Comment les agresseurs continuent d’utiliser discrètement le controversé SAP

Comment les agresseurs continuent d'utiliser discrètement le controversé SAP

On le sait, on le répète, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) est l’invention d’un psychiatre du siècle dernier, Gardner, par ailleurs critiqué pour ses positions soutenant la pédocriminalité. Le syndrome d’aliénation parentale (SAP) est censé décrire un comportement continu de l’enfant qui rabaisse et insulte l’un de ses parents sans justification. Par exemple, un enfant qui accuse son père d’inceste…  Selon Gardner, ce comportement qui ne nuit qu’au pauvre père est dû à une combinaison de facteurs, dont l’endoctrinement par l’autre parent, la mère manipulatrice et toute puissante…

Depuis, la science est passée par là, il a été prouvé que ce concept de SAP n’a rien de scientifique et que ses arguments sont vagues et subjectifs, sans parler du biais négatif important contre les mères qui dénoncent les abus.

Malgré sa nullité scientifique, le SAP reste un argument apprécié des avocats peu scrupuleux ou misogynes, ainsi que des « experts » et travailleurs sociaux. Mais depuis que des associations, des psychiatres compétents et d’autres professionnels éclairés dénoncent ce faux syndrome et ses conséquences dévastatrices sur les victimes, ces mêmes personnes tentent de jouer profil bas. Elles ont compris qu’il était facile de décrédibiliser cet argument, alors elles le contournent.

Fini le syndrome d’aliénation parentale ! Bienvenue… les synonymes !

La mère n’est plus aliénante. Elle est trop fusionnelle, trop rigide, sans concession, trop protectrice… Les mères influencent, insinuent, profitent, exploitent, utilisent l’enfant pour se venger, l’étouffent… Elles mentent…

Ces expressions ne sortent pas de nulle part. Ce sont celles employées par les défendeurs des agresseurs, celles qui sont martelées lors des plaidoyers et qui convainquent les juges. Sans aucune preuve et visiblement sans aucune honte non plus, ils accusent la « toute puissance maternelle » de n’avoir de cesse que briser la vie des pauvres agresseurs innocents…

S’appuyant sur une vision patriarcale de la société, ces gens affirment avec conviction que la mère place l’enfant dans un conflit de loyauté, qu’elle est atteinte du syndrome de Münchhausen (pour varier les plaisirs), qu’elle transfère son vécu et ses propres angoisses parce qu’elle est paranoïaque, surprotectrice, projective, toxique… Le champ sémantique de la folie est largement exploité :  hystérique, dépressive, manipulatrice. Bref la mère doit se faire soigner…

Voici un extrait de la plaidoirie de la partie adverse d’une maman protectrice, qui a tout perdu suite à cela :

« Madame ose MENTIR ». « Elle veut ÉLIMINER le père de la vie et du cœur de son fils ». « On demande à la justice de supprimer le père » « C’est un homme faible qui se couche devant la puissance de madame ». « Il n’y a qu’une seule façon de sauvegarder l’enfant et faire cesser cette puissance maternelle aliénante ». « Madame développe une argumentation délirante et fantasmée ». « Ce n’est pas la Cour qui va pouvoir lui donner le remède adéquat mais un autre professionnel, elle devrait consulter ». « Il y a beaucoup de choses d’affabulées et destructrices ». « Madame crée des scènes et des histoires inventées »

On pourrait en rire si ce n’était pas aussi pathétique et destructeur pour les victimes.

Il faut en finir avec ce syndrome d’aliénation parentale et toutes ses variantes anti-victimaires, non scientifiques invoquées dans les tribunaux.

Dans son rapport, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) préconise de proscrire le concept de syndrome d’aliénation parentale de tout l’appareil judiciaire. Elle rappelle que cette théorie, qui n’a pas de reconnaissance scientifique dans aucune classification internationale (ni à l’OMS ni au DSM américain), met en danger des enfants victime d’inceste.

Alors pourrait on enfin passer d’une culture de domination des femmes et des enfants à une culture de la protection ?


Vous pouvez aussi télécharger notre livret gratuit « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« , il fournit des ressources utiles pour les victimes. Et consulter notre articles sur le « Profil des agresseurs, dans les violences sexuelles faites aux enfants« .

9 livres pour mieux comprendre les mécanismes des violences intra-familiales

9 livres pour mieux comprendre les mécanismes des violences intra-familiales

9 livres enrichissants….

1. « Le berceau des dominations » Dorothée Dussy

Un incontournable ! Dorothée Dussy est une anthropologue, directrice de recherche au CNRS qui a enquêté sur l’inceste pendant 5 ans, notamment en rencontrant des auteurs d’agressions sexuelles incestueuses en prison.

« A la faveur du réel, et de la banalité des abus sexuels commis sur les enfants, l’inceste se révèle structurant de l’ordre social. Il y apparaît comme un outil de formation à l’exploitation de genre et de classe. »

Elle montre les enjeux de domination des incesteurs sur des enfants objet sexuel.

2. « Livre blanc sur la protection des enfants maltraités » REPPEA

Ce livre blanc a été réalisé par un groupe de travail du REPPEA – Réseau des Professionnels de la protection de l’enfance et de l’adolescence. Un livre pratique à partager, facile à lire car très court et clair. Il parle des dysfonctionnements de la protection de l’enfance en France, il propose des mesures et préconisations d’urgence. Pas mal de chiffres qui datent de 2015 et 2016 sur les violences sexuelles sont exposés en annexe grâce entre autres à une enquête du REPPEA.

3. « Déviriliser le monde » Céline Piques

Dans ce manifeste, Céline piques, présidente d’Osez le féminisme, tisse des liens entre textes de référence du patrimoine féministe et récits de luttes menées, pour ouvrir une réflexion critique sur la société patriarcale. Petit livre hyper intelligent, riche en ressources et en réflexions constructives ! Tout est clair, concis et le texte donne des pistes concrètes pour un monde plus égalitaire. C’est passionnant et on le recommande vivement à toute personne qui souhaiterait découvrir la pensée féministe radicale ou affiner sa réflexion.

4. « Défendre les enfants » Édouard Durand

Un juge des enfants qui respecte, aime et soutient vraiment les enfants victimes ! Nous, parents protecteurs, avons tou-te-s espoir que sa vision de la protection de l’enfance dans les institutions françaises influence les politiques pour que cette protection ne soit plus théorique mais réelle. Le juge rappelle une vérité toute simple : un homme violent n’aime pas ! C’est également un témoignage très éclairant sur la situation de la justice française et ses dysfonctionnements.

5. « Les mal aimées, L’inceste, un piège transgénérationnel » Caroline Bréhat

Un livre palpitant qui montre l’histoire vraie d’une femme qui survit et tente de protéger sa petite fille d’un mari et père pervers et dangereux. Écrit comme un road movie sur la voie de l’intime, avec justesse et délicatesse. C’est un livre à offrir facilement à son entourage, car il montre très bien ce que vivent les mères protectrices sans être trop technique. Caroline Bréhat parle d’inceste et de violences transgénérationnelles autrement, avec une jolie plume, courageuse, juste et haletante.

6. « La connaissance interdite » Alice Miller

Reconnue pour son travail révolutionnaire en psychologie et son approche novatrice dans le traitement des traumatismes d’enfance, Alice Miller explore les répercussions des traumatismes émotionnels et physiques subis pendant l’enfance sur la vie adulte. Elle aborde des sujets difficiles tels que la maltraitance, la violence familiale et les abus sexuels, avec une approche pleine de compassion et de compréhension. En lisant ce livre, vous pourrez découvrir comment les traumatismes de l’enfance peuvent affecter la vie adulte et comment il est possible de guérir de ces blessures émotionnelles.

7. « La fabrique des pervers » Sophie Chauveau

Sophie Chauveau raconte son histoire familiale : Comment une famille entière devient incestueuse…

« (Les agresseurs) sont sans conséquences car ils n’ont pas de conscience. L’autre n’existe pas ».

« L’inceste n’est pas une affaire de sexe mais de pouvoir… Le corps ne montre rien, ça fait partie du viol incestueux de ne rien laisser paraître. »

Quels sont les indices d’une famille incestueuse ? Une lecture passionnante montrant une famille bourgeoise parisienne dysfonctionnelle.

8. « En finir avec les violences sexistes et sexuelles » Caroline de Haas

Beaucoup de ressources pour pouvoir parler des violences sexistes et sexuelles. C’est un manuel d’action en trois parties pour prendre en main les situations de violence en sachant les repérer et agir pour faire cesser le danger.

La première partie identifie les violences afin d’appréhender leur ampleur dans notre vie quotidienne. La deuxième donne des pistes pour déchiffrer les mécanismes de la violence. La dernière apporte des éléments pour agir selon les circonstances : un auto-diagnostic, des clés pour aider une amie, une victime ou un enfant, mais aussi l’agresseur.

9. « Histoire du Consentement Féminin » Maëlle Bernard

Maëlle Bernard est historienne de la sexualité. Elle propose une très intéressante frise chronologique de l’histoire du consentement. A travers celui-ci, Maëlle parle des violences sexuelles, du viol, du mariage, du désir féminin et de l’évolution des lois. Ce livre se penche sur l’intimité des femmes et des hommes du passé. Ce travail sur le consentement à l’acte sexuel a reçu la mention spéciale du prix de la Société Française d’Études du XVIIIe siècle.


Vous pouvez également consulter nos articles précédents  » Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie  » ou encore  » L’histoire du patriarcat en raccourci « .


Le supplice des mères protectrices

Le supplice des mères protectrices

Par Caroline BREHAT

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice

De nombreuses mères sont régulièrement désenfantées par des tribunaux français pour avoir dénoncé des violences paternelles. Bien que cette question commence enfin à intéresser les médias, les souffrances incommensurables de ces mères restent injustement occultées.  

« Aidez-moi à survivre, je n’arrive plus à tenir… ». C’est en ces termes qu’un nombre croissant de « mères protectrices » me contacte désormais. L’expression « mères protectrices » (1), forgée outre-Atlantique, désigne les femmes qui tentent de protéger leurs enfants d’un père violent, voire incestueux, cherchant à en obtenir la garde. Ces femmes, qui sont immédiatement soupçonnées par les tribunaux d’être des « mères aliénantes » (atteintes du pseudo « syndrome d’aliénation parentale » ou « SAP» (2) ) et de manipuler leur enfant pour en priver le père, se retrouvent alors sur le banc des accusés à la place de l’agresseur.  

« Le SAP contribue à l’invisibilisation des violences sexuelles faites aux enfants, de même qu’il rend impossible d’être un parent protecteur », dénonce la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). De fait, cette accusation infamante contre laquelle les mères protectrices doivent se défendre jette un brouillard épais sur la réalité des violences qui les empêche finalement de protéger leur enfant. Un peu comme si les violences intrafamiliales, pourtant étayées par des statistiques effroyables, n’existaient pas ou étaient rares (3). Pire encore, nombre de ces femmes, punies par un transfert de garde, sont condamnées à ne plus voir leur enfant que lors de visites médiatisées. 

À la douleur immense d’être désenfantée s’ajoute donc celle d’être perçue comme une mère maltraitante et même folle (aliénante). De quoi perdre la raison, effectivement. Pourtant, même si certaines en perdent leur élan vital, beaucoup résistent néanmoins vaillamment par amour pour leur enfant. 

La « chasse à la mère aliénante » 

Cet article ne vise pas à expliciter pourquoi des situations aussi ahurissantes, et contraires à l’intérêt de l’enfant, se produisent dans des proportions effrayantes, a fortiori au pays des Lumières et des droits de l’homme. Ces raisons sont trop nombreuses et complexes pour les énumérer toutes et de nombreux auteurs l’ont déjà fait. Mais il existe un consensus parmi les chercheurs internationaux, notamment anglo-saxons (4), les plus chevronnés : si les juges aux affaires familiales donnent la garde à des hommes violents et dangereux, c’est surtout parce que les institutions françaises – à l’instar de leurs homologues américaines – sont formatées pour débusquer les mères aliénantes, plutôt que les agresseurs.  

C’est ce qui est arrivé à Aliénor, qui a d’abord amené Juliette, sa fillette de 4 ans, à l’hôpital parce qu’elle se frappait et se masturbait compulsivement aux retours de chez son père. Inquiet, l’établissement de santé fait immédiatement un signalement.

Mais lorsqu’à la faveur d’une nouvelle crise, Aliénor emmène Juliette aux urgences d’un autre hôpital, Aliénor se retrouve sur le banc d’infamie. L’assistante sociale ne lui pose aucune question sur la symptomatologie de Juliette, mais la mitraille d’interrogations sur sa relation avec le père de l’enfant.

Aliénor va apprendre par la suite, interloquée, qu’elle est soupçonnée d’« instrumentaliser » Juliette, par le personnel de ce deuxième hôpital qui néglige totalement le point de vue du premier, pourtant renommé. Aliénor doit se battre contre l’accusation de « mère aliénante » qui pèse désormais sur elle. Le combat pour protéger son enfant passe à l’arrière-plan.  

On ne peut s’empêcher de penser à la lettre écarlate brodée sur le corsage d’Hester Prynne, la malheureuse héroïne de Nathaniel Hawthorne, stigmatisée parce qu’elle avait mis au monde un enfant illégitime. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin que les ancêtres d’Hawthorne aient participé au funeste procès des sorcières de Salem, à l’origine d’une vague d’exécutions et d’emprisonnements arbitraires dans le Massachusetts, car c’est bien la représentation archaïque de la sorcière qui semble projetée inconsciemment sur ces mères protectrices, tant les tribunaux français (et américains) et leurs acolytes (services sociaux, experts, etc.) paraissent enclins à débusquer, coûte que coûte, cet avatar moderne de la sorcière.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler d’ailleurs que les sorcières du Moyen-âge étaient des soignantes, sages-femmes et herboristes. Des figures protectrices, en somme. Car avec le « SAP », les mères protectrices sont propulsées au royaume des inversions et des métamorphoses (5)

Des mères surprotectrices 

Ce que je constate dans mon cabinet, c’est que ces femmes sont surtout, par la force des choses, « surprotectrices ». Elles s’identifient en effet aux angoisses de leurs enfants et sont terrorisées par la crainte de ne pas parvenir à les protéger.

Nombre de mes patientes évoquent une double contrainte affolante : « Je suis terrifiée, je ne sais plus comment faire pour protéger mon enfant. L’emmener chez un médecin pour constater ses symptômes m’expose à la vindicte des services sociaux, mais ne pas le faire l’expose lui à de graves perturbations psychoaffectives », me confie Angélique, dont l’enfant a été placé chez le père car « la mère refusait de donner une place au père » selon les services sociaux, qui relèvent pourtant paradoxalement que l’enfant a « des difficultés à se détacher du discours paternel ».

On ne sait plus bien qui est la figure aliénante : la mère qui tente de protéger sa fille de l’inceste paternel ou le père qui empêche l’enfant de se différencier de lui-même et serait donc… aliénant. Étrange renversement des culpabilités, qui, étonnamment, ne fait pas tiquer les juges.  

En pénétrant dans l’arène judiciaire, les mères protectrices découvrent, stupéfiées, la démence d’un système qu’elles pensaient conçu pour les protéger, elles et leurs enfants.

Un système où certains travailleurs sociaux, non formés, mélangent des concepts psy et opèrent sans le moindre état d’âme des glissements sémantiques effrayants : une mère surprotectrice devient allègrement une mère fusionnelle qui est implicitement aliénante. Cet étiquetage justifie alors de commettre l’une des pires maltraitances qui puisse être faite à un enfant, la rupture d’attachement avec sa figure d’attachement principale.  

Sur quoi se basent les intervenants sociaux pour affirmer que ces mères entretiennent une dynamique fusionnelle avec leurs enfants ? Souvent sur des indices ténus : l’enfant colle à sa mère ou il « parle bébé ». Pourtant, un enfant confronté à des maltraitances développe naturellement une angoisse de séparation avec le parent protecteur.

Il peut alors régresser vers un état où il se sentait en sécurité (l’état où il était dans la fusion avec sa mère). Une patiente me rapporte que lorsque sa fille revient de chez son père, elle ne parle plus pendant des jours et exige de maintenir sa tête sur le ventre de sa mère pendant des heures en répétant en boucle « je veux retourner dans ton ventre, maman ».  

La réalité biologique de l’instinct maternel sous-tend sans doute la nature dite « surprotectrice » de ces mères. Selon une vaste étude menée dans onze pays et publiée dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), « les pleurs des bébés activent des régions spécifiques, liées aux mouvements et à la parole, du cerveau de leur mère. Une mère entendant son enfant pleurer aura tendance à toujours avoir le même comportement : le prendre dans les bras et lui parler pour le rassurer ».

Cette étude complète d’autres travaux montrant que « le cerveau des femmes et celui des hommes répondent différemment aux pleurs d’un bébé. Ainsi la nuit, les hommes semblent moins entendre les cris des bébés que les femmes, plus enclines à se lever pour aller les réconforter (6). Mais cela n’émeut pas les juges. 

Des mères terrifiées et à bout de souffle… 

L’émotion la plus désorganisatrice pour le psychisme humain est indéniablement la terreur. Or ces mères vivent dans une insécurité psychique totale. Leurs traumas sont multiples et complexes, et la chronologie de ces traumas, toujours la même, ressemble à une marche cruelle à travers les cercles de l’enfer de Dante : elles sont d’abord victimes de violences conjugales ; elles découvrent ensuite les violences faites à leur enfant ; elles subissent alors le désaveu des institutions françaises qui les stigmatisent immédiatement et les jugent potentiellement coupables d’aliénation parentale.

Vient alors l’aboutissement ignoble de leur démarche de protection, et cela arrive hélas de plus en plus fréquemment : le transfert de garde chez l’agresseur ou dans une famille d’accueil, puis, les sévices effroyables des visites médiatisées.  

Il s’agit là de traumatismes maximaux. Les traumatismes maximaux sont interpersonnels (entre l’agresseur et la victime). Ils se caractérisent par une intention de nuire et détruisent la dignité de la personne, son intégrité psychique, physique et sociale, ainsi que la confiance dans l’humain.

Elles me supplient de plus en plus souvent de les aider à s’accrocher à la vie car elles ont souvent perdu ce qu’elles avaient de plus cher, leur enfant, mais aussi souvent leur métier, leurs amis (qui veut rester ami avec une folle ?), parfois leur toit (certaines vont en prison pour non-représentation d’enfant ou enlèvement d’enfant).  

Le discrédit que les institutions ont jeté sur elles rejaillit sur leurs représentations d’elles-mêmes. Elles ne croient parfois plus du tout dans leurs capacités maternelles et beaucoup moins dans leurs perceptions. C’est donc leur intégrité psychique qu’une minorité d’entre elles commence à remettre en question. Et si leur agresseur et les institutions avaient raison ? Et si elles étaient vraiment folles comme le leur a si souvent répété leur agresseur ? Au moins, cela solutionnerait le problème le plus épineux : la souffrance de leur enfant… Mon travail consiste donc souvent à les rassurer sur la fiabilité de leurs perceptions. 

Mais résilientes, malgré tout 

Mais elles tiennent le choc par amour pour leurs enfants, que certaines ne peuvent pourtant plus voir ou uniquement dans des circonstances atroces qui les contraignent à assister, impuissantes, à la déchéance physique et psychique de leur(s) enfant(s).  

Je m’étonne chaque jour de leur résilience face à la folie qui pourrait si facilement les happer. Cette résilience héroïque mérite d’être saluée. Leur degré de résistance, face à la pire adversité qu’une mère puisse connaître, une torture ni plus ni moins, témoigne en fait de la grandeur de la maternité à une époque qui tend hélas à ne plus reconnaître l’importance de la mission civilisatrice des mères.  

  • Caroline Bréhat est psychothérapeute, autrice.  Son dernier roman“Les Mal Aimées”, porte sur le caractère transgénérationnel de l’inceste. 

 
Notes :

(1) https://stopabusecampaign.org/takeaction/what-is-a-protective-mother/ 

(2) Le « SAP » a été inventé de toutes pièces par Richard Gardner, un psychiatre américain controversé, selon lequel l’enfant serait manipulé et endoctriné par l’un de ses parents rabaisserait ou rejetterait l’autre « de façon injustifiée ». Importé des États-Unis par les mouvements masculinistes, le SAP est entré dans les mœurs et les usages bien qu’il ait été rejeté par l’Association américaine de psychiatrie – la référence sur le sujet – et l’Organisation mondiale de la santé. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a appelé à proscrire le recours à ce « pseudo » syndrome, « tout particulièrement dans le processus de décision judiciaire ». 

(3) Un enfant est tué tous les cinq à six jours en France. 25% des homicides ont lieu dans les familles en France. Trois enfants par classe sont victimes d’inceste. La France est un des rares pays de l’OCDE à ne pas donner les chiffres des enfants maltraités comme si le législateur ne voulait pas savoir (source : Michèle Créoff). 

(4) Crisis in Family court : lessons from turned around cases, 2013. 

(5) Les personnalités violentes sont toujours pathologiquement fusionnelles, mal différenciées des autres, a fortiori de leurs enfants. L’un de leurs mécanismes de défense privilégiés est l’identification projective, ou projection, par laquelle elles accusent l’autre de leurs propres défauts. Ces hommes violents projettent donc sur leur ex dans une logique d’inversion leur propre propension à la fusion. Il va sans dire que les mères peuvent elles aussi être fusionnelles, mais dans ces cas précis d’inceste, il s’agit en fait des pères.  

(6) https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/10/23/97001-20171023FILWWW00316-l-instinct-maternel-conforte-scientifiquement.php

 


Cet article, qui a été publié dans France-Soir le 27 avril 2023, est tiré des séances de groupe organisées par Protéger l’Enfant.


Caroline Bréhat

Psychothérapeute, psychanalyste, autrice


Autres articles de Caroline Bréhat :

Rencontre avec Caroline Bréhat

Le « Syndrome d’Aliénation Parentale » ou l’instrumentalisation du système judiciaire

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Le fléau des plaintes pour violences intrafamiliales classées sans suite

Le fléau des plaintes pour violences intrafamiliales classées sans suite

Dans un rapport de l’inspection générale de la Justice, publié le 17 novembre 2019, il est indiqué que 80 % des plaintes sont classées sans suite. Ces chiffres correspondent à ce que nous disent les victimes et les familles des victimes que nous rencontrons.

Les violences intrafamiliales sont une réalité qui touche des milliers de personnes en France et pourtant, l’immense majorité des plaintes déposées par les victimes ne donnent pas lieu à des poursuites judiciaires. Les raisons de cette situation sont multiples et complexes, mais les principales sont le manque de ressources consacrées à la lutte contre les violences domestiques, l’absence de formation, les préjugés face aux victimes, des faits qui n’ont pas pu être établis de façon probante suffisante.

Les services chargés de l’enquête et de la poursuite des violences intrafamiliales sont sous-financés, sous-staffés et surchargés de travail. Cela signifie que les enquêteurs et les procureurs n’ont pas toujours les moyens nécessaires pour mener des enquêtes approfondies et recueillir des preuves solides. En conséquence, les plaintes déposées par les victimes sont souvent classées sans suite, faute de preuves suffisantes.

L’autre grande problématique, ce sont les préjugés et les stéréotypes sur les victimes de violences domestiques qui influencent les décisions des enquêteurs et des procureurs. Ces derniers peuvent avoir tendance à penser que les victimes de violences domestiques sont responsables de ce qui leur arrive ou sous-estiment la gravité des violences subies.

Pour remédier à cette situation, il est essentiel de renforcer les ressources allouées à la lutte contre les violences intrafamiliales. Cela passe par une meilleure formation des intervenants aux réalités de ces violences et un apprentissage des bonnes pratiques pour écouter et recueillir des preuves solides. Enfin, il est crucial de protéger les victimes en mettant en place des mesures pour les aider à se sentir en sécurité et à sortir de la situation de violence dans laquelle elles se trouvent.

MAIS, voir sa plainte classée sans suite n’est pas forcément la fin du combat !!! Il existe d’autres pistes à suivre !

Alors, que faire en cas si sa plainte a été classée ?

Si une plainte a été classée sans suite, cela signifie que les autorités judiciaires ont jugé que :

  • Le préjudice subi par la victime est insuffisant pour déclencher des poursuites.
  • Le contexte de l’infraction pénale ne permet pas d’identifier l’auteur des faits.
  • L’acte ne constitue pas une infraction.

Dans tous les cas, vous pouvez envisager les options suivantes :

  1. Demandez des explications : Vous pouvez demander aux autorités judiciaires votre dossier (avec les références de l’affaire) et exiger des explications détaillées sur les raisons du classement. Interrogez le Bureau d’Ordre du Parquet, le Bureau d’Aide aux Victimes ou le Service Unique du Justiciable du TJ pour demander une copie de l’enquête préliminaire.
  2. Consultez un avocat : Si vous pensez que vous avez été victime d’une injustice, vous pouvez consulter un avocat pour savoir si vous avez des recours possibles, tels que des actions civiles ou pénales. Si vous ne pouvez pas vous permettre un avocat, vous pouvez contacter une organisation d’aide juridique locale pour obtenir de l’aide et des conseils.
  3. Faites appel : Pour faire appel d’un classement sans suite, il n’y a jamais de délai, ça peut se faire sans limite de temps. L’appel se fait par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du Procureur Général. Donnez les motivations de l’appel de la décision de classement, joignez l’avis de classement et la copie de l’enquête si vous l’avez demandée et obtenue, mentionnez la procédure de citation directe et tout ce qui plaidera en votre faveur.
  4. Saisissez directement le Doyen des juges d’instruction avec une lettre recommandée avec accusé de réception. Après avoir examiné votre courrier, ce dernier pourra soit rendre une ordonnance qui mettra fin à la procédure, soit ouvrir une information judiciaire. Un juge devra mener différentes investigations et décider de rendre une ordonnance de non-lieu ou demander que le dossier soit jugé par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.
  5. Tentez la citation directe : cela permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou de police, sans passer par un juge d’instruction ni enquête de la police. Elle est possible pour tous les délits sauf les crimes. Il est conseillé de prendre un avocat pour rédiger la citation. La pièce doit être accompagnée de toutes les preuves nécessaires. La citation directe est délivrée par un huissier de justice à la partie adverse et doit indiquer clairement la date, le lieu et l’heure de l’audience. Durant les débats, la victime et la défense sont entendues. À la fin de l’audience, le tribunal rend sa décision : soit il condamne l’auteur et le prévenu doit indemniser la victime, soit il relaxe le prévenu, et dans ce cas la victime peut être condamnée à une amende si la citation était abusive.

Rappelons que la plainte classée sans suite ne signifie PAS que l’incident en question ne s’est pas produit. Elle n’a pas autorité de chose jugée.

Le classement sans suite n’est PAS un désaveu de la victime. C’est juste qu’il n’y a pas assez d’éléments pour nourrir une procédure pénale susceptible d’aboutir OU pas assez de volonté/moyens pour enquêter. D’ailleurs, le classement sans suite n’est pas une décision définitive. Le procureur de la République peut revenir à tout moment sur sa décision et décider d’engager des poursuites, sauf si les faits sont prescrits.

Il est important à la fois de garder espoir mais surtout de continuer à collecter tous éléments à charge contre l’agresseur.

Témoignage d’une grand-mère en colère contre la Justice qui ne protège pas sa fille et ses petites filles

Témoignage d'une grand-mère en colère contre la Justice qui ne protège pas sa fille et ses petites filles

« Depuis septembre, mes quatre petites filles voient leur père un samedi sur deux, pendant 30mn, dans le cadre d’une visite médiatisée.

Ce matin, je les ai accompagnées moi-même à cette visite et je ne décolère pas depuis… J’ai rencontré 3 mamans qui accompagnaient leurs enfants, j’ai vu des enfants (10 et 14 ans) refusant d’entrer dans la salle où se trouvait leur père, des mamans expliquant qu’elles avaient fait au moins une demi-heure de route avec des enfants qui refusaient de les suivre.

Elles devaient les forcer à monter en voiture, elles les traînaient jusqu’au centre de médiation, ils entraient en pleurant et en se serrant contre leur maman qui était pourtant obligée par la Justice à les enjoindre de suivre les personnes qui les amènent devant leur père et agresseur.

Si les mamans s’énervent de devoir gérer tout ce stress et osent demander jusqu’à quand elles vont devoir continuer ainsi avec des enfants terrorisés, on les soupçonne de manipuler leurs enfants… et elles se font reprocher leur attitude et leur énervement, qui pourraient confirmer les accusations paternelles d’influence exercée sur les enfants…

Pendant la durée de l’entretien, ces mamans échangent, les larmes affleurent chez chacune, elles racontent l’avant et l’après visite, la souffrance des enfants et les angoisses à accompagner (visite chez les psys, efforts pour offrir des moments agréables aux enfants à l’issue de la visite). Il leur est impossible de craquer devant eux. Elles leur expliquent qu’elles n’ont pas d’autre choix que de les accompagner devant celui qui les a violentés…

Ces mamans sont épuisées et n’ont personne pour les soutenir. Les pères, eux, voient leurs enfants et repartent, sans avoir à gérer le mal-être qu’ils ont créé. Les mamans paient le prix fort pour entretenir ce lien destructeur avec le père….

Ce que racontent ces mamans, je le connais par cœur, ma fille a vécu les mêmes choses avec ses filles, mes petites filles (désir de prendre un couteau et de tuer leur père pour en finir, mal-être profond avant la visite et tout le week-end qui suit, surinvestissement scolaire et maturité acquise au prix de ces souffrances). Depuis 7 ans, j’accompagne de mon mieux ma fille et mes petites filles, mais ce matin, ces femmes m’ont renvoyée à mon impuissance devant cette maltraitance des enfants par la Justice française et la souffrance de leurs mamans, épuisées, écorchées vives.

Pourquoi imposer à des enfants, à des adolescents de se retrouver face à un père qui les a blessés et fait souffrir ? Comment justifier auprès d’enfants que la décision d’un juge qu’ils n’ont jamais vu ou si peu passe avant leurs peurs, leurs angoisses, le souhait de leur maman de les protéger ?

Voilà mes interrogations et ne trouvant aucune réponse à mes questions, je vous les pose… Y a-t-il une possibilité d’agir de quelque façon que ce soit pour empêcher que ce gâchis se poursuive et que d’autres générations d’enfants et de mamans continuent à souffrir ? »

Nous avons reçu ce témoignage le 13 avril 2023, intitulé  » Témoignage et colère contre les visites médiatisées « .


Nous vous conseillons également la lecture de nos articles Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre… et Pourquoi les Centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs pour comprendre pourquoi, si ces rencontres sont probablement bénéfiques dans le cadre de conflits simples, elles deviennent très problématiques dans un contexte de violences. Quand on force des enfants qui dénoncent des faits de violences à revoir régulièrement le parent accusé ou condamné, la Justice ne fait que rajouter de la violence dans leur vie. Pourquoi imposer à des enfants qui dénoncent un parent violent (parfois reconnu coupable et condamné) de le revoir ? L’argument de maintenir à tout prix le lien parent-enfant n’est plus recevable quand l’adulte est malveillant. Un parent maltraitant n’est pas un bon parent. Le revoir, c’est perpétuer la torture. Comment peuvent elles guérir de leurs traumatismes si on oblige les victimes à revoir leur bourreau tous les mois ?

Enfin, si vous souhaitez avoir une vision complète de notre état des lieux et de nos préconisations, vous trouverez ici notre Manifeste ainsi que notre pétition.

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Lorsque des conflits émergent dans un couple, il est fréquent de pointer du doigt les problèmes de communication et les désaccords de chacun. Et parfois, les membres du couple peuvent être diagnostiqués par des experts dépêchés par la Justice comme souffrant de « conjugopathie ».

Mais qu’est-ce que la conjugopathie ?

Est-ce réellement un trouble psychologique ? Et surtout, quelle est la véritable signification de cette accusation dans le cadre des violences intrafamiliales ?

La « conjugopathie » est un terme qui désigne un trouble psychologique qui serait lié à une incapacité à communiquer efficacement avec son conjoint ou sa conjointe. Ce concept a été popularisé par certains psychologues et thérapeutes de couple pour expliquer les difficultés de communication entre les partenaires.

Selon cette théorie, un ou les deux membres du couple souffriraient d’un trouble psychologique empêchant une communication efficace et provoqueraient des conflits et des tensions.

Si la conjugopathie peut peut-être exister dans un cadre de conflits conjugaux simples, elle devient un cache misère dans le cadre de violences intrafamiliales. En effet, cette accusation permet de ne pas nommer les vraies causes du problème, à savoir la violence. En utilisant cette notion, on évite de nommer les agresseurs et on continue à les considérer comme des victimes.

De plus, cette idée fausse selon laquelle les torts sont toujours partagés équitablement revient à dire que personne n’est responsable de la violence intrafamiliale.

Il est important de comprendre que la violence conjugale est un phénomène complexe qui ne peut pas être réduit à un simple trouble de communication. Il s’agit d’un comportement violent et contrôlant de l’un des membres du couple envers l’autre, qui peut prendre différentes formes (physique, psychologique, sexuelle, économique, etc.).

La violence conjugale ne se limite pas à de simples disputes entre 2 personnes, mais représente une situation où une personne exerce un pouvoir sur une autre.

Nommer l’agresseur et la violence qu’il déploie fait partie du travail de la Justice.

Or la conjugopathie est une accusation qui empêche de pointer les coupables et permet à l’agresseur de se dédouaner de sa responsabilité en faisant croire que la violence est partagée.

C’est oublier qu’il y a un agresseur et une victime. Les torts (et les conséquences) ne sont pas partagés équitablement.

Dans le cadre des violences, non seulement l’accusation de « conjugopathie » est une vision fausse des phénomènes de pouvoir qui s’exercent, mais elle ne profite qu’aux agresseurs.  Elle empêche les victimes de recevoir l’aide et le soutien dont elles ont besoin.

Les professionnels de la santé mentale doivent être formés pour repérer et aider les victimes de violence conjugale.

Tous les syndromes à l’emporte-pièce comme la conjugopathie, l’aliénation parentale devraient être remisés à la cave des concepts dépassés pour laisser place à une société plus juste et égalitaire.

A cause de ces faux diagnostics (qui accusent majoritairement les mères), au lieu d’être protégés, des femmes et des enfants victimes sont remis dans les mains de leur agresseur, avec le concours et la complicité d’un système qui devrait se remettre en question.
Bannissons la conjugopathie, la parentopathie et tous ces termes creux qui sont des arbres artificiels qui cachent la forêt des agresseurs…

Il est grand temps que la Justice, la police, les experts en tout genre se forment VRAIMENT aux phénomènes d’emprise, de domination, de manipulation pour protéger les victimes.


Nous vous conseillons également la lecture de l’article Le “SAP”, un phénomène pervers par excellence.

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

La culture du viol a une incidence sur le cerveau des victimes comme sur celui des agresseurs

Comment le cerveau peut tout changer, comment faire reculer la culture du viol

Sexes et violences, Seuil 2023 de Danièle Tritsch et Jean Mariani

Danièle Tritsch et Jean Mariani, deux neurobiologistes, expliquent dans l’ouvrage Sexe et violences comment le cerveau peut tout changer. Il s’agit d’un plaidoyer pour l’éducation à une sexualité librement consentie. Les auteurs montrent qu’il existe un déterminisme qui dépend de multiples facteurs convergeant tous vers une même cible : le cerveau et sa plasticité.

Les conséquences de la culture du viol

Les chercheurs explorent les effets de la culture du viol sur le cerveau des agresseurs et des victimes. La culture du viol est un ensemble de croyances et de normes sociales qui minimisent ou justifient les agressions sexuelles, ce qui peut entraîner des conséquences graves sur la santé mentale et le bien-être des individus.

Altération du cerveau des agresseurs

Selon ces neuroscientifiques, les agresseurs sexuels présentent souvent des altérations du fonctionnement cérébral, notamment au niveau de l’amygdale et du cortex préfrontal. Ces régions du cerveau sont impliquées dans la régulation des émotions et des comportements, et leur altération peut entraîner une impulsivité accrue et une difficulté à ressentir de l’empathie pour les autres. Les études ont également montré que les agresseurs sexuels ont souvent une plus faible activité dans la région du cortex cingulaire antérieur, qui est impliquée dans la prise de décision et le contrôle de soi.

Altération du cerveau des victimes

En ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle, l’exposition à la culture du viol peut également avoir des effets néfastes sur leur santé mentale et leur fonctionnement cérébral. Les auteurs décrivent notamment les ravages des abus sexuels sur les victimes. Les victimes peuvent présenter des symptômes de stress post-traumatique, notamment des cauchemars et des flashbacks, ainsi qu’une hypersensibilité émotionnelle. Ces symptômes sont associés à des altérations du fonctionnement de l’amygdale et du cortex préfrontal, similaires à celles observées chez les agresseurs sexuels.

La culture du viol, une plaie pour tous

 D’une manière générale, la culture du viol affecte la façon dont les individus perçoivent les situations sexuelles et les relations interpersonnelles. Les personnes exposées à cette culture, c’est-à-dire tout le monde, sont susceptibles de minimiser ou de justifier les comportements agressifs et/ou de se sentir moins à l’aise pour exprimer leurs limites et leurs désirs sexuels. Pour briser la culture du viol, il est important de reconnaître les effets néfastes qu’elle peut avoir sur la santé mentale et le fonctionnement cérébral des individus. Et puis prévenir, éduquer pour changer les modes de pensées.

En effet, la clé est de promouvoir des normes sociales saines et de donner aux individus les outils nécessaires pour reconnaître et prévenir les comportements agressifs. Cela passera par de l’éducation sur le consentement, des interventions pour aider les individus à gérer leur propre stress et à développer des compétences sociales et émotionnelles de qualité, respectueuses de soi et d’autrui.

La mise en place de ces actions, aidées de la formidable plasticité du cerveau, augmentent l’espoir de prévenir les violences et de guérir victimes et bourreaux.

On peut faire reculer les cultures du viol et de l’inceste. Non, les violences sexuelles ne sont pas une fatalité


Vous pouvez consulter également notre guide Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants

Témoignage de Julie, mère protectrice à qui on a retiré la garde de sa fille

Témoignage de Julie, mère protectrice à qui on a retiré la garde de sa fille

Julie rencontre John sur un site de rencontres amicales et ils randonnent souvent ensemble. Il s’intéresse beaucoup à elle, occupe le terrain. Il est gendarme réserviste, Julie se dit qu’il protège les gens, qu’il est honnête et droit et qu’on peut lui faire confiance. Ils se mettent en couple, la jeune femme s’installe chez lui dans la foulée.

Rapidement, John montre des aspects plus négatifs, il voit tout en noir, le monde est dangereux, les femmes vicieuses. Julie, totalement sous emprise, se met à voir la vie avec ses yeux, elle est stressée. John l’isole progressivement en lui expliquant qu’il faut qu’elle se méfie de tout. Et puis, cette agressivité constante se retourne également contre elle. Les remarques s’accumulent, les moqueries, la violence verbale.

Mi 2018, un projet bébé voit le jour.

Julie est enceinte. Mais au lieu de la joie de cette nouvelle, ce sont les violences qui explosent. Les reproches sont constants, Julie n’est jamais assez bien, mauvaise ménagère, trop féminine, elle ne mange pas assez bien, elle dépense trop… John se met à tout contrôler, les finances, les sorties, les relations.

Elle gagne pourtant plus d’argent que lui mais son autorité prévaut. Comme selon John « la grossesse n’est pas une maladie« , Julie se fatigue à la tâche impossible de lui plaire et finit par être arrêtée à 7 mois de grossesse. Quand leur fille nait, Julie est épuisée. John n’est d’aucune aide, d’aucun soutien. C’est même l’inverse. Dans sa bouche, Julie devient aussi « une mauvaise mère« …

Julie réalise qu’il y a quelque chose qui cloche dans la relation mais elle a honte et ne sait comment s’en sortir. Elle subit ses exigences et fait de son mieux pour protéger sa fille des colères de son père, qui n’a aucune empathie, aucun geste tendre même quand elle chute des escaliers. Tout est prétexte pour assoir sa tyrannie. Il menace : « si tu te barres un jour, je te tue toi et ta fille« .

Julie est tellement crevée qu’elle n’a plus de recul pour penser. Et puis un jour, en juin 2021, en changeant sa fille, elle constate que son sexe est différent, plus béant. Elle se dit que ce n’est rien. Mais plusieurs jours plus tard, c’est sa maman qui s’étonne de cet aspect anormal. Alors elle consulte un médecin qui confirme l’état maltraité de la vulve. Le lendemain, elle porte plainte et prend la décision de partir.

A ce moment, Julie a encore du mal à imaginer que John puisse être responsable de violences sexuelles sur leur fille, même si elle en subit elle-même régulièrement. Elle penche pour les parents de John, très toxiques.

Julie déménage aussitôt chez ses propres parents, terrifiée et craignant le pire. Elle saisit également le juge aux affaires familiales (JAF) et une avocate. Celle-ci lui suggère de continuer à remettre sa fille au papa. Julie, la mort dans l’âme, suit ce conseil. Le verdit du JAF tombe : garde alternée. Julie obtempère et sa fille séjourne chez son papa. Quand elle rentre, elle fait des cauchemars à propos de son père. Cette petite fille de 2,5 ans parle du « jeu de la baise » ou explique que son père lui « touche le pipi et que ça fait mal ».

De fait, la petite fille ne va pas bien.

Chaque fois qu’elle revient de chez son père, elle est bouleversée. Julie porte plainte à nouveau mais la même avocate lui conseille de ne pas parler de ces accusations car sinon, elle va perdre la garde. Selon elle, les accusations d’inceste sont une preuve pour les juges de l’esprit manipulateur des mères. A l’audience, Julie rapporte les phrases de sa fille et la JAF répond : « il y a des enfants qui mentent« .

Elle ordonne une garde partagée et demande une expertise psy pour la famille car, à l’inverse, l’avocat du père accuse Julie d’avoir le syndrome de Münchhausen. C’est une forme grave de maltraitance où un adulte (souvent une femme) feint, exagère ou provoque des problèmes de santé sérieux chez un enfant, dans le but d’attirer l’attention et la compassion.

Lors de l’expertise psy, Julie parle des révélations de sa fille et des douleurs mentales toujours présentes chez elle suite à sa relation avec John. La psy confronte le père. En juin 2022, le JAF a entre les mains l’expertise à charge contre le père (comportement passif agressif, narcissique et qui ne nie pas clairement les faits).

Pourtant, le JAF n’en tient pas compte et demande, malgré les récriminations des avocats, une nouvelle expertise en nommant un spécialiste connu pour ses prises de positions misogynes. Julie prend contact avec une pédopsy adoubée par des tribunaux pour qu’elle entende son enfant. Le rapport qu’elle lui remet après la consultation est édifiant. Les mots de la petite fille sont affreux et explicites. Elle ne peut pas inventer.

La psy conseille à Julie de ne plus remettre l’enfant au père et fait une information préoccupante.

Julie commence alors de la non-représentation d’enfant (NRE) et dépose une main courante où elle apporte le rapport de la psy comme motif. En aout, elle est convoquée au commissariat et reçoit en parallèle un texto de John qui dit « Rendez-vous au commissariat« . Elle comprend que le délibéré a eu lieu sans qu’elle ne soit informée et qu’il est favorable au père.

Verdict ? Garde exclusive chez le père. Le JAF n’a pris en compte que la plainte de monsieur contre les NRE… Nulle part n’est mentionnée le rapport de la psy. Julie est forcée de remettre sa fille au père.

Julie saisit aussitôt le juge des enfants mais celui-ci refuse de traiter l’affaire, il argumente que le JAF a déjà traité le dossier. Il ordonne un suivi psy du Centre Médico-Psychologique. Julie change d’avocat car elle réalise qu’elle a été très mal accompagnée.

Depuis août dernier, elle est sensée voir sa fille seulement 2 heures deux fois par mois, en lieux médiatisés mais dans les faits, les visites ne commencent qu’en novembre. L’enfant continue de se confier dès qu’elle est seule avec sa maman. Alors Julie achète un enregistreur et consigne les propos de sa fille : « papa ne me donne pas à manger« , « papa me fait mal« , « il me touche le pipi, il ne me laisse pas dormir« , « il dit que je suis moche« . Elle dépose une main courante avec ces preuves.

Actuellement, cela va faire 6 mois que la fille de Julie lui a été retirée. 6 mois qu’elle vit chez son père dont elle dénonce le comportement. Aucun principe de précaution n’a été mis en place dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Sa parole est bafouée et les conséquences immenses.

Julie attend le verdict de la cour d’appel prévu en avril 2023. Elle espère que la magistrate saura entendre et protéger son enfant ! Mais c’est très dur de vivre sans sa fille et de la savoir dans un endroit où elle n’est pas en sécurité corporelle, affective, psychologique. Aux maltraitances de son ancien compagnon, se sont rajoutées les maltraitances de la Justice.


Pour trouver des ressources concernant les violences sexuelles faites aux enfants, vous pouvez consulter notre document « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez consulter également le manifeste de l’association qui liste les dysfonctionnements en France ainsi que nos préconisations ; et signer notre pétition.

Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage Sophie, mère protectrice privée de ses enfants

Témoignage

En 2013, Sophie, maman solo d’une petite fille issue d’une première union, rencontre Vincent dans le cadre de son travail. Expatrié, il communique avec la jeune fille via la messagerie interne et rapidement un jeu de séduction s’installe. Chaque fois qu’il rentre en France, il en profite pour voir Sophie et leur relation s’installe. Vincent reconnait rapidement être en souffrance car il est sous l’emprise d’une mère toxique. C’est d’ailleurs une des raisons à son éloignement géographique car sinon, à 40 ans il vivait encore chez ses parents.

Sophie s’en rend compte quand ils partent en vacances ensemble. Sa mère le contacte toutes les 5mn en Facetime et il se fait insulter s’il ne répond pas. Quand Sophie rencontre cette femme pour la première fois, elle est très agressive, comme si elle voyait une maitresse qui fichait le bazar dans son couple.

Sophie soupçonne une relation très toxique aux relents incestueux mais elle pense pouvoir aider Vincent, le réparer.

Quand elle tombe enceinte, Vincent est heureux. Mais sa mère est horrifiée. A l’annonce, elle dit qu’elle a envie de vomir et quitte la pièce. Elle n’a alors de cesse que de monter son fils contre sa belle-fille.

L’arrivée du petit garçon ne change rien. Des propos racistes s’ajoutent à un quotidien éprouvant car Vincent est toujours en expat. Et pendant les deux premières années du petit garçon, Sophie l’élèvera seule ou presque. En 2016, Vincent peut enfin revenir en France et ils cherchent un appartement plus grand. La mère intervient sur tous leurs choix de vie

et n’est jamais d’accord. Elle débarque à tout bout de champ et il faut toujours céder à ses désirs. Téléphone, email, matin et soir, le harcèlement ne s’arrête jamais.

Vincent est complètement sous l’emprise de sa mère et jamais il n’intervient pour poser des limites.

Au contraire, il se cache de Sophie pour la joindre car comme tous les reproches tournent autour de sa femme, c’est sa façon de gérer. Malgré une vie de couple très perturbée, ils continuent de faire des projets. Un mariage est prévu, l’achat d’une maison et un second enfant arrive en 2016. A cette annonce, la grand-mère rentre dans une colère noire. Ce sera pareil pour leur 3ème enfant. Et quand ils se décident à parler du mariage, elle réagit très violemment et affirme qu’elle ne viendra pas. Vincent réagit enfin pour dire qu’il s’en fiche. Un malaise durable s’installe et Vincent devient à la fois absent et violent. C’est un papa qui s’énerve vite, qui peut punir violemment par des frappes. Un jour il part au marché avec son fils ainé et il lui luxe le coude en le secouant.

Pour Sophie, ce n’est plus tenable, entre la belle-mère qui lui fait vivre l’enfer et un mari violent, elle annonce qu’elle ne va pas pouvoir continuer ainsi. L’été 2018, elle souhaite partir à l’étranger dire au-revoir à sa grand-mère mourante. Vincent confisque son passeport et celui de ses enfants. Sophie prévient la police qui les récupère au travail de Vincent.

Elle engage une procédure de divorce car elle a perdu toute confiance en lui.

Vincent fait une énorme crise de violence à cette annonce devant les enfants. Sophie contacte les gendarmes qui interviennent pour demander à Vincent de partir. Il s’installe chez sa mère, qui continue d’alimenter la haine.

Une plainte est déposée avec des photos en mai 2021. En juillet, quand elle rentre de vacances, Vincent est revenu au domicile. La cohabitation est très difficile.

En septembre, ils passent devant la Juge aux affaires familiales (JAF) après assignation divorce. Vincent reconnait les faits de violence mais il dit qu’il regrette et qu’il s’est remis en question. La JAF lui accorde un droit de garde classique et demande une expertise des parents.

Sophie déménage (avec son accord) et Vincent débarque quand même quand il veut, les violences continent ainsi que les viols conjugaux. Elle tombe enceinte une quatrième fois.

En novembre, le jugement est rendu. Vincent a un simple rappel à la loi et doit faire un stage de responsabilité parentale de 48h… Alors il fanfaronne et dit que ce qu’il fait n’est pas grave. Les enfants eux refusent d’aller chez leur père. Sophie tente de les rassurer mais à chaque fois, ils reviennent cernés, pâles, déclarant qu’ils ont été frappés, qu’ils ont été menacés et privés de repas.

L’avocat de Sophie lui conseille de porter plainte ET de confier les enfants au père pour que ça ne se retourne pas contre elle.

Vincent nie et prétend qu’elle instrumentalise leurs enfants.

Sophie garde en photo les bleus et porte plainte. En janvier 22, sa fille lui confie que son père lui touche le sexe. Elle enregistre ses révélations et porte plainte immédiatement. Les policiers auditionnent les 3 ainés de Sophie qui témoignent également que leur père les masturbe, demande des fellations. « Papa veut bien qu’on crache « son pipi » après« .

Ils restent constants dans leur récit et refusent de retourner chez leur père.

Sophie porte plainte.

Grace à une astuce, elle réussit à obtenir un enregistrement du quotidien de ses enfants chez leur père. On entend les cris, les coups, les insultes (« vous êtres des anormaux« ).

Elle entend sa fille dormir et se faire réveiller par son père. Elle l’entend hurler « je ne veux pas, j’ai mal« .

Sophie fait un complément de plainte. Les gendarmes retranscrivent les enregistrements et les transfèrent au parquet. Sa fille est également vue par un médecin des unités médico judiciaires (UMJ) qui constate une vulvite.

Une expertise psy est mandatée par le procureur mais à cette époque Sophie est dans une situation financière difficile, elle n’a plus de voiture, son propriétaire veut récupérer l’appartement. Alors elle demande à l’experte de faire l’entretien par visio. Cette dernière refuse (alors qu’elle l’accepte pour le père) et sans jamais la recevoir dresse un rapport à charge : « Au vu des éléments du père, la mère est potentiellement instable, trop fusionnelle, instrumentalise les enfants et ne laisse pas la place au père. La maman me parait d’un niveau de dangerosité élevé« … Et elle préconise au JAF un transfert de la garde au père.

Sophie, par nécessité, pour protéger ses enfants, fait de la non-représentation d’enfant (NRE).

Quand elle repasse devant la JAF en novembre, celle-ci a le rapport d’expertise en main et refuse de prendre en compte les preuves enregistrées. Sophie demande des visites en lieux neutres. La JAF dit qu’elle va investiguer (mais ne fera aucune démarche).

En janvier, le verdict tombe. La JAF ordonne le transfert immédiat de la garde des 4 enfants chez le père et « accorde » à la mère des visites en lieux neutres d’une heure par mois.

Sophie fait un malaise, ses enfants une crise de panique. Quelle décision incompréhensible.

Alors elle rassemble ses forces et fait une déposition à la gendarmerie avec le formulaire de la CIIVISE (Commission Inceste) parlant du principe de précaution et bien sûr continue la NRE.

Le 13 février, c’est presque un guet-apens.

Sophie est convoquée avec ses enfants. Elle se rend à l’audience avec les 3 ainés. Elle réexplique l’affaire mais la juge n’entend rien, balaye aussi la parole des enfants. A la sortie de l’audience, elle fait blocus physiquement pour contraindre Sophie à laisser ses enfants au père.

Sophie filme le moment où on lui arrache ses enfants et où ces derniers pleurent en s’accrochant à elle, disant qu’ils ne veulent pas aller chez leur père. Personne ne les écoute. On les voit être pris de force par la police. Et ils sont fourrés, hurlant, dans la voiture du père.

Depuis ce jour horrible, Sophie n’a plus de nouvelles de ses enfants. Vincent dit qu’ils ne demandent pas après elle.

Quant à l’espace rencontre, il est surchargé et ne prévoit pas de visite avant des mois.


Pour en savoir plus sur les violences sexuelles, nous vous conseillons la lectures des articles « Qui sont les incesteurs ? Tentative de portrait type« , « Inceste : les mécanismes du silence« , et « Profil agresseur, dans les violences sexuelles faites aux enfants« .

Vous pouvez également télécharger notre flyer :

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

Violences sexuelles : des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes

En mars 2015, une collecte nationale de données sur le parcours de soin des victimes de violences sexuelles a lieu, à l’initiative de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Celle-ci a mené une enquête auprès de 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans pour évaluer l’impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge.

Les données ont été collectées à partir d’un questionnaire anonyme auto-administré par ordinateur, composé de 184 questions diffusées via des sites web, des réseaux sociaux et des médias. Les données ont été analysées par une équipe de professionnels de la santé et de la victimologie.

L’objectif était d’améliorer l’identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Voici ce que raconte l’enquête et qui est toujours actuel.

Les violences sexuelles ont des conséquences dévastatrices sur la santé des victimes, à court, moyen ET long terme. Sans soins adaptés, elles vont détériorer le psychisme ainsi que le corps de la victime tout au long de leur vie. Les symptômes peuvent se manifester dès l’agression ou être des bombes à retardement qui risquent d’exploser des années plus tard parfois, via un détail qui rappelle les violences.

Avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance est considéré comme l’un des facteurs délétères les plus importants de la santé, même après cinquante ans. Les conséquences (décès prématuré par accidents, maladies et suicides, maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète, obésité, épilepsie, de troubles du système immunitaire et de troubles psychiatriques) sont proportionnelles à la gravité et à la fréquence des violences subies ainsi qu’aux circonstances aggravantes.

1/ Les traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont l’un des risques les plus courants associés à ces violences, avec un taux d’état de stress post-traumatique pouvant atteindre 80% chez les victimes de viol et 87% chez celles ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance. Les troubles dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles alimentaires et les conduites addictives sont également plus courants chez les victimes de violences sexuelles. Le fait que celles-ci soient subies dans l’enfance augmente considérablement le risque de personnalité borderline et les diagnostics de trouble limite de la personnalité.

La plupart des victimes de violences sexuelles présentent une variété de symptômes qui créent une situation de détresse psychique insoutenable. Parmi les symptômes les plus courants, on trouve une perte d’estime de soi, des troubles anxieux, des troubles du sommeil, l’impression d’être différent des autres, le stress et l’irritabilité.

D’autres troubles plus handicapants comprennent les troubles phobiques, les symptômes intrusifs, les troubles de l’humeur, la fatigue chronique, les symptômes dissociatifs, l’hypervigilance et les troubles sexuels. Dans l’enquête, les répondants sont 58% à évaluer leur souffrance mentale actuelle comme importante et 64% à l’avoir estimée comme maximale au moment où elle a été la plus importante.

2/ Les traumatismes physiques

Les conséquences sur la santé sont également physiques. Les victimes de violences sexuelles sont plus susceptibles de présenter de nombreuses pathologies, notamment cardio-vasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et neurologiques, ainsi que des douleurs chroniques et des troubles du sommeil. Ces violences peuvent également causer des atteintes des circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress. Les atteintes cérébrales sont visibles par IRM, avec une diminution de l’activité et du volume de certaines structures, une hyperactivité pour d’autres, ainsi qu’une altération du fonctionnement des circuits de la mémoire et des réponses émotionnelles.

Des altérations épigénétiques avec la modification du gène NR3C1, impliqué dans le contrôle des réponses au stress et de la sécrétion des hormones de stress, ont également été mises en évidence chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et bien-sûr, si les violences sexuelles entraînent une grossesse, l’impact est décuplé à tous les niveaux. Entre les interruptions volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées, les grossesses menées à terme, parfois par des mineures, les conséquences physiques, psychologiques, économiques, sociales, etc. sont très nombreuses pour les victimes.

3/ Un rapport à la santé altéré

Les victimes de violences sexuelles ont une consommation médicale plus importante, avec davantage de consultations en médecine générale, aux urgences et plus d’interventions chirurgicales rapportées, souvent inutiles car liées à la mauvaise image de soi. Paradoxalement, les victimes ont un seuil élevé de résistance à la douleur, ce qui peut les conduire à négliger des pathologies avant de consulter un médecin. Enfin, des conduites addictives, auto-agressives, des conduites sexuelles à risques, des troubles alimentaires de type anorexique et/ou boulimiques sont également fréquents et peuvent entrainer des conséquences dramatiques.

4/ Urgence d’installer des soins adaptés

Les intervenants doivent être conscients que plus les violences ont eu lieu dans l’enfance, plus les répercussions sont durables et profondes sur leur vie. Il faut à la fois agir vite, de manière adaptée et également mettre en place un vrai suivi dans le temps des victimes. En général, plus la prise en charge médicale est précoce et moins les victimes de violences sexuelles seront susceptibles de développer un état de stress post-traumatique et d’autres complications par la suite. Il est donc crucial que le personnel médical pose systématiquement la question des violences afin d’améliorer la prise en charge et la signalisation les situations de violence, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs ou de personnes vulnérables.

5/ Propositions d’améliorations

Voici des propositions à la fin de l’enquête pour améliorer la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Idéalement, il faudrait faciliter les démarches des victimes, mieux les informer via des professionnels de santé, des administrations, des plateformes web et téléphoniques. Des centres spécialisés pluridisciplinaires pourraient offrir une prise en charge globale et anonyme. La formation de tous les professionnels impliqués au dépistage les violences est urgente, ce qui inclut de croire les victimes et de reconnaître leur souffrance. Organiser des groupes de parole, donner du temps et un espace dédié au repos des victimes sont également des recommandations importantes. Enfin, l’éducation de la population est essentielle pour rompre le silence.


Sur l’impact sur la santé des violences sexuelles vous pouvez également consulter l’article « Violences sexuelles et troubles alimentaires, un lien intime« .

Vous pouvez également télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .