agit en particulier du Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP).

A l’heure actuelle la théorie du SAP est encore très utilisée au sein des juridictions françaises et européennes. Y compris par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).  

Cette théorie du SAPa été enseignée aux futurs magistrats de l’École Nationale de la Magistrature (ENM) durant des années. Elle se retrouve également couramment utilisée dans les rapports d’expertise.

Le SAP est d’ailleurs presque systématiquement invoqué par le parent accusé par l’enfant, même sans être expressément nommé. On affirme alors que la mère manipule l’enfant pour lui faire affirmer des choses fausses contre le père.

Pourtant cette théorie du SAP fait largement problème, à au moins six égards :

a/ Tout d’abord, elle est ineffective. Elle vise en effet toute situation dans laquelle un enfant rejette son parent sans justification, sans permettre de distinguer une situation de manipulation véritable, d’une situation de violence ou d’agression sexuelle ou de viol.

b/ Au surplus, elle n’a jamais fait l’objet d’une validation scientifique. La théorie du SAP n’est pas reconnue par lacommunauté des psychiatres et des psychologues. A ce titre, elle n’a reçu aucune validation ni dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), la classification américaine des maladies mentales, ni auprès de l’OMS. Par conséquent, non seulement cette théorie du SAP n’aide pas les magistrats à comprendre la réalité d’une affaire, mais elle les induit en erreur. Elle les conduit en pratique à ne pas considérer avec suffisamment d’attention des éléments de preuves pourtant potentiellement déterminants.

c/ Cette théorie instaure systématiquement une absurde présomption irréfragable de manipulation, dès lors que des accusations de violences, d’agression sexuelle ou de viol sont portées par le parent protecteur ou l’enfant contre l’autre parent, dans le cadre d’un litige devant les tribunaux, litige où la question de la résidence habituelle de l’enfant et de l’instauration d’un droit de visite et d’hébergement sont en cause.

d/ Par cela même qu’elle instaure une telle présomption de manipulation, la théorie du SAP compromet radicalement sa crédibilité comme outil scientifique de diagnostic. Elle présuppose en effet ce qu’elle est pourtant censée démontrer, à savoir l’existence d’une manipulation de l’enfant par un parent contre l’autre.

e/ Cette théorie érige également en indicateur de manipulation de l’enfant, l’antagonisme et le refus catégorique du parent protecteur et de l’enfant lui-même de voir octroyer à l’autre parent toute résidence habituelle ou droit de visite et d’hébergement. Elle refuse ainsi toute prise en compte de la possibilité qu’un tel antagonisme et qu’un tel refus puissent n’être que la conséquence légitime et compréhensible de comportements graves du parent que l’enfant accuse. Elle exclut par-là que cet antagonisme et ce refus puissent indiquer au contraire la possible réalité de tels comportements graves. La théorie du SAP implique par conséquent de considérer que la réalité de tels comportements est en soi inenvisageable. Ce qui est tout à fait illogique.

f/ Cette théorie, instituant une présomption de manipulation de l’enfant, exclut ipso facto la prise en compte des comportements du parent que l’enfant accuse, et de tout ce qui le concerne. Cela conduit trop souvent en pratique le magistrat à ne pas suffisamment examiner la possibilité de l’existence de violences, d’agression sexuelles ou de viols de l’enfant.

Certes, on pourra objecter qu’en 2018, le ministère de la Justice a informé les professionnels de la justice relativement au caractère pour le moins controversé du Syndrome d’Aliénation Parentale, suggérant que l’on trouve d’autres outils pour protéger les enfants.

Cependant, force est de constater que l’on a alors vu se développer dans le cadre des procédures judiciaires, ce que l’on pourrait qualifier de théories de remplacement. Conduisant de fait aux mêmes conclusions, mais ne se nommant pas formellement «SAP ». On s’est ainsi mis à évoquer « la relation fusionnelle » du parent protecteur avec l’enfant, le « Syndrome de Münchhausen par procuration », le « Complexe de Médée », ou encore le fameux « Complexe d’Œdipe ».

Autant de concepts aux fondements scientifiques plus que discutables là encore, et dont la vocation est de permettre de continuer à accuser les mamans de manipuler leurs enfants victimes.

4.4. La non-prise en compte de l’existence d’une enquête ou de poursuite du parent accusé par l’enfant, dans le cadre du délit de non-représentation d’enfant

Dernier problème et non des moindres, le délit de non-représentation d’enfant n’autorise pas en pratique la prise en compte de l’existence d’une enquête pénale en cours, voire de poursuites à l’encontre du parent accusé par l’enfant. Lesquelles ne permettent pas au parent protecteur d’échapper tant aux poursuites qu’aux condamnations du chef de non-représentation d’enfant.

Autrement dit, même si le parent que l’enfant accuse de violences agression sexuelle voire de viol, se retrouve sous le coup d’une enquête pénale voire de poursuites, le parent protecteur est parfaitement susceptible de faire l’objet d’une garde à vue et de se retrouver poursuivi pénalement puis condamné par un tribunal correctionnel pour la seule raison qu’il refuse de se plier à une décision de justice qui serait intervenue pour octroyer un droit de visite et d’hébergement, voire la résidence habituelle de l’enfant, à l’autre parent.

5. Quelles solutions ?

5.1. Pour ce qui concerne le SAP

Le recours à la théorie du Syndrome d’Aliénation Parentale devrait être proscrit.

C’est d’ailleurs ce que retient le parlement européen, lequel s’est prononcé le 6 octobre 2021 contre son utilisation. Notamment parce que l’OMS tout comme l’American Psychological Association (APA) rejettent son usage, dans la mesure où il peut « être utilisé comme stratégie contre les victimes de violence en remettant en cause les compétences parentales des victimes ».  Il conclut par ailleurs que ce concept d’aliénation peut “nuire aux femmes victimes de violences conjugales” et qu’il “met en péril les droits et la sécurité de la mère et des enfants”. Il invite par conséquent « les États membres à ne pas reconnaître le syndrome d’aliénation parentale dans leur pratique judiciaire et à décourager voire interdire son utilisation dans les procédures judiciaires, notamment lors d’enquêtes visant à déterminer l’existence de violences ».

C’est aussi ce que retenait le 5ème « Plan de lutte contre les violences faites aux femmes » en- décembre 2016.

Proscrire le SAP, c’est ce à quoi appelle la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), qui a rendu le mercredi 27 octobre dernier un avis pour « mieux protéger les enfants ».

5.2. Pour ce qui concerne les poursuites du parent protecteur pour non-représentation d’enfant

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles (CIIVISE) propose d’assurer la sécurité du parent protecteur, en instituant une suspension pure et simple des poursuites pénales pour non-représentation d’enfant contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.

5.3. Pour ce qui concerne la protection de l’enfant victime  

A cet égard, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles (CIIVISE) propose :

  • La suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant, dès les premières révélations ;
  • L’instauration de dispositions légales permettant le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.

A cela il faudrait peut-être ajouter le recours systématique à un droit de visite médiatisé dès lors que l’enfant fait des déclarations graves, cohérentes et corroborées, indiquant l’existence de violences physiques et/ou sexuelles, avec dépôt de plainte à la clé.

Par conséquent, il s’agirait d’intervenir au stade de la simple enquête.

Une telle solution n’irait pas sans poser de sérieux problèmes certes, mais permettrait de protéger l’enfant, au moins le temps nécessaire à l’enquête, l’intérêt supérieur de l’enfant impliquant non seulement d’entendre sa voix, mais également de protéger son intégrité physique et morale.


Serge Losappio

Avocat à la Cour

Médiateur

Chargé d’enseignements à l’Université

Mail : sergelosappio@hotmail.fr