Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

Loi espagnole sur les violences intrafamiliales : pourquoi on devrait s’en inspirer

On le sait, on le vit, le droit français est patriarcal. C’est le cas de nombreux autres pays, cependant certains ont entrepris une mutation plus profonde et plus rapide, comme actuellement l’Espagne en matière de gestion des violences intrafamiliales. Les résultats sont là, indéniables.

Grâce à cette loi espagnole, en moins de 20 ans, l’Espagne a fait baisser les féminicides de 24% !

Le mouvement a commencé en 2004 avec la publication d’une loi spécifique contre les violences de genre ainsi qu’avec la création de tribunaux spéciaux, dédiés à ces violences.

Mais ce qui a fait tout accélérer, c’est une histoire sordide. En 2016, un groupe de 5 hommes (dont deux militaires) violent une femme de 18 ans, filment la scène, la publient sur WhatsApp et abandonnent leur victime à moitié nue dans la rue.

En 2018, la justice espagnole rend un verdict incompréhensible et laxiste : le viol en réunion n’est pas retenu et les 5 hommes sont condamnés à  9 ans d’emprisonnement pour « abus sexuels ». Les espagnols hurlent au scandale, manifestent et demandent à la Justice de rendre des comptes.

En 2019, le Tribunal suprême revient sur la décision de ce procès et condamne les auteurs à 15 ans de prison ferme. La plus haute instance judiciaire espagnole devient juste sans inégalité de traitement entre homme et femmes mettant fin ainsi à une pratique exorbitante en faveur des agresseurs plutôt que de celles/ceux qui dénoncent les violences..

A partir de là, tout est requestionné : différence entre abus sexuel et agression sexuelle, montant de l’indemnisation des victimes, obligation de formations des intervenants, semaine de cours théoriques puis pratiques auprès d’associations expertes pour les juges… Les réflexions ont lieu à un niveau national et local… Le système est revu de fond en comble et régulièrement actualisé.

En Espagne la violence domestique englobe toutes les formes de violence :

  • la violence physique,
  • la violence psychologique (dévalorisation, menaces, humiliations, vexations, exigence d’obéissance ou de soumission, insultes, isolement, atteinte à la liberté),
  • la violence sexuelle (tout acte de nature sexuelle non consenti),
  • la violence économique (privation intentionnée de ressources, impossibilité d’accéder à une indépendance financière).

Avoir des tribunaux dédiés à ces formes de violence et des gens formés change tout. Les intervenants sont capables de reconnaitre l’emprise, la sidération, les violences coercitives… Ils savent appréhender les dommages invisibles des victimes. En développant un arsenal complet, le nombre de condamnations est 2 fois plus élevé et le nombre d’ordonnances de protection délivrées à des victimes est 17 fois plus important qu’en France.

L’Espagne s’est dotée de dispositifs spécialisés qui aident à évaluer et prévenir les féminicides. En plus des ordonnances de protection, des bracelets anti-rapprochement et des téléphones d’urgence/grave danger (qui existent aussi en France), l’Espagne dispose du système VioGén. Il s’agit d’une plateforme qui recense tous les cas de violences conjugales rapportés à la police. Un formulaire d’évaluation du danger permet d’enclencher les mesures de protection adaptées et le risque est réévalué régulièrement. La police, la justice et les services d’accompagnement peuvent assurer un suivi continu, partagé et avec des critères communs.

Grâce à la loi espagnole, 56 000 femmes et leurs enfants sont aujourd’hui protégées par le système VioGén, 400 d’entre elles dans une situation à haut risque. Le système VioGén et d’autres dispositifs de protection semblent avoir contribué à un meilleure prévention des féminicides.

Depuis septembre 2021, deux lois majeures sont entrées en vigueur, dont on aimerait vivement que la France s’inspire (rapidement…)

 1 – Suspension automatique des droits de visite dans le cas où un des parents fait l’objet de poursuites ou de condamnations pour violences conjugales ou exercées sur ses enfants.

La nouveauté de cet article tient au caractère systématique de la suppression du droit de visite du parent s’il fait l’objet de poursuites pour violences, mais aussi s’il existe des indices de violence sexistes, même en l’absence de poursuites pénales. Cette solution garantit une meilleure protection pour la victime et ses enfants.

Il est certes toujours possible pour le juge de rétablir le droit de visite pour le parent auteur de violences, mais sa décision doit être motivée par l’intérêt supérieur de l’enfant.

2 – Amélioration de la protection des mineurs  qui doivent être entendus et écoutés au cours de toutes les procédures administratives ou judiciaires. Les informations doivent leur être données de manière compréhensibles par eux.

La loi espagnole prévoit également la mise en place des mesures nécessaires pour empêcher que des approches théoriques ou des critères sans aval scientifique qui présupposent la manipulation d’un adulte sur l’enfant, comme le syndrome d’aliénation parentale, puissent être prises en considération.

L’accord du père auteur de violences sexistes ne sera pas nécessaires pour démarrer un suivi psychologique de l’enfant, si la femme est reconnue victime de violences par une institution accréditée, même en l’absence de procédure pénale engagée.

Pour résumer, grâce à cette loi espagnole, l’Espagne possède actuellement les cadres législatifs, administratifs et budgétaires les plus renforcés au monde.

Pourtant, toujours mobilisée, l’Espagne travaille actuellement à d’autres lois encore plus protectrices comme une loi qui inversera la charge de la preuve.

Il reviendra alors au présumé agresseur de prouver le consentement et non plus à la victime de prouver son refus. Des groupes de travail militent également pour étendre le cadre des violences conjugales aux situations de harcèlement de rue, au travail, aux prostituées, aux femmes trans.

Il ne faudrait pas croire pour autant que ces lois ont été votées facilement. L’Espagne a connu des va-et-vient au niveau de leur mise en œuvre, de la priorisation politique et le budget alloué. Encore aujourd’hui, rien n’est joué. Ces changements juridiques et sociétaux sont très combattus par les partis de droite.

La France est à la traine et les victimes ne sont pas secourues. S’inspirer de cette politique et de cette loi espagnole, efficace, semble la piste la plus intelligente pour leur venir en aide et prévenir d’autres comportements toxiques.

En France, le centre Hubertine Auclert pour l’égalité femmes homme a listé 10 préconisations  pour mieux lutter contre les violences intrafamiliales, que l’on peut regrouper en trois grands domaines :

  1.  Renforcer le cadre législatif, administratif et budgétaire ;
  2. Renforcer les dispositifs de protection des victimes et de prévention des féminicides ;
  3. Renforcer les droits sociaux et une prise en charge des victimes.

Les marges de progrès sont immenses pour lutter contre les risques de reproductions des violences conjugales faites principalement aux femmes et aux enfants.

Développons en France des campagnes gouvernementales digitales via les réseaux sociaux pour s’adresser aux professionnels, aux victimes, aux proches.

Engageons une grande réflexion en France sur l’ensemble des mises en place possibles, sur le modèle de la loi espagnole, pour que cessent enfin ces violences. Nous avons proposé des pistes de réflexion.

« Aujourd’hui, le système capitaliste est poussé à l’extrême. On a une situation sociale toujours plus précarisée, une extrême droite qui banalise les violences : le contexte social ne peut que favoriser les violences envers les femmes. La meilleure formule pour lutter contre elles, c’est une politique sociale globale. Ensuite, on pourra parler de stratégie envers les violences conjugales. »

Laia Serra, avocate pénaliste catalane

Nous rajoutons que l’inverse est également vrai : en traitant le phénomène de violences conjugales, en élaborant une stratégie, on bâtit une politique sociale non pas de manière descendante et prescriptive (gouvernement législateur vers population), mais de manière ascendante : de la population vers nos autorités. Et nous touchons à tout le système social dont droits, libertés fondamentales, précarité économique, place des sans ressources dans ce système, des questions de genre…

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Protéger l'enfant

2 commentaires

Carita Marie Josee Publié le1h50 - 22 mai 2022

Formidable Espagne!
Vite que la France la suive!
Non lextreme droite nest pas indifferente! Oui les enfants doivent etre protégés dun pere violent en cas de divorce et RE.

Nathalie bernat Publié le23h55 - 18 juin 2023

Vous êtes bien loin d imaginer ce qu il se passe en Espagne. Tout ce système, bien aussi beau qu il puisse paraître à la base, à permis une seule chose. Surpeviser des enfants probables d entrer dans centres f enfants pour toucher les sommes incroyables de subsides de la feder… un processus qui soumet les femmes et les enfants à une maltraitance continue, avec des Plainthes qui s archivent les unes derrières les autres, une impossibilité d accéder à une assistance psichologique pour les enfants… des juges et des fiscales qui soumettent ces femmes et ces enfants à un système de garde partagée poussant ainsi à l extrême la maltraintance dont elles sont victimes pour en arriver à dépression ou pire et finir par retirer l enfant. Le père étant reconnu comme maltraitant ne peut s occuper de l enfant et la mère est incapacitee. Tout cela après un long processus durant lequel personne ne voit rien. Les faits, bizarrement, ne se reconnaissent qu à la fin… le moment propice pour retirer l enfant! L Espagne touché 68000 euros par enfant et entre 4000 et 9009 euros par mois par enfant! Une vraie loterie nationale. Tout ce processus vulnere tous les droits les plus basiques du code civil ou pénal mais en Espagne, tout le monde s en fout car tout le système judiciaire est corrompu. Les femmes en prison ont plus de droit que ces femmes victimes des faits que je viens brièvement de vous présenter, passant certaines des mois et des mois coupées de tous contacts avec leur enfant. Mais suivant certains juges, ce n est pas grave! Certains enfants sont séquestrés dans leur propre pays par le père et contre des sentences judiciaires. Et ca, suivant le système judiciaire espagnol, il n y’a aucun délit! L Espagne est dénoncé tous les jours devant les nations unions ou le parlement européen pour vulnerar les droits les plus basiques et fondamentaux des enfants!

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