Archives dans 28 janvier 2022

Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre…

Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre...

Les Centres Médiatisés, également désignés comme « Espaces neutres », sont des structures où parents et enfants peuvent se rencontrer, sous le contrôle de médiateurs, qui sont là pour garantir l’application des décisions de justice mais également veiller à la sécurité de tous.

Les personnes accueillies sont principalement des familles dans des situations de conflits conjugaux. Alors le temps que les choses évoluent en mieux, c’est dans ces espaces que les membres de ces familles se croisent et se parlent.

Ces familles y sont dirigées souvent par un Juge aux affaires familiales et leur accueil ne dépasse pas 6 mois, renouvelable une fois. Il s’agit donc d’une médiation temporaire. Nous ne remettons pas en question cet aspect des centres médiatisés, dans ce cadre précis.

En revanche, cet accueil qui est vertueux pour une famille dont les parents sont dans une situation de conflit post séparation ne l’est PAS DU TOUT dans le cadre où il existe de la violence intra-familiale.

Les centres médiatisés apportent de la violence supplémentaire

En effet, quand le juge suspecte un danger potentiel au cours de son enquête, confronter un enfant, même une heure, au parent qu’il accuse de comportements malfaisants est très dommageable psychologiquement et également dangereux, même pour l’autre parent. Or c’est une réalité bien trop courante. Les enfants qui dénoncent un parent violent se voient contraints de revoir ce dernier dans les centres médiatisés. La situation n’est pas réglée, leur peur est toujours très présente… Pourtant on les oblige à recroiser la personne qui les a maltraités.

Jamais on obligerait une victime d’agression ou de viol à aller rencontrer son agresseur toutes les semaines. L’intérêt DE l’enfant doit primer sur le droit A l’enfant !

On le sait, un adulte violent ne peut pas être un bon parent. On aimerait bien que ce soit le cas, mais l’histoire de la violence intra-familiales prouve l’inverse. Et aucune rencontre parent/enfant en centre médiatisé ne changera cela, par magie. Seul un travail psychanalytique long et profond peut briser le cycle de la violence. Les visites imposées par la Justice ne font qu’apporter d’autres traumatismes et rajoutent à la violence déjà subie.

Les enfants ont déjà payé. Continuer de leur demander l’obéissance et le respect envers leur parent toxique, c’est de la maltraitance psychologique, juridique, de l’âgisme, de la discrimination et un manque cruel d’humanité. C’est nourrir un dogme éculé sur le besoin de maintenir un lien parent enfant à n’importe quel prix. Non. Le droit à la parentalité ne peut être supérieur à ses devoirs. Le parent violent “mériterait “ ces visites dont on ne peut pas le priver!!! Ses droits sont inaliénables, inscrits dans le marbre tandis que ses enfants n’ont pas d’échappatoire. Ils doivent subir, subir et re-subir.

Même dans les cas de violence avérée, où la justice a tranché et a mis l’autre parent sous protection, les enfants doivent encore rencontrer le parent violent. Si on protège l’autre parent, alors les enfants doivent également être protégés. Pourquoi on interdirait un parent d’approcher l’autre parent mais on l’autoriserait à voir ses enfants et maintenir son emprise ?

Neutres, vraiment ?

De plus, les centres médiatisés ne sont pas des lieux neutres. Bien au contraire, ils ont du pouvoir car ils font partie des rouages de la justice. Ils peuvent émettre un rapport destiné au Juge aux Affaires Familiales. Dans celui-ci, les médiateurs rédigeront un compte rendu détaillé du déroulement des visites, des éventuels dysfonctionnements, des améliorations constatées… Et c’est à partir de ce rapport que le juge, souvent débordé, rendra son jugement et prendra des décisions cruciales. Ils sont l’oeil du Juge et leurs propos ont un grand pouvoir d’aide à la décision.

Or les médiateurs ne sont pas assez bien formés. Ils manquent d’expertise sur les mécanismes d’emprise, de manipulation ou sur les mécanismes de contrôle coercitif. Pas de chance, c’est justement le point fort des parents violents ou incesteurs.

Nous ne comptons plus les rapports des médiateurs expliquant au juge que le parent toxique semble très gentil, très aimant alors qu’ils dénoncent le parent protecteur comme… surprotecteur. Ce dernier finit par devoir prouver son innocence, gérer ses enfants paniqués qui ne veulent pas venir, éviter de croiser l’autre parent qui les effraie tous, faire comprendre qu’il est le parent qui protège… Mission presque impossible, surtout quand on est déjà bien fragilisé, qu’on a perdu ses repères et sa confiance en soi. Et quand en face, on a des gens manipulés car pas du tout formés à l’emprise.

La France est en retard sur les bonnes pratiques pour protéger l’enfant et le parent victimes notamment dans le cadre de l’appréhension de la violence intra-familiale. Plusieurs pays européens ont ratifié la Convention d’Istanbul depuis des années. Celle-ci exige des juges de prendre en considération tout incident connu de violence domestique lors de la décision des droits de garde ou de visite ET de donner la priorité à la sécurité des victimes de violence. En Espagne, la loi de juin 2021 interdit tout droit de visite à un parent condamné pour violence. Suivons son exemple !

Nous demandons la fin des espaces neutres pour les familles au cœur de violences intrafamiliales, car en matière de protection de l’enfance, la neutralité pénalise toujours les victimes.

Il faut prendre parti et se placer du côté des victimes. Les centres médiatisés doivent devenir des espaces protecteurs, qui prennent en compte la dangerosité physique et psychologique du parent toxique. Les professionnels formés à l’emprise et au contrôle coercitif pourront annuler les visites en cas de souffrance ou d’instrumentalisation de l’enfant.

Protégeons les victimes !

Centres médiatisés, la fausse bonne idée dans le cadre de violences intra-familiales

D’autres lectures :

Visite médiatisée et psychose : une réflexion sur le cadre

Violences familiales , 5 conseils auxquels on ne pense pas souvent et qui peuvent aider

Violences familiales , 5 conseils auxquels on ne pense pas souvent et qui peuvent aider

Quand on porte plainte contre un conjoint ou un parent violent pour violences familiales et que l’on cherche à protéger son enfant, les choses ne se déroulent pas toujours comme on l’imaginait. On espère que la Justice nous aidera mais au final, on se retrouve face à des difficultés supplémentaires.

Des parents protecteurs nous ont fait part de ces quelques pistes, elles ont fonctionné pour eux mais ça ne signifie pas qu’elles seront adaptées pour tout le monde.

Ces actions ne sont donc pas des solutions miracles. Ce sont des pistes, des idées qu’on évoque car elles ont parfois aidé des victimes. Alors on se dit que, peut-être, elles pourraient en aider d’autres qui n’y songent pas.

Violences familiales , 5 conseils auxquels on ne pense pas souvent et qui peuvent aider

1 – Invoquer l’état de nécessité

Selon l’article 122-7 du Code Pénal :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Dans le cadre de violences familiale et de non représentation d’enfant, il peut être opportun d’invoquer cet article : les règles de droit habituelles paraissent parfois inadaptées à la situation, et le parent protecteur y déroge de façon impérieuse pour protéger son enfant. Quelques parents protecteurs ont été relaxés en invoquant l’état de nécessité, nous espérons que cela finira par faire jurisprudence.

2 – Faire intervenir un huissier pour chaque non représentation d’enfant

Si vous faites de la non représentation d’enfant dans le cadre de violences familiales pour protéger votre enfant d’un parent violent, ou parce que votre adolescent refuse d’aller chez l’autre parent malgré vos tentatives d’accompagnement, n’hésitez pas à faire constater par un huissier ce refus.

C’est une démarche onéreuse mais cet officier ministériel assermenté pourra témoigner de l’état de vos enfants, le refus, la peur, les tremblements, bref le fait qu’ils soient terrorisés ou simplement déterminés à ne pas aller chez son autre parent. Son témoignage fera foi juridiquement et on ne pourra moins facilement vous accuser de manipulation.

3 – Faire intervenir un huissier pour enregistrer la parole de vos enfants

De la même manière, il peut être très efficace de faire recueillir la parole de vos enfants par un constat d’huissier, afin que leurs déclarations aient une valeur incontestable juridiquement.

Vous pouvez aussi demander à ce qu’ils valident l’authenticité des différents éléments que vous apportez comme preuve : vidéos, textos, photos, dessins, audio, etc…

Nous sommes effarés du nombre de preuves dans le cadre de violences familiales confiées à la Justice qui sont « perdues »…

Homologuer les preuves permet qu’elles ne disparaissent pas mystérieusement.

4 – Soulever une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)

Il peut être très intéressant de soulever une QPC avec l’aide de votre avocat. Celle-ci consiste à contester la conformité à la Constitution d’une loi. Si la Cour de cassation transmet la QPC au Conseil constitutionnel, ce dernier devra se pencher sur la validité de la loi remise en question.

Des QPC ont déjà été soulevées concernant la non représentation d’enfant, une prochaine concernant l’enfant résistant sera soulevée en janvier. Imaginez un monde qui protègerait des violences familiales, où il serait normal de ne pas remettre un enfant à un parent dont l’enfant dénonce la violence…

Des QPC ont déjà été soulevées concernant la non représentation d’enfant.

👉 Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d’enfant

👉 Le délit de non représentation d’enfant : l’urgence d’une réforme du délit de non représentation d’enfant pour protéger l’enfant et la mère
👉 Une prochaine QPC concernant l’enfant résistant sera soulevée en janvier.

5 – Prendre un avocat pour ses enfants

Tous les mineurs en âge de discernement (à partir de 7/8 ans) peuvent bénéficier gratuitement de l’assistance d’un avocat. Cela permet qu’ils soient mieux représentés mais également, cela limite les risques d’accusations d’aliénation parentale, ou les risques de requalifier des violences intra-familiales en « conflit parental ».

Cela permet de se concentrer sur l’enfant, ce qu’il vit, ce qu’il ressent, ce qu’il souhaite.

Le choix de l’avocat est évidemment important.

Connaissez-vous le téléphone Grave Danger ?

téléphone grave danger

Ce qu’on appelle le Téléphone Grave Danger est un dispositif de protection à destination des personnes menacées par leur ancien conjoint ou compagnon — en immense majorité, presque toujours des femmes.

Concrètement, c’est un smartphone géolocalisé en permanence, équipé d’une touche spéciale qui est connectée à un organisme d’assistance à personnes en danger. Grace à un système de captation des voix, la victime n’aura pas forcément à le porter à son oreille pour être entendue.

Une bonne idée qui mériterait plus de moyens pour être réellement efficace.

Le premier téléphone du genre est apparu en 2009 mais c’est la loi de 2014 qui l’a institutionnalisé. En 2020, on comptait 1200 personnes bénéficiant de ce dispositif.

Comment obtenir un Téléphone Grave Danger ?

Seul un procureur de la République peut accorder un téléphone Grave Danger, pour une durée de 6 mois, renouvelable. Avant la loi de 2019, les conditions d’obtention étaient assez restrictives (la victime et l’auteur ne devaient pas cohabiter, ce qui excluait beaucoup de personnes + une interdiction judiciaire pour l’auteur d’entrer en contact avec la victime devait déjà avoir été obtenue).

Depuis 2019, un amendement précise qu’un téléphone peut être attribué en cas de danger avéré et imminent, même si aucune des procédures d’éloignement n’a encore abouti, ou si l’ex-conjoint est en fuite.

Cette attribution n’est toutefois pas automatique, les députés craignant qu’une attribution trop large nuise à l’efficacité du protocole de protection. Divers critères sont donc pris en compte, comme la durée et la répétition des violences dénoncées, l’ancienneté de la menace ou du harcèlement, les antécédents pénaux, le risque de réitération des faits, l’isolement de la victime, etc. Pas si simple.

Ensuite, un filtre administratif supplémentaire se rajoute… Un comité de pilotage départemental se réunit tous les 6 mois pour gérer les dossiers. C’est trop peu. Il faudrait que ces réunions aient lieu tous les 2 mois et que le nombre de téléphones disponible soit augmenté.

Le téléphone grave danger a déjà démontré qu’il pouvait être un outil précieux pour les victimes. Mais il reste trop peu attribué. Pire de réelles inégalités existent dans les différentes régions en France.

téléphone grave danger

On avance dans le bon sens toutefois.

Le gouvernement s’est donné un objectif : déployer d’ici la fin de l’année 3000 téléphones grave danger.

  • 2584 téléphones étaient déployés à la date du 30 septembre 2021, contre un peu plus de 2000 le 1er juillet.
  • 72% d’entre eux, soit 1849 téléphones, sont attribués à des victimes.

Néanmoins, en plus d’augmenter le nombre de Téléphones Grave Danger distribué, d’autres actions pourraient être mises en place en parallèle afin de soutenir l’efficacité de ce dispositif.

  • Les agresseurs devraient être équipés d’un bracelet électronique (voire chaque partie, pour plus d’efficacité). Cette précaution est peu imposée par les juges actuellement, même dans le cas d’une ordonnance de protection. Pourtant le bracelet électronique (ou bracelet anti rapprochement) a fait ses preuves en Espagne où le nombre de féminicides a significativement baissé. Idéalement, il permet de contacter à la fois l’émetteur, la victime et les forces de police.
  • Une prise en charge en amont des personnes violentes serait plus pertinente. Les besoins ne manquent pas. Comme les faire participer à des stages de sensibilisation aux conséquences pénales, relationnelles, et familiales de leurs actes. Rendre obligatoire un recours à l’analyse psychiatrique. Ou imposer un dispositif d’hébergement tiers au compagnon violent pour protéger la victime, etc…
  • Mieux former les policiers à la gestion des violences intra-familiales pour une meilleure évaluation du danger et de fait une meilleure prise en charge.
  • Rendre les fichiers des auteurs de violences conjugales plus accessibles à tous les services publics compétents.

Quelques bémols sur les téléphones Graves Dangers

Le téléphone grave danger devrait être étendu, même si il existe cependant quelques bémols dont les victimes nous ont fait part.

Détenir le téléphone grand danger représente tout à la fois un soulagement d’avoir été entendue par la justice et reconnue comme une victime en grave danger ; mais cela donne une charge mentale en plus à la victime. Celle-ci doit tout le temps surveiller son téléphone, vérifier qu’il est bien chargé, penser à le prendre en permanence avec soi, même lorsque l’on va descendre les poubelles.

Bref il faut véritablement se greffer son téléphone.

Et puis encore faut-il trouver son téléphone face à un danger, on peut perdre ses moyens.

🔸 Enfin il faut bien réaliser que c’est une surveillance en permanence de tous les déplacements, il faut d’ailleurs penser à donner son adresse sur la plateforme téléphonique à chaque fois que l’on part en déplacement (vacances dans la famille par exemple).

Du coup au lieu que ce soit le coupable qui soit tracé et suivi, c’est la victime qui est surveillée. Est-ce bien normal ?

Mais le téléphone grave danger, même si il n’est pas l’idéal, représente un moyen de protection très utile.

🔸 Selon les victimes de violences conjugales l’idéal reste le bracelet anti rapprochement, mais pour cela il faut obtenir l’accord de l’agresseur, ce qui n’est pas normal.

🔸 Précisons qu’au préalable, pour obtenir le téléphone grave danger, il y a une évaluation qui est réalisée soit par Solidarité Femmes, soit par le CIDFF, soit encore par France Victimes, selon les régions, le dispositif est remis à l’une de ces trois associations.

D’autres sources :

Dispositif d’aide aux victimes

Violentomètre un outil d’alerte

Rapport catastrophique du Haut Conseil à l’Égalité

telephone grave danger

N’abandonnons plus les enfants traumatisés par un féminicide

protocole féminicide

Ce qu’on appelle le protocole féminicide est un protocole expérimental qui a fait ses preuves et qui permet de soutenir les enfants après un féminicide. Il n’est hélas pas déployé partout en France alors qu’il devrait être généralisé, c’est urgent !

Les enfants, secondes victimes des féminicides

Lorsqu’un homme tue sa compagne souvent après des années de violences intra-familiales, il laisse parfois derrière lui des enfants abimés, désormais orphelins de maman, voire de parents quand l’homme se suicide dans la foulée. Ces victimes esseulées doivent affronter un traumatisme immense et sont en grande souffrance.
Les protéger et les prendre en charge semble une évidence mais hélas, ce n’est que très récemment qu’un protocole expérimental s’est mis en place dans le département de Seine-Saint-Denis, en 2014.

Différents protagonistes se sont mobilisés pour protéger les enfants victimes, qu’un partenariat salvateur a été initié pour la première fois dans le département de Seine-Saint-Denis, en 2014, entre :

  • le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny,
  • le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois,
  • le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis via l’Observatoire des violences envers les femmes,
  • et le service de l’aide sociale à l’enfance.

En quoi consiste ce protocole féminicide ?

Depuis, là-bas, lorsqu’un féminicide laisse des enfants désemparés et traumatisés, un protocole s’enclenche pendant les jours suivants, actif jour et nuit.

  • Le procureur de la république prend en urgence une ordonnance de placement provisoire des enfants. Ils sont alors confiés au service de l’aide sociale à l’enfance pour évaluation et hospitalisation 3 à 8 jours.
  • Une accompagnante « grand-mère » formée est présente 24/24 pour assurer une présence continue et rassurante auprès des enfants.
  • Le service de pédopsychiatrie assure également l’interface avec le tribunal, la police, les professionnels des services de protection de l’enfance, etc.

L’idée est d’aller vite pour mettre à l’abri les enfants qui ont été témoins (ou non) du féminicide. Si tout le monde se félicite que ce protocole existe dans le 93, il demeure un protocole expérimental qui peine à se déployer en France ! Seul le Rhône, depuis avril 2021 seulement, a mis en place à son tour ce protocole féminicide, 24h/24 et 7j/7.

Déployons ce protocole d’aide aux victimes de féminicide

Dans le reste du pays, à la suite d’un féminicide, c’est souvent à un proche que les enfants sont confiés, dans l’urgence, sans accompagnement spécifique. Sans surprise, les professionnels observent ensuite de grandes difficultés chez ces enfants, notamment des troubles comportementaux et anxio-dépressifs.
Sachant que dans 50% des cas, les meurtres se produisent devant les enfants, alors, face à ce traumatisme supplémentaire, une réelle prise en charge ne semble pas absurde.

La prise de conscience des répercussions des féminicides sur les enfants est encore trop lente. Pour preuve, ces derniers ne sont passés d’un statut de « témoin » à celui de « victime » qu’en 2018 !

On s’interroge. Comment ces enfants grandiront-ils ? De quelles prises en charge psychologique et financière bénéficieront ces fratries abimées pour se reconstruire ? Ceux qui sont déjà passés par ce douloureux chemin témoignent de leurs difficultés immenses régulièrement dans les médias, et pourtant rien ne bouge.


🔸 Il est urgent de déployer le protocole féminicide dans toute la France. Il ne réglera pas tout mais sera un accompagnement d’urgence salutaire. Ne laissons plus ces enfants affronter seuls des féminicides dévastateurs, bien trop violents pour une jeune vie.

protocole féminicide

Autres sources :
👉 Observatoire des violences envers les femmes
👉 Vie volée, témoignage d’enfants victimes

Livre « Mauvais père » : l’importance de la plaidoirie

Livre "Mauvais père" : l'importance de la plaidoirie de Caroline Bréhat

de Caroline Bréhat

La publication de cet extrait tiré de Mauvais Père, mon témoignage sur le faux syndrome appelé « SAP » publié par Les Arènes en 2016, vise à démontrer qu’une plaidoirie qui intègre des éléments « psy » (en présentant le fonctionnement pathologique et les mécanismes de défense propres à ces personnalités) peut aussi porter ses fruits en sensibilisant les juges à la dangerosité du parent aliénant/agresseur.

C’est en effet grâce à cette plaidoirie que la Cour d’appel de Rennes a très exceptionnellement décidé qu’il fallait protéger ma fille Gwendolyn du parent agresseur (le vrai parent aliénant) en empêchant son retour aux Etats-Unis.


Extrait de Mauvais père de Caroline Bréhat

Nous avions, après de longs débats, décidé d’un changement radical de tactique. Quand le combat est manifestement perdu, il faut changer 3 choses : le terrain, c’est ce que j’avais fait en quittant New York ; mais aussi, les règles du jeu, et les armes. Les juges aux affaires familiales détestent les accusations trop virulentes, mais nous possédions la matière pour les appuyer. Nous étions bien décidés à dessiller leurs yeux et leur démontrer que la personnalité psychotique de Julian interdisait absolument tout retour de Gwendolyn auprès de lui.

Palais des ducs de Bretagne, Rennes, 17 mars. Les trois juges d’appel, le président, et ses deux conseillers, étaient assis en face de moi sur une estrade. Derrière eux, des boiseries somptueuses représentaient des scènes du VIIème siècle. Les magistrats attendaient impassibles que tout le monde prenne place. Deux étudiantes en droit prirent place aussi silencieusement que possible dans notre dos. Les trois juges en robe de velours, capés de leurs mantilles d’hermine si solennelles, ne quittaient pas les protagonistes des yeux, ils semblaient étudier chacune de nos expressions. Le président se démarquait par sa prestance et ses traits aristocratiques. Il m’impressionnait : tremblante, sans doute recroquevillée, j’étais écrasée d’anxiété devant ce demi-dieu qui tenait ma vie et celle de Gwendolyn entre ses mains.
[..]

Je connaissais la plaidoirie de Maître Tollides par cœur. Nous avions passé des jours, des nuits à peser chaque phrase, chaque terme, chaque concept. Nous avions tiré les leçons de la première instance et, cette fois-ci, nous étions bien plus préparés, plus offensifs. Nous y avions intégré le fruit de nos analyses « psy » sur Julian : sa violence, ses projections, sa folie, sa paranoïa. Tout s’était soudain éclairci dans mon esprit, et la plaidoirie de maître Tollides avait été rédigée pour sensibiliser les juges d’appel à la dangerosité de Julian.
Tarnec écoutait l’argumentation de mon avocat, tête baissée. A ses côtés, Julian, dont le coude était posé sur le dossier de sa chaise, était fébrile. Il ne cessait de s’agiter. Maître Tollides continuait de rappeler l’historique de l’affaire. Sa voix portait et sa déclamation spontanée et élégante captait l’attention de l’audience.

Madame Bréhat a toujours eu le souhait que son enfant s’épanouisse lors des périodes passées en son domicile, mais également lors des séjours chez son père. Elle n’a toutefois pu que constater que sa fille manifestait de plus en plus de troubles lorsqu’elle devait se rendre chez M. Jones, exprimant des craintes de plus en plus fortes, ce sentiment de peur s’accompagnant notamment de crises de tremblements. L’enfant faisait part à sa mère d’épisodes de plus en plus violents à son retour. Malgré cela, Mme Bréhat a toujours respecté les termes des décisions rendues, tentant d’apaiser l’enfant, de la convaincre. Les craintes de Mme Bréhat ont redoublé lorsque la thérapeute de l’enfant lui a fait part des pensées suicidaires de Gwendolyn, provoquées par les périodes passées en compagnie de son père et de la seconde épouse de celui-ci. Lors de son séjour en France, en été, elle a décidé de suivre les conseils du docteur Richt, et de consulter une psychologue, afin d’avoir un second avis. Madame Roufignac, dont les conclusions seront également évoquées ci-dessous, a confirmé le bien fondé des craintes éprouvées par la concluante. L’experte a considéré devoir également faire immédiatement un signalement au Parquet. Rappelons que les experts, psychologues et médecins français sont soumis à un code de déontologie strict, et qu’ils peuvent être sanctionnés, professionnellement et pénalement, en cas de faux signalement ou de certificat de complaisance. M. Jones n’hésite pourtant pas à mettre systématiquement en doute les rapports et certificats produits ainsi que la compétence de leurs auteurs…

C’est ainsi que le retour de Gwendolyn a été ordonné, mais au domicile de sa mère. Cette décision ne peut être exécutée, Mme Bréhat n’ayant plus de domicile à New York. Le premier juge, lorsqu’elle évoque une « réalité souvent plus contrastée » quant au parent désigné comme seul responsable par l’autre, et inversement, s’appuie sans aucun doute sur sa longue expérience des conflits parentaux. Mme Bréhat entend pourtant démontrer que le cas d’espèce est extrêmement complexe, qu’il sort du commun et doit être jugé comme tel.
L’auditoire de maître Tollides était manifestement captivé, et Julian, que je ne cessais d’observer, semblait progressivement perdre contrôle de lui-même. Ses yeux brillants s’agitaient frénétiquement et je remarquais que les doigts de sa main droite ne cessaient de pianoter sur sa cuisse.

Monsieur Jones choisit, adopte et impose la réalité qui lui convient. Il est alors profondément convaincu et certainement très convaincant. Mais il peut en changer tout aussi rapidement et peut se montrer particulièrement irascible envers qui veut s’opposer à lui…
Tollides respira, il se tut, ferma les yeux et grimaça. Il y avait dans cette grimace de la douleur.

Irrascible envers qui s’oppose à SA vision de la réalité… notamment sa fille, hélas, qui a ce talent, malgré son jeune âge, de discerner le vrai du faux !
J’observai toujours Julian et je me demandai si je n’étais pas victime d’une hallucination. Sa mâchoire se crispait, son sourire vainqueur se muait en un rictus agressif, son œil devenait effrayant. Julian, le « surdoué », qui maîtrisait toujours tout et montrait un visage parfait devant tous les intervenants de New York, semblait prêt à exploser à tout moment. Les juges le fixaient et je crus lire du dégoût dans le regard du président. Je retins ma respiration.
Maître Tollides poursuivait sa plaidoirie. Là où Tarnec serrait et écrasait sur sa table un poing vengeur, Tollides tournait vers tous une main ouverte, bienveillante. Là où Tarnec dressait et faisait tournoyer un doigt accusateur, Tollides joignait ses paumes dans une prière humble. Tarnec, c’était Mussolini. Tollides, c’était Gandhi, Luther King, Mandela.
Soudain, les yeux de maître Tollides se firent durs.

Par ailleurs, l’argumentation de M. Jones devant la Cour laisse transparaître, en de multiples points, une violence et une haine larvée très inquiétantes. Le harcèlement judiciaire incessant, les menaces, le chantage envers le docteur Richt en sont des signes éloquents. Rappelons qu’au mépris des intérêts de l’enfant, il a cherché à suspendre le travail du docteur Richt qu’il accuse de complicité à un enlèvement d’enfant. Il a récemment poursuivi ce harcèlement par voie judiciaire puisque le docteur Richt a dû répondre à de fausses allégations devant le tribunal disciplinaire de l’Etat de New-York. Elle vient d’en être totalement blanchie faute d’accusations et d’argumentation sérieuse. Il convient de rappeler qu’un nouveau signalement a été fait par le chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital de Quimper expliquant que l’enfant a été « admise pour idées noires, pensées suicidaires » et qu’elle présentait « un état de détresse psychique important » provoquant une « crise d’angoisse avec tremblements, polypnée » Comment M. Jones peut-il négliger, comme il le fait, la douleur de son enfant ? L’enfant a déclaré au juge « j’aime un petit peu mon père, presque pas. » Elle a dit à son père depuis, lors de leur dernier contact téléphonique : « je veux bien que tu sois mon père, si tu arrêtes de mentir et de dire que je mens. » Une enfant entièrement sous l’emprise de sa mère, comme il est allégué, serait incapable d’une telle nuance. L’absence totale d’ambivalence de l’enfant aurait été le principal signe du prétendu « syndrome d’aliénation parentale » allégué par le père, et lui seul, sans pièce à l’appui. Ce n’est donc manifestement pas le cas !
Je fixai toujours Julian, de plus en plus incrédule. L’agitation nerveuse de sa jambe droite, le rictus qui déformait son visage et sa mâchoire serrée composaient un tableau de plus en plus terrifiant. Les juges ne le quittaient pas des yeux. Julian se tourna alors vers moi. Ses yeux exorbités reflétaient toute sa haine. Je frissonnai. Effarée, je me retournai vers les étudiantes assis derrière moi. Les deux jeunes filles me sourirent simultanément. Il y avait dans leur regard de la compassion.

La personnalité de M. Jones est particulièrement inquiétante. Monsieur Jones montre deux visages très différents selon les interlocuteurs et les circonstances : le tyran domestique se cache derrière une façade sociale particulièrement altruiste et pacifique de militant humaniste. Mais cette construction elle-même devient caricaturale, grossièrement mensongère, et vire même au délire prophétique : la lecture des sites mis en ligne par M. Jones pourrait faire rire en dehors du présent contexte : vous verrez par vous-mêmes, messieurs les juges. M. Jones a une vision, une mission : il va maintenant « illuminer le monde » pour l’unifier.
L’expression sur le visage de Julian me bouleversa soudain. Je la reconnus. Je m’attendais presque à ce qu’il hurle en ma direction la phrase qui m’avait alertée sur sa folie lorsque je lui avais jeté un bonnet sur l’épaule : « Tu m’as blessé ! J’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête ! » Julian dévoilait sa face sombre, celle qu’il prenait généralement bien soin de cacher et je ne pouvais m’empêcher de trembler. Je claquai des dents, conditionnée sans doute. Mais les yeux du président du tribunal, posés sur moi, reflétaient un mélange d’empathie et de pitié à mon égard. Il me croyait ! Tarnec secoua la tête faiblement, mais le cœur n’y était plus. Il semble avoir jeté les gants.

Brusquement, le discours de Tollides s’accéléra, sa voix se fit forte. Il lança l’assaut, et, soudain, les mots claquèrent, les répliques assassines fusèrent, les phrases sifflèrent, les arguments explosèrent. La violence et la peur avaient envahi la salle, palpables, incarnées. La violence de Julian, notre terreur. Le chaos de Julian. Sa folie aussi. Mes yeux s’emplirent de larmes et ma vue se brouilla.

Par ailleurs, comme on l’observe souvent dans ce type de personnalité, M. Jones prête facilement aux autres (il projette sur eux) ses sentiments les plus agressifs, ses travers les moins acceptables. On a vu ainsi qu’il attribue d’abord des troubles psychiques à Mme Bréhat. On a vu qu’il accuse Mme Bréhat d’entretenir des rapports asphyxiants, aliénants et d’emprise avec son enfant alors que c’est lui qui a une dépendance malsaine vis-à-vis de sa fille qu’il a tentée de mettre sous son emprise. On a vu qu’il a initié toutes les dernières procédures, y compris en utilisant des méthodes condamnables en France (enregistrement caché) et les fausses déclarations, mais c’est Mme Bréhat qui est pour lui « procédurière. » On a vu dans plusieurs témoignages et signalements qu’il tente régulièrement d’imposer sa réalité propre à sa fille, mais c’est Mme Bréhat qu’il accuse d’implanter des idées dans le cerveau de Gwendolyn ! On a de multiples exemples (pièces à l’appui) de ses mensonges qui deviennent un style de vie, mais c’est Mme Bréhat qui est qualifiée de « professionnelle de la manipulation. Encore une fois, M. Jones est profondément convaincu de ce qu’il avance, et donc souvent très convaincant. Mais il ne fait qu’alléguer : c’est Mme Bréhat seule qui produit des témoignages et signalements concordants des professionnels et experts qui ne peuvent être ignorés.

Le regard que lança Julian à mon avocat me stupéfia et fit frémir bruyamment les deux étudiantes en droit : son agressivité manifeste n’avait pas échappé aux trois juges, qui ne le lâchaient plus, froids, glaciaux, glaçants, eux qui voyaient devant eux, sur le visage de Julian, se dessiner la folie, la violence, le mensonge, le portrait exact qu’était en train de dresser, mot après mot, phrase après phrase, un époustouflant Tollides.
Le masque était tombé. Julian affichait désormais un rictus haineux permanent, ses yeux étaient écarquillés, perdus, paniqués. C’était maintenant lui la bête traquée. Il savait qu’il avait perdu, mais, pour une fois, il était totalement impuissant. Il ne pouvait même plus soutenir le regard des juges, et cherchait désespérément une expression rassurante, un signe de confiance chez son avocat. Or Tarnec avait posé un coude sur son pupitre, et de deux doigts, il soutenait un front devenu trop lourd, il hochait ostensiblement la tête. Le ténor des ténors semblait accablé. Je n’y croyais pas. Tout cela semblait irréel.

A la lumière de tout ceci, il n’est tout simplement pas concevable, sans avoir au moins pris la précaution d’une expertise d’envisager le simple retour de Gwendolyn au domicile paternel.
Maître Tollides était immobile. Il respira longuement, puis se retourna vers moi. Il avait l’air épuisé. Mais son visage, pourtant grave, dégageait une impressionnante sérénité. Les deux étudiantes trépignaient, elles me souriaient, elles paraissaient folles d’enthousiasme. Tout cela semblait chimérique. Se pouvait-il vraiment… ?

Les mots violents employés par Tarnec me firent soudain comprendre qu’il avait entamé sa plaidoirie. « Madame Bréhat… une manipulatrice hors pair… mère pathologique et dangereuse qui n’hésite pas à laver le cerveau de sa fille pour en découdre avec le père… » Sa voix emportée, son ton coléreux et son argumentation désordonnée, quelle contraste avec la musique, la partition jouée par maître Tollides ! J’observai Julian. C’était lui qui maintenant s’agitait sur sa chaise comme un insecte dans une toile d’araignée. Je ne savais que trop bien ce qu’il ressentait, ce besoin irrépressible de réagir ou de fuir, tout en ayant pleinement conscience que ses propres réactions resserrent inexorablement le piège, que l’on provoque sa propre perte et que la peur que l’on ressent stimule notre tortionnaire. Le plus diabolique dans cette situation, le plus pervers, c’est la lucidité de la victime. A le voir si pitoyable, j’avais presque pitié de Julian… Presque. Quel retournement ! Il me semblait que les mouches avaient changé d’âne. J’étais perdue dans mes émotions, dans un délicieux brouillard, et je n’entendais plus rien de la plaidoirie de Tarnec. J’étais déjà loin.


Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. 

Livre les mal aimées de Caroline Bréhat

Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs.

Son dernier livre s’intitule « Les mal aimées » . Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, ce sujet que cette psychanalyste maitrise si bien à titre personnel et professionnel. Vous pouvez retrouver son interview dans notre article « Rencontre avec Caroline Bréhat ».