Les dégâts collatéraux de l’affaire Outreau

Les dégâts collatéraux de l’affaire Outreau

Les dégâts collatéraux de l'affaire Outreau

Le fiasco judiciaire de l’affaire Outreau a des conséquences néfastes encore aujourd’hui sur le système judiciaire.


Rappel des faits


En 2000, à Outreau, 4 enfants confient à leur assistante maternelle que leurs parents (les Delay) leur ont fait subir des violences sexuelles. Lors de l’enquête, on se rend compte que ces enfants auraient été abusés également par des voisins et d’autres adultes car leurs parents les faisaient tourner dans des réseaux pédophiles. Leur cauchemar a duré un minimum de 4 ans. On apprend rapidement que d’autres enfants sont aussi les victimes de ce réseau.

Lors du premier procès, en 2004, les parents, les voisins (qui ont reconnu les faits) et 6 autres personnes sont condamnés. Dix-sept enfants sont partie civile et douze seront finalement considérés comme victimes, dont les quatre enfants du couple Delay.

Lors du procès en appel, en 2005, la mère innocente les 6 autres adultes (puis se rétracte). Mais surtout la parole des enfants est remise en question et apparaît désormais comme vague et contradictoire.
On parle de fausses allégations, c’est la parole des enfants contre celle de ces adultes. Au final, les six personnes condamnées en première instance sont toutes acquittées.
Au terme de l’affaire Outreau, le drame et le scandale qui secouent la France sont cette terrible tragédie : des adultes ont été accusés à tort par des enfants ! Dorénavant, la Justice retiendra qu’il faut se méfier de la parole des enfants.

Tragédie à 2 vitesses


Pourtant, dans cette histoire, ces 12 enfants ont bien été reconnus victimes de viols, d’agressions sexuelles et de corruption de mineurs par celle-ci. D’ailleurs, ils seront indemnisés à hauteur de 30 000€ chacun.
A titre de comparaison, les adultes acquittés recevront jusqu’à 1 million d’euros par personne à l’issue des négociations entre leurs avocats et la chancellerie. De nombreuses personnalités judiciaires s’excuseront devant eux, ainsi que le président Jacques Chirac.
Ils seront considérés comme les véritables victimes.
La justice a davantage dédommagé les injustices faites aux adultes que les violences sexuelles odieuses et dévastatrices faites aux victimes mineures.

« On n’a jamais menti, ça je préfère encore le dire. Beaucoup de personnes nous ont traités de menteurs, nous ont abimé la santé et nous ont rabaissé plus bas que terre.
Les choses qui ont été dites ne s’inventent pas. Les dessins et les versions qu’on donnait, il y a beaucoup de choses qui ne peuvent pas s’inventer. J’ai été reconnu victime, mais pas entendu. Pas suffisamment. Ne serait-ce que quand on compare la modique somme qu’on a touchée par rapport à ce que les acquittés ont touché, c’est invraisemblable. »

Jonathan Delay, un des enfants du couple Delay, au micro de France Inter

Des conséquences terribles

En septembre 2018, un rapport officiel montre l’évolution des condamnations des violences sexuelles entre 1994 et 2016. A la fin du second procès Outreau en 2005, la courbe des condamnations se casse. Le nombre de condamnations pour atteinte sexuelle sur mineur baisse de 23% alors que les plaintes augmentent.

Les droits des enfants en ont pâti immédiatement

Il y a un avant et un après Outreau dans le monde judiciaire. Les magistrats ont été traumatisés par ce fiasco et la condamnation populaire. Au lieu de réagir et de chercher les solutions à cette déroute et à toutes les failles révélées, c’est la sidération qui les a gagné. Eviter les vagues, plutôt que d’améliorer le système.

Tout est devenu confus et la seule croyance qui s’est installée durablement, c’est que des adultes sont accusés à tort par des enfants. Cette confusion n’est toujours pas réglée et tout cela se paye encore aujourd’hui par la défiance vis-à-vis de la parole des enfants et donc la diminution des condamnations des adultes maltraitants.


Ce retour en arrière réel et puissant des droits de l’enfant depuis l’affaire Outreau est aggravé par une autre triste réalité.

En 2003, un rapport de L’ONU indiquait que dans notre pays les violences sexuelles sont NIÉES de manière SYSTÉMIQUE ! L’enquête met en lumière une silenciation des victimes propre à la France. Les sévices sexuels contre des enfants ne sont pas plus courant en France qu’ailleurs, pourtant beaucoup de professionnels continuent de nier l’existence et l’ampleur de ce phénomène. Statistiquement, les personnes qui signalent des cas de violences peuvent davantage se voir accuser de mentir ou de manipuler les enfants.

Dans les pays alentours, les condamnations progressent. En France, elles régressent. Et depuis Outreau, c’est pire.


Il faut que cela change !


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